Lettre explosive du Premier ministre au Roi

La torpeur estivale rbatie est secouée par la note explosive remise au Roi par le Premier ministre. C’est au moins autant le ton que le contenu qui étonnent, de la plume d’un Premier ministre pétri des conventions et bonnes manières fassies. Jugez-en:

Sire,
(…) Il est évident que le climat euphorique et artificiel dans lequel les gens plus ou moins proches du régime se complaisaient cachait mal l’inquiétude persistante et le désarroi profond de chacun. Le gouvernement, l’Administration, la classe dirigeante et jusqu’à la bourgeoise la plus fortunée étaient minés par l’insatisfaction morale. Les causes de cet état d’esprit sont évidentes: la population, les cadres, l’élite vivaient pratiquement dans le vide intellectuel le plus complet sans encadrement véritable, sans mobilisation, sans explications, sans directives précises, bref chaque citoyen était à la merci de ses propres convictions nées d’une analyse personnelle des événements avec tout ce que cela peut comporter de subjectif. Depuis un certain temps, l’opinion publique était préoccupée par :

Le manque de cohésion à l’intérieur de l’appareil de l’Etat entraînant une dilution des responsabilités.
L’absence de moralité chez beaucoup d’agents du secteur public et semi-public
L’étalement d’un faste sans commune mesure avec les moyens du pays.

L’exploitation de cette situation par divers éléments dans le pays a eu pour conséquence l’instauration d’un véritable climat de malaise affectant toutes les couches de la population. Il est indéniable que l’immense majorité de la population est très attachée à la monarchie et que cet attachement a atteint la vénération pendant les années de lutte pour l’indépendance. Mais ce consensus populaire n’a pas été organisé et orienté vers les tâches nationales susceptibles de maintenir chez chaque citoyen l’esprit civique, la détermination farouche et l’exaltation nécessaire à toute œuvre profonde. Bien au contraire, on peut affirmer que la population a été consciemment ou inconsciemment «chloroformée». Si les partis politiques ont une grande part de responsabilité dans cet état de choses, dans la mesure ou leurs erreurs d’appréciation les ont éloignés du pouvoir et de SM le Roi, il est non moins certain que la relève de ces partis s’est faite sans conviction, sans doctrine et sans tactique et que le régime n’a pas cru nécessaire une mobilisation des masses et leur endoctrinement. (…)

Pourtant, la situation de notre pays est enviable, notre avenir plein de promesses, notre potentiel économique des plus intéressants et nos cadres valables. Bref nous possédons tous les atouts pour assurer un développement économique et social harmonieux.
Mais, hélas, tout ceci est gâché pour deux raisons essentielles :

1. Les formes de gouvernement ou de gestion ne sont plus en harmonie avec «l’ère de l’électronique». Tous les responsables souffrent de l’irresponsabilité de l’administration. Les conseils de gouvernements à 30 personnes ne peuvent traiter que des dossiers sans importance. Il n’existe pas d’équipe ministérielle mais une caricature de gouvernement, les clans se formant et se déformant selon les intérêts du moment.

En plus, les ministres dans leur majorité n’ont l’occasion d’approcher SM le Roi que rarement, ce qui explique souvent le noir total dans lequel ils se trouvent en ce qui concerne les véritables intentions du Souverain sur les grands dossiers; d’où les atermoiements, les complaisances, la recherche des directives par les voies parallèles et l’intervention volontaire ou involontaire de personnes proches de SM le Roi avec tout ce que cela comporte de concessions. Bref, chaque ministre navigue comme il peut dans l’espoir de se maintenir ; le sentiment d’insécurité engendre la corruption et la peur des lendemains, les exemples d’impunité finissent par avoir raison des plus intègres. Enfin un véritable pouvoir parallèle, parfois plus puissant et plus efficace que celui des responsables officiels, finit par faire sombrer ces derniers dans le néant moral et dans la lassitude.

2. La deuxième raison concerne le vide politique et idéologique dans lequel est laissée la population. Sans remonter aux origines du divorce des partis politiques avec le pouvoir, il est incontestable que la démilitisation de l’opinion publique constitue un danger grave. D’un côté, elle subit toutes les intoxications de l’opposition nationale ou internationale, d’un autre côté, elle ne trouve aucun encadrement civique ou politique; comment s’étonner alors de son abrutissement ou de son détachement ? (…)

Ce sont surtout les recommandations du Premier ministre qui choquent:

Aujourd’hui tout le monde s’interroge sur l’avenir. Quels que soient nos parts respectives de responsabilité, l’heure n’est pas aux lamentations mais au redressement. Afin de redresser cette situation, il est extrêmement urgent de repenser fondamentalement un certain nombre de problèmes. Des reconversions doivent être opérées dans un certain nombre de domaines :

1. Un chef d’Etat assumant tous les pouvoirs doit être à son bureau de travail toute la journée. C’est de cette seule manière qu’il peut connaître ses hommes et ses dossiers, donner l’exemple, forcer l’estime de l’administration, susciter l’enthousiasme, créer une mystique du travail, cultiver les vertus de son équipe.

2. N’importe quel chef d’Etat a besoin d’une équipe solide, homogène et solidaire. L’équipe gouvernementale doit être réduite à une douzaine de personnes, ayant l’audience morale, l’efficacité professionnelle nécessaires. Ses responsabilités doivent être définies clairement.

3. Les responsables de l’Etat doivent réduire leur train de vie, donner l’exemple à chaque citoyen, être impitoyables à l’égard des fonctionnaires malhonnêtes, récompenser comme il le faut les fonctionnaires loyaux et honnêtes.

4. Les circuits parallèles doivent être anéantis, les opportunistes et affairistes éloignés.

5. La Famille Royale doit éloigner d’elle tous les opportunistes qui l’exploitent, et portent atteinte à sa réputation et, par là même, à SM le Roi.

6. Les Hauts fonctionnaires doivent être choisis par leur chef hiérarchique afin que les responsabilités soient déterminées (1). Ils doivent l’être en fonction de leur loyalisme mais aussi de leur compétence.

7. L’opinion publique nationale doit être reprise en main ; pour cela elle a besoin d’être encadrée politiquement, éduquée civiquement, informée objectivement et complètement.

8. Les partis politiques doivent être mis devant leurs responsabilités.

9. Le pays doit être mobilisé autour d’idées fortes constituant les engagements idéologiques, politiques et économiques du pouvoir. Ces actions doivent s’inscrire dans un cadre politico-idéologique nouveau. Dans la mesure où une composition avec les partis politiques apparaît impossible ou lointaine, il est essentiel de trouver les moyens d’encadrer politiquement la population. Comment concilier notre option libérale avec cet encadrement politique et c’est certainement le nœud du problème; nous voulons en effet garantir les libertés et empêcher les fauteurs de troubles d’en abuser, diriger fermement le pays et laisser l’opposition s’exprimer, pratiquer une politique économique libérale et empêcher que le fossé ne se creuse entre les nantis et les pauvres. Autant notre politique étrangère a réussi à dominer des composantes contradictoires, autant notre politique intérieure reste prisonnière d’engagements opposés. Quelle que soit la solution technique sur le plan politique et gouvernemental à trouver, il est nécessaire qu’elle comble le vide politique et intellectuel dans lequel nous vivons.

Sur le plan externe, il est nécessaire de restreindre notre représentation diplomatique afin d’en faire un outil de propagande et de promotion économique au lieu de la laisser végéter dans le train-train journalier. Ce sont là, Sire, de simples idées écrites spontanément, mûries et réfléchies depuis fort longtemps, (…). Elles sont, j’en suis certain, partagées par la presque majorité des responsables conscients et par de très nombreux citoyens, et il est curieux de constater la communion de pensées qui existe actuellement au niveau de la population.

Les maux sont tellement évidents, les remèdes l’apparaissent aussi.

(…) S’il faudra au Maroc plusieurs années pour retrouver à l’extérieur son visage attrayant d’avant, tant sur le plan humain que sur les plans économiques et touristiques, peut-être suffira-t-il de quelques jours seulement pour faire reprendre aux Marocains leur confiance dans l’avenir, leur foi, leur enthousiasme pour affronter les immenses tâches qui nous attendent sous l’égide éclairée de votre Majesté.

Votre dévoué serviteur

Ebouriffant, non?

Ah, j’oubliais: cette note date du 20 juillet 1971 et émane du Premier ministre d’alors, Ahmed Laraki. Mais je suis sûr que vous ne vous êtes pas laissés abuser, n’est-ce pas, tant la situation d’alors, et les problèmes décrits dans la note, sont à des années-lumière du Maroc nouveau de 2008.

Quelques commentaires – ce n’est pas tous les jours Noël, mais il se trouve que je partage certaines interrogations de citoyen hmida:

1- La note a-t-elle bien été rédigée le 20 juillet 1971 et remise à Hassan II? J’ai réagi à l’absence de fac-similé reproduisant la note en version originale, même si je comprends que vu sa longueur, elle doive être retranscrite dans la version écrite du journal. Je ne dis pas qu’elle est imaginaire ou fausse, mais je constate que son existence n’est attestée apparemment que par le seul Ahmed Laraki. En même temps, une note de ce ton-là, est-on sûr que feu le Roi Hassan II l’aurait fait diffuser urbi et orbi? Il serait intéressant de savoir quels vérifications la Gazette du Maroc a effectué afin d’en garantir la véracité…

2- On peut se demander pourquoi la rendre publique aujourd’hui, alors que ça fait neuf ans au moins qu’elle aurait pu être publiée. Ceci étant, cet argument-là me semble faible, car on peut toujours mettre en cause la date de publication d’un tel document – trop tôt, trop tard, motivations du divulgateur, etc… Et dans le cas présent, Ahmed Laraki n’a contrairement à Abdellatif Filali ou Abdelhadi Boutaleb, qui ont également publié leurs mémoires, aucun livre à vendre, ni, vu son âge, de faveur ou de poste à espérer.

Ceci étant, je constate que certaines parties de la note, notamment la phrase « Un chef d’Etat assumant tous les pouvoirs doit être à son bureau de travail toute la journée » tombent à point dans le débat de cet été 2008 autour notamment de l’absence de tenue de conseils des ministres pendant sept mois – la note tombe à point – trop peut-être?

3- Certaines remarques de hmida paraissent également pertinentes:

Je ne suis pas expert en matière de relations protocolaires, mais je doute fort que le style utilisé dans cette note soit celui utilisé à l’époque pour s’adresser à Hassan II – même en français, par un document manuscrit, commandé par le souverain, rédigé dans l’urgence et la confidentialité la plus totale.

J’imagine mal par exemple – et je peux me tromper complètement – que ce genre de document fasse état du « REGIME » s’agissant de la monarchie.

J’imagine mal aussi – et là je ne pense pas me tromper – qu’un premier ministre s’adressant à Hassan II puisse utiliser par au moins NEUF fois le verbe « DEVOIR », même dans une note regroupant « de simples idées écrites spontanément, mûries et réfléchies depuis fort longtemps ». Notons la contradiction, mais c’est un détail !

J’imagine encore plus mal un premier ministre de l’époque préconisant à Hassan II – le lui ordonnant même – « d’être à son bureau de travail toute la journée ».

Ceci étant, on sait également que la vieille garde avait plus de courage que l’aréopage royal actuel – Guédira défendant les mutins de Skhirat devant le tribunal permanent des FAR, un Slaoui ou un Boutaleb n’hésitant pas à déplaire au Roi, tout cela tranche avec la servilité des conseillers et courtisans actuels, sur lesquels ne plane cependant aucune menace sur leur intégrité physique comme lors des années 60 et 70.

Ahmed Laraki s’en explique dans les colonnes de la Gazette du Maroc:

Le 19 juillet, dix jours à peine après le cataclysme, Moulay Ahmed Laraki lui remet une note manuscrite en mains propres. Il raconte : « Sa Majesté l’a lue deux fois et m’a demandé si quelqu’un d’autre l’avait lue. J’ai répondu par la négative. Il m’a alors demandé si j’avais gardé une copie, j’ai dit oui ». Le commentaire de Hassan II s’est arrêté là, mais le message est passé. Le Roi ne voulait pas que le contenu de cette note soit divulgué. Moulay Ahmed respectera cette volonté pendant des décennies. Même ses proches n’en ont eu connaissance qu’il y a quelques années et c’est sur leur pression et pour léguer aux jeunes générations une part de l’histoire du Maroc qu’il a accepté de la livrer à «VH magazine» et «La Gazette du Maroc» et d’en permettre la publication.

Il rajoute ceci dans l’entretien accordé à la Gazette:

Huit jours après les événements de Skhirat, Hassan II vous a demandé de faire une analyse de la situation ?
En effet, il m’a demandé de lui faire une note résumant la situation économique, sociale et politique du pays. Je la lui ai remise le 19 juillet, huit jours après. Beaucoup de personnes de son entourage estimaient que les événements de Skhirat étaient un accident de parcours ; je pensais, moi, que c’était un cataclysme. Il m’avait toujours autorisé à lui parler franchement. Il acceptait qu’on lui fasse part de critiques, même si ça ne lui faisait pas plaisir, mais pas à côté des autres. En tête à tête, il acceptait tout ! Sinon, je ne me serais pas permis d’écrire cette note-là.

4- Hmida relève une formulation qui lui paraît anachronique – «l’ère de l’électronique». Je n’en suis pas si sûr pour ma part – cette notion, électronique, recouvre notamment la radio et la télévision (2), et le mot lui-même était connu et utilisé à l’époque.

Voilà en tout cas un ancien premier ministre qui ne sera pas invité de sitôt au Palais…

(1) Comme vous le savez, à compter du rang de directeur et au-delà, tous les postes administratifs sont désignés par dahir, et les titulaires sont dès lors formellement redevables de leur situation présente et future au Roi et non à leur ministre de tutelle (Nd’IK).

(2) Cf la définition suivante:

Electronique: Domaine de la physique appliquée qui traite de l’élaboration et de l’utilisation pratique d’appareils, en général des circuits électroniques, dont le fonctionnement dépend du passage d’électrons pour la création, la transmission, la réception et le stockage des informations. Ces informations peuvent être la voix ou la musique dans le cas d’un récepteur radio, une image sur un écran de télévision, ou encore des chiffres ou d’autres données dans le cas d’un ordinateur.

« The Claimant, for reasons best known to himself, enjoyed having his bottom shaved… »

Qui a dit que le droit est ennuyant? Il est vrai que le droit des sûretés letton, un peu, peut-être, mais enfin, il est tout de même des moments où ce n’est pas si assomant que ça.

Vous connaissez mon intérêt pour le droit anglo-saxon. Voilà un jugement qui vous décevra pas.

De quoi s’agit-il? Des moeurs sexuelles de Max Mosley, président de nationalité britannique de la Fédération internationale de l’automobile (qui organise les courses de Formule 1). Un de ces tabloïds anglais qui font la honte de Fleet Street, News of the World, avait jugé bon de publier un article, avec photos à la clé (et vidéo sur son site) d’une séance de sado-masochisme de quelques heures que Max Mosley (68 ans quand même) avait eu avec cinq femmes rémunérées pour cela – il apparaîtrait que les activités sexuelles au sens conventionnel du terme étaient périphériques, illustrant ainsi l’admirable excentricité des moeurs sexuelles anglaises, qui a tant contribué aux succès du KGB

Or, une des cinq professionnelles était munie d’une caméra installée dans son soutien-gorge par News of the World – dont une équipe technique était installée dans une camionnette en bas de l’immeuble où se tenait cette aimable séance – en échange de 25.000£ – mais le crime ne payant pas, elle ne fût finalement rétribuée qu’à hauteur de 12.000£…

News of the World ne s’était pas contenté d’annoncer au monde les détails de la vie sexuelle de Max Mosley, mais avait axé la publicité donnée à cette affaire, qui fît la une du journal (« F1 boss has sick Nazi orgy with 5 hookers – Son of Hitler-loving fascist in sex shame« ) , sur les déguisements nazis des participants et un jeu de rôle autour d’une thématique « camp de concentration ». Pour ceux qui ne le sauraient pas, Max Mosley est le fils du leader fasciste britannique, Sir Oswald Mosley, chef du British Union of Fascists puis l’Union Movement, interné durant la seconde guerre mondiale pour ses connivences avec l’Allemagne nazie et Hitler, ce dernier l’ayant marié par ailleurs marié à l’aristocrate nazie Diana Mitford, membre des légendaires Mitford Sisters – l’une des soeurs se prénommait Unity Valkyrie et fût une intime de Hitler, tandis qu’une autre, Jessica, fût journaliste communiste aux Etats-Unis dans un temps où la question la plus terrifiante qu’on pouvait se voir poser était « Are you now, or have you ever been, a member of the Communist Party? » – vous voyez, quand je parlais d’excentricité, ce n’était pas une clause de style…

Max Mosley, né en 1940, fût jusqu’à l’âge de vingt ans militant de l’Union Movement de son père, avant de prendre publiquement ses distances avec l’idéologie fasciste. Comme vous vous en doutez, il attaqua en justice News of the World, invoquant la violation de sa vie privée résultant de la violation de la confiance (« breach of confidence« ) qu’il pouvait légitimement placer dans le fait que la femme indélicate garde leur session sado-masochiste confidentielle.

La High Court a déterminé sa décision sur l’allégation de nazisme autour de la séance de sado-masochisme litigieuse – selon Mr Justice Eady, le juge ayant tranché l’affaire, seul cet aspect là aurait mérité d’être porté à l’attention du public – encore eût-il fallu que cette allégation soit vraie. Or, examinant le film pris clandestinement par l’informatrice de News of the World, le juge n’a pu décelé d’aspect indiquant une connotation nazie – si Max Mosley, germanophone (eh oui…), parlait bien en allemand à certains moments des ébats, c’est parce qu’une des cinq femmes dont il s’était entouré l’était également.

Mais il faut ici que je vous donne un exemple de ce qu’est un jugement anglo-saxon. Je ne suis pas un admirateur inconditionnel du droit français, et encore moins des tribunaux de ce pays (à l’exception des tribunaux administratifs), et la lecture d’un jugement ou d’un arrêt français, souvent lapidaire, offre rarement des bonheurs de lecture (Stendhal affirmait lire une page du Code civil de 1804 – il est vrai admirablement rédigé – chaque soir avant de se coucher afin de trouver de l’inspiration en matière de style – il n’aurait pu écrire Le Rouge et le Noir en s’inspirant de la prose stérile et ésotérique de la Cour de Cassation…). Rien de tel au Royaume-Uni. Il faudra donc une cinquantaine de pages pour Mr Justice Eady pour accueillir l’action de Max Mosley et lui accorder 60.000£ de dommages-intérêts.

Et ça nous permet ainsi de lire ceci (point 53 du jugement):

Mr Thurlbeck also relied upon the fact that the Claimant was « shaved ». Concentration camp inmates were also shaved. Yet, as Mr Price pointed out, they had their heads shaved. The Claimant, for reasons best known to himself, enjoyed having his bottom shaved – apparently for its own sake rather than because of any supposed Nazi connotation. He explained to me that while this service was being performed he was (no doubt unwisely) « shaking with laughter ». I naturally could not check from the DVD, as it was not his face that was on display.

Traduction libre:

Mr Thurlbeck (1) s’appuyait également sur le fait que le demandeur (2) était rasé. Le demandeur, pour des raisons connues de lui seul, aime se faire raser le derrière – apparemment sans lien avec de prétendues connotations nazies. Il m’a explique que pendant que ce service était presté, « il était secoué » – sans doute imprudemment – « par une crise de fou rire ». Je ne pouvais naturellement pas vérifier sur le DVD, puisque ce n’était pas son visage qui était filmé.

So British!

(1) Le journaliste de News of the World ayant écrit les articles incriminés.

(2) Max Mosley.

Le divorce de Paul Mc Cartney – un peu de voyeurisme judiciaire…

L’avantage des jugements des juridictions de tradition anglo-saxonne c’est leur caractère exhaustif: là où un arrêt de la Cour de cassation française est brève (et donc obscure) comme un haïku, un jugement de la Cour suprême US ou de la House of Lords fera facilement 50 ou 100 pages. Petit exemple: le récent divorce de Paul Mc Cartney. Un jugement de la High Court (comme son nom ne l’indique pas, il s’agit d’un tribunal de première instance) du 17 mars 2008 consacre ainsi 58 pages aux détails intimes du mariage et du divorce de l’ex-couple Paul Mc Cartney et Heather Mills:

50. After the marriage the nature of their relationship changed. At paragraph 17 of his January 2007 affidavit he said:
“After our marriage, the nature of our relationship to my mind, changed significantly. I was and remain fairly old-fashioned about marriage. We decided upon a proper wedding for that reason – I did not want any suggestion that we were in any way furtive or ashamed about our marriage. I believed it was for life and that it put everything on a very different footing. I drew up a Will to include Heather which I executed on 5 June 2002. We stopped using contraception the night we were married. There was never any question of us doing so before the wedding. Heather had one miscarriage before Beatrice was conceived in the first year of our marriage. Neither of us contemplated children without marriage.”

52. In my judgment, in assessing this issue, the background is of importance. The husband’s wife, Linda, had died in 1998. Their marriage endured for some 30 years. Repeatedly in his evidence the husband described how even during his relationship with the wife in 1999 to 2002 he was grieving for Linda. I have no doubt the husband found the wife very attractive. But equally I have no doubt that he was still very emotionally tied to Linda.
53. It is not without significance that until the husband married the wife he wore the wedding ring given to him by Linda. Upon being married to the wife he removed it and it was replaced by a ring given to him by the wife.
54. The wife for her part must have felt rather swept off her feet by a man as famous as the husband. I think this may well have warped her perception leading her to indulge in make-belief. The objective facts simply do not support her case.
55. Cohabitation, moving seamlessly into and beyond marriage, normally involves in my judgment, a mutual commitment by two parties to make their lives together both in emotional and practical terms. Cohabitation is normally but not necessarily in one location. There is often a pooling of resources, both in money and property terms. Loans between cohabitants may be forgiven.

57. I do not accept the wife’s case that the property in Heather Road in Beverly Hills was purchased for her. The husband’s explanation for putting it into Mr Whalley’s name is the more credible, namely to disguise the fact that the husband had bought it. He told me that when a star buys a house in Beverley Hills it goes onto a map showing where the stars live. The husband did not want unwelcome and unwanted visits. The husband and wife, the husband accepted, did call it “Heather House” because it was in Heather Road just as they called Cavendish Avenue “Cavendish”. I saw a DVD in which the wife could be seen in the property saying that “Heather House” was “my house” in rather a jocular way (apparently without contradiction by the husband) but that was, I find, wishful thinking on her part. I find that the husband never said to her that it was her house or that he would put it in her name. He accepted that later on in the marriage that the wife said to him that she wanted it (and other of the husband’s properties) to be transferred into her name but that was at a stage when the marriage was not good.

68. The wife complains that in April 2001 or thereabouts she was offered a contract by Marks and Spencers to model bras over a 12 month period for £1m but that the husband would not allow her to undertake to do it. Her evidence was that he forbade her. The only document produced by the wife in connection with this offer is an e-mail from Jaime Brent, a creative director from Beckenham. There is nothing in it about any remuneration. The husband’s evidence was that even if such a contract for that sum was in the offing (which he doubted), nevertheless he and the wife discussed it and decided together that as they were in a relationship it was not appropriate for her to be seen modelling bras. She agreed. He also told me that if she had insisted he would not have opposed her. In my judgment the husband’s evidence is much more likely to be true.

99. I have to say that the wife’s evidence that in some way she was the husband’s “psychologist”, even allowing for hyperbole, is typical of her make-belief. I reject her evidence that she, vis-à-vis the husband, was anything more than a kind and loving person who was deeply in love with him, helped him through his grieving and like any new wife tried to integrate into their relationship the children of his former marriage. I wholly reject her account that she rekindled the husband’s professional flame and gave him back his confidence.

142. Mr Mostyn put to her that that was a fraudulent attempt to extract money from the husband.
143. In my judgment it is unnecessary to go so far as to characterise what the wife attempted as fraudulent. However, it is not an episode that does her any credit whatsoever. Either she knew or must have known that there were no loans on Thames Reach, yet she tried to suggest that there were and thereby obtain monies by underhand means.
144. Her attempts when cross-examined to suggest that she may have got in a muddle and confused this property with others, to my mind, had a hollow ring. In the light of the husband’s generosity towards her, as I have set out, I find the wife’s behaviour distinctly distasteful. In any event, as Mr Mostyn rightly submitted, it damages her overall credibility.

172. For 10 months of the near 4 year marriage the husband was touring. This entailed first class international travel, first class hotels, and internal private flights. The husband and wife went on expensive and sometimes exotic holidays. They lived well. They often flew by private jet and /or helicopter. They always flew first class if flying with a commercial airline. The wife had an allowance of £360,000 p.a. The husband paid all the major bills. But that said, their lifestyle in their homes, particularly in England, was comparatively simple. The Cabin was a very modest property. They largely stayed in and did not eat out. They enjoyed riding and yoga. There was no round the clock security. The security in Sussex was provided by the farm workers. There was no live-in staff. The parties did not spend their time on yachts or, in the memorable phrase of the celebrated economist, Prof. J.K.Galbraith, on “conspicuous consumption”. They spent time in New York and at 11, Pintail, a modest holiday home. They never visited the Scottish properties.
173. I am satisfied that the wife has expected, and unreasonably, that such a lifestyle would not only continue but was her entitlement. She did not moderate her spending after separation. I entirely accept that when a marriage breaks down, the maelstrom of a broken relationship may well envelop both spouses and make it very difficult for them to re-order their lives, particularly financial. But I have no doubt that in the wife’s mindset, there was an element that she was going to spend (in the 15 month period) in order thereby to hope to prove that a budget in excess of £3m p.a. put forward in her Form E in September 2006 was justifiable.

191. I accept that since April 2006 the wife has had a bad press. She is entitled to feel that she has been ridiculed even vilified. To some extent she is her own worst enemy. She has an explosive and volatile character. She cannot have done herself any good in the eyes of potential purchasers of her services as a TV presenter, public speaker and a model, by her outbursts in her TV interviews in October and November 2007. Nevertheless the fact is that at present she is at a disadvantage.

211. I shall now analyse the wife’s budget.
212. It is based on a number of matters. She claims for seven fully staffed properties with full-time housekeepers in the annual sum of £645,000. She claims holiday expenditure of £499,000 p.a. (including private and helicopter flights of £185,000), £125,000 p.a. for her clothes, £30,000 p.a. for equestrian activities (she no longer rides), £39,000 p.a. for wine (she does not drink alcohol), £43,000 p.a. for a driver, £20,000 p.a. for a carer, and professional fees of £190,000 p.a. All these items Mr Mostyn submits are theoretically recognised heads of expenditure but “extraordinarily exaggerated”.

249. The conduct complained of by the wife can be summarised as follows. Prior to their separation at the end of April 2006 the husband treated the wife abusively and/or violently culminating in the unhappy events of 25 April 2006 upon which, in her oral submissions, she placed great reliance. He abused alcohol and drugs. He was possessive and jealous. He failed to protect the wife from the attention of the media. He was insensitive to her disability. Furthermore, it is alleged that post separation the husband manipulated and colluded with the press against the wife and has failed to enforce confidentiality by his friends and associates. The wife blames the husband for the leaking to the media of her Answer and Cross-Petition which alleges in strong terms unreasonable behaviour by the husband against her. The husband has failed to provide her with a sufficient degree of security from the media and generally he has behaved badly.

Petit détail: le jugement, publié sur le site des tribunaux britanniques, contient cependant un avertissement contre toute publication non-autorisée préalablement par le juge, Mr Justice Bennett:

THE HONOURABLE MR JUSTICE BENNETT
This judgment is being handed down in private on 17 March 2008. It consists of 58 pages and has been signed and dated by the judge. It may not be reported unless the judge has given leave. It is a contempt of court for any person to publish the contents of this judgment without first obtaining a direction for permission to report from the judge.

La dernière partie du jugement précise:

324. During the course of the wife’s evidence Mr Mostyn asked her if she would consent to an order, subject to any leave to report being granted by the judge, prohibiting both the husband and herself and any persons acting on their behalf from publishing, disclosing, or in any way revealing without the consent of the other, the evidence, correspondence, transcripts or judgments in this case, the terms of the financial award and any marital confidences; and if consent was not forthcoming then the party seeking publication should be able to seek the permission of a Family Division Judge.
325. The wife agreed to a consent order being made in those terms.
326. I agree to make such an order. Both parties want it and in the exceptional circumstances of this case it is just and fair to make such an order. I shall also attach a penal notice to this part of my order. But I should warn each of the parties that if either of them personally or through their associates transgresses, then the consequences for committing a contempt of court may be dire. The penal notice will make that clear.
327. Mr Mostyn also suggested that I should issue a warning to the media not to publish matters covered by my order and that to do so would amount to a contempt of court. I am confident that the media realise that both the Children Act and the ancillary relief proceedings have been conducted in private in accordance with the relevant rules of court and are confidential. I am also confident that the media will respect the privacy and confidentiality of both sets of proceedings. Beyond that nothing more needs to be said.

Vous voyez, blogguer est une occupation dangereuse…

« Monsieur le Président, ce n’est pas de ma faute si vous n’avez pas eu d’avancement! »

Une vraie perle – j’espère, rien que pour cette répartie, que l’accusé a été relaxé:

Au tribunal de Paris, l’ancienneté est une arme à double tranchant
Par Laure Heinich-Luijer | avocate | 29/07/2008 | 12H33
La 23e Chambre du tribunal correctionnel de Paris juge les affaires dites de comparutions immédiates.

Le président s’énerve à la lecture du casier judiciaire d’un des prévenus qui comparait devant lui :

« Monsieur, cela fait dix ans que je vous vois comparaître devant moi, j’en ai assez, votre casier judicaire est long comme le bras. »

Et le prévenu de lui répondre : « Monsieur le Président, ce n’est pas de ma faute si vous n’avez pas eu d’avancement! »

L’histoire ne dit pas qui est le plus fort mais on sait qui est le plus drôle…

Le Maroc exporte de l’eau en Europe

C’est littéralement vrai, en tenant compte tant de l’exportation des agrumes que du tourisme:

Le tourisme exerce une pression croissante sur les ressources en eau des pays méditerranéens
LE MONDE | 25.07.08 | 15h42 • Mis à jour le 25.07.08 | 15h42
En temps normal, environ 150 millions de personnes vivent sur le littoral méditerranéen. En juillet et août, la population explose : quelque 250 millions de visiteurs convergent sur les côtes, faisant de la Méditerranée la première région touristique au monde. Cet afflux constitue une source de revenus indispensable pour les pays concernés, mais exerce une pression de plus en plus forte sur l’environnement, au point qu’écologistes, experts et élus s’en alarment. La surexploitation des ressources en eau les inquiète particulièrement.

Une ressource mal répartie

Malte, la Libye, les territoires palestiniens, Israël, l’Algérie et la Tunisie sont en situation de pénurie, avec moins de 500 m3 d’eau par an et par habitant.

Le Maroc, l’Egypte, Chypre et la Syrie sont considérés comme pauvres en eau, avec une ressource comprise entre 500 et 1 000 m3/an/habitant.

Les autres pays du bassin disposent de plus de 1 000 m3/an/habitant et sont considérés comme riches en eau, ce qui n’exclut pas des tensions localisées dans le temps et l’espace.

De 1995 à 2004, certains pays ont connu des taux de croissance annuels du tourisme très élevés, comme la Croatie (+ 20 % par an), la Syrie (+ 15,7 %), l’Egypte (+ 11,7 %), l’Algérie et la Turquie (+ 10 %). Selon les projections effectuées par le Plan Bleu, organisation dépendante du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) chargée de la Méditerranée, la fréquentation touristique de la région pourrait atteindre 637 millions de personnes en 2025. Pour Paolo Lombardi, directeur du bureau méditerranéen de l’organisation écologiste WWF, le tourisme sera dans les années à venir « le principal facteur de dégradation écologique des côtes méditerranéennes ».

Une première conséquence saute déjà aux yeux des visiteurs: 42 % du littoral sont bétonnés. Hôtels, résidences secondaires, commerces et infrastructures se concentrent sur la bande côtière, détruisant des écosystèmes particulièrement riches. Les embouteillages génèrent pollution atmosphérique et gaz à effet de serre. Les ressources halieutiques, trop sollicitées, souffrent. Les déchets, abondants, finissent la plupart du temps en mer.

Les touristes arrivent en été, au moment où l’eau se fait rare, dans des pays où la ressource est déjà limitée. « La concentration des visites, à la fois dans le temps et dans l’espace, aggrave les situations existantes », relève Pierre Icard, du Plan Bleu. Chaque touriste consomme environ 300 litres d’eau par jour, soit le double des populations locales (jusqu’à 880 litres pour le tourisme de luxe). Le remplissage des piscines, l’arrosage des golfs et des espaces verts réclament également beaucoup d’eau.

Dans les Cyclades, en Grèce, la consommation d’eau estivale est de cinq à dix fois plus élevée qu’en hiver. Cette demande, ajoutée à la consommation locale, conduit à une surexploitation des nappes souterraines qui entraîne une salinisation croissante des eaux douces. L’afflux de population contribue également à la pollution de celles-ci, les eaux usées étant souvent rejetées sans traitement dans le milieu naturel.

L’EXEMPLE DU CLUB MED

L’augmentation conjointe de la population locale et de la fréquentation touristique à venir fait craindre des conflits d’usage. Si la demande en eau est stabilisée, voire en baisse sur une partie de la rive nord de la Méditerranée, elle devrait doubler en vingt ans en Turquie, en Syrie, en Libye, au Maroc et en Algérie. La concurrence avec le secteur agricole, principal consommateur d’eau (63 % des volumes), est redoutée. « L’Espagne ou la Tunisie doivent déjà arbitrer entre les différents usages, ce qui sera de plus en plus fréquent, explique Pierre Icard. Les gains liés au tourisme sont évidents, mais on ne calcule pas ce qu’on perd en sécurité alimentaire, par exemple. »

Certaines solutions sont déjà mises en oeuvre. La Tunisie, par exemple, qui accueille 7 millions de touristes par an, veut ramener la consommation de 560 litres par lit occupé et par jour à 300 litres. « Si nous ne maîtrisons pas la consommation, nous aurons des problèmes d’ici une quinzaine d’années », affirme Jean Mehdi Chapoutot, expert en développement touristique dans ce pays.

La modernisation des réseaux de distribution, où les fuites entraînent le gaspillage de 30 % à 40 % de l’eau, est encouragée financièrement par l’Etat. Les eaux issues de 45 des 75 stations de traitement du pays sont réutilisées pour l’arrosage des terrains de golf et des jardins ou la recharge des nappes souterraines. La réutilisation est également très développée en Egypte et en Israël, et elle a commencé à Chypre, en Syrie, à Malte, en Libye et en Espagne.

La généralisation d’appareils économiseurs d’eau pourrait permettre de diminuer de moitié la consommation, selon l’Agence européenne de l’environnement. Relever les tarifs est un autre levier. Mais cela peut conduire les hôteliers à effectuer des forages et à pomper sans contrôle dans les nappes. « Il existe plusieurs niveaux d’action possibles: les Etats, les collectivités, les entreprises, note Pierre Icard. Mais dans un contexte très concurrentiel, où l’on peut changer de destination facilement, le pouvoir des politiques publiques est assez faible. »

Pour Paolo Lombardi, du WWF, il revient aux Etats de « fixer un cadre qui permettra de mieux équilibrer les différents usages du territoire, sans oublier la biodiversité ». « Mais les entreprises ont un grand rôle à jouer ; certaines avancent », ajoute-t-il.

Le Clud Med, par exemple, dont une trentaine de villages sont implantés en Méditerranée, utilise des économiseurs d’eau, des détecteurs de fuites, et réutilise les eaux usées. Selon Agnès Weil, responsable du développement durable de l’entreprise, la sensibilisation des touristes au respect de l’environnement est importante. « C’est un travail sur le long terme : les statistiques ne vont pas bouger d’un coup, mais c’est un discours que les gens sont prêts à entendre aujourd’hui, et qui est même attendu », affirme-t-elle.

Gaëlle Dupont
Article paru dans l’édition du 26.07.08.

Pour le Maroc, l’évolution des ressources en eau est négative ces dernières années. En se basant sur les données fournies via le Plan Bleu, les ressources en eau étaient autour de 30 km3/an vers 1995/97, et de 20 km3/an vers 2005/2007 – une baisse d’un tiers en dix ans.

Une présentation d’Anne-Marie Harper, experte ayant présenté un rapport au Secrétariat d’Etat marocain à l’eau, brosse un tableau sombre:

􀂓 1960 : 2560 m3/hab./an
􀂓 Actuellement : 1000 m3/hab./an
varie du Nord au Sud de 1850 à -100
􀂓 2020 : 745 m3/hab./an

Pas de miracle: ce stress hydraulique accru et accéléré est lié au réchauffement climatique notable qui sévit au Maroc – voir par exemple ce qu’en disent Ali Agoumi et Abdelhafid Debbarh dans le chapitre intitulé « Ressources en eau et bassins versants du Maroc : 50 ans de développement (1955-2005) » du rapport officiel du bilan du cinquantenaire de l’indépendance du Maroc:

Sur la base de 1000 ans de données, on peut déduire que le phénomène de sécheresse est structurel pour le climat marocain; des cycles de sécheresses de différentes durées (1, 2, 3, 4 et 5 ans) ont été régulièrement observés. Ainsi il a été conclu que les sécheresses annuelles se présentent une fois tous les 10 ans; les sécheresses de longue durée de 5 ans ont par contre une période de retour de 360 ans.
En plus du caractère structurel de la récurrence des sécheresses, ces dernières deviennent de plus en plus sévères. (…) (p. 9)
Une étude réalisée par la direction de la météorologie nationale a permis de quantifier la différence en précipitations entre ces deux périodes. Elle a estimé que le cumul des précipitations était en baisse de plus de 30 % durant les années 1978-1996 par rapport à la période 1961-1977. (p. 10)
Les trois dernières décennies ont connu une température plus élevée en moyenne annuelle, une évaporation et une évapotranspiration plus fortes et donc des besoins en eau plus importants. Parallèlement les apports pluviométriques ont chuté : d’où une situation critique du secteur eau dans le royaume. (p. 11)
Entre 1950 et 1980, la qualité des eaux était moyenne à excellente indépendamment de l’hydraulicité. Dés 1980 la qualité des eaux s’est dégradée fortement (figure 9) et ce en relation avec les différentes pollutions auxquelles elles sont soumises : domestiques, industrielles et agricoles. (p. 14)

Le principal consommateur d’eau est l’agriculture:

La partie la plus importante des eaux mobilisées est utilisée en agriculture. Toutefois cette dominance tend à s’atténuer avec les années : En 1990 l’irrigation représentait 93 % des usages de l’eau. En 2000 le poids de l’agriculture était moins important avec 86 % seulement. On estime aujourd’hui ce pourcentage à moins de 85 %. En 2020 l’agriculture devrait représenter au niveau des usages aux environs de 76 %. Cette tendance s’explique par la diversification de l’économie nationale et l’augmentation de la demande en eau potable (Tableau 5). (p. 26)

Et certaines zones urbaines, et touristiques, sont en situation critique:

Il est à noter que durant les périodes de sécheresses généralisées, 1980-1985 et 1990-1995 le bilan hydrique était déficitaire dans pratiquement tous les bassins versants du pays.
Plusieurs nappes phréatiques ont été surexploitées durant ces deux dernières décennies en particulier celles du Souss, du Haouz, de la zone littorale Rabat-Safi, de Saiss… La baisse du niveau d’eau dans ces nappes a été continue depuis les années 70 et a atteint des niveaux critiques en 2001 (figure 18). Le problème de la salinisation des eaux souterraines, par intrusion marine, s’est déjà posé dans la zone côtière d’El Oualidia. (p. 37)

Les perspectives d’avenir sont riantes:

Cette évolution probable du climat de la région avec 1o C de réchauffement et 4 % de réduction des précipitations entre 2000 et 2020 aurait, si elle se produisait, un impact énorme et significatif sur le cycle de l’eau et aussi sur la demande en eau dans notre pays. (p. 42)
Il y a donc une convergence entre l’approche capital en eau, et une estimation plus détaillée pour affirmer que 2020, 2025 seraient des années où les besoins en eau au Maroc dépasseraient le potentiel en eaux mobilisables : le Maroc entamerait alors une autre étape de son histoire dans un contexte de pénurie d’eau. Notons que les hypothèses considérées ici n’ont en rien exagéré la situation probable en 2025. En effet, et à titre d’exemple, la dégradation de la qualité des ressources en eau et la diminution qui en résulterait au niveau du potentiel réel en eau mobilisé pouvant être utilisé par les usagers n’ont pas été prises en considération.
De plus, il a été démontré qu’en 2020 six bassins hydrauliques sur les huit bassins existants seraient déficitaires. 35 % des populations du pays disposeraient de moins de 500 m3/hab/an et connaîtraient donc une pénurie critique de l’eau. (p. 44)

A mettre en parallèle avec les récentes déclarations de l’ancien premier ministre Driss Jettou, qui dénotent un désintérêt absolu des problèmes hydrauliques et agricoles:

«Le Maroc n’a pas de problème de foncier, il a un problème de projets» (…)
«Nous ne faisions pas la fine bouche. Tous les projets, marocains ou étrangers, ont été servis pour peu qu’ils aient tenu la route» (…)
«Nous nous disions, c’est une fenêtre qui s’est ouverte, il faut l’exploiter au maximum parce qu’elle peut se refermer à tout moment» (…)
«Il est nécessaire de tirer les enseignements du débat actuel. Le système est forcément perfectible mais l’Etat ne doit en aucun cas faire marche arrière sur sa politique d’encouragement à l’investissement ou de stabilisation des prix. Les terrains n’ont de valeur que par les projets qu’ils abritent et, au Maroc, le foncier, ce n’est pas cela qui manque»

Et alors, quoi de répréhensible dans ces propos me diriez-vous? Pas mal de choses, mais du point de vue de l’eau, surtout ceci, rappelé récemment par La Vie économique:

La scène se passe le 29 novembre 2005, lors d’une réunion de la commission interministérielle des investissements. Dans l’euphorie des projets d’investissements que connaît le pays, Adil Douiri, alors ministre du tourisme, ramène dans son cartable quatre projets touristiques comprenant la construction de 7 parcours de golf dans la région de Marrakech. Alerté, Abdelkébir Zahoud, alors secrétaire d’Etat à l’eau, s’oppose aux projets.

La raison ? Marrakech accuse déjà un déficit de 60 millions de m3 par an et, d’ici 2016, sera en situation de grave pénurie. Las, Driss Jettou, Premier ministre, tranchera en faveur de l’investissement… quitte à brancher la ville ocre au Barrage d’Al Massira s’il le faut.

C’est bien beau les touristes – et les exportations d’agrumes – et les devises qu’ils rapportent à Bank al Maghrib, mais que ferons nous quand nous n’aurons plus d’eau? Et surtout les zones touristiques, qui sont paradoxalement en zones de stress hydraulique: Agadir (également zone du culture agrumicole), Marrakech, Ourzazate…

Et qui en parle?

Six mois de prison, seulement?

Il y a des coups de fouet qui se perdent:

Six mois ferme pour le mari maniaque du voile
F.Ta. (avec AFP)
Libération lundi 28 juillet 2008

«La vraie religion de monsieur, c’est le machisme.» C’est en ces termes que Julien Ecuer, substitut du procureur de la République de Marseille, a requis, vendredi, huit mois de prison, dont trois avec sursis, à l’encontre d’un homme qui avait frappé sa femme parce qu’elle avait retroussé son voile en raison de la chaleur. Le tribunal est finalement allé au-delà de ces réquisitions en infligeant à l’époux violent une peine de deux ans de prison dont six mois ferme. Il risquait un maximum de cinq ans de prison.

Jeudi après-midi, sur le parking d’une grande surface proche des plages du Prado, à Marseille. Il fait chaud. Un couple de vacanciers, résidant à Lille et marié depuis novembre 2007, va faire ses courses. La femme, une Française de 24 ans, relève son voile. «Je ne supporte pas la chaleur, a-t-elle expliqué le lendemain à la barre du tribunal. Le foulard, je l’avais, je ne cachais pas le cou mais je n’avais pas de décolleté.»

En tout cas, son mari, Ali N. un maçon de 30 ans de nationalité algérienne, ne supporte pas de voir ce cou dénudé et frappe sa femme à coups de poing, allant jusqu’à lui fracturer le nez. Un passant remarque la situation. Lorsque la femme fond en larmes après que son mari a affirmé qu’elle s’est cognée la tête contre une voiture garée à proximité, ce témoin donne l’alerte. L’homme, jugé en comparution immédiate, a été placé en détention.

A l’audience, il a demandé pardon à sa femme. Celle-ci n’a réclamé aucune indemnisation, souhaitant seulement «repartir à Lille et réfléchir». Aux policiers elle a déclaré avoir expliqué à son époux que «dans notre religion le mari n’a pas le droit de dire à sa femme de faire ce qu’elle veut». «Nous sommes dans une culture totalement différente» a pour sa part expliqué l’avocate de la jeune femme, en s’interrogeant toutefois sur l’avenir du couple car «ce n’est pas la première fois qu’elle est frappée».

Six mois, seulement? Je n’ai jamais compris pourquoi certains tribunaux allaient systématiquement se mettre très en dessous du maximum légal des peines dans des cas comme celui-ci – quelques années de prison ferme et une interdiction du territoire français m’auraient semblé plus justifiés…

La seule position cohérente: être tout autant contre l’interdiction que contre l’imposition du voile.

Site web consacré au sociologue marocain Paul Pascon


J’ai déjà cité, à quelques reprises, le célèbre sociologue marocain Paul Pascon. Je viens de découvrir, avec beaucoup de retard, l’existence d’un petit site qui lui est consacré, avec quelques liens intéressants. Créé par Jamal Hossaini-Hilali, on y trouve notamment une biographie complète.

Parmi les autres liens intéressants, un article qui lui a été consacré par Tel Quel.

Quelques trop rares articles de Paul Pascon sont disponibles sur le web. On peut citer notamment « Le commerce de la maison d’Ilîgh d’après le registre comptable de Husayn b. Hachem (Tazerwalt, 1850-1875)« . J’ai quelques textes moi-même, notamment des articles de Lamalif, et si je pouvais avoir de l’aide avec la numérisation, je serais disposé à les publier ici. Avis aux informaticiens parmi vous!

Barack Obama a enfin trouvé des musulmans avec qui il accepte d’être pris en photo

Vous vous rappelez du meeting de campagne de Barack Obama où deux filles voilées avaient été empêchées de prendre place derrière le pupitre de Barack Obama, afin d’empêcher qu’elles apparaissent sur les photos officielles du meeting. Barack Obama avait dû s’en excuser auprès des deux électrices concernées.

Je suis heureux néanmoins d’informer son important fan club marocain que Barack Obama a accepté de poser auprès de deux musulmans lors de son récent voyage au Moyen-Orient – « Obama finally found a Muslim with whom he’s willing to be photographed« , comme l’écrit la percutante chroniqueuse « libérale » (au sens étatsunien du terme) du New York Times, Maureen Dowd.

Tout d’abord, le mari de cheikha Ghania, a.k.a. « the Playstation King« , le roi Abdallah II de Jordanie, qui lui a fait montre de ses talents d’homme civilisé en le conduisant lui-même à l’aéroport.

Ensuite, Abou Mazen (tout commentaire superflu).

Ah, ça fait plaisir, non?

Dan Gillerman, ambassadeur d’Israël partant: « we are better than most of the world »


Le chef de la mission israëlienne auprès de l’ONU à New York, Dan Gillerman, est venu au terme de son mandat et est parti sous les vivats de la foule des journalistes étatsuniens et diplomates arabo-musulmans réunis pour célèbrer son départ. L’ambassadeur pakistanais a sans doute épuisé quelques paquets de kleenex, de même que l’ambassadeur palestinien:

Gillerman is considered « a man of people », of small gestures and laughs. He turned on his personal charm on quite a few ambassadors, including those representing countries which have no diplomatic relations with Israel – and even envoys of hostile countries. His first target was Pakistan’s UN Ambassador Munir Akram – a relationship which eventually led to a public foreign ministers’ meeting.

« The Pakistani ambassador was very close to (Pakistani President Pervez) Musharraf, » he recalls in a farewell Ynet interview. « Our first meetings were at shady bars and hidden hotel rooms. He was really afraid that we would be discovered. Overtime, the friendship burst out. He was at our house and we visited their house, we went out together. It turned into a real friendship.

Le Maroc – qu’il a officiellement visité en 1994 – est considéré par lui comme un pays ami (1):

He still refuses to talk about various meetings and discussions he held in the corridors of global diplomacy. He agrees to speak about the relationships he developed with his colleagues from Oman, Morocco and Qatar.

L’idée qu’il se fait de son pays est en tous points conforme à celle de l’idéologie officielle de son pays, et ira droit au coeur des autres pays concernés:

« I know I’m representing a country which is much better than most of the UN members. A country which contributed to the world, not only to itself, more than most of the others. This is why it was important for us to bring to the UN Israeli knowledge in areas like desertification and agriculture, rather than just being a delegation dealing only with the conflict issue. »

Vous savez quoi? Il a raison. Peu d’autres Etats membres de l’ONU font mieux qu’Israël, notamment dans ce secteur-là:

IN ANY CONFLICT, the death of innocent noncombatants is deplorable, and lamented by all. It is the death of children, however, that troubles us the most, for children are seen to be innocent in a way adults are not…

(1) Au même titre que l’Egypte de Moubarak et la Tunisie de Benali:

« Egypt is a victim of this attack and we have great sympathy, » he said. « Egypt is just another moderate Arab government just like Morocco, just like Tunisia, who is suffering because of its moderation at the hands of these extremists and fundamentalists who must be eradicated. »

Les crimes passionnels mieux acceptés par l’opinion générale française que par les musulmans français

C’est pas moi qui le dit, mais la zaouia islamo-gauchiste étatsunienne Gallup:

S’agissant des soi-disants crimes d’honneur (terme qui désigne le fait pour une personne d’origine musulmane de tuer sa femme ou sa fille pour des raisons liées à la vie sexuelle ou sentimentale de cette dernière – quand les mêmes faits sont commis par un Slovène ou un Finlandais d’origine luthérienne ou taoïste, il s’agit de crime passionnel), les différences sont tout aussi négligeables, et pas loin de la marge d’erreur propres aux sondages:

Et sur la peine de mort, dans chacun des pays européens interrogés par Gallup – Allemagne, Royaume-Uni et France – les musulmans interrogés sont moins nombreux que le reste de leurs concitoyens à considérer la peine de mort comme moralement acceptable:

Sans commentaire!

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