Via le blog suédois Motbilder j’ai lu un billet reprenant les révélations d’un récent ouvrage britannique – « Hunting Evil« , traduit en français sous le titre « La traque du mal » – écrit par le journaliste Guy Walters du Daily Telegraph, et qui est consacré à la traque des criminels de guerre nazis après la seconde guerre mondiale. La révélation la plus remarquable de cet ouvrage serait – je ne l’ai pas lu – le caractère mythomane de Simon Wiesenthal, le plus célèbre chasseur de nazis, fondateur du Simon Wiesenthal Center qui est passé de la traque des anciens criminels de guerre nazis à l’apologie d’Israël. Les sites antisémites et révisionnistes – attention si vous cherchez des liens vers ce livre: 80/90% mènent vers ce type de sites – s’en étaient faits l’écho auparavant, mais là c’est le fait d’un journaliste britannique qui n’est pas soupçonnable de complaisances coupables.
Guy Walters est très sévère:
In June 2009, British author Guy Walters published a book entitled Hunting Evil in which he characterised Wiesenthal as « a liar — and a bad one at that« . « He would concoct outrageous stories about his war years and make false claims about his academic careers. » Walters found that there were « so many inconsistencies between his three main memoirs and between those memoirs and contemporaneous documents it is impossible to establish a reliable narrative from them. Wiesenthal’s scant regard for truth makes it possible to doubt everything he ever wrote or said. » (Al Ahram Weekly)
Why so down on Simon Weisenthal?
Because he’s a liar. He’s just not this secular saint that everyone says he is. His memoirs all contradict each other and are at odds with the rest of the evidence. The Weisenthal Centre claims 1100 Nazi scalps, but the true figure is about 10. The Centre bought his name in the 1970s and is basically an Israeli brand builder fighting anti-Semitism. (Fivebooks.com)
Quelques exemples de ces mensonges:
- Simon Wiesenthal aurait menti sur son rôle dans la traque couronnée de succès d’Adolf Eichmann: « The capture of Adolf Eichmann by Mossad agents in 1960 in Argentina is particularly well reconstructed in fine and page-turning detail, revealing that rather than being Wiesenthal’s greatest triumph, as he claimed, his very limited contribution was more of a hindrance than a help » (The Daily Telegraph);
- Un détail mensonger: si dans la première de ses trois autobiographies il affirme avoir remis le dossier original qu’il détenait sur Eichmann à Yad Vashem, dans les deux suivantes il affirmait l’avoir conservé, selon Guy Walters (BBC);
- Il aurait également menti sur ses diplômes universitaires – il n’en aurait pas: « Although most biographies — including that on the Simon Wiesenthal Center’s website — say he graduated, he did not complete his degree. Some biographies say he gained a diploma as an architectural engineer at Lvov polytechnic in Poland, but the Lvov state archives have no record of his having studied there and his name is absent from Poland’s pre-war catalogue of architects and builders. He claimed fraudulently throughout his life that he did have a diploma; his letterheads proudly display it. » (The Times);
- Il aurait menti sur le nombre de criminels de guerre nazis qu’il aurait aidé à capturer, nombre plus proche de dix que des mille qu’il aimait citer (The Daily Telegraph);
- Selon les versions, un certain Adolf Kohlrautz, civil allemand qui l’aurait sauvé, est mort en 1944 ou en 1945, ou l’aurait ou ne l’auait pas sauvé: « According to Wiesenthal, Kohlrautz was killed in the battle for Berlin in April 1945. He also told a biographer, however, that Kohlrautz was killed on the Russian front in 1944. And in an affidavit made in August 1954 about his wartime persecutions, he neglects to include the story at all. In both this document and in his testimony to the Americans in May 1945, he mentions Kohlrautz without saying the German saved his life. » (The Times);
- Ses activités entre octobre 1943 et la mi-1944 sont perdues dans le brouillard de ses versions successives: « From this point in Wiesenthal’s war it is impossible to establish a reliable train of events. With at least four wildly different accounts of his activities between October 1943 and the middle of 1944 — including his alleged role as a partisan officer — serious questions must be raised » (The Times);
- La façon dont il relate l’amputation d’un orteil en 1944 est invraisemblable: « Yet again, one of Wiesenthal’s “miracles” is open to doubt. First, the story appears in no other memoir or statement. Secondly, if the Red Cross really was inspecting Gross-Rosen that day, then the SS would have temporarily halted any executions. As it was, the Red Cross was not allowed access to concentration camps at that time. Thirdly, the medical consequences seem entirely implausible. » (The Times);
- Son récit sur la libération du camp de Mauthausen où fut emmené est également invraisemblable: un orteil amputé, une jambe gangrénée, vivant avec une ration alimentaire de 200 calories par jour, il affirme cependant avoir eu la force de grimper sur un char étatsunien venu libérer le camp: « Mauthausen was liberated on May 5, 1945. Despite weighing just 100lb, Wiesenthal struggled outside to greet the American tanks. “I don’t know how I managed to get up and walk,” he recalled. If he was able to walk, his severely infected leg must have been cured during the previous three months by either amputation or antibiotics. We know the former did not take place, and the latter was emphatically not a common treatment for ailing Jews in Nazi concentration camps. Once again, it appears as though a miracle had taken place. » (The Times);
- Il prétendait avoir été détenu dans 13 camps différents alors sa présence n’est confirmée que dans 6 camps(The Times);
Par la suite, Simon Wiesenthal en vint à fonder le centre portant son nom – Norman Finkelstein prétend même qu’il obtenait 90.000 $ annuellement en royalties pour laisser le Centre utiliser son nom (1). Ce centre allait fidèlement refléter son engagement politique: alors que lui-même avait activement pris part – pas pour son compte cependant – à l’entreprise d’émigration juive vers la Palestine à compter de 1947, ce centre fût sans dout plus efficace dans la dénonciation des critiques d’Israël tels le chancelier social-démocrate autrichien Bruno Kreisky, juif et ami personnel de Yasser Arafat ainsi que de la cause palestinienne – Kreisky le lui rendit bien en accusant Wiesenthal d’avoir été un informateur de la Gestapo durant la guerre sur la foi de documents polonais et soviétique – accusations qui valurent à Kreisky une condamnation pour diffamation. A ce soutien absolu à Israël s’ajoutait un parti-pris nettement pro-étatsunien: la néo-conne Jeane Kirkpatrick, ambassadeur des Etats-Unis à l’ONU sous Reagan et défenseur farouche du terrorisme d’Etat étatsunien au Nicaragua (2), obtint le prix Humanitarian of the year award, décerné par le Centre Simon Wiesenthal en 1986, en dépit de fortes protestations (3). Sans compter une option politique résolument conservatrice: un autre lauréat du Humanitarian Laureate of the Year Award (2009) est ainsi le magnat de presse australien Rupert Murdoch.
Ces dernières années, le Centre Simon Wiesenthal se consacre principalement au Moyen-Orient, avec principalement la Palestine et l’Iran en ligne de mire – récemment, le Centre a cru bon de condamner l’évêque et prix Nobel de la paix sud-africain Desmond Tutu pour avoir soutenu le bycott commercial et économique d’Israël ou de tancer l’administration Obama pour sa brouille passagère avec Israël- ce qui nous emmène bien loin de Treblinka et Auschwitz. Cette confusion entre la lutte contre le nazisme et l’impunité des anciens criminels de guerre nazis d’une part et la question palestinienne d’autre part n’est pas isolée, puisqu’elle est également le fait de Yad Vashem, « The Holocaust Martyrs’ and Heroes Rememberance Authority » – ici par exemple:
Elements from the far right – xenophobes, neo-Nazis, and Holocaust deniers; elements from the far left – advocates of anti-Americanism, anti-globalization and anti-colonialism; elements from the radical pro-Palestinian camp; and adherents to radical Islam, all share the common bond of Jew hatred.
Le Centre Simon Wiesenthal s’est en plus spectaculairement planté à certaines occasions, y compris s’agissant de sa mission initiale, la traque de criminels de guerre nazis. Le débatteur et politicien suédois Andres Küng avait ainsi relevé en 2000 que sur 12 criminels de guerre nazis qui vivraient en Suède sans être inquiétés, selon le Centre Simon Wiesenthal, huit étaient morts, trois étaient des Baltes s’étant battus avec les Allemands désignés comme criminels de guerre dans des écrits de propagande soviétique des années 80 et un était innocent. Le plantage le plus spectaculaire demeure celui de Frank Walus, Polonais émigré aux Etats-Unis accusé à tort d’avoir collaboré avec la Gestapo dans le meurtre de douzaines de Polonais et de Juifs, avant de voir les poursuites pour crimes de guerre abandonnées par le ministère fédéral de la justice en l’absence de toute preuve concluante.
Tant la tendance à confondre le souvenir du génocide nazi et la défense tous azimuts d’Israël qu’un rapport difficile avec la vérité semblent rapprocher Simon Wiesenthal d’Elie Wiesel, prix Nobel de littérature et rescapé des camps d’extermination nazis (3), également lancé dans la sous-traitance de la politique étrangère israëlienne. Norman Finkelstein avait dénoncé son affairisme et ses parti-pris dans « The Holocaust industry« , tandis que pour Wiesenthal il a fallu attendre sa mort. Dans les deux cas, le respect naturellement dû au parcours individuel dramatique des intéressés – tous deux rescapés des camps d’extermination, le sentiment de culpabilité occidental autour du génocide nazi – qui anesthésie l’esprit critique – ainsi que leur poids médiatique, sans compter la crainte des sempiternelles accusations d’antisémitisme lancées contre quiconque se hasarderait à formuler des critiques contre deux symboles de la survie du peuple juif, tout cela a contribué à refroidir les ardeurs critiques.
C’est ainsi que l’ouvrage de Guy Walters, a été accueilli relativement positivement au Royaume-Uni (critiques élogieuses dans The Times et The Daily Telegraph) – et encore, vu le caractère explosif des révélations sur Wiesenthal, je suis étonné de ne pas avoir lu de recensions dans d’autres journaux que ceux où il écrit (Daily Telegraph) ou a écrit (The Times), comme The Guardian, The Independent ou la London Review of Books. Bien évidemment, le Centre Simon Wiesenthal, par le biais de son président, Efraim Zuroff, n’a pas apprécié mais sa critique est étonnamment modérée, en attendant peut-être de lancer l’artillerie lourde à l’occasion de la sortie de l’éditions étatsunienne du livre de Walters:
But Zuroff is scathing of Walters. “There may have been some inconsistencies in what Wiesenthal said but much of what Walters wrote was ridiculous. Certainly what he wrote about me was ridiculous. On top of that it’s a boring book.” (The Jewish Chronicle)
Fait notable, un article de Daniel Finkelstein – ancien collègue de Guy Walters – dans l’organe communautaire juif du Royaume-Uni, The Jewish Chronicle, soutient pleinement Walters:
Walters’s documentary evidence on Wiesenthal’s inconsistencies and lies is impeccable. He shows how the Nazi hunter’s accounts of his wartime experiences are contradictory and implausible. He demonstrates that he had no role, contrary to his own assertion, in the capture of Adolf Eichmann. He pitilessly dissects Wiesenthal’s overblown claims about the numbers he brought to justice, suggesting it was not much more than a handful.
When you read Hunting Evil, you know its author is telling the truth. And, above all — above everything — the truth matters. The truth however painful, the truth however embarrassing, the truth wherever it takes you. Jews can never be hurt by the truth about the Holocaust and must never fear it, never run away from it. (The Jewish Chronicle)
C’est également le cas de Ben Barkow, directeur de The Wiener Library, centre britannique de documentation du génocide nazi:
Ben Barkow, the director of the Wiener Library, the institution that my grandfather established to document the truth, has lent his voice to that of Walters, agreeing that a revaluation of Wiesenthal’s contribution was in order. Barkow argues that a nuanced view is possible. That accepting that Wiesenthal was a showman and a braggart and, yes, even a liar, can live alongside acknowledging the contribution he made. (The Jewish Chronicle)
Il faut néanmoins relever que Walters a du par avance se défendre de tout négationnisme ou antisémitisme:
We are left with the sense that perhaps some who noticed discrepancies in Wiesenthal’s books said nothing because they were afraid of being denounced as anti-Semites. (Mondoweiss)
C’est un peu différent en France: le livre a fait l’objet, pour sa sortie en français, outre une brève dans Le Figaro Magazine, d’un articulet typique du climat de débat concernant tout ce qui touche la communauté juive en France:
Polémique autour d’un chasseur de nazis – Simon Wiesenthal a-t-il menti?
Par Laurent Lemire
Le journaliste britannique Guy Walters s’en prend, dans son dernier ouvrage, à Simon Wiesenthal, l’incontournable traqueur d’anciens nazis. Laurent Lemire a jugé l’exercice périlleux dans un article du « Nouvel Obs ». Guy Walters lui répond.
Wiesenthal pourchassé
Pour traquer le mal, il faut être malin. C’est un peu ce qu’a oublié, ou voulu oublier, le journaliste britannique Guy Walters, qui prend le risque d’installer la confusion. Son enquête historique, précise mais pas nouvelle, s’attache à montrer la façon dont les bourreaux du IIIe Reich ont tenté d’échapper à la justice après la guerre et comment la traque des Eichmann, Mengele, Barbie ou Stangl s’est plus ou moins bien organisée.
Mais surtout, dans cette « Traque du mal » (Flammarion, 25 euros), l’auteur piste Simon Wiesenthal avec une constance qui vire à l’obsession : fausses études, faux diplôme d’architecte, fausse activité dans la Résistance, survie miraculeuse, oublis divers, etc. Tout n’aurait été dans la vie du plus célèbre chasseur de nazis que mensonges, supercherie et spectacle. Wiesenthal ne peut hélas apporter le moindre démenti. Il est mort en 2005.
L. L. (Nouvelobs.com)
Le procès de Wiesenthal
« Wiesenthal était un menteur, et un menteur maladroit. » C’est Guy Walters qui l’écrit. Ce journaliste britannique traque la vérité comme Simon Wiesenthal traquait les nazis. Dans son enquête serrée (1), il suit de près ceux qui ont tenté d’échapper à la justice, les Eichmann, Barbie, Mengele, Stangl ; mais aussi ceux qui les ont poursuivi sans relâche.
Parmi eux, il y a Wiesenthal, l’homme qui clamait avoir fait arrêter plus de mille nazis ? Certes, il y a des trous dans sa vie, des zones grises comme disait Primo Levi, des absences, des enjolivements. Il s’en était plus ou moins expliqué de son vivant. Décédé en 2005, il ne peut répondre à cette attaque qui vire quelquefois à l’obsession.
Bien sûr qu’il y eut des dissensions, des conflits d’intérêt et même des haines farouches parmi les chasseurs de nazis. Il y eut aussi des violences au sein de la Résistance. Si le rôle de l’historien est d’éclairer le passé, il doit aussi éviter toute confusion, tout amalgame, et se rappeler que la Résistance passe par la guerre tout comme la traque du mal passe par le fait d’être malin.
Guy Walters a pris un risque. Il le sait. « Certains trouveront peut-être que j’ai été avec lui d’une sévérité excessive, et que j’ai pris un risque en pouvant donner l’impression de donner du grain à moudre aux néo-nazis, négationnistes, antisémites de tout poil et autres illuminés – individus qui m’inspirent la répulsion que l’on peut imaginer. » Entre le camp des bourreaux et celui des victimes, devenues ou non chasseurs, la différence reste fondamentale.
Laurent LEMIRE (L’agitateur d’idées)
(1) La Traque du mal de Guy Walters, traduit de l’anglais par Christophe Magny et Jean-Pierre Ricard, Flammarion, 510 p., 25 €.
Guy Walters a répliqué, sur son site et sur celui du Nouvel Observateur:
Droit de réponse de Guy Walters :
« Perplexité et colère. Voilà ce que j’ai ressenti en prenant connaissance de l’article publié par « Le Nouvel Observateur », le 25 février 2010, au sujet de mon livre, « La Traque du mal », paru chez Flammarion en janvier.
Je sais bien que les journalistes qui consacrent une courte note à un ouvrage ne le lisent pas forcément de A à Z ; mais, en l’espèce, étant donné la distorsion que Laurent Lemire fait subir à ce que j’ai écrit, je suis bien obligé de penser qu’il ne l’a pas lu du tout, pour des raisons qui m’échappent.
Pour commencer, Laurent Lemire explique que mon livre n’apporte rien de neuf sur le sujet (la traque des nazis après la guerre). De toute évidence, il ne sait pas de quoi il parle. Ma mise en cause de l’existence même de l’organisation Odessa, le fait que les Britanniques ont utilisé un officier des Einsatzgruppe, Friedrich Buchardt, comme agent secret après 1945, l’aide que l’évêque Hudal a apportée à Franz Stangl lorsqu’il s’est réfugié à Rome : sur ces points comme sur de nombreux autres, j’apporte des éléments nouveaux, fondés sur un minutieux travail d’archives. Et je suis prêt à parier, allez, tous mes euros, que Laurent Lemire ignore à peu près tout de la manière dont les Français ont utilisé un officier SS qui s’appelait Károly Ney.
Ce qui semble contrarier au plus haut point Laurent Lemire, ce sont les développements que je consacre, dans ce livre, à Simon Wiesenthal. Une petite mise au point, d’abord. J’ai en horreur les négationnistes, antisémites et néo-nazis de tout poil ; mais le fait que ces gens-là puissent se réjouir de ce que j’ai découvert sur Wiesenthal doit-il pour autant m’empêcher d’en parler ? Selon moi, non : ce qui prime, c’est la recherche historique. Or je mets très volontiers à la disposition de Laurent Lemire l’ensemble des documents que j’ai réunis sur la question. Et c’est très simple : oui, Simon Wiesenthal était un menteur ; non, il n’a pas menti sur tout, comme Laurent Lemire prétend que je l’ai écrit, j’ai même dit formellement le contraire. Mais Wiesenthal n’a pas, comme il le prétend, permis l’arrestation de 1.100 nazis : le chiffre le plus vraisemblable se situe autour de 10. Et pour le reste, j’invite le lecteur à aller voir les choses de plus près dans mon livre, pour se faire sa propre opinion.
Le devoir de l’historien est d’être honnête. La vérité fait mal, parfois, tant pis si elle ne plaît pas à tout le monde. Si les historiens commençaient à s’en préoccuper, ils ne feraient plus de l’histoire, mais de la politique. Est-ce cela que nous voulons ?»
Guy Walters (traduction Hélène Casa) (Nouvelobs.com)
26/02 18:34 Guy Walters
Laurent
I don’t understand your point. Of course the truth is never black and white, but are you really saying that I should not write the truth about Wiesenthal? How does doing so possibly confuse things? The logical extension of your argument is that I should not write such things and therefore keep things the way they are – nice and simple! That is surely nonsense.
Besides, much of what I say did not come out during Wiesenthal’s lifetime, and if it did, it was only published by nasty Holocaust deniers. I think it’s vital that people without an agenda should be able to criticise.
And neither am I claiming any moral equivalence between the Nazis and their victims – all I am saying is that Wiesenthal is just as capable as lying as, say, Eichmann. Ironically, Eichmann’s memoirs are sometimes more truthful than those of Wiesenthal. (Furthermore, I see no reason why Wiesenthal had to lie about himself in order to hunt Nazis.)
These are uncomfortable things to consider, but it doesn’t change the moral positions of the two men. Instead, it gives us a more nuanced view, and if Simon Wiesenthal did ‘smart’ things during the war in order to survive, then that is far more revealing of human nature in wartime than the Hollywood version of Simon Wiesenthal that you would prefer to maintain.
Nobody on their own can present a definitive portrait of another person’s life, but my contribution is simply part of the mix. If you analysed Wiesenthal’s claims as closely as I did, you too would have been shocked. My shock comes through as anger, for which I make no apology.
What I do apologise for is my lack of good French, and I am sorry that my comments here are in English.
Amitiés!
Guy (L’agitateur d’idées)
French reaction to Hunting Evil
Now that La Traque du Mal has been out in France for exactly one month, it’s a good moment to compare the reactions of the French critics to those of the British. While my fellow countrymen, raised on a diet of tabloidal reputation busting, were remarkably relaxed about my pasting of Simon Wiesenthal, the French seem to be more worried about it. A typical observaton is that my attack is “obsessional” (Michaël Prazan in Transfuge), which I don’t have an enormous issue with – it is certainly angry, I’ll admit.
However, what I object to are the lazy critics who have either not read my book, or refuse to acknowledge its findings for reasons of their own. The biggest culprit is Laurent Lemire in Le Nouvel Observateur, who claimed that my book had nothing new in it, that it created unnecessary confusion (huh?), and that I wrote that everything Wiesenthal said or did was mendacious. It’s stunning quite how many mistakes one can make in 138 words, but there you go. Thankfully, Le Nouvel Obs has given me space to reply, which you can have a look at here.
UPDATE: Laurent Lemire has posted further comments on his website. Naturally, I’ve responded! (site de Guy Walters)
On ne peut pas dire que le journaliste du Nouvel Observateur, Laurent Lemire, ait modifié sa position – Walters a eu tort de troubler l’image médiatique de Simon Wiesenthal, et le travail de l’historien est de conforter les certitudes:
Je retourne volontiers à Guy Walters sa perplexité et sa colère. Perplexité sur un ouvrage très documenté certes, qui montre les dissensions, les conflits d’intérêts et même les haines farouches parmi les chasseurs de nazis, mais qui finit par introduire de la confusion ce qui n’est pas le rôle de l’historien, d’autant que Simon Wiesenthal n’est plus là pour répondre. Colère parce que, même pour une note, les journalistes lisent les livres intégralement. Avec le risque d’être déçus.
L.L. (Nouvelobs.com)
On notera ici ce qui est évident depuis quelques années en France (mais aussi ailleurs): il est devenu difficile de parler – du moins dans les médias dominants – de sujets liés à la communauté juive ou à Israël. Je ne parle pas ici du négationnisme, dont la France est la patrie d’origine semble-t-il (Paul Rassinier, Maurice Bardèche, Roger Garaudy et Robert Faurisson sont les parrains de cette sous-culture de l’antisémitisme), mais des critiques non-antisémites. L’appel au boycott d’Israël est criminalisé, et proclamer l’évidence, à savoir que certains intellectuels (Alain Finkielkraut, Bernard-Henri Lévy ou Alexandre Adler) ont un attachement d’origine communautaire à Israël, expose l’impétrant à l’accusation rituelle d’antisémitisme. Plus près de la question qui nous occupe, les ouvrages très critiques de Maurice Rajsfus – qui subit lui-même la persécution antisémite sous Vichy – sur les organes dirigeants de la communauté juive française en 1940-44 sont largement méconnus. Si on rajoute à cela la tradition française de biographies plus littéraires que factuelles, du moins par rapport aux bibliographies à l’anglo-saxonne (Jean Lacouture, un des meilleurs biorgaphes français, dit « Je serais honoré qu’un de mes livres soit taxé de biographie anglo-saxonne« ), on comprend que l’accueil fait à l’ouvrage de Walters ne serait pas enthousiaste en France.
La réaction de Laurent Lemire du Nouvel Observateur est caricaturale à cet égard:
- le livre de Walters installe la confusion;
- Walters est obsédé par Wiesenthal;
- Walters attaque Wiesenthal après sa mort;
- les infos de Walters ne sont pas nouvelles;
- il prend un risque car il peut apporter l’eau au moulin des négationnistes;
La confusion? Comme le répond Walters – qui au passage est plutôt journaliste que historien, mais à l’anglo-saxonne, pas à la française – si la vérité est nuancée, complexe et paradoxale, et si l’historien ne doit pas introduire la confusion, la conclusion logique est alors que l’historien ne doit pas dire la vérité telle qu’il l’entend. L’obsession? Elle est à la mesure de l’image médiatique de Wiesenthal, synonyme de la traque des nazis pour le grand public. Pouvoir montrer qu’un tel personnage a menti sur de nombreux points de son histoire personnelle est évidemment justifié par l’intérêt public. Après la mort de Wiesenthal? C’est le propre des ouvrages d’histoire que d’apporter un éclairage critique sur des personnes mortes. Pas nouvelles, les infos sur les mensonges de Wiesenthal? Peut-être, mais ces infos étaient alors surtout diffusées dans les milieux antisémites. Un risque? Les négationnistes fonctionnent de manière assez détachée de la réalité historique: ils n’ont pas attendu Walters pour attaquer Wiesenthal ou démontrer que 2 et 2 font 5. Mais on comprend la crainte de Lemire, qui agit ainsi comme les gardiens de jardins publics empêchant les enfants de piétiner les pelouses: toute discussion critique d’éléments centraux du discours de la communauté juive institutionnalisée étant rendue périlleuse par l’usage dui chantage à l’antisémitisme, il s’agit de rappeler à l’ordre les impétrants, surtout dans le cas d’un étranger peu au fait des règles du jeu.
Mais la facade se fissure donc, ici grâce au livre de Walters. C’est ainsi que le journaliste français Luc Rosenzweig – qu’on ne peut taxer d’être fanatiquement hostile à Israël – exprime dans un article sur Causeur.fr son analyse du rôle de Simon Wiesenthal, qu’il a connu et cotoyé en tant que journaliste, d’une manière très directe:
Ce n’est que bien plus tard que j’ai compris que Wiesenthal était une figure bien commode pour les services israéliens, qui effectuaient discrètement les recherches et interventions attribuées au “chasseur de nazis” viennois. Sa notoriété mondiale était également utilisée par les dirigeants de l’Etat juif pour contrecarrer l’action d’un autre juif autrichien célèbre, le chancelier Bruno Kreisky, dont l’antisionisme viscéral était l’une des lignes directrice de sa politique étrangère. Les deux hommes se vouaient mutuellement une haine inextinguible. Il faut espérer que la seule chose qui les réunissait, leur incroyance au ciel ou à l’enfer, leur a épargné une cohabitation post mortem dans l’un ou l’autre de ces lieux. (Causeur.fr)
Quelle conclusion tirer de cette supercherie?
- Les victimes – en l’occurence, Simon Wiesenthal en tant que victime de l’antisémitisme nazi – ne sont pas toujours exemplaires. Cela n’enlève rien à leur qualité de victime ou à la réalité de leur persécution.
- Un menteur invéteré et manipulateur peut néanmoins faire oeuvre utile, même si l’utilité réelle sera moindre que celle alléguée par l’intéressé: à supposer que Simon Wiesenthal n’ait permis l’arrestation que d’une dizaine de criminels de guerre nazis au lieu du millier allégué par lui, c’est en tout cas un meilleur bilan que celui du gouvernement suédois – zéro criminel de guerre nazi arrêté et condamné.
- Un menteur n’est pas un monstre: Simon Wiesenthal fût une victime du génocide nazi, et avait des postions saines à certains égards – « Wiesenthal also drew fire for emphasizing that others besides Jews died in the gas chambers, which brought him into conflict with Elie Wiesel, who took the view that the Holocaust should be seen as an exclusively Jewish event« ;
- Par contre, le mensonge a un coût. Si le talent de Simon Wiesenthal en matière de relations publiques a eu un effet bénéfique sur la volonté politique de pourchasser les criminels de guerre nazis, ses mensonges sont bien évidemment du pain bénit pour les négationnistes – car, selon leur logique perverse, si Wiesenthal a menti sur les conditions de sa libération il peut avoir menti sur l’existence même des camps d’extermination. C’est bien évidemment absurde – peu de crimes de guerre et contre l’humanité sont aussi bien documentés que les crimes nazis – mais on aurait tort de sous-estimer le risque.
- On peut se demander si l’instrumentalisation des crimes passés pour justifier des crimes présents n’est pas aussi détestable que le négationnisme. Il est ainsi permis de préférer Maurice Rajsfus ou Marek Edelman à Simon Wiesenthal ou Elie Wiesel.
- Les victimes peuvent opprimer à leur tour: le Centre Simon Wiesenthal a ainsi obtenu le feu vert en 2008 de la justice israëlienne pour construire un Musée de la tolérance (!) sur le site d’un cimetière musulman dans la partie de Jérusalem occupée en 1967…
Lectures complémentaires:
– l’indéfatigable bloggeur étatsunien Phil Weiss, a publié sur l’indispensable Mondoweiss un billet de Lawrence Swaim, « Deconstructing Simon Wiesenthal« , sans compter deux posts – ici et ici – sur la construction d’un musée du Centre Simon Wiesenthal sur l’emplacement d’un cimetière musulman à Jérusalem-Est, c’est-à-dire dans les territoires occupés en 1967;
– le site Pratique de l’histoire et dévoiements négationnistes est à recommander sur la question négationniste, et notamment en démontant le fonctionnement de la pensée négationniste, par exemple ici, en « démontrant » que le débarquement en Normandie n’a jamais eu lieu (on pourrait ici souligner qu’au niveau de la démarche « intellectuelle », cela rappelle ceux qui prétendent que le 11 septembre n’a jamais eu lieu);
– un extrait du livre de Guy Walters est accessible sur le site de ce dernier;
(1) Voir Norman Finkelstein, « The Holocaust industry: reflections on the exploitation of Jewish suffering« , Verso, London, 2003, p. 93. L’honnêteté pousse quand même à préciser que Finkelstein ne semble indiquer aucune source pour cette information. D’un autre côté, Wiesenthal n’a pas intenté d’action en diffamation.
(2) Les Etats-Unis sont l’un des rares pays à avoir été condamné pour activités terroristes par la Cour internationale de justice de La Haye dans l’affaire des Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. États-Unis d’Amérique).
(3) Voir Norman Finkelstein, « The Holocaust industry: reflections on the exploitation of Jewish suffering« , Verso, London, 2003, p. 146.
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