Autopsie des élections présidentielles iraniennes, ou tous les chemins mènent à Qom

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Ma vision des élections présidentielles iraniennes a été celle d’un agnostique. Lorsque j’ai entendu le résultat officiel des élections présidentielles iraniennes du 12 juin dernier, donnant Ahmedinejad gagnant au premier tour avec 62% des voix, j’ai été surpris. Ma première réaction était cependant de reconnaître que je n’y connaissais rien et que rien ne pouvait être plus trompeur sur l’intention réelle de tout l’électorat que les impressions glanées à Téhéran par la presse internationale, dont on peut se dire que la plupart des envoyés ignorent le farsi – bref, le syndrome mon-chauffeur-pense-que bien connu des journalistes et diplomates à l’étranger. Après tout, si on se basait sur les opinions de New Yorkais pour tenter de savoir si Bush était plus populaire que Kerry en 2004, ce dernier aurait été donné vainqueur sans coup férir. Il n’est donc pas si rare de voir un électorat défier les préférences quasi-universelles du reste du monde et voter pour un candidat populaire à l’intérieur mais honni ou pas pris au sérieux à l’extérieur – Bush en 2004, Berlusconi et Netanyahu récemment.

Ma réaction n’était donc pas loin de celle de Georges Malbrunot du Figaro: « Pourquoi une telle surprise?« .

J’avais également apprécié le ton comme toujours décalé de Dedefensa dans « L’Iran et nous« :

Que faire de l’Iran? Formulons différemment la question: que faire de l’Occident? Depuis vingt ans (prenons ce terme pour rester dans la séquence), l’Occident poursuit une politique d’ingérence et de critique ouverte des autres, une politique que nous qualifions de déstructurante. Tout cela est basé sur l’affirmation arrogante, infantile et mécanique de la supériorité d’un système dont on mesure chaque jour l’infamie et l’imposture, – nous parlons du système occidental, sans aucun doute.

S’il est jugé légitime de critiquer l’élection iranienne et ses magouilles, les troubles qui en résultent et les manipulation d’Ahmadinejad, n’est-il pas alors tout aussi légitime pour les autres de critiquer fondamentalement un système qui affirme avec tant de hauteur sa supériorité et qui n’est pas capable d’attirer plus d’un tiers de ses citoyens pour renouveler le Parlement européen, dans une caricature honteuse de démocratie transnationale où les volontés populaires sont absolument ignorées? S’il est jugé légitime de critiquer l’extrémisme d’Ahmadinejad, n’est-il pas justifié pour les autres d’en faire au moins autant, nous qui avons la force en plus pour traduire nos anathèmes en actes, à l’encontre de notre politique d’un extrémisme épouvantable, avec les manipulations qui vont avec, telle qu’elle se manifeste avec zèle et constance, du Kosovo à l’Irak, des excès de la croisade anticommuniste à la bonne conscience de la croisade anti-islamiste? (Au reste, pour trancher le débat général sur nos responsabilités et notre politique radicale et encore mieux mesurer les fondements de la situation actuelle, Obama nous a récemment et opportunément rappelé que la situation en Iran est due à un enchaînement dont la source est un coup d’Etat machiné en 1953 par le couple CIA-MI5, liquidant le démocratiquement élu Mossadegh.)

Que valent ces exclamations outragées devant les conditions des régimes “démocratiques” des autres lorsqu’on conduit une politique de relations internationales suprématiste de force, d’ingérence et de menaces enfantée par un système dominant par la force, dont l’illégitimité est avérée, dont la course alimente une structure crisique qui menace la survie de l’humanité? Comme d’habitude, comme à chaque crise “des autres”, leur crise a d’abord l’effet de nous révéler à nous-mêmes. Comme d’habitude, le constat qu’il nous faudrait donc une “nouvelle pensée”, comme l’a rappelé Gorbatchev; comme d’habitude, l’observation qu’elle commencerait par la mise en cause de nous-mêmes par nous-mêmes, par simple logique de reconnaissance de la hiérarchie des responsabilités des politiques et de la responsabilité de la puissance dominante. Il n’y a évidemment rien de très original dans de tels propos. La malheureuse situation iranienne n’y change rien.

J’étais même relativement convaincu – ça n’arrive pas tous les jours – par un ex-colonel du renseignement militaire israëlien, Ephraim Kam:

Pulse: Were you surprised by the results of the Iranian elections?
Kam: There was no surprise in the election victory of Ahmadinejad. The surprise was in the far-reaching majority he received in the first round. Most assessments were that he would win because he had advantages over his opponents, specifically he is quite popular among the poor and in the rural villages and he had the support of the spiritual leader, the Revolutionary Guards, as well as religious organizations. However, there is some basis to suspect that the results were distorted because his victory is too overwhelming.

Puis j’ai lu le fameux post de Juan Cole, professeur arabophone spécialiste du chiisme en Irak, dans lequel il démontait la thèse de la victoire électorale d’Ahmedinejad, avec des arguments factuels très convaincants, notamment le score ridicule de l’azeri Mir Houssein Moussavi dans sa propre région, et de même pour l’autre candidat réformateur Mehdi Karoubi, originaire du Luristan. Cole soulignait en outre le fait que la répartition des voix est proportionnellement la même à travers le pays, alors que les précédentes élections présidentielles avaient été marqué par de très substantielles différences de répartition des voix entre candidats selon les régions (c’est d’ailleurs un phénomène assez universel: le PJD n’a pas le même nombre de voix à Tanger qu’à Dakhla, ni l’UMP à Neuilly qu’à Montreuil. Lisez le post, et vous serez convaincus.

Mais pour mon malheur j’ai ensuite lu « Ahmadinejad won. Get over it » de Flynt Leverett et Hillary Mann Leverett dans Politico, et j’ai été décontenancé:

The shock of the “Iran experts” over Friday’s results is entirely self-generated, based on their preferred assumptions and wishful thinking. (…) More fundamentally, American “Iran experts” consistently underestimated Ahmadinejad’s base of support. Polling in Iran is notoriously difficult; most polls there are less than fully professional and, hence, produce results of questionable validity. But the one poll conducted before Friday’s election by a Western organization that was transparent about its methodology — a telephone poll carried out by the Washington-based Terror-Free Tomorrow from May 11 to 20 — found Ahmadinejad running 20 points ahead of Mousavi. This poll was conducted before the televised debates in which, as noted above, Ahmadinejad was perceived to have done well while Mousavi did poorly.

Puis j’ai lu l’article « The Iranian People Speak » de deux sondeurs ayant réalisé un sondage d’opinion en Iran juste avant les élections pour la Terror Free Tomorrow:

The election results in Iran may reflect the will of the Iranian people. Many experts are claiming that the margin of victory of incumbent President Mahmoud Ahmadinejad was the result of fraud or manipulation, but our nationwide public opinion survey of Iranians three weeks before the vote showed Ahmadinejad leading by a more than 2 to 1 margin — greater than his actual apparent margin of victory in Friday’s election.

Citons un passage du sondage en question:

The current mood indicates that none of the candidates will likely pass the 50 percent threshold needed to automatically win; meaning that a second round runoff between the two highest finishers, as things stand, Mr. Ahmadinejad and Mr. Moussavi, is likely. In the 2005 Presidential elections, the leader in the first round, Hashemi Rafsanjani, lost to his runner-up, Mr. Ahmadinejad, in the second round run off—though an incumbent has never been defeated in a Presidential election since the beginning of the Islamic Republic. Inside Iran, considerable attention has been given to Mr. Moussavi’s Azeri background, emphasizing the appeal his Azeri identity may have for Azeri voters. The results of our survey indicate that only 16 percent of Azeri Iranians indicate they will vote for Mr. Moussavi. By contrast, 31 percent of the Azeris claim they will vote for Mr. Ahmadinejad.

Ahmedinejad aurait-il donc gagné pour de vrai? Non, selon la politologue Farideh Farhi, s’exprimant dans le Christian Science Monitor et qui estime que les résultats officiels sont « sortis d’un chapeau« :

Results from 39.2 million handwritten ballots came much more swiftly than in previous votes, emerging within hours. Detailed election data typically released has not been made public.

Iran’s Supreme Leader sanctioned Ahmadinejad’s victory after a day, instead of the customary three.

Ahmadinejad made a surprisingly strong showing in wealthier cities, where he is known to have less support, and in the ethnic strongholds of his rivals. Results from cities and rural areas normally vary, but this time were remarkably consistent.

Farideh Farhi of the University of Hawaii, whose decades of studying Iran has included poring over data from Iranian elections, says the result was « pulled out of a hat. »

Un sociologue iranien, Mansoor Moaddel, invité par Juan Cole, est également très critique contre ce sondage et la version officielle des résultats:

The absurdity of the government’s election engineering is that none of the candidates managed to get more than a fraction of the votes even in their hometowns. And the scarcely veiled threats by the Revolutionary Guards to swiftly stifle any attempt at a “velvet revolution,” the disconnection of the SMS network of mobile users, and the filtering of websites belonging to the reformist candidates – all seem more characteristic of a dictatorship staging a political coup than of a confident incumbent administration awaiting a mandate from the people.

Ca commence à devenir assez déroutant tout ça. L’engouement pour Moussavi à l’étranger, cet ancien dignitaire du régime islamique, serait-il le résultat de wishful thinking, comme l’écrit Abbas Barzegar dans The Guardian? On peut en être convaincu dix secondes puis on tombe sur un post relativisant le fameux sondage précité, publié dans le Washington Post – qui avait publié l’article des deux sondeurs. Et un autre post dans le même WP répercute une étude d’un universitaire, Walter R. Mebane, Jr., concluant que « the results give moderately strong support for a diagnosis that the 2009 [Iranian] election was affected by significant fraud« .

De façon intéressante, le spécialiste és sondages étatsunien Nate Silver, fondateur du site 538.com, a consacré plusieurs billets aux présidentielles iraniennes. Dans un premier post consacré aux sondages, il soulignait les grandes différences d’un sondage à un autre, avec les sondages de mai et juin donnant de 32% à 53,5% à Ahmedinejad et de 14% à 36,7% pour Moussavi:
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Dans un second post,  les incohérences des résultats étaient pointées: ainsi, le candidat réformateur Mehdi Karroubi avait obtenu 55,5% respectivement 36,7% des suffrages exprimés lors des présidentielles de 2005 dans les provinces du Lorestan (sa province natale) et du Khouzestan, alors que les résultats officiels de 2009 ne lui donnaient que 5% et 1% respectivement, et qu’Ahmedinejad le devance de manière absolument écrasante en 2009 dans toutes les provinces où Karroubi le devançait en 2005…

Dans un troisième post, Nat Silver soulignait que si les trois candidats conservateurs (dont Ahmedinejad) avaient péniblement atteint 41% des suffrages exprimés au premier tour de l’élection présidentielle de 2005, Ahmedinejad atteignait à lui seul 63% des suffrages exprimés dès le premier tour en 2009, tandis que le candidat libéral Mehdi Karroubi ne parvenait, selon les chiffres officiels de 2009, qu’à garder moins de 5% de ses électeurs de 2005 (sur 100 électeurs de Karroubi en 2005, seuls 5 auraient à nouveau voté pour lui en 2009).

Et ainsi de suite: un nouveau décompte des voix factice; un trop grand nombre de résultats commençant par 7 pour le candidat libéral Mehdi Karroubi, en violation de la loi (statistique) de Benford; le mystère de l’explosion du nombre de voix pour Ahmedinejad en zone rurale; la logique fallacieuse de l’ayatollah Ali Khameneï; la distribution des voix par bureau de vote et ses bizarreries; et une note finale sur les dissonnances statistiques et la fraude électorale.

Sans compter le rapport de Chatham House:

Working from the province by province breakdowns of the 2009 and 2005 results, released by the Iranian Ministry of Interior on the Farsi pages of their website shortly after the election, and from the 2006 census as published by the official Statistical Centre of Iran, the following observations about the official data and the debates surrounding it can be made.
· In two conservative provinces, Mazandaran and Yazd, a turnout of more than 100% was recorded.
· If Mahmoud Ahmadinejad’s victory was primarily caused by the increase in voter turnout, one would expect the data to show that the provinces with the greatest increase in voter turnout would also show the greatest ‘swing’ in support towards Ahmadinejad. This is not the case.
· In a third of all provinces, the official results would require that Ahmadinejad took not only all former conservative voters, all former centrist voters, and all new voters, but also up to 44% of former reformist voters, despite a decade of conflict between these two groups.
· In 2005, as in 2001 and 1997, conservative candidates, and Ahmadinejad in particular, were markedly unpopular in rural areas. That the countryside always votes conservative is a myth. The claim that this year Ahmadinejad swept the board in more rural provinces flies in the face of these trends.

Mais ce qui a finalement emporté ma conviction, c’est la manière dont été arrêtés –rapidement après l’annonce des résultats officiels, 500 arrestations déjà dans les cinq jours ayant suivi les élections du 12 juin, dont 19 le lendemain du scrutin (voir ce tableau), 23 journalistes et 70 professeurs d’université – de proches de Moussavi (et 5 parents d’Akbar Hachémi Rafsandjani), puis réprimés les manifestations massives des sympathisants des autres candidats à la présidentielle – 20 morts et 1032 arrestations au 1er juillet. Le comportement du pouvoir théocratique iranien, uni derrière Ahmedinejad, est comme celui d’un mari dont la femme aurait disparu sans laisser de traces. Des indices laissent penser que le mari pourrait être derrière cette disparition, mais en même temps chacun de ces indices peut être contesté, aucun n’étant finalement une preuve incontestable. Puis on apprend que le mari aurait vidé le compte bancaire de son épouse le lendemain de sa disparition, vendu les bijoux dans la semaine qui suit, puis laisser emmenager sa maîtresse un mois après. Même l’absence de preuves matérielles risquerait de ne pas amadouer un jury…

Le comportement du pouvoir iranien et de son représentant Ahmedinejad  n’est donc pas vraiment celui d’un vainqueur type d’élections libres et démocratiques : outre le caractère ridiculement prématuré de l’annonce officielle des résultats – bien avant le délai officiel de trois jours, il faut citer aussi le Guide suprême, l’ayatollah Ali Khameneï, déclarant le résultat officiel définitif avant même la décision en ce sens de l’organe compétent en matière de contrôle électoral, le Conseil des Gardiens. Cerise sur le gâteau : la déclaration du Conseil des Gardiens reconnaissant que le nombre des votants a été supérieur à celui des électeurs dans une cinquantaine de villes. Selon le Conseil, cela toucherait environ trois millions de suffrages exprimés, mais comme la marge officielle de la victoire d’Ahmedinejad est bien supérieure à trois millions, une éventuelle fraude n’aurait pu, selon le raisonnement du Conseil des Gardiens, affecter le résultat final – comme le dit Nate Silver, « Worst. Damage Control. Ever.« . Par ailleurs, sur ce point le Conseil fait valoir que la loi électorale iranienne permet aux électeurs de voter là où ils se trouvent et donc pas forcément sur le lieu où ils sont inscrits – un argument qui aurait pu être valide dans un autre contexte.

On retrouve là un raisonnement bien connu en France, puisqu’il fût suivi par le Conseil constitutionnel français dans l’affaire Tibéri (1) (cf. décision n° 97-2113 et autres du 20 février 1998):

5. Considérant que le cumul de ces faits, graves et répétés, au sein du même arrondissement, est de nature à accréditer l’existence d’une manoeuvre dans les conditions d’établissement de la liste électorale ;
6. Considérant, toutefois, qu’il résulte de l’instruction que le nombre des électeurs dont l’inscription peut être suspectée de fraude et qui ont voté au second tour du scrutin est sensiblement inférieur à l’écart des voix entre les candidats à ce tour, qui est de 2.725 voix ; que la manoeuvre en cause, aussi condamnable soit-elle, n’a pu dès lors inverser le résultat du scrutin ;

Amusant de constater que dans une république théocratique et dans une république laïque, le juge électoral parvient aux mêmes conclusions – quelque peu cyniques (« il a triché mais pas trop« ) – tous les chemins mènent à Qom…

Estimer que les élections présidentielles iraniennes ont été frauduleuses n’implique pas soutenir la hasbara anti-iranienne orchestrée par Israël et certains milieux étatsuniens: plusieurs l’ont relevé, mais la couverture médiatique et twitteresque des élections iraniennes a été parsemée de manipulations et contre-vérités: voir par exemple la compilation de douze erreurs factuelles diffusées sur Tweeter ou par médias, ou l’exagération du rôle de Twitter dans les protestations populaires contre la fraude électorale en Iran, voire même des manipulations sur Twitter. Pour certains (comme Georges Corm), il est malaisé de critiquer un régime en butte une agression militaire israëlienne en instance, et à une pression étatsunienne qui a cependant baissé depuis un an ou deux – comme si le fait d’être anti-impérialiste dispensait d’être démocrate. L’intellectuel iranien Hamid Dabashi en fait le reproche, accusant explicitement As’ad abu Khalil alias Angry Arab, qui y répond de manière assez convaincante à mon sens. Mais critiquer l’ingérence et l’agression israëlienne et étatsunienne n’implique pas d’avoir des illusions sur leurs victimes – ni Castro ni Ahmedinejad ne sont des sociaux-démocrates suédois; et en même temps, comment ne pas noter que la fraude électorale iranienne a eu un écho infiniment plus fort que les fraudes électorales tunisienne, algérienne et égyptienne (2), et le rôle stratégique de l’Iran n’explique pas tout. S’opposer à la domination étatsunienne et au sionisme n’autorise pas à manquer de lucidité sur la vraie nature de certains de ceux qui s’y opposent. Comme disait Cioran:

« On doit se ranger du côté des opprimés en toute circonstance, même quand ils ont tort, sans pourtant perdre de vue qu’ils sont pétris de la même boue que leurs oppresseurs. »

Lectures conseillées:
– rapport « Note on the presidential election in Iran, June 2009 » du statisticien électoral Walter Mebane:

Tests such as those considered in this paper can in general only identify places where there may be problems with the votes. In some places the suggestions may be extremely strong (e.g., for recent Russian elections, see Mebane and Kalinin 2009). In general the tests’ best use is for screening election results, not confirming or refuting claims of fraud. A significant finding should prompt investigations using administrative records, witness testimony and other facts to try to determine what happened. The problem with the 2009 Iranian election is that the serious questions that have been raised are unlikely to receive satisfactory answers. Transparency is utterly lacking in this case. There is little reason to believe the official results announced in that election accurately reflect the intentions of the voters who went to the polls.

– la liste – via The Guardian – des morts et détenus lors des manifestations contre la fraude électorale en Iran;
les résultats détaillés, district par district, en anglais;
– « Iran. Presidential Election 2005« , résultats détaillés, en anglais, des élections présidentielles de 2005;
– « Iran: le dessous des cartes électorales« , avec Marie Ladier-Fouladi, avec une comparaison des résultats des présidentielles de 2009 avec celles de 2005;
cartographie électorale comparée en les présidentielles de 2001 et de 2005;
– « La face cachée des législatives iraniennes de 2008« , toujours avec Marie Ladier-Fouladi, qui soulignait la fragilité de la victoire législative des conservateurs en 2008;
– « Analyse : les fondements des luttes de pouvoir en Iran« , par Muhammad Sahimi;
– « Iran : mouvement populaire et lutte de pouvoirs« , par Pepe Escobar;
– « Iran: la difficile sortie du khomeynisme« , par Fariba Adelkhah (2008);
– « Protest and Regime Resilience in Iran« , par Bijan Khajehpour (2002);
– la constitution iranienne de 1979 telle que modifiée en 1989, traduite en français par Michel Potocki;
– un schéma simplifié des relations entre les institutions politiques iraniennes;

(1) Jean Tibéri, ex-maire de Paris après l’élection à la présidence de la République française de Chirac, avait déjà bénéficié de la mansuétude du Conseil constitutionnel 22 années auparavant (décision n° 76-824 du 12 janvier 1977), dans des circonstances comparables. Pure coïncidence, bien entendu.

(2) Je n’oublie pas le Maroc – cependant, la fraude électorale au Maroc me semble, en 2007 et en 2009, être plus le fait des candidats que de l’Etat.

Mon 23 juillet 1999

J’étais au Carrefour des Livres à Casablanca, ce vendredi 23 juillet 1999, pour assister à une conférence sur la corruption au Maroc. Sion Assidon, fondateur de Transparency Maroc et Me Abderrahim Berrada parlaient, chacun à sa façon, de ce problème, dont on ne peut dire par ailleurs qu’il n’a guère reculé dix années plus tard: Sion de manière clinique, comme un médecin-légiste pratiquant l’autopsie d’un système politique nécrosé, et Abderrahim comme le tribun radical qu’il est tout autant que brillant pénaliste. Après la fin de la conférence, à laquelle avaient assisté une trentaine de personnes, je m’étais attardé pour discuter avec Marie-Louise Belarbi, hôtesse du lieu. Je m’étais vite enflammé, dénonçant non seulement le système en général mais personnalisant – dans les limites des lignes rouges – ma diatribe: « un poisson pourrit par la tête », avais-je dit, pointant l’index vers le haut dans un geste que reconnaissent les Marocains quand ils veulent désigner le véritable pouvoir sans oser le nommer ouvertement, un geste dont la similitude avec celui utilisé pour désigner la divinité est d’ailleurs parlante.

Bien sûr, je ne savais pas qu’au moment même où je disais ça, Hassan II était déjà mort. En quittant la librairie avec mon père, nous sommes rentrés directement à la maison, pour tout de suite être alertés par quelqu’un: la télévision publique ne diffuserait que des versets coraniques. Nous nous sommes doutés qu’un décès avait eu lieu, et je crois que c’est vers 18/19 heures que la confirmation officielle fût donnée sur RTM, avec retransmission quasi-immédiate de la cérémonie d’allégeance. Sous le choc, et je crois en l’absence d’Internet (je ne me rappelle plus très bien, mais je ne crois pas que nous étions connectés en 99), nous dînâmes en échangeant spéculations enfiévrées.

Habitant Mers-Sultan, non loin du rond-point éponyme et donc pas loin non plus de la place Mohammed V, il ne fallut pas longtemps – vers 22 heures je crois – pour entendre des clameurs. Bien entendu, je décidais de sortir, contre l’avis de mes parents – mon père s’était fait tabassé le 23 mars 1965, ne devant probablement sa survie qu’à la présentation d’une carte syndicale UMT barrée de deux traits rouges et verts qui avait sans doute fait croire au soldat qui le tabassait qu’il s’agissait d’un policier en civil ou autre représentant civil du makhzen. Depuis, le goût des manifestations populaires lui était passé.

Très rapidement, je vis des groupes de marcheurs reprenant chants et slogans à la mémoire du défunt Roi. La prédominance de femmes et de jeunes était frappante. Bien évidemment, pas un seul bobo en vue – l’impression la plus marquante de ces deux jours de deuil fût le deuil populaire, au sens premier du terme: le deuil des pauvres, la bourgeoisie étant absente du deuil tel que manifesté dans les lieux publics. Ceux qui étaient redevables à Hassan II du système politique et économique qui les favorise tant furent ceux dont le deuil ou l’émotion était la moins apparente. Par contre, ceux qui furent les premiers à souffrir d’un système économico-politique inique et brutal furent les plus démonstratifs dans leur affliction.

Je suivis un groupe mené par quelques femmes, de la place Mohammed V (ex-place des Nations-Unies) à la (nouvelle) place des Nations-Unies, pour continuer vers la place Oued el Makhazine et bifurquer vers le boulevard de la Gironde, le lieu de rassemblement spontané de tous ces groupes disparates semblant être l’esplanade de la Mosquée Hassan II. Je ne les suivis pas jusque là mais errais à travers le centre ville, suivant à distance les différents groupes qui marchaient. Je ne me rappelle plus à quelle heure je finis par rentrer chez mes parents, sans doute vers trois/quatre heures du matin.

Comme des dizaines de milliers d’autres Casablancais, je ne pouvais me résoudre à rester chez moi. Il me fallait sortir et participer au deuil collectif et sortir. En voiture avec mes parents, en route vers je ne sais plus où, nous fûmes bloqués, je crois au niveau d’Al Massira al khadra, par un cortège funéraire, composé comme toujours et partout à Casa ces deux jours-là par l’assortiment habituel de collégiens, diplomés-chômeurs, femmes au foyer, commerçants ambulants, gardiens de parking eet autres représentants du Maroc d’en bas. C’est à ce moment que j’ai pleuré. J’ai pleuré à un autre moment, mais c’était après les funérailles, en regardant un documentaire sur 2M je crois, avec des images du défunt du début des années 60.

Je ne sais pas au juste ce que j’ai pleuré. Je n’ai certes jamais été un républicain, mais j’ai aussi longtemps que je m’en souvienne été écœuré par la propagande du régime, ses crimes et son iniquité. J’ai toujours été allergique au Matin du Sahara, à la RTM, à Mustapha Alaoui et plus encore au libéraux prétendus qui défendaient et de=éfendent encore les crimes et iniquité du régime.

Pourquoi ai-je donc versé des larmes ? Je n’ai jamais été républicain, mais jamais royaliste (au sens littéral du terme) non plus – si je suis monarchiste, c’est que je manque d’imagination pour concevoir un autre système – républicain – pour le Maroc – à supposer qu’un système républicain soit souhaitable, ce dont je n’ai jamais réussi à me persuader en regardant vers le sud ou vers l’est – voire même vers le nord, tant les monarchies nordiques et du Benelux me paraissent plus démocratiques que les républiques latines ou d’Europe centrale. Le choix entre république et monarchie m’a toujours paru comme un faux problème, contrairement au choix entre la démocratie et l’autoritarisme.

Par atavisme familial, je n’ai jamais été un inconditionnel du régime. Mon père a toujours été sympathisant de la vraie USFP, pas le parti administratif qui s’est affublé de ce nom. Les amis marocains que j’ai connus étaient soit apolitiques soit de gauche (allant de la vraie USFP à l’extrême-gauche) soit islamistes (tendance frère musulman). N’ayant pas grandi au Maroc, je n’ai pas subi le matraquage scolaire, médiatique et symbolique sur la centralité et la sacralité du Roi. Par contre, comme souvent en diaspora, j’ai un côté nationaliste affirmé, sans doute en guise de compensation – mais c’est un nationalisme de la nation, pas du Roi.

Je n’ai aucun lien de parenté avec la famille royale. Au contraire, puisque des ancêtres portant mon nom ont eu maille à partir avec des sultans alaouites successifs, épisodes restés dans la mémoire familiale, et servant à expliquer chaque contretemps administratif ou politique connu par l’un d’entre nous, comme si des décennies et dizaines de dahirs de nomination n’avaient pas scellé une réconciliation depuis.

Je n’avais donc aucune raison particulière de pleurer, et à deux reprises en plus. Sans doute faut-il en chercher les causes dans plusieurs directions : le spectacle du lumpenproletariat casablancais faisant preuve d’une générosité étonnante (pleurer un Roi qui fît écraser dans le sang les révoltes populaires du 23 mars 1965 et du 10 juin 1981, et qui ignora superbement tout son règne durant la misère populaire), l’émotivité contagieuse, le rappel de la mort et du passage du temps (je n’avais connu aucun autre Roi du Maroc jusqu’à cette date). Mais c’est sans doute l’effet inconscient du discours médiatique, de la propagande institutionnelle et de la symbolique omniprésente de la monarchie : le Roi, présence de tous les instant et omnipotence reconnue jusque par ses opposants ; le Roi, Amir al mouminine, père de la nation – position soulignée par l’extraordinaire pratique discursive de Hassan II, et son fameux cha’ab al aziz. Surtout, c’est le sentiment du gâchis : un peuple pleurant un Roi qui l’avait ignoré et opprimé, un Roi ayant opprimé et ignoré un peuple très largement affligé à sa mort. La misère et la répression étaient-ils le résultat d’une méprise ? La seule réponse rationnelle est non, mais affectivement j’ai sans doute cédé à l’illusion.

La suite du samedi 24 juillet, je la passais dehors, à suivre les cortèges qui traversaient la vile pour se retrouver sur l’esplanade de la Mosquée Hassan II. Ca aussi, un symbole : le scandaleux rackett organisé lors de la collecte des fonds pour l’édification de la mosquée Hassan II en avait détourné les habitants de Casablanca. L’atmosphère était calme, presque bon enfant, avec les cortèges sonores s’asseyant pour se reposer, semblant fatigués mais arrivés au but, sans savoir quoi faire, ne voulant ni rentrer et ne sachant pas comment continuer. Me baladant sur le boulevard Moulay Youssef, une canette de Coca à la main, un gamin traînant derrière un cortège, assoiffé par le soleil de plomb, me demanda une gorgée, et je lui donnais ma canette.

Plus tard, je crois que c’était le dimanche matin sans en être sûr, je fus contacté par un collègue suédois – j’étais en vacances – qui se trouvait être remplaçant à Dagens Eko, l’émission d’actualités phare de Sveriges Radio, pour l’été. Il m’appela alors que je me trouvais sur l’avenue Hassan II, sous les arcades près de la place des Nations-Unies. J’acceptais de passer en direct, et il m’interrogea sur les réactions populaires, qui apparemment avaient marqué les observateurs étrangers. Pris dans l’ambiance du moment, je lui dis que le Maroc avait un régime autoritaire, mais que les réactions du peuple marocain étaient assimilables à celles des enfants d’un père brutal et violent – à sa mort, en dépit de tout, ils ressentiront souvent du chagrin, en dépit de tout. Juste au moment où j’étais interviewé, un groupe d’une vingtaine d’adolescents tentait de prendre d’assaut un bus, probablement dans l’espoir de se rendre à Rabat. Je courais après les gamins et le bus, comme plusieurs autres badauds, racontant essoufflé ce à quoi j’assistais – m’écoutant par la suite, à mon retour en Suède, cette séquence donnait l’impression d’une mini-émeute, impression totalement erronée bien évidemment.

Vinrent ensuite les funérailles : j’aurais du me déplacer à Rabat, mais je suis finalement resté à Casa, à suivre l’impressionnant cortège de dignitaires étrangers, les scènes d’hystérie collective de la foule, et la prière du mort dans son dénuement (bien que la tardivité de l’enterrement, près de 48 heures après la mort de Hassan II, n’est pas été très orthodoxe – et je me rappelle de la hâte du premier ministre d’autoriser rapidement la vente d’alcool quelques jours après les funérailles en dépit des 40 jours de deuil officiellement décrétés).

J’ai lu et entendu des commentaires sur les scènes de deuil populaire : émanant parfois d’ami ou connaissances foncièrement anti-régime, ils ne m’ont pas paru coïncider avec ce que j’avais vu lors de ces deux jours à Casablanca. Ces commentaires m’ont plutôt paru révéler l’impossibilité de reconnaître la popularité non seulement de la monarchie, mais du Roi défunt – de la même façon incrédule qu’ont de nombreuses personnes aujourd’hui à reconnaître la popularité de Berlusconi, George Bush, Sarkozy et autres satrapes, occidentaux ou orientaux.

Quelle leçon tirer de cette expérience ? La première, c’est de se méfier de la personnalisation de l’histoire et de la politique : dans le cas du Maroc, rient n’indique que le système makhzénien ait connue une mue déterminante ce 23 juillet 1999, principalement parce que cette mue relative avait commencé huit années plus tôt, avec les effets directs de la publication de « Notre ami le Roi » de Gilles Perrault : libération d’une majorité écrasante des prisonniers politiques, retour de nombreux exilés, fermeture de cet Auschwitz marocain (génocide en moins) que fut Tazmamart, libération de la famille Oufkir, puis enclenchement de la fausse alternance qui aura eu la peau de l’USFP.

Ce que nous vivons aujourd’hui est la poursuite de cette évolution : à la répression féroce des années de plomb, qui recouvrèrent presque trois décennies (1965-1991), succéda une domination généralement moins brutale que la précédente (plus d’assassinats, des répressions d’émeutes remises entre les mains de la police et non plus de l’armée, une censure préalable de la presse allégée), mais sans que les caractères fondamentaux du régime n’en soient affectés : répression violente des mouvements de protestation, fussent-ils pacifiques ; répression ciblée mais systématique de la presse indépendante ; procès politiques iniques ; législation anti-terroriste permettant les travestis de justice ; corruption endémique ; et surtout monopole institutionnel du pouvoir, dans l’absence d’autres contre-pouvoirs que la peur des émeutes, les pressions (trop rares) des bailleurs de fonds étrangers et la crainte du qu’on dira-t-on des quelques médias occidentaux s’intéressant au Maroc. Même la politique sociale – et il est indéniable que le Roi Mohammed Vi fait montre d’une fibre sociale, contrairement à son père – avait connu une inflexion dans les dernières années du règne de Hassan II, qui avait lancé dans les années 90 l’électrification tardive des campagnes et le raccordement à l’eau potable.
Si comme Abdallah Laroui on prend une perspective de long terme sur l’histoire du Maroc, l’héritage hassanien aura été de léguer un Etat fort, ayant finalement imposé le monopole de la violence à son profit (après des siècles de tentatives infructueuses, et prenant en compte que certains de nos voisins n’en sont toujours pas là), et rétabli un semblant d’intégrité territoriale. Mais en léguant cet Etat fort il aura aussi légué un système politique en phase de décomposition avancée, une société plus pauvre qu’elle ne le devrait au regard des ressources du Maroc, et une corruption érigée en institution.

Les hommes passent, les institutions demeurent.

Du grand Chomsky: « There was no beginning to the « Clash of Civilisations » so it cannot have an end »

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Comment dit-on déchirer sa race en anglais?

A déconseiller aux obamolâtres.

Q. What is your advice and recommendations for the Obama administration in relation to U.S. policy in Iraq and towards the Kurds?

A. I cannot respond. I disagree with the foundations of policy, and cannot offer advice within that framework.

C’est publié sur le site de Chomsky.

Tiens, il y a aussi ceci:

Q. « We Are Not At War With Islam », this is what Obama said during his recent visit to Turkey. Do you think, as some suggest, this new approach towards the Islamic world will be « End of the Clash of Civilisations »?

A. There was no beginning to the « Clash of Civilisations » so it cannot have an end. Simply consider the circumstances at the time when the doctrine was promulgated by Bernard Lewis and Samuel Huntington. The most populous Muslim state was Indonesia, a close US ally since 1965, when General Suharto carried out a murderous coup, killing hundreds of thousands of people and opening up the country’s rich resources to the industrial societies. He remained an honored friend though innumerable crimes at home and abroad, among them the invasion of East Timor, which came about as close to genocide as any event of the modern period. He remained « Our kind of guy, » as the Clinton administration declared in 1995, and maintained that status until he lost control and the US determined that his time was over. The most extreme fundamentalist Muslim state was Saudi Arabia, Washington’s oldest and most valued ally in the region. At the time Washington, was bringing to a bloody end its murderous wars in Central America, specifically targeting the Catholic Church. Its practitioners of « liberation theology » sought to bring the radical pacifist lessons of the Gospels to the peasant society that was suffering under the yoke of US-imposed tyrants. That was clearly unacceptable, and they became primary victims of Washington’s terrorist wars. One of the « talking points » of the famous School of the Americas is the proud boast that the US army « defeated liberation theology. » If we continue, we find familiar confrontations, but no « clash of civilizations » — a notion that was constructed at the end of the Cold War as a pretext for policies undertaken for other reasons, also familiar. Bush’s policies evoked enormous hostility in the Muslim world. Quite sensibly, Obama is trying to reduce the hostility, though there is no indication of a substantive change in policies or motives.

Hat-tip: rezo.net

Bonne nouvelle: acquittement des militants d’Annahj addimoqrati

Je vous ai parlé des sept militants d’Annahj addimoqrati arrêtés et poursuivis par les autorités judiciaires pour infraction à l’article 90 du Code électoral. Leur crime: avoir fait publiquement campagne pour le boycott des élections municipales de juin 2009. De manière assez perverse, le ministère public avait estimé que la campagne idéologique d’Annahj addimoqrati, fondée sur la dénonciation du caractère non-démocratique du régime politique marocain, constituait une manoeuvre frauduleuse incitant des électeurs à s’abstenir. Le secrétaire général d’Annahj addimoqrati, Abdallah Harif, avait d’ailleurs été au commissariat à Rabat, étant interrogé sur les raisons politiques de cette campagne, avant d’être relâché.

Voilà qu’on apprend une bonne nouvelle: le tribunal de première instance de Casablanca, devant lequel ils étaient poursuivis, les a relaxés. On n’a pas de détails sur les motifs du jugement, mais c’est Aujourd’hui Le Maroc – eh oui, le même qui m’avait évoqué deux pièces de Sartre et Pierre Desproges – qui  nous l’apprend:

Le tribunal de première instance de Aïn Sbaâ à Casablanca a acquitté, vendredi 10 juillet, les militants d’Annahj Addimocrati (Voie démocratique) poursuivis pour avoir appelé, lors de la campagne électorale, au boycott de l’opération électorale du 12 juin. Les militants acquittés du parti de Abdellah El Herrif sont au nombre de sept. Il s’agit de deux membres du secrétariat national du parti, quatre membres du conseil local et un membre du comité local du parti. Les membres de ce parti avaient reconnu, lors d’une séance du procès tenue le vendredi 3 juillet, avoir distribué, lors de la campagne électorale, des tracts incitant les citoyens à bouder les urnes.

On ne peut pas dire que cette nouvelle ait ramolli Abdallah Harif:

«le verdict prononcé à l’égard de nos camarades est normal. Nous n’avons fait qu’exprimer notre opinion politique. C’est un droit qui demeure garanti et toute poursuite dans ce sens est une violation flagrante de ce droit. En réalité, ceux qui doivent être poursuivis sont ceux qui ont déclenché la poursuite judiciaire. Ce procès est une violation des droits de l’Homme et des libertés publiques, qui normalement devraient être garanties aux formations politiques»

C’était ma rubrique plubopaysdumonde.

La famille royale jordanienne intervient en faveur d’un journaliste menacé

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Qu’on ne vienne pas me dire que les monarchies arabes ne prennent pas au sérieux leur rôle de défenseur des libertés individuelles. Le cas du Maroc étant suffisamment connu de mes lecteurs, je souhaiterais, ici et maintenant, lever mon tarbouche en l’honneur du Roi Abdallah II de Jordanie, qui a su insuffler une modération indomptable et une soif inextinguible de la liberté dans le coeur non seulement de tous ses fidèles sujets (à l’exception de quelques uns de ces fieffés Palestiniens, récemment déchus de leur nationalité jordanienne), mais surtout dans celui de sa famille. Nul n’aura échappé à la page youtube de la Reine Rania, véritable clairon de le modernité et de la tolérance qui résonne à travers tout le monde arabo-musulman, ni au choix irrévocable de la modernité symbolisé par l’attachement du Roi Abdallah II à PlayStation et aux grosses cylindrées:

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Jordanian prince to the rescue of comedian
The Times July 7, 2009

The following story might make more sense if you are first aware of the cinematic allegiances that exist within the Jordanian Royal Family. King Abdullah II, for instance, likes Transformers and once appeared in Star Trek. The best Middle Eastern diplomats probably know this. You never know when that sort of information can help you out of a tight spot.

So, we have it from an impeccable source, that during the making of Brüno!, while Sacha Baron Cohen was wandering the Middle East dressed as a gay Austrian fashion journalist, he visited Jordan and interviewed the Prime Minister.

Then the authorities found out that he was neither Austrian nor a journalist and all hell broke loose.

The Jordanian PM demanded to know why “that Zionist comedian” had been allowed into his house. Then the Royal Family intervened. Not the King, who was perhaps away at a Trekkie conference, but his half-brother. Prince Ali is a huge Ali G fan and apparently regards himself as “the real Ali G”. He defused the situation. We like to think he did this after first donning a yellow shell suit, but you can’t have everything.

On ne peut que saluer cet engagement solonnel dans la voie des réformes, de la modernité, de la tolérance, de l’acceptation de l’Autre et d’ouverture sur le monde, prédispositions qui ne peuvent que conforter la communauté internationale dans son soutien à un pays en lutte contre l’extrémisme et l’intolérance.

Bon, c’est vrai, il y a quelques petites broutilles que j’ai oublié de vous dire:

– la Jordanie est 128e au classement 2008 de la liberté d’expression de RSF;

– une ancienne députée et un rédacteur en chef ont été emprisonnés pour « diffamation des organes de l’Etat » (mars 2002);

– Amnesty International dénonce l’augmentation des poursuites judiciaires restreignant la liberté d’expression (juin 2006);

– les journalistes jordaniens sont régulièrement battus et harcelés par les forces de l’ordre (février 2007);

– les journalistes jordaniens dénoncent la nouvelle loi sur l’accès à l’information, qui rendrait quasiment impossible l’obtention d’informations gouvernementales et administratives (juin 2007);

– cinq journalistes jordaniens ont été condamnés à trois mois de prison pour outrage à magistrat et diffamation,  verdict largement décrié (mars 2008);

– les autorités imposent aux propriétaires de cybercafés de filmer et relever les identités de leurs clients (mars 2008);

le Roi Abdallah II critique les médias jordaniens les accusant d’être irresponsables, de stopper le développement du pays, de desservir le pays et de répandre rumeurs, insultes et ragots, quelques semaines après des articles de presse sur la vente douteuse de terres étatiques et l’attribution d’un contrat de service pour l’organisation d’un festival à un société française ayant organisé les festivités des 60 années d’Israël (juillet 2008); 

– le gouvernement jordanien estime le niveau de liberté de la presse en Jordanie comme étant « acceptable » (juillet 2008);

– le gouvernement tente d’imposer un « code d’honneur » aux sites jordaniens d’actualités, après avoir bloqué l’accès à des sites étrangers trop critiques envers la famille royale hachémite, comme Arab Times (août 2008);

– sous pression royale, le syndicat des journalistes jordaniens accepte d’imposer un code d’honneur aux sites d’information en ligne (septembre 2008);

– un rédacteur-en-chef est placé en détention provisoire en attendant son jugement par un tribunal militaire, où il comparaît pour « agitation confessionnelle » (octobre 2008);

– Gamal Eid, directeur exécutif de l’Arabic Network for Human Rights Information (ANHRI), est refoulé à son arrivée à l’aéroport d’Amman, pour avoir dénoncé – en 2006- le manque de liberté d’expression au royaume hachémite (décembre 2008); 

– le chef du bureau jordanien d’Al Jazeera est passé à tabac par la police lors d’une manifestation qu’il couvrait à Amman (janvier 2009);

une vingtaine d’actions pénales ont été initiées par le gouvernement jordanien contre des sites d’actualités jordaniens (mars 2009);

– 94% des journalistes jordaniens pratiquent l’auto-censure (mai 2009);

– le gouvernement jordanien ferme les bureaux de chaînes de télévision iraniennes (juillet 2009)

Hommage au 14 juillet

Twitter c’est pas mal finalement, on peut y faire du live-blogging, comme moi hier en rentrant regarder TV5 après la réception de l’ambassade de France pour le 14 juillet:

  • I care sod all about la République, but you have to give it to them; the little buggers certainly know how to throw a 14th July party
    about 14 hours ago from web
  • Apart from North Korea, how many other countries celebrate their national day by having the army marching up and down the square?
    about 14 hours ago from web
  • Am looking at some amazing amount of militaristic propaganda on TV5, on the 14 juillet, with artists in the line. Is it Honduras or France?
    about 14 hours ago from web
  • Still on TV5, Michel Drucker says « l’industrie de l’armement vise la sécurisation des personnels« …
    about 14 hours ago from web
  • Watching TV5 you begin wondering what people hold against the RTM or 2M – Moroccans have at least the makhzen to blame everything on
    about 14 hours ago from web
  • Oh no, a public breach of the 4th Geneva convention on protection of civilians on TV5 – Hélène Ségara is singing live
    about 14 hours ago from web
  • God is great, Hélène Ségara has just stopped singing…
    about 14 hours ago from web
  • On the other hand, she’s even worse when she speaks
    about 14 hours ago from web
  • Aoudou billah, now it is BHL’s Arielle Dombasle who visits French troops in Chad
    about 13 hours ago from web
  • Could TV5 please put Hélène Ségara back on? I’d even settle for a two-hours concert with Johnny
    about 13 hours ago from web
  • Arielle Dombasle in the Chad – how do you say « dame patronnesse » in English?
    about 13 hours ago from web
  • Dombasle’s hips swivel quite nicely though
    about 13 hours ago from web
  • Is Dombasle on a trip or what? I’ve seen zonked out junkies with more genuine sincerity about them…
    about 13 hours ago from web
  • God have mercy, now TV5 broadcasts French minister of defence, Hervé Morin, being interviewed by the sycophantic Michel Drucker
    about 13 hours ago from web
  • Michel Drucker calls a general « mon général »
    about 13 hours ago from web
  • Michel Drucker makes Mustapha Alaoui look and sound like Jeremy Paxman – http://bit.ly/XfIzs
    about 13 hours ago from web
  • Give me a f… break – Morin blushes like a maiden: « les soldats français sont les meilleurs du monde »
    about 13 hours ago from web
  • Now it’s bloody Dombasle’s turn: « les militaires se lèvent chaque matin pour aider leurs prochains »
    about 13 hours ago from web
  • Pass around the popcorn, now pictures of coffins of French soldiers
    about 13 hours ago from web
  • Michel Drucker and TV5 give propaganda a bad name
    about 13 hours ago from web
  • Avital Leibovitch and Mark Regev (http://tinyurl.com/lku4ux), meet Michel Drucker
    about 13 hours ago from web
  • God give me strength, Arielle Dombasle sings with half a dozen soldiers stomping on the spot just behind her
    about 13 hours ago from web
  • On the other hand, standing behind her is probably the only way to get something out of her performance
    about 13 hours ago from web
  • No f… way, now it’s Sarkozy himself who gets his own interview
    about 13 hours ago from web
  • Drucker is giving Sarkozy a metaphorical blowjob
    about 13 hours ago from web
  • not safe for work
    about 13 hours ago from web
  • keep the kids away from TV5 right now
    about 13 hours ago from web
  • oh no, now Drucker asks Sarkozy about the défilé on the Champs Elysées
    about 13 hours ago from web
  • Carla Bruni will get jealous if she watches this
    about 13 hours ago from web
  • but then does « that » count as sex?
    about 13 hours ago from web
  • oh yeah, now Drucker asks Sarkozy about the Tour de France
    about 13 hours ago from web
  • Sports columnist Alain Finkielkraut has some competition, Sarkozy comments on Lance Armstrong
    about 13 hours ago from web
  • Please spare me this: a military orchestra will now play the Marseillaise
    about 13 hours ago from web
  • Guess what they’re all standing up
    about 13 hours ago from web
  • Well, except me then
    about 13 hours ago from web
  • « qu’un sang impur abreuve nos sillons » – wasn’t there a line on that in the Horst Wessel lied?
    about 13 hours ago from web
  • the racket will soon end I hope
    about 13 hours ago from web
  • oh no, they go on with the lesser-known second paragraph
    about 13 hours ago from web
  • « amour sacré de la patrie, soutiens nos bras vengeurs »
    about 13 hours ago from web
  • nothing on the burqa though
    about 13 hours ago from web
  • gosh, this is draining me
    about 13 hours ago from web
  • please turn off the sound
    about 13 hours ago from web
  • well, that was quite something- I’ve got my fill of brainless militaristic propaganda till the soon-to-come Israeli attack on Iran, at least
    about 13 hours ago from web
  • phew, now I can turn my brain on again
    about 13 hours ago from web
  • After watching TV5, I’d like to have a taste of TV Pyongyang – are they on youtube?
    about 13 hours ago from web
  • Actually, concerning the French army media blitzkrieg on TV5 – it was initially shot by TF1, and then re-broadcasted by TV5.
    about 13 hours ago from web
  • Michel Drucker, you ruined my night
    about 13 hours ago from web
  • God please save me from French TV, I’ll take care of the swine flu
    about 12 hours ago from web
  • Précision: l’émission a été diffusée sur TF1 avant d’être rediffusée par TV5.

    Il y 14 ans, le génocide de Srebrenica

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    Un génocide oublié, en Europe mais surtout dans le monde musulman, a eu lieu à Srebrenica en Bosnie le 11 juillet 1995 – au moins 8.372 hommes, femmes et enfants furent assassinés au motif de leur islamité. Claude Imbert en a rêvé, Mladic, Karadzic et Milosevic l’ont fait. Depuis l’instauration du protectorat occidental (Représentant spécial de l’UE, OTAN, OSCE et dans une certaine mesure ONU) sur la Bosnie faisant suite aux accords de Dayton – qui ont avalisé l’épuration ethnique, la Bosnie est oubliée. D’ailleurs, le crima payant, Srebrenica fait partie de la zone d’influence serbe de Bosnie

    Srebrenica Genocide Victims Bosnian Muslim Girl Among Coffins

    Depuis l’agression illégale des Etats-Unis contre la Serbie en 1999, un phénomène courant – la sympathie avec les victimes d’une agression, étatsunienne ou autre – a poussé des personnes sinon mieux inspirées – Chomsky par exemple, et son co-auteur Edward Herman (« Manufacturing consent« ) – à minorer la responsabilité écrasante du nationalisme serbe, voire à faire dans un négationnisme tout aussi abject que celui d’un Faurisson (et de son comparse Dieudonné) s’agissant du génocide juif ou de Pierre Péan s’agissant du génocide tutsi. Herman a ainsi monté le Srebrenica Research Group, entièrement consacré à la négation du génocide de Srebrenica, à la minimisation des crimes de guerre et de la responsabilité serbes et à la diabolisation des Bosniaques. Parmi les membres de ce groupe, on trouve hélas Michael Mandel, mais surtout la négationniste la plus active s’agissant du génocide de Srebrenica et des autres crimes serbes en Bosnie et en Croatie, la journaliste Diana Johnstone. Un phénomène ressemblant a eu lieu avec les récentes élections iraniennes où de nombreux militants anti-impérialistes se sont crus obligés d’accourir au secours de la version des faits véhiculée par la dictature, à peu près aussi crédible que les communiqués post-électoraux de feu Driss Basri.

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    S’agissant de Srebrenica, le qualificatif de génocide n’est pas le fruit de l’enthousiasme de quelque éditorialiste ou bloggeur, mais le constat judicaire du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), composé de magistrats internationaux indépendants et s’étant prononcé après avoir pesé les preuves et témoignages présentés par l’accusation et la défense lors d’un débat contradictoire, mené dans le respect des droits de la défense, dans une procédure ayant connu jugement en première instance et confirmation en appel. C’était dans l’affaire Krstic, du nom d’un accusé, Radislav Krstic, général serbe de Bosnie, un des organisateurs du génocide de Srebrenica. Dans les points 1 à 38 de l’arrêt de la chambre d’appel du TPIY, les éléments constitutifs du crime de génocide sont examinés, et les juges estiment justifiée leur application à l’accusé. Le fait qu’il ne s’agisse que d’une partie du peuple bosniaque qui aie été massacrée n’est pas un obstacle – le génocide vaut pour « tout ou partie » d’un groupe ethnique ou religieux. Les points 37 et 38 de l’arrêt méritent d’être cités in extenso:

    Les conditions rigoureuses qui doivent être remplies pour que l’on puisse prononcer une déclaration de culpabilité pour génocide témoignent de la gravité de ce crime. Ces conditions – la preuve, difficile à apporter, d’une intention spécifique, et la démonstration que c’était l’ensemble du groupe, ou une partie substantielle de celui-ci, qui était voué à l’extinction – écartent le risque que des déclarations de culpabilité pour génocide soient prononcées à la légère. Cependant, lorsque ces conditions sont remplies, le droit ne doit pas répugner à désigner le crime commis par son nom. En cherchant à éliminer une partie des Musulmans de Bosnie, les forces serbes de Bosnie ont commis un génocide. Elles ont oeuvré à l’extinction des 40 000 Musulmans de Bosnie qui vivaient à Srebrenica, un groupe qui était représentatif des Musulmans de Bosnie dans leur ensemble. Elles ont dépouillé tous les hommes musulmans faits prisonniers, les soldats, les civils, les vieillards et les enfants de leurs effets personnels et de leurs papiers d’identité, et les ont tués de manière délibérée et méthodique du seul fait de leur identité. Les forces serbes de Bosnie savaient, quand elles se sont lancées dans cette entreprise génocidaire, que le mal qu’elles causaient marquerait à jamais l’ensemble des Musulmans de Bosnie. La Chambre d’appel affirme clairement que le droit condamne expressément les souffrances profondes et durables infligées, et elle donne au massacre de Srebrenica le nom qu’il mérite : un génocide. Les responsables porteront le sceau de l’infamie qui s’attache à ce crime, et les personnes qui envisageraient à l’avenir de commettre un crime aussi odieux seront dès lors mises en garde.

    En concluant que des membres de l’état-major principal de la VRS étaient animés de l’intention de détruire les Musulmans de Bosnie de Srebrenica, la Chambre de première instance n’a pas contrevenu aux exigences juridiques qui s’attachent au génocide. L’appel de la Défense sur ce point est rejeté.

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    Du point de vue du droit international public et de la justice internationale, il y aurait encore des choses à dire sur cette histoire, notamment en raison de l’arrêt de la Cour internationale de justice (CIJ) – qui n’est pas une cour pénale mais une cour compétente uniquement pour les contentieux ou demandes d’avis concernant Etats et organisations internationales -dans l’affaire Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro). Dans cet arrêt, la CIJ confirme l’analyse du TPIY sur l’application de qualification de génocide à l’extermination des habitants de Srebrenica, mais refuse de reconnaître la Serbie – à la différence de la « république serbe de Bosnie« . Outre de considérables complications procédurales, on notera que cette affaire a permis au juge marocain de la C IJ, Mohamed Bennouna, d’écrire là sa première opinion – ou déclaration plus précisement, dans laquelle il fait part – comme les autres juges musulmans de la CIJ par ailleurs – de son opinion que la Serbie (ex-République fédérale de Yougoslavie) était comptable du génocide de Srebrenica:

    En ce qui concerne le fond de cette affaire, je considère que tous les éléments étaient réunis pour que la Cour puisse conclure à la responsabilité de la RFY pour complicité avec la Republika Srpska et son armée dans le génocide commis à Srebrenica.

    Mais cela mériterait un autre post.

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    Tiens, détail intéressant: c’est sous les yeux de Casques bleus néerlandais impassibles que les Bosniaques de Srebrenica furent massacrés. Un rapport officiel néerlandais fût publié en 2002, répartissant la responsabilité entre Pays-Bas et ONU. La page officielle  – http://www.srebrenica.nl – sur laquelle ce rapport fût disponible est aujourd’hui désactivée. Et les Pays-Bas sont aujourd’hui le pays de Theo Van Gogh, Moustapha Bouyali, Geert Wilders et Ayaan Hirsi ex-Ali.

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    Je me rappellerai toujours à Stockholm, un livreur de meubles bosniaque venu me livrer, en 1996 ou 1997, un sofa acheté aux marché aux puces de Skärholmen. Je lui ai offert le café, et il m’a raconté être de Srebrenica, où il avait perdu parents et frères et soeurs dans la guerre et le génocide. Sa sobriété et sa souffrance m’ont marqué jusqu’à ce jour. Je me rappelle aussi de ce Bosniaque venu lors d’une séance de taraweh

    Hat-tip: Zenobia, qui m’a rappelé cette lugubre date anniversaire qu’est le 11 juillet.

    Que les raclures négationnistes s’abstiennent de décharger leurs déjections ici.

    Lectures conseillées:

    le site Domovina.net contient tous les principaux rapports et livres sur le génocide de Srebrenica;

    un film, montré lors d’une audience devant le TPIY dans le procès avorté contre Milosevic, montrant des exécutions sommaires commises par des miliciens serbes dépendant de la police de Serbie, les Scorpions;

    – le blog Srebrenica Genocide est tout simplement incontournable. Le blog Srebrenica Genocide 1995 contient des articles intéressants dénonçant le négationnisme.  

    le contexte du génocide de Srebrenica par Martin Frost, et sur le site de Gendercide Watch;

    le site Genocid est aussi consacré au génocide de Srebrenica;

    – Gerald Knaus et Julien Felix, « Travails of the European Raj« , Journal of Democracy (2003), article critique sur le protectorat occidental en Bosnie;

    Hommage aux hôtesses de l’air marocaines

    Il ne s’agit pas de ce que vous pensez. Le récent crash de l’Airbus 310 de Yemenia Airways a coûté la vie à deux hôtesses de l’air marocaines. L’ambassade du Maroc à Sanaa, capitale du Yemen, a assisté à une veillée religieuse en mémoire de ces deux femmes, victimes de leur travail. Dans le compte-rendu qu’il en fait, Le Matin du Sahara rapporte ce qui suit, qui prend plus de la moitié de l’article:

    A cette occasion, des prières ont été élevées implorant Dieu de préserver S.M. le Roi Mohammed VI, d’accorder longue vie à Sa Majesté et de combler le Souverain en la personne de SAR le Prince Héritier Moulay El Hassan, de SAR la Princesse Lalla Khadija, de SAR le Prince Moulay Rachid et de l’ensemble des membres de l’illustre famille Royale.

    Les membres de la communauté marocaine résidant au Yémen se sont, en outre, félicités de cette louable initiative entreprise par l’ambassade et ont salué l’intérêt constant qu’elle leur accorde, selon le communiqué.

    C’était vraiment indispensable de rajouter ça à cette occasion, hein?

    Création d’un collectif marocain contre la torture

    Plusieurs ONG marocaines se sont liguées pour former un collectif national contre la torture au Maroc:

    Maroc:un « Comité contre la torture » créé
    AFP 26/06/2009 | Mise à jour : 17:45
    Onze ONG de défense des droits de l’Homme au Maroc ont annoncé hier la création d’un Comité marocain contre la torture à l’occasion de la Journée internationale de soutien aux victimes de la torture.Les onze organisations ont, au cours d’une conférence de presse, également lancé un appel au roi du Maroc Mohammed VI pour que soit fermé le centre de détention de Témara, à une vingtaine de km au sud de Rabat, soupçonné d’être un lieu de torture et d’exactions.

    Les ONG ont aussi demandé à l’Etat marocain de bannir l’enlèvement et séquestration de personnes.Elles ont en outre demandé au gouvernement marocain de ratifier le protocole facultatif annexe à la convention de lutte contre la torture et le statut de la Cour pénale internationale (CPI).

    L’AMDH (Association marocaine des droits de l’Homme), le FMVJ (Forum marocain Vérité et Justice), l’Association justice, le CMDH (Centre marocain des droits de l’Homme), Amnesty Maroc, l’Association de réhabilitation des victimes de la torture figurent parmi les ONG signataires de cette charte. Dans son rapport pour l’année 2008, l’AMDH a signalé de nombreux cas de torture et de pratiques humiliantes à l’encontre des prisonniers au Maroc.

    On compte également l’Observatoire marocain des prisons, l’Association Adala (Justice), l’Ordre des avocats du Maroc et la Ligue marocaine de défense des droits de l’homme (somnolente et d’obédience istiqlalienne) parmi les fondateurs de ce comité.

    Al Bayane précise que ce Comité marocain contre la torture préparera un plan d’action national de lutte contre ce phénomène que le Maroc connaît trop bien.

    Tel Quel interviewe Mohammed Sebbar, avocat et président du Forum Vérité et Justice et un des fondateurs du Comité, qui précise que le Comité accompagnera les victimes sur le plan judiciaire (bravo!) et publiera un rapport annuel sur la torture au Maroc:

    Mohamed Sebbar. “La torture, encore”
    Tel Quel n°380, 6 juillet 2009
    A l’occasion de la Journée internationale de soutien aux victimes de la torture, le 25 juin, onze ONG ont annoncé la création d’un Comité marocain contre la torture. Explications de Mohamed Sebbar, président du Forum vérité et justice (FVJ).

    Le FVJ fait partie des ONG de droits de l’homme à l’origine de la création du Comité marocain contre la torture. De quoi s’agit-il au juste ?
    C’est une entité qui coordonnera l’action de différentes associations (Amnesty Maroc, AMDH, Adala, CMDH, etc.). Car, aujourd’hui, aucune association ne planche spécifiquement sur la question de la torture. A cet effet, un Observatoire de la torture au Maroc devrait voir le jour au mois de décembre 2009.

    A quoi servira cet observatoire ?
    Il devra produire des rapports annuels sur la torture au Maroc, parce qu’aujourd’hui il est difficile de déterminer l’ampleur du phénomène. L’Observatoire devra aussi accompagner les victimes sur le volet psychologique et juridique.

    Quel bilan faites-vous des 10 ans de règne de Mohammed VI au niveau des droits de l’homme ?
    Le Maroc de Mohammed VI fait parfois un pas en avant, souvent deux pas en arrière. Moralité, il y a quelques avancées, c’est indéniable, mais pas véritablement de rupture. Dans l’appel que nous avons lancé au roi, nous réclamons aussi que la lumière soit faite sur les exactions du passé. Aujourd’hui, il existe une loi censée punir les tortionnaires, mais pour l’instant, le texte n’est pas appliqué. Il est temps que cela change.
    Propos recueillis par Youssef Ziraoui

    Fait surprenant: l’OMDH n’est pas donnée comme faisant partie de ce collectif – mais ce serait, selon Al Bayane, dans l’attente d’une décision en ce sens de son conseil national. J’espère que c’est simplement une question de forme, car je ne peux imaginer que quiconque puisse avoir des réticences à éradiquer la torture…

    A lire:
    – « Le retour de la torture« , Le Journal hebdomadaire (2009)
    – un mémorandum de The Association for the Prevention of Torture, « La criminalisation de la torture au Maroc: Commentaires et recommandations » (2008)
    – « Torture. A-t-on vraiment tourné la page ?« , Tel Quel n° 280 (2007)
    – « Torture : «le Maroc a fait des progrès mais…»« , entretien avec Mohamed Sektaoui, SG d’Amnesty International section marocaine (2006)
    – « L’impunité au Maroc: entretien avec Fouad Abdelmoumni« , Confluences-Méditerranée (2004);
    – « Observations et recommandations relatives au rapport gouvernemental du Maroc en vertu de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants« , rapport conjoint de l’OMDH et de la FIDH présenté devant le Comité contre la torture de l’ONU (2003);
    – « LA VIOLENCE ÉTATIQUE AU MAROC: UN RAPPORT ALTERNATIF AU TROISIÈME RAPPORT GOUVERNEMENTAL PRÉSENTÉ AU COMITÉ CONTRE LA TORTURE« , rapport de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), l’Association démocratique des femmes du Maroc (ADFM), l’Observatoire marocain des prisons (OMP) et de l’Association Bayti (2003)

    A ne pas rater: Shlomo Sand à Casablanca ce jeudi 9 juillet

    comment le peuple juif fût inventé

    Reçu du Carrefour des Livres, la célèbre librairie du Maarif à Casa:

    Rencontre avec….
    Shlomo SAND
    Autour de son livre :
    Comment le peuple juif fut inventé
    Editions Fayard

    Modérateur: Jean-Paul Chagnollaud
    Directeur de la revue Confluence Méditerranée

    le jeudi 9 juillet 2009
    à 19 h
    Au Carrefour des Livres
    Angle rues des Landes et Vignemale – Maârif – Tél : 05-22-98-24-30

    Défense absolue de manquer cela – et pourvu qu’on échappe aux questions débiles de connards confondant juif et sioniste!

    Pour les wydadis et les fans de Michael Jackson (mes excuses à ces derniers pour la comparaison), je précise que Shlomo Sand est un historien israëlien post- ou a-sioniste, auteur de « Comment le peuple juif fut inventé« , dont voici un extrait:

    Cette conception historique constitue la base de la politique identitaire de l’Etat d’Israël, et c’est bien là que le bât blesse ! Elle donne en effet lieu à une définition essentialiste et ethnocentriste du judaïsme, alimentant une ségrégation qui maintient à l’écart les Juifs des non-Juifs — Arabes comme immigrants russes ou travailleurs immigrés.

    Israël, soixante ans après sa fondation, refuse de se concevoir comme une république existant pour ses citoyens. Près d’un quart d’entre eux ne sont pas considérés comme des Juifs et, selon l’esprit de ses lois, cet Etat n’est pas le leur. En revanche, Israël se présente toujours comme l’Etat des Juifs du monde entier, même s’il ne s’agit plus de réfugiés persécutés, mais de citoyens de plein droit vivant en pleine égalité dans les pays où ils résident. Autrement dit, une ethnocratie sans frontières justifie la sévère discrimination qu’elle pratique à l’encontre d’une partie de ses citoyens en invoquant le mythe de la nation éternelle, reconstituée pour se rassembler sur la « terre de ses ancêtres ».

    Voir aussi:
    – Shlomo Sand invité sur « Là-bas si j’y suis », la mythique émission radio de Daniel Mermet;
    – sur youtube une extraordinaire prestation de Shlomo Sand face au conseiller franco-israëlien de Netanyahu, Meyer Habib;
    le CV de Shlomo Sand;
    – un entretien de Télérama avec Shlomo Sand;
    – « Israeli best seller breaks national taboo – Israeli academic and historian says Jewish Nation myth« ;
    interview de Shlomo Sand dans L’Express (hat-tip: 7didane)

    ADDENDUM: Shlomo Sand a déjà donné une conférence le 7 juillet à la Fondation Al Saoud à Casa.

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