Al Jazeera: « l’exemple marocain est significatif »

Il serait intéressant de tenir la chronologie parallèle des sujets d’Al Jazeera sur le Maroc et des péripéties diplomatico-administratives (fermeture du bureau à Rabat, expulsion de journalistes, démarches diplomatiques auprès du Qatar). Les relations dynastiques entre le Maroc et le Qatar ne sont par ailleurs pas réputées pour être exceptionnelles…

La voix arabe que représente Al-Jazira, qui puise sa légitimité dans son professionnalisme et dans sa fonction de relais médiatique des oppositions, constitue une pression permanente sur les gouvernements, qui ne peuvent plus l’ignorer.

A cet égard, l’exemple marocain est significatif. Le 20 novembre 2006, Al-Jazira ouvre un bureau régional à Rabat pour y diffuser un journal quotidien spécifique pour le Maghreb. Officiellement, cette présence apporterait la preuve du libéralisme qui règne au Maroc en matière de liberté d’expression. Mais, le 20 octobre 2010, le bureau est fermé, principalement en raison du temps d’antenne accordé aux groupes de l’opposition, notamment islamiste. Puis, à la surprise générale, deux jours avant le référendum constitutionnel du 1er juillet 2011, le ministre de l’information Khaled Al-Naceri, qui avait lancé une campagne d’une rare violence contre la chaîne (5), l’autorise à nouveau à travailler au Maroc. (Le Monde Diplomatique, septembre 2011)

« HASSAN II, roi du Maroc, tenant d’une main le Coran et de l’autre un flambeau, se dresse au milieu de son peuple »

Pour reprendre la légende proposée par le réputé ethnologue suisse de l’Afghanistan (lisez son entretien avec Pierre BourdieuPierre Centlivres dans son superbe post iconographique « Leaders du monde musulman à l’affiche« :

HASSAN II, roi du Maroc, tenant d’une main le Coran et de l’autre un flambeau, se dresse au milieu de son peuple, de civils et de militaires qui agitent des drapeaux marocains, saoudiens et jordaniens. Les militaires reproduisent l’attitude des marines américains à la bataille d’Iwo Jima — bataille immortalisée par la photographie Raising the Flag on Iwo Jima prise par Joe Rosenthal le 23 février 1945.

Sinon, j’aime aussi celle-là:

Julien Salingue: « A quoi sert un Etat palestinien sans souveraineté palestinienne? »

Une remarque intéressante de Julien Salingue, dans un entretien accordé à L’Express:

Le principal enjeu de la Palestine, c’est la souveraineté, politique et territoriale. Elle peut toujours être reconnue par 191 Etats, mais elle n’est pas souveraine. Une partie de son territoire est toujours occupée par Israël, et le fait d’être un « Etat » ne réglera pas la question des réfugiés ou des Palestiniens discriminés en Israël.

Il ne croit pas si bien dire: il y a même des entités reconnues en tant qu’Etat qui ne recouvrent aucune réalité – la RASD par exemple, reconnue par une quarantaine d’Etats et membre de l’Union africaine mais qui n’exerce aucune souveraineté…

Au Maroc, les droits d’importation sur les montres de luxe sont de 2,75%

Ce billet est dédie à Kingstoune.

Petit exemple de mise en oeuvre des principes constitutionnels:

Préambule:
(…) le Royaume du Maroc (…) développe une société solidaire où tous jouissent de la (…) justice sociale

Article 1:
Le Maroc est une monarchie (…) sociale.

Article 35:
L’Etat garantit la liberté d’entreprendre et la libre concurrence. Il œuvre à la réalisation d’un développement humain et durable, à même de permettre la consolidation de la justice sociale (…)

De la Constitution de 2011, passons au Code douanier. Les montres de luxe, Jaeger-Lecoultre comprises, sont couvertes par la position tarifaire 9101.11.00.00. On voit là que l’Etat a eu à coeur de soutenir les jeunes promoteurs qui se lanceraient dans l’horlogerie de luxe:

– Droit d’Importation* ( DI ) : 2,5 % ( Droit Minimal )

– Taxe Parafiscale à l’Importation* ( TPI ) : 0,25 % ( Taux Normal )

La TVA de 20% s’applique.

Pour le cas où ces montres contiendraient des métaux précieux, une TVA supplémentaire s’applique:

– – Taxe sur la Valeur Ajoutée pour les Métaux Précieux ( Selon la spécialisation ) :

1 – Contenant : Platine ou Or : 5 DHS / GR. NET

 

2 – Contenant : Argent : 0,1 DHS / GR. NET

De jeunes promoteurs ont ainsi pu quitter la misère de Guercif ou de Sidi Moumen, comme peut en témoigner Olivier Gay, directeur marchés émergents de la maison Cartier:

«On a largement dépassé les objectifs que nous nous étions fixés»

Six ans après l’ouverture de votre première boutique à Casablanca et un an après votre implantation à Rabat, quel bilan tirez-vous ?

Casablanca a été la première boutique ouverte en Afrique. Le bilan est très positif. On est très content. On a largement dépassé les objectifs que nous nous étions fixés. On avait déjà beaucoup de clients marocains qui achetaient en Europe. Les résultats ont été tellement bons à Casablanca que l’on a pu ouvrir une belle boutique à Rabat. Ca nous a donné des ambitions encore plus grande.

Avez-vous l’intention de vous implanter dans d’autres villes du Maroc ?

Oui, Marrakech est la prochaine étape. Mais c’est très difficile de trouver un emplacement. Et on ne se précipite jamais car on veut le meilleur emplacement. On cherche depuis quelques années, mais on est sur de bonnes pistes. On espère pouvoir ouvrir dans les 18 mois. (…)

Trouve-t-on au Maroc les mêmes collections que dans les autres pays du monde ?

Oui, bien sûr. Il y a même plus de choix en montres joaillerie que dans certaines boutiques françaises parce qu’il y a un véritable engouement pour ces montres au Maroc. En revanche, il y a peut-être moins de produits «initiation» parce que les Marocains sont déjà initiés. Et en plus, il y a un vrai désir de produits créatifs avec des pierres et un design important.

Quels sont vos best-sellers au Maroc ?

Le créatif et tout ce qui demande beaucoup de travail de la part de nos designers marchent extrêmement bien : les collections Panthère, Caresse d’Orchidée. Dans l’horlogerie, c’est la collection Captive. La haute horlogerie a aussi beaucoup de succès au Maroc. Les gens sont à la pointe de la nouveauté et de la technologie. Plus la montre a une complexité technique importante et plus elle est demandée. Ce sont les séries très limitées qui marchent le plus. C’est aussi un investissement. On n’achète plus une montre pour le plaisir d’acheter une montre mais parce qu’on sait qu’elle prendra de la valeur. C’est comme un tableau. C’est une véritable pièce d’art. La collection d’horlogerie haute joaillerie «cirque animalier» qui se compose de trois modèles par an en 50 exemplaires est par exemple très demandée ici. (…)

Pratiquez-vous les mêmes prix qu’en France ?

Oui, exactement les mêmes. On a la chance que le Maroc n’applique plus les droits de douane sur notre secteur. (Le Soir 21-6-2010)

Mais sans doute faut-il considérer que les acheteurs de montres de luxe constituent une catégorie de personnes à besoins spécifiques conformément à l’article 34 de la Constitution:

Article 34:
Les pouvoirs publics élaborent et mettent en oeuvre des politiques destinées aux personnes et aux catégories à besoins spécifiques. (…)

Spéciale dédicace Khalid Naciri

Pour parfaire la culture du camarade-ministre Khalid Naciri et celle de certains nihilistes:

Pierre Kropotkine – Le nihilisme (1898)

A cette époque, un formidable mouvement se développait parmi la jeunesse russe cultivée. Le servage était aboli. Mais pendant les deux cent cinquante ans qu’avait duré le servage, il était né toute une série d’habitudes d’esclavage domestique, de mépris extérieur de la personnalité individuelle, de despotisme de la part des pères et d’hypocrite soumission de la part des femmes, des fils et des filles. Au commencement du siècle, le despotisme domestique régnait partout en Europe à un haut degré comme en témoignent les écrits de Thackeray et de Dickens mais nulle part cette tyrannie n’avait pris un développement aussi considérable qu’en Russie. (…) La loi n’a pas de prise sur ces choses. Un énergique mouvement social était seul capable de réformer les habitudes et les mœurs et la vie journalière en attaquant le mal dans sa racine; et en Russie ce mouvement cette révolte de l’individu prit un caractère beaucoup plus énergique et plus impétueux dans sa critique de l’état de choses existant que dans tout autre pays de l’Europe occidentale ou de l’Amérique. Tourguénev lui donna le nom de « Nihilisme » dans son célèbre roman, « Pères et Fils », et ce nom fut accepté généralement. Ce mouvement a été souvent mal compris dans l’ouest de l’Europe. Dans la presse, par exemple, on a confondu nihilisme et terrorisme. (…) C’est pourtant une erreur. Confondre le nihilisme avec le terrorisme est une méprise aussi grave que d’identifier un mouvement philosophique comme le stoïcisme ou le positivisme avec un mouvement politique, tel, par exemple, que le républicanisme.

Le terrorisme est né de certaines conditions spéciales de la lutte politique, à un moment donné de l’histoire. Il a vécu et a pris fin. Il peut renaître et disparaître encore. Mais le nihilisme a mis son empreinte sur la vie tout entière des classes cultivées de la Russie et cette empreinte persistera pendant de nombreuses années. C’est le nihilisme qui, dépouillé de ce qu’il y a eu en lui d’exagéré – l’exagération était inévitable dans un mouvement de cette sorte provoqué par la jeunesse – donne encore actuellement à la vie d’une grande partie des classes cultivées de la Russie un certain caractère particulier que nous autres Russes regrettons de ne pas trouver dans la vie de l’Europe Occidentale. C’est le nihilisme aussi qui dans ses manifestations variées donne à un grand nombre de nos écrivains cette sincérité remarquable, cette habitude de « penser tout haut », qui étonne les lecteurs occidentaux.

Je vous laisse découvrir la suite ici. C’est tiré de « Mémoires d’un révolutionnaire » de Piotr Kropotkin.

Absents de marque

Je lis dans la presse française ceci – « Sarkozy décore des harkis lors d’une journée nationale d’hommage« , mais il doit s’agir d’une coquille car je ne vois aucune trace de Rachida Dati, Malek Boutih ou Fadela Amara lors de cette célébration.

Ne dérangez pas la DCRI avec ça, elle est en train de compter le nombre de niqabs en banlieue

Il semblerait qu’une organisation musulmane française enverrait 55 de ses militants en « voyage de solidarité militante » dans les territoires occupés en 1967  – parmi les conditions posées pour participer à ce tourisme militant figure celle d’avoir une formation militaire, et ce afin de protéger la population palestinienne contre d’éventuelles attaques israéliennes. Enfin, organisation française est un abus de langage: cette organisation, initialement créée aux Etats-Unis en 1968 par un imam palestinien, figure sous un autre nom sur la liste étatsunienne des organisations terroristes, et elle est bien sûr interdite en Israël. Le ministère français des affaires étrangères ignore cependant son existence, et la Direction centrale du renseignement intérieur français se refuse à tout commentaire. La presse israëlienne s’est émue de ce voyage, et le Shin Bet souligne que ces organisations extrémistes constituent une menace terroriste. Cependant, contrairement à ce qui fut le cas en juillet dernier lorsque des militants pro-palestiniens tentèrent d’embarquer pour manifester pacifiquement en Israël, ces 55 militants solidaires ne feront pas l’objet d’une décision d’interdiction d’embarquer sur les avions devant les amener en Israël.

ADDENDUM: un lecteur attentif me fait remarquer qu’il s’agit d’une organisation juive fondée par un rabbin américano-israélien et non pas une organisation musulmane fondée par un imam palestinien. Autant pour moi.

Limpieza de sangre hier, préservation de la majorité juive aujourd’hui

Certains étaient en faveur d’un Etat blanc en Afrique du Sud du temps de la splendeur de l’apartheid, la ministre espagnole des affaires étrangères Trinidad Jimenez est en faveur d’un Etat juif en Israël:

Spain’s Foreign Minister Trinidad Jimenez presented a new policy for the Palestinian-Israeli conflict on Saturday, declaring Israel as the homeland of the Jews for the first time and saying that the issue of Palestinian refugees should be solved in such a way that it does not compromise Israel’s current demographic makeup of a Jewish majority. (Haaretz 25/9/2011)

Certains s’en étonnent. Je trouve personnellement que l’Espagne fait preuve là d’une très grande cohérence: n’avait elle pas expulsé musulmans et juifs en 1492 afin de faire de l’Espagne un Royaume chrétien et de ne pas compromettre la composition démographique de celui-ci au nom de la limpieza de sangre? Le soutien à la politique d’apartheid d’Israël envers la population arabe rappelle ainsi un national-catholicisme pas si lointain que ça. Je me demande simplement quels autres objectifs ethniques le gouvernement espagnol estime justifiés dans le cadre de sa politique étrangère voire interne…

« La prostitution fait partie du développement économique de la région »

Le plan Azur contribue au développement du Royaume, à en croire cet article sur Saïdia, station estivale à la frontière algéro-marocaine:

Marrakech et Agadir ne sont pas les seules villes où la prostitution monte en flèche. A Saïdia, le coût de la vie de plus en plus élevé, le chômage et des situations familiales précaires poussent de nombreuses femmes à se prostituer. Reportage. (…)

« Je ne sors pas tous les soirs pour travailler. La journée, je suis serveuse dans un restaurant de la marina, mais cela ne me fait pas gagner assez. Dans l’Oriental, il n’y a pas de vrai travail avec un bon salaire pour les femmes. Alors je n’ai pas le choix », résume-t-elle. Ces « extras », elle les monnaye entre 700 et 800 dirhams au printemps et 1 000 dirhams en été. Fraîchement divorcée, elle transfère une grande partie de l’argent à ses sœurs qui gardent sa petite fille de 4 ans à Rabat. « Mes sœurs ignorent le travail que je fais », avoue-t-elle. (…)

«Je me prostitue depuis mes 17 ans. Je le fais toujours avec la peur au ventre. Même après tant d’années, c’est toujours aussi difficile. On ne s’habitue jamais». Fatima

« C’est toujours dangereux, on ne sait jamais sur qui on tombe. Les Rifains sont souvent très violents », confie Asmae. (…)

« A cette heure-là, impossible de trouver une fille qui ne soit pas une prostituée ici », juge Yassine, jeune étudiant oujdi attablé avec trois amis. Depuis la création de la station balnéaire en 2008, le phénomène de prostitution a pris de l’ampleur. « Elles sont de plus en plus nombreuses. La région était vide avant, alors c’est un marché vierge. Saïdia est connue pour cela maintenant », raconte Rachid, patron d’un restaurant de la marina, avant de poursuivre « Dans l’Oriental, les femmes et les hommes sont séparés depuis l’enfance. Du coup, dès qu’ils peuvent se le permettre, et notamment avec l’argent des trafics, les Rifains viennent dans les boîtes et ils payent. On laisse faire et on ignore le problème parce que la prostitution fait partie du développement économique de la région », estime-t-il. (Le Soir 25/9/2011)

Et ces bienfaits se répandent à travers le Royaume, à en croire ces avis de touristes:

  • Une dernière chose, j’ai remarqué la presence de prostitués dans le hall, vers 20h00 / 20h30 …. Etant avec femme, enfant et amis, ça m’a un peu dérangé …. je dirais qu’une presence si visible, risque de nuir à force à ce superbe etablissement.
  • L’Hotel est envahi de prostituées (attirées par la clientèle du casino et de la discothèque).
  • “Grand lupanar de luxe….”
  •  L’hôtel est dès le début de soirée envahit par des groupes de jeunes femmes qui ne viennent pas là pour profiter des installations du Spa mais bien pour vendre leurs charmes!.. Cela est terriblement désagréable et vraiment glauque et surtout totalement indigne d’un établissement qui se revendique palace… Impossible de ne pas y faire attention, elles viennent s’asseoir à côté de vous et vous fixe du regard lourdement.
    Dérangeant quand vous êtes en voyage en amoureux et pas vraiment en ligne avec l’image que l’hôtel vend. Je ne saurai que ne pas recommander l’hôtel aux familles et couples.. Et le laisser aux personnes avides de jeux et de plaisirs diverses…

Au Maroc, le militantisme est d’or

Dans les campagnes électorales de pays démocratiques, le travail électoral de base – affichage, distribution de tracts, permanences électorales, observation électorale – sont le fait de militants bénévoles, se mettant gratuitement au service du parti ou candidat de leur choix.

Et au Maroc?

En ville, les dépenses se limitent aux petites sommes versées aux gens qui animent la campagne. Cela représente en moyenne 200 DH par jour par personne pendant les 15 jours de la campagne. Il faut une trentaine de personnes, généralement des jeunes, pour une campagne moyenne. Certains candidats engagent également un directeur de campagne.  (…) Le jour du scrutin, c’est dans le milieu rural que la facture devient nettement salée. Selon différents témoignages, une circonscription rurale compte, en moyenne, 400 bureaux de vote. Et chaque candidat est tenu de se faire représenter par une personne de son choix dans chacun de ses bureaux pour superviser l’opération de vote. Il faut prévoir un budget de 150 à 200 DH pour chaque représentant, en plus des frais de leurs déplacements et de communication (un téléphone avec une dotation est généralement mis à leur disposition). (La Vie économique 19/9/2011)

Rien ne souligne à quel point la compétition électorale est exempte d’idéologie et de choix politique que ceci – la campagne électorale est le fait de salariés et d’intermédiaires indépendants, pas de militants (1).

PS: C’est en suivant le compte Twitter du parlementaire MP Brahim Zerkdi que je suis tombé sur cet article.

(1) Il faudrait sans doute exempter de ce constat les rares partis plus idéologiques qu’administratifs de la scène politique marocaine – PSU, PADS, CNI et PJD.

%d blogueurs aiment cette page :