J’avais évoqué ici le jugement de la Cour fédérale du Canada ne considérant pas les Etats-Unis comme un pays sûr en matière d’asile, vers lequel des demandeurs d’asile pourraient être refoulés. J’avais aussi indiqué que le gouvernement canadien avait fait appel de ce jugement devant la Cour d’appel fédérale du Canada.
Pour simplifier beaucoup, la Cour d’appel fédérale estime, dans son arrêt, que le juge fédéral de première instance a apprécié la légalité d’une disposition de droit interne canadien mettant en oeuvre une convention bilatérale de copération avec les Etats-Unis en matière d’examen des demandes d’asile en utilisant un standard d’appréciation – « reasonableness » – trop sévère, trop intrusif. La Cour fédérale estime que le standard d’appréciation applicable était « correctness » (cf. pp. 27-28 de l’arrêt). Ce qui est déterminant cependant c’est la révérence accordée par la Cour d’appel à l’appréciation par le gouvernement canadien comme quoi les Etats-Unis sont un pays sûr au regard de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés. Pour la Cour d’appel, seule la mauvaise foi avérée du gouvernement canadien, ou le fait qu’il serait motivé par un objectif impropre, pourraient permettre au juge d’écarter l’appréciation gouvernementale canadienne selon laquelle un pays tiers, en l’occurence les Etats-Unis, sont un pays sûr aux yeux de la Convention de 1951 (point 78 de l’arrêt).
Ce n’est donc pas tant quant au fond – les Etats-Unis respectent-ils, oui ou non, leurs obligations internationales au regard de la Convention de 1951 précitée ou de la Convention de 1984 contre la torture – que la Cour fédérale d’appel canadienne se prononce, mais sur la forme – la Cour fédérale avait-elle le pouvoir de faire l’appréciation de légalité qu’elle a entrepris?
C’est donc sur une approche formelle et procédurale que le gouvernement canadien, et son allié étatsunien, se voient sauvés de l’opprobre judiciaire. Et dire que mon prof de droit et procédure pénale disait et répétait, citant von Jhering, que la forme (la procédure) était la soeur jumelle de la liberté…
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