
En Asie, paraît-il, il y aurait des chiffres fétiches et des chiffres maléfiques – et en Europe, le chiffre 13 est bien connu des superstitieux. Pour Liverpool, quatre est le chiffre de la semaine.
Il y eût tout d’abord la démolition du Real Madrid, 4-0 à Anfield Road en semaine (les buts sont ici).

Si ce ne fût pas la plus lourde défaite du Real Madrid en Coupe d’Europe (0-5 contre l’AC Milan en 1989/90), et si Liverpool avait déjà gagné 1-0 à Santiago Bernabeu, le score est là, et fût obtenu avec la manière – selon Reuters, Liverpool aurait pu en mettre le double, tandis que l’Irish Times écrit que les traditionnels maillots blancs du real étaient comme des drapeaux blancs. Rafael Benitez, entraîneur de Liverpool, a entraîné le Real, et Fernando Torres, le génial avant-centre blond de Liverpool, est issu de l’Atletico Madrid et était ravi d’avoir marqué et coulé le Real, qu’il ne porte vraiment pas dans son coeur.

La presse britannique avait relevé que Benitez, qui n’est pas expansif, avait failli sourire…
Puis il y a eu la démonstration tout à l’heure: Manchester United – Liverpool 1-4, à Old Trafford – même les derbies entre Everton et Liverpool n’atteignent le degré de ressentiment des rencontres United-Liverpool. La dernière fois que Liverpool avait marqué 4 buts à Old Trafford, Moulay Hafid était Roi du Maroc (c’était en 1910, bande d’ignares…). La dernière fois que Liverpool a fait un doublé contre United en Premier League (victoire à domicile et à l’extérieur) c’était en 2001. En plus de cent saisons de championnat anglais, United n’a perdu que neuf fois par ce score à domicile. Menés 1-0, Liverpool a non seulement remonté la pente mais joué sur la fin avec United, et aurait dû gagner par 5-1 si Gerrard n’avait manqué une occasion immanquable vers la 90eme minute. Ronaldo a marqué le but de United, et c’est la première fois qu’ils perdent un match à domicile dans lequel il a marqué. On a pu voir Nabil el Zhar, le joueur marocain de Liverpool, jouer quelques minutes sur la fin – son onzième match de championnat de la saison.
Le plus délectable dans cette victoire est le contexte récent de la rivalité United/Liverpool. Début janvier Rafa Benitez avait été cloué au pilori par la presse anglaise pour avoir critiqué Sir Alex Ferguson, le génial et caractériel entraîneur de Man United, connu pour harasser arbitres et officiels lors des matches, dans une diatribe assez soutenue. Ferguson avait ironisé sur Benitez, se demandant si ses nerfs avaient lâché – « to crack up » en anglais. Et comme par hasard, Liverpool a ensuite connu une période de matches nuls à répétition, perdant son avance en championnat et se retrouvant largement devancé maintenant. Puis, quelques jours avant le match, Wayne Rooney – entre parenthèses meilleur joueur de Man United avec Michael Carrick lors de leur déroute d’aujourd’hui – avait avoué haïr Liverpool. Il est vrai que s’il est natif de Liverpool, Wayne Rooney a supporté puis joué pour le rival local de Liverpool, Everton. Alex Ferguson a défendu son joueur, déclarant ne réfréner aucun de ses joueurs…
Mission accomplie: le dernier quart d’heure, on entendait plus que les supporters de Liverpool, qui sur la fin ont abandonné « You’ll never walk alone » pour un « Rafa’s cracking up » sardonique (c’était jusque là un chant favori des supporters de Manchester United), tandis que Steven Gerrard déclarait à la fin du match « considering the stick we’ve been taking from United fans over the years, it’s been nice to rub it in a bit » (« compte tenu des moqueries subies de la part des supporters de Manchester United pendant des années, ça fait plaisir de remuer un peu le couteau dans la plaie« )…
Ce ressentiment entre clubs est la preuve de la persistance de l’esprit de club – chose qui se perd entre joueurs aujourd’hui dans les pays où les joueurs sont majoritairement étrangers (Espagne, Angleterre, et dans une moindre mesure l’Italie) – la preuve, Fernando Torres le madrilène realophobe et Wayne Rooney le liverpudlien liverpoolophobe, réagissent car ils furent supporters avant d’être joueurs. Ces choses-là ne s’acquièrent pas avec le chèque de fin de mois, mais sont le reflet d’un enracinement local – et c’est cela qui fait la force du foot jusqu’à aujourd’hui, la capacité d’engager au-delà de la simple consommation – puisqu’il s’agit de ça – d’un spectacle. C’est ce qui fait son nerf – l’incapacité des Etatsuniens à comprendre l’esprit de rivalité au sein du foot en est la preuve, eux chez qui les clubs déménagent littéralement de ville en ville à la merci des changements de propriétaires: le Raja pourrait déménager à Laayoune et le Wydad à Ketama selon ce régime purement commercial…
Malheureusement, Liverpool semble cette saison ne se mobiliser que contre les grandes équipes, et a perdu des points de manière stupide contre des équipes de la valeur de Stoke, Wigan et Middlesbrough. Après avoir dominé le classement jusqu’au début janvier, Liverpool est désormais quatre points après United avec un match en plus, soit potentiellement sept points de retard avec neuf journées à jouer. C’est d’ailleurs structurel: depuis 1990, Liverpool n’a plus remporté de championnat, mais seulement des coupes – dont l’inoubliable finale de Ligue des Champions de 2005 – comme le rappelle l’ancien joueur Steve Mac Manaman:
« In knockout games home and away, Liverpool know how to get results but it’s sustaining that and getting them over 38 games in the Premier League where they have faltered, » he said.
Mais peu importe finalement, car la victoire finale n’est pas tout: cette semaine restera dans la légende, comme cette fameuse CAN 2004 où les supporters marocains ont (presque) oublié la défaite en finale contre la Tunisie (1-2) mais pas la victoire 3-1 contre l’Algérie, où j’ai littéralement failli m’évanouir de joie lors de l’égalisation de Chemakh aux arrêts de jeu.
Une petite anecdote: je ne peux m’empêcher de sourire à chaque fois que je vois à Rabat une certaine voiture de l’ambassade d’Algérie avec la plaque jaune diplomatique et le numéro 3-1 – une provocation de la part d’un fonctionnaire de la direction du protocole du ministère des affaires étrangères, sans doute…
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