Akhannouch, ministre des finances par intérim, conflits d’intérêts permanents

Aziz Akhannouch était ministre de l’agriculture déjà sous la primature calamiteuse d’Abbas el Fassi, et il fut le seul ministre à rester au sein du nouveau gouvernement Benkirane en dépit de son étiquette partisane – le RNI – purement factice, car son seul vrai parti c’est le makhzen (après voir mené campagne  – et été élu – sous l’étiquette du RNI pour les législatives de 2011 en compagnie de Salaheddine Mezouar, il démissionna du parti en 2012 pour devenir un ministre sans étiquette au sein du gouvernement Benkirane:

Déjà en 2007, Akhannouch allait entrer au gouvernement de Abbas El Fassi sous les couleurs du Mouvement populaire. A la veille de la nomination du gouvernement et après le refus de Mohand Laenser de le parrainer, lui et Amina Benkhadra, Aziz Akhannouch avait intégré le RNI alors présidé par Mustapha Mansouri. Sauf que cette fois-ci, le ministre de l’Agriculture sortant s’est présenté aux élections législatives de novembre dernier et toujours sous l’étiquette du RNI. Près d’un mois plus tard, il jette l’éponge. Cela doit être un coup dur pour Salaheddine Mezouar, le président du parti qui avait, dès le lendemain des élections, choisi de camper dans l’opposition. Des parlementaires de cette formation se sont déjà prononcés en faveur d’Akhannouch. Ils ont promis de soutenir ses projets même s’ils sont dans l’opposition. (L’Economiste, 2012)

Déjà, ce portefeuille soulevait problème ( voir « Bref rappel sur le parcours d’Aziz Akhennouch« ), en raison des considérables intérêts économiques d’Akhennouch et de son épouse Salwa – le groupe familial AKWA Group  anciennement (avant 2002Groupe Afriquia, leur appartient, et est présent notamment dans le secteur du carburant, un secteur réglementé bénéficiant de la caisse de compensation, ainsi que la communication, autre secteur réglementé:

AKWA Group comprend désormais quatre pôles d’activités: les carburants (Afriquia), le gaz (Afriquia Gaz), les fluides (Maghreb Oxygène et Techno Soudures) et les TMT (technologies, média et télécommunications). (Aujourd’hui Le Maroc, 2002)

C’est ainsi que le groupe a mis le pied dans d’autres secteurs tributaires de bonnes relations avec les pouvoirs publics – dont une concession à Tanger Med:

En 2004, AKWA Group a été désigné en qualité de concessionnaire du premier terminal à conteneurs du nouveau port de Tanger Méditerranée. Quatre années plus tard, le groupe se voit attribuer la concession du terminal 3 du Port Tanger Med dans le cadre d’un groupement formé avec Maersk (Danemark) et APM Terminals (Hollande). (site d’AKWA Group)

Plus récemment, le tourisme est venu s’y rajouter – AKWA Group signant même des conventions de partenariat avec des groupes étrangers sous « la présidence » d’un collègue gouvernemental d’Aziz Akhannouch, le ministre du tourisme:

Après Marrakech et Casablanca, Four Seasons Hôtels, fleuron de l’hôtellerie internationale prend pied à Agadir en s’alliant au géant marocain Akwa Group. À cet effet, un protocole d’accord a été signé, hier à Casablanca, sous la présidence du ministre du Tourisme, Lahcen Haddad. (Le Matin du Sahara, 2013)

Et le tour de table de ce projet-là justement indique la présence aux côtés d’AKWA Group de la CDG, bras financier du makhzen:

Actuellement, le projet semble être enfin sur les rails, il réunit dans son tour de table quatre partenaires qui sont CDG Développement (35%), filiale du groupe Caisse de dépôt et de gestion, la Société marocaine d’ingénierie touristique (5%), le groupe Alliances Développement immobilier (20%) et le consortium Sud Partners, consortium dont le chef de file est Akwa Group (15%).(Le Matin du Sahara, 2013)

Et depuis, un cinquième pôle est venu s’y ajouter – l’immobilier, autre secteur soumis à forte réglementation publique – le classement des zones, les autorisations administratives en matière d’urbanisme, le financement des projets, l’agrément des projets d’investissement… – et où l’entregent avec les autorités administratives, gouvernementales et financières est fort utile. Et l’on peut y rajouter le ciment

Dans les médias, AKWA Group contrôle le groupe Caractères Médias, qui comprend notamment La Vie économique et Femmes du Maroc. Le groupe – Aksal Group – dirigé par son épouse, Salwa Idrissi Akhannouch, s’intitule modestement « Leader marocain du luxe, retail et malls » (et avec une réussite d’autant plus méritoire que sa création daterait de 2004) , des activités qui ne lésinent généralement pas sur la pub dans la presse écrite. Et voilà pourquoi vous ne lirez pas beaucoup d’enquêtes d’investigation sur le cheminement d’Aziz Akhannouch dans la presse écrite…

Son épouse est décrite ainsi par le magazine étatsunien Forbes, dans un article intitulé « Ten African Millionnaires You’ve Never Heard Of« :

Salwa Idrissi Akhannouch, Morocco

Source: Real Estate, Fashion

One of Morocco’s wealthiest female entrepreneurs, Salwa Idriss Akhannouch is the founder and CEO of the Aksal Group, a Moroccan leader in retail, luxury goods, department stores and shopping malls. Aksal owns a 50% stake in Morocco Mall, the largest shopping center in Africa which was built at a cost of over $240 million in 2007. Aksal also holds the sole franchise for fashion brands such as Zara, Banana Republic, Pull & Bear and Gap GPS -0.64% in Morocco. Akhannouch inherited a fortune from her grandfather, Haj Ahmed Belfiqih, a businessman who held a virtual monopoly on Morocco’s tea trade in the 1960s. She is also the wife to Aziz Akhannouch, an equally wealthy Moroccan businessman and politician. (Forbes, 2013)

Mais le magazine n’avait pas oublié son époux dans cette liste, faisant d’eux le seul couple marié à y figurer:

Aziz Akhannouch, Morocco

Source: Energy distribution, Hotels

Aziz Akhannouch is the husband of Salwa Idrissi Akhannouch and currently serves as Morocco’s Minister of Agriculture and Fisheries. He is also one of the country’s wealthiest men. The 52 year-old politician is still Chairman and CEO of Akwa Group, a $1.6 billion (sales) Moroccan conglomerate which owns Afriquia, the Kingdom’s largest energy distribution company, hotel chain Ibis Moussafir and Afrinetworks, the largest distributor for Moroccan mobile operator Méditelecom with a portfolio of 250 outlets and 600 sites GSM payphones. The Akwa Group was founded in 1959 as Afriquia SMDC (Société Marocaine de Distribution de Carburants) by Akhannouch’s father.

Nul besoin d’être un prêtre luthérien scandinave pour se sentir mal à l’aise devant un tel conflit d’intérêt. Tout au plus Akhennouch pouvait-il se défendre en disant que son portefeuille ministériel – l’agriculture – n’était pas en contact direct avec l’activité principale de son groupe, les hydrocarbures, ou les activités subsidiaires. N’importe quelle personne ayant une connaissance superficielle du milieu politico-administratif marocain sait que l’influence d’un ministre, conseiller royal, haut fonctionnaire ou sécuritaire n’est pas délimitée par sa place dans l’organigramme officiel – pour preuve, l’intervention réussie d’Akhennouch dans une histoire obscure à la Casablanca American School, à laquelle l’ambassade des Etats-Unis menaçait de retirer son agrément en tant qu’école délivrant des diplômes scolaires étatsuniens pour cause de mauvaise gestion:

Il faudra l’intervention personnelle du ministre de l’Agriculture Aziz Akhennouch, dont l’enfant est scolarisé à l’école américaine, pour que les choses rentrent dans l’ordre. Résultat : les directeurs du conseil d’administration ont donné leur démission. Elle prend effet en octobre prochain, date à laquelle de nouveaux membres seront élus. De quoi rassurer les parents qui voulaient inscrire pour la première fois leur enfant dans cette école.

Et notre homme était lui-même conscient, en 1996, que son secteur était très dépendant des décisions publiques:

«Mais, explique M. Aziz Akhannouch, président du groupe, une grande partie de ces projets reste dépendante des décisions administratives concernant la suite de la libéralisation» (L’Economiste, 1996)

Six ans plus tard, il en était toujours aussi conscient:

« Pour que le secteur de la distribution poursuive son plan de développement et d’extension, il est nécessaire que les pouvoirs publics apportent des solutions aux différentes problématiques posées, plus particulièrement en termes de visibilité de modèle économique et de rentabilité financière ». (L’Economiste, 2002)

Et en 2005, il se faisait une idée claire de ses attentes vis-à-vis des pouvoirs publics:

Quelles améliorations doivent apporter les pouvoirs publics pour que le marché fonctionne mieux?

– D’abord, je tiens à dire que nous souscrivons totalement à la politique du gouvernement qui consiste à assurer une bonne chaîne d’approvisionnement par la diversification des opérateurs, la multiplication des sites de stockage et des points d’entrée. Nous voulons continuer à contribuer à cette politique énergétique de diversification des sources et de la sécurité d’approvisionnement. Bien évidemment, il faut mener parallèlement une réflexion profonde sur tout le système de la compensation et la fixation des prix. Nous avions un système qui fonctionnait très bien, celui de l’indexation, mais il a été arrêté. Quant au gaz, il va falloir réfléchir à une stratégie autour d’une décompensation progressive. (L’Economiste, 2005)

Rien d’étonnant, de la part de cet ancien poulain de Driss Basri et lié par sa famille maternelle au Palais (voir mon billet précité), que de saisir l’importance de l’Etat au Maroc pour la réussite des affaires…

Voilà donc qu’on a appris vendredi que Nizar Baraka ayant fait partie des cinq ministres Istiqlal démissionnaires suite au psychodrame de Hamid Chabat, nouveau chef de ce parti, il a été nommé président du Conseil économique, sociale et environnemental en remplacement de Chakib Benmoussa, nommé ambassadeur à Paris. Qui le Roi et le Chef du gouvernement ont-ils trouvé comme mieux indiqué pour remplacer Baraka le temps de finaliser les négociations avec le RNI pour la formation du nouveau gouvernement? Facile: Idriss Azami al Idrissi, ministre délégué au près du ministre de l’économie et des finances, chargé du budget, qui est un ancien haut fonctionnaire de ce ministère et qui a servi directement sous Baraka depuis 2011, étant en charge de la préparation de la loi des finances 2014. Parmi les bizarreries de cette nomination à titre intérimaire, on relèvera que Akhannouch est le seul ministre nommé à ce titre , à en croire la presse officieuse, alors que quatre autres départements ministériels n’ont plus de chef…

Eh bien non, ce sera Aziz Akhannouch. Il est vrai qu’outre ses qualités d’homme d’affaires et son peu d’intérêt pour les appartenances partisanes, il est devenu très proche du Roi. Enfin, aussi proche que puisse être un Marocain de son Roi… Toujours est-il qu’il est probablement un des rares ministres depuis 1999 (sans doute Fouad Ali el Himma a-t-il eu ce privilège avant lui) à pouvoir titre privé le Roi et Lalla Salma à un ftour, comme ce fut le cas ce ramadan… Il est vrai que dans leurs activités de mécenat, les deux groupes, AKWA & Aksal, n’hésitent pas à financer les différentes fondations royales et assimilées – la Fondation Mohammed Vi pour l’environnement s’agissant d’AKWA, et la Fondation Lalla Salma pour la prévention et le traitement des cancers s’agissant d’Aksal.

Résumons donc: voilà un des trois ou quatre hommes d’affaires les plus riches du pays – Roi excepté – qui bien que n’ayant aucun poids partisan ni aucune attache idéologique, siège au gouvernement en dépit du conflit d’intérêt gros comme une maison que soulève son cas. Déjà pressenti pour la primature avant les élections de 2011 – le score du PJD y fit obstacle – il demeure comme une anomalie non-partisane dans un ministère qui n’est pas de souveraineté au sens propre du terme (justice, intérieur, affaires étrangères), il bénéficie de manière privilégiée d’une promotion intérimaire au poste de ministre des finances – alors qu’il devient (comme souligné par Omar) le ministre de tutelle de la Direction générale des impôts, qui hésitera sans doute à lancer des contrôles fiscaux à l’encontre d’AKWA ou d’Aksal pendant ce laps de temps. Seule sa proximité du Palais justifie sa nomination – et comment croire alors qu’il n’est nommé aux finances qu’à titre intérimaire?

Maroc: Le nouveau ministre de l’économie et des finances est une femme!

Elections, what elections? Elections are soooo 1989...

Elections, what elections? Elections are soooo 1989…

Qui a dit qu’il ne se passe rien l’été au gouvernement? Le 31 juillet, en plein ramadan, le cap de la politique économique marocaine a enfin été fixé de manière indiscutable par Nemat Shafik:

“The arrangement under the Fund’s Precautionary and Liquidity Line (PLL), which the authorities intend to continue to treat as precautionary, has provided Morocco with an insurance against external risks while supporting the authorities’ economic strategy.

“Following the deterioration in the fiscal and external accounts in 2012, the authorities have taken significant measures to reduce vulnerabilities, despite an unfavorable external environment and a challenging regional context. Continuing efforts to build consensus and move ahead with difficult but necessary reforms will be key for preserving macroeconomic stability while promoting higher and more inclusive growth.

“The authorities’ fiscal deficit target for 2013 of 5.5 percent of GDP remains consistent with their medium-term objective built on maintaining fiscal sustainability and supporting external adjustment. Close monitoring and firm control of spending will be needed through the rest of the year to ensure that this target is met. The planned tax reform should promote more equity and support competitiveness while generating adequate resources. Continued efforts to contain the wage and subsidy bills are important for creating space for better targeted social spending and higher capital expenditure. Recent actions to reduce subsidies are welcome in that regard, while moving ahead with a comprehensive subsidy reform will be crucial to further reducing fiscal and external vulnerabilities. Furthermore, the early adoption of a new organic budget law will be important to ensure a strong, transparent and modern fiscal framework.

“Lower global commodity prices, rising exports in newly developed sectors and lower food imports have helped reduce the current account deficit, and, combined with strong capital inflows, stabilize reserves. Structural reforms to enhance competitiveness continue to be a priority to sustain these gains. Moving toward greater exchange rate flexibility supported by appropriate macroeconomic and structural policies would enhance external competitiveness and the economy’s ability to absorb shocks.”

Pourquoi l’anglais et qui est cette Nemat Shafik? Simple: l’anglais est l’unique langue de travail du FMI, dont Mme Shafik est le président faisant fonction et le directeur exécutif adjoint. Voici les éléments majeurs de son programme électoral, qu’elle se fera forte de défendre face aux électeurs marocains, de Tanger à Lagouira:

  • Un contrôle ferme des dépenses publiques;
  • Une réforme fiscale pour plus d’équité et de compétitivité mais aussi plus de rentrées fiscales;
  • Une modération salariale accrue;
  • Une baisse de la facture de la compensation des produits dits de première nécessité par une réforme globale, laquelle est cruciale;
  • Des dépenses sociales plus ciblées;
  • Enfin, l’adoption rapide de la loi organique sur la loi de finances, telle que prévue à l’article 75 de la Constitution.
- So, Ms Shafik; what do you have to say to the average Moroccan voter... - Let me interrupt you right here, dear: we don't do elections at the IMF.

– So, Ms Shafik; what do you have to say to the average Moroccan voter…
– Let me interrupt you right here, dear: we don’t do elections at the IMF.

Petite déception tout de même: aucune mention de la réforme du droit de grâce, de sa vision sur la plan d’autonomie du Sahara marocain, du racisme contre les sub-Sahariens au Maroc, ni sur une éventuelle élection législative anticipée.

Ah, on me murmure dans l’oreillette qu’elle n’est pas candidate aux prochaines élections marocaines. Pas grave: notre chef de l’Etat et ses conseillers économiques non plus!

Commentaires supplémentaires sur le droit de grâce et la réforme judiciaire

Le journaliste Alae Bennani m’a interviewé avec des questions portant notamment sur la grâce royale, la Constitution et le code pénal – extraits:

4) Vous en pensez quoi de la dernière affaire #DanielGate relative à la libération d’un pédophile irako-espagnol à l’occasion de la fête du trône? Qui est responsable de cette « erreur » à votre avis?  

Une marque d’incompétence tout à fait remarquable, qui révèle que nos institutions sont, au sommet, pas plus compétentes que la mouqata’a de base. Les faits ne sont pas encore tout à fait connus, avec des versions divergentes, mais le cabinet royal a sans doute un rôle déterminant, même si je trouve l’opinion extrêmement clémente avec Benkirane, qui a contresigné la grâce et qui aurait dû, lui, s’assurer que le dossier était présenté de manière professionnelle. Il a failli, et ce n’est pas une excuse qu’on ait failli au dessus de lui.

5) En tant que juriste, quelles sont les étapes de la rédaction de la liste de la grâce royale? Qui la rédige, qui l’approuve?

Cf le dahir de 1958 – une commission des grâces présidée par un représentant du ministère de la justice examine les demandes et établit la liste, libre ensuite au chef de l’Etat d’approuver ou non les noms qui y figurent.

6) Nous aimerons avoir EN BREF votre avis sur la nouvelle constitution, les éléments qui vous gênent…. 

Ca demanderait trop de développements. Globalement, elle est mal rédigée du point de vue de la technique juridique, avec des failles étonnantes. D’autre part, des parties entières tiennent plus de discours de fin de banquet que d’un texte juridique. Ceci étant, certains changements auront sans doute un effet systémique dont on ne se rend pas encore compte – je pense à la disposition faisant du chef du parti arrivé premier aux élections premier ministre. Mine de rien, cela impose une évolution vers un poids accru à la personnalité du chef des principaux partis, cela tend à écarter les chefs falots, à privilégier des chefs de parti pouvant être écoutés de la population, et cela devrait surtout faire comprendre à l’électeur que lorsqu’il vote pour son député, il désigne également un PM. Peut-être cela lui fera comprendre qu’il ne doit pas seulement désigner une super-assistante sociale ou voter en fonction des bakchichs reçus – mais peut-être suis-je trop optimiste.

7)  Qu’en est il du code pénal marocain? Quels sont les articles de loi qui vous semblent désuète voire même moyenâgeux ?

Le code pénal marocain n’est pas la plus mauvaise de nos lois, même si il est partiellement désuet. Le code de procédure pénale est beaucoup plus attentatoire aux libertés d’un grand nombre de marocains que le code pénal. Mais pour rester dans la question posée, si j’étais ministre de la justice je soumettrais un projet de loi abrogeant les sanctions pénales pour des relations sexuelles consenties et non-tarifées entre adultes -de sexe opposé ou non-  dans la sphère privée – il est aberrant de maintenir ces dispositions. Je dépénaliserai également de manière urgente la possession de cannabis pour usage personnel, en attendant un débat sur la dépénalisation totale en faveur de laquelle je suis. Je tâcherai également de dépénaliser le plus possible les infractions réprimées par le Code de la presse, notamment les articles 38 et 41 relatifs aux « lignes rouges ». En parallèle je modifierai le code de procédure pénale pour soumettre la garde à vue à la présence de l’avocat, du moins pour les crimes et délits, réduire de manière draconienne les cas permettant la détention provisoire, et rendre l’emprisonnement beaucoup plus difficile pour les infractions non violentes (toute contrainte sexuelle est bien évidemment violente) ou ne portant pas atteinte à la moralité publique (corruption, concussion, détournement de fonds, infractions électorales).

8) L’article 58 de la constituions dit que « Le roi exerce le droit de grâce…. »  ¨Vous en pensez quoi?

Il ne devrait plus l’exercer. Ce devrait être dévolu au Premier ministre (si le fétichisme est trop fort, on pourrait dire que le PM exerce le droit de grâce au nom du Roi, et permettre au Roi de proposer des grâces), selon une procédure révisée, transparente et contraignante, dans laquelle les victimes et leurs ayants-droit seraient pleinement impliqués. Mais il ne faut pas se leurrer: notre système judiciaire est pourri jusqu’à l’os, on ne peut s’attendre à des miracles pour ce segment de la chaîne judiciaire qu’est la grâce si le reste est corrompu.

Suite, avec des questions personnelles, ici.

Aïda Alami a sinon écrit un article sur la réforme judiciaire au Maroc dans le contexte de DanielGate pour Al Jazeera English, où je suis cité:

But Ibn Kafka, a prominent Moroccan blogger who writes on the legal system, believes there can be no quick fixes to the issues facing the country’s judiciary. The system, he says, needs to rebuilt from scratch. « Pardons come at the end of the judicial chain, and if the rest is corrupt and ineptly managed, there’s no reason for pardons to function spotlessly, » he said.

Ibn Kafka argues that change can only come from the bottom, namely from the people protesting on the streets. « Civil society needs to keep up the pressure and come forward with concrete proposals, or else we’ll end up like in June 2011, with a mediocre constitutional text being rammed down our throats, » he said, referring to a new constitution that was adopted to stall « Arab Spring » protests in the country.

Le reste est ici.

Ce qui ne peut plus durer dans le système marocain des grâces royales

Vous avez suivi l’affaire DanielGate, ici et encore ici ou ailleurs, et vous vous êtes tous rendus compte que le système des grâces royales ne marchait pas – et pas seulement pour cause d’erreur humaine. Le problème est structurel et tient à la qualité très médiocre du dahir de 1958 sur les grâces, comme tant d’autres textes juridiques marocains. Détaillons ce qui ne va plus dans le système marocain des grâces royales, et comment y remédier:

  1. La grâce doit être le fait d’un acteur institutionnel responsable devant le Parlement et les électeurs. La grâce incombe selon la Constitution au Roi. Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, il est absurde que la grâce soit dévolue à un acteur institutionnel solitaire (alors que le Chef du gouvernement est le primus inter pares d’un collège), non-élu (article 43 de la Constitution) et juridiquement irresponsable (article 46), ainsi que DanielGate l’a montré. Il est anormal et malsain qu’une entité non-élue et non-responsable devant l’électorat ou la justice puisse prendre des décisions dans un système démocratique, ce qui montre bien que le Maroc n’en est pas un. La Constitution dispose cependant que le droit de grâce est exercé par le Roi (article 58) avec contreseing cependant du Chef du gouvernement (article 42 alinéa 4 a contrario) – difficile donc de modifier cela sans réformer la Constitution. Une possibilité serait de confier formellement le droit de grâce au Chef du gouvernement (tout en l’encadrant par une procédure contraignante et une préparation collégiale de la liste des graciés), qui est lui responsable devant le Parlement et in fine devant l’électorat, et qui ne bénéficie d’aucune immunité judiciaire (cf. article 94 de la Constitution), quitte à préciser symboliquement qu’il exerce ce droit de grâce au nom du Roi si le fétichisme monarchique est trop fort.
  2. La grâce ne doit intervenir qu’après un jugement définitif. Selon l’article 1 du dahir n° 1-57-387 du 16 rejeb 1377 (6 février 1958) relatif aux grâces, tel que modifié en 1977, la grâce peut intervenir à tout moment de la procédure pénale, y compris « avant (!) la mise en mouvement ou au cours de l’exercice de l’action publique » – en clair, vous pouvez être grâcié dès votre convocation ou arrestation par la police. Ceci est absolument contraire à la nature même de la grâce, qui, si elle constitue bien une intervention discutable de l’exécutif dans une procédure judiciaire (certains pays ne connaissent pas la grâce ou l’ont confiée aux tribunaux, comme c’est le cas en Suède pour les condamnés à la réclusion perpétuelle), intervient une fois la procédure judiciaire définitivement close. Rien de tel donc au Maroc, où le Roi peut intervenir à tout moment, même avant le déclenchement de l’action publique (c’est-à-dire des poursuites pénales). On en a eu la preuve dans cette décidément calamiteuse liste des 48 détenus espagnols graciés, puisqu’un d’entre eux, l’hispano-marocain Mohamed Mounir Molina, poursuivi pour trafic de stupéfiants, fut gracié 48 heures avant le début de son procès! L’interventionnisme royal est dans ce cas-là absolu et arbitraire. Il est en plus de cela contraire à la Constitution. En effet, si l’article 58 confie la grâce au Roi, l’article 71 alinéa 1 cinquième tiret de la Constitution confie l’amnistie au Parlement. Or l’amnistie, à la différence de la grâce, ne se contente pas de réduire ou éliminer la peine, mais également d’effacer la condamnation, qui disparaît dès lors du casier judiciaire de l’intéressé (cf. à titre d’exemple le dahir du 19 décembre 1955 portant amnistie, BORM n° 2252 du 23 décembre 1955, p. 1871, article 3: « sont également annulés tous les arrêts définitifs prononcés par les juridictions chérifiennes, pour les motifs mentionnés à l’article premier« ). Mais si l’on permet la grâce avant même que soit prononcé le jugement définitif, l’effet en devient similaire à celui d’une loi d’amnistie: non seulement l’éventualité d’une sanction pénale disparaît, mais il n’y a pas de condamnation et donc aucune inscription au casier judiciaire. Il faut donc, pour respecter la Constitution de 2011, qui confie au seul Parlement la capacité de décider de l’amnistie, limiter strictement le droit de grâce aux seuls condamnés dont le jugement est devenu définitif.
  3. La grâce doit être publique. Alors même que l’affaire DanielGate a placé le Roi devant une crise de confiance personnelle inédite dans l’histoire moderne du Maroc, et alors que le Palais lui-même a annoncé la nécessité d’une réforme du système, moins d’une dizaine de jours après la grâce collective du 30 juillet ayant bénéficié à 1.044 personnes à l’occasion de la Fête du Trône, une autre grâce collective bénéficiant à 385 personnes a été annoncé pour l’Aïd el fitr, dans la même opacité qu’avant. Figurez-vous que, comme l’a relevé Mounir Bensalah, la liste des grâciés n’est pas publique. En effet, le décret n° 2-80-52 du 6 hija 1400 (16 octobre 1980) relatif aux éditions du Bulletin officiel dispose en son article premier que « le Bulletin officiel comprend (…) une édition générale dans lequel sont insérés les lois, les réglements (…) ainsi que tous les autres décisions ou documents dont la publication au Bulletin officiel est prévue par les lois ou les règlements en vigueur« . Or il s’avère que le dahir de 1958 relatif aux grâces ne prévoit pas la publication au BO des dahirs de grâce. Ceci doit absolument changer – n’oublions pas que c’est uniquement grâce à l’activisme de l’avocat des victimes de Daniel Galván Viña, Me Hamid Krayri, militant de l’AMDH, et de la militante Maria Karim, qui a alerté les réseaux sociaux. Ne ne pourrons toujours compter sur des militants dévoués pour apprendre la vérité…
  4. La grâce doit être motivée. Aujourd’hui, nul besoin, selon le dahir de 1958, de motiver quoi que ce soit – inutile de s’étendre sur le sujet, chacun l’a bien relevé avec l’affaire DanielGate. Ceci favorise l’arbitraire – ne parlons même pas de la corruption notoire de la Commission des grâces – ainsi que la prise de mauvaises décisions. Si la grâce de Daniel Galvan avait du être motivée, sans doute quelqu’un aurait au moins ouvert le dossier judiciaire de ce dernier et se serait dit qu’il serait sans doute difficile de grâcier un violeur pédophile condamné à 30 ans de prison après seulement deux années d’emprisonnement.
  5. Des critères précis doivent être fixés pour l’obtention de la grâce. La grâce n’ayant pas à être motivée, devinez quoi: elle ne répond à strictement aucun critère – aucune catégorie de crime n’en est exclue, ni aucune catégorie de condamnés; les motifs pouvant la justifier – situation familiale, état de santé, efforts de réinsertion, caractère non-violent de l’infraction, comportement en détention – ne figurent nulle part. Strictement rien n’empêcherait le tueur en série pédophile de Taroudant d’être grâcié (je ne parle pas de sa condamnation à mort, le Maroc n’ayant plus procédé à d’exécution depuis 1993) demain, en l’état actuel du droit. Il faudrait exclure les condamnés pour certains types d’infractions – notamment celles comportant de la violence ou des abus sexuels sur mineurs – ainsi que les condamnés appartenant à certaines catégories de personnes – les conseillers du Roi, les ministres et le parlementaires devant être exemplaires, ils ne devraient pas pouvoir bénéficier d’une grâce royale.
  6. La grâce doit être conditionnelle. Voyons la lamentable affaire de l’annulation de la grâce, une fois la polémique devenue publique grâce aux seuls efforts des réseaux sociaux: comme écrit précédemment, l’annulation d’une grâce est quasi-unique dans les annales non seulement du droit marocain, mais du droit tout court, et cela causera des problèmes – exposés dans un précédent billet – dans les efforts visant à faire purger le restant de sa peine en Espagne à Daniel Galvan. Par contre, si la grâce était conditionnelle, comme dans certains systèmes juridiques anglo-saxons, il aurait été plus simple de mettre fin à la remise en liberté de Daniel Galvan, et d’une manière qui eût sans aucun doute été mieux acceptable dans un Etat membre du Conseil de l’Europe et donc signataire de la Convention européenne des droits de l’homme.
  7. La grâce doit être systématique pour les condamnés à de courtes peines pour des infractions bénignes. Pour compenser un peu les mesures précédentes, qui vont toutes dans le sens d’une plus grande rigueur, il conviendrait de grâcier systématiquement et automatiquement – sauf contre-indications de l’administration pénitentiaire – les condamnés à de courtes peines pour des infractions non-violentes, ne comportant pas d’abus sexuels et ne touchant pas à la moralité de la vie publique (corruption, détournement de fonds, fraude électorale). L’idéal aurait été d’inclure de telles dispositions dans le Code pénal, mais puisque c’est le dahir relatif aux grâces qui va être réformé selon le communiqué royal, autant en profiter, le mieux étant l’ennemi du bien. On pourrait ainsi prévoir que la grâce serait systématique après la moitié de la peine pour toute condamnation inférieure à cinq années de prison pour des infractions répondant aux critères précités – pas de violence, pas d’abus sexuel, pas d’atteinte à la moralité de la vie publique.

On pourrait sans doute continuer la liste, mais voilà les changements qui me semblent urgents – sans compter bien évidemment la réforme en profondeur du mode de désignation et de fonctionnement de la Commission des grâces…

La salle de réunion de la Commission des grâces.

La salle de réunion de la Commission des grâces.

La liste de Daniel

Comme tout le monde le sait désormais, le Roi a, dans son habituelle grâce royale de la Fête du trône, grâcié un violeur pédophile multirécidiviste, Daniel Fino Galván, condamné dans un jugement historique de 2011 à 30 années de réclusion criminelle pour avoir violé onze mineurs âgés de 2 à 15 ans entre 2004 et 20062010, dans un quartier populaire de Kénitra. Il a quitté le territoire marocain en dépit d’un passeport espagnol périmé, le consulat d’Espagne ou les autorités marocaines ayant facilité son départ, alors même qu’il n’a pas payé les dommages-intérêts dûs à ses victimes. Rendue publique le 30 juillet, la nouvelle a fait l’effet d’une bombe sur les réseaux sociaux et a donné lieu à un niveau de critiques – directes et personnelles – inégalé du Roi et d’une décision royale. De manière unique dans l’histoire du Maroc, plusieurs manifestations publiques se tiendront ce vendredi 2 août à travers le pays, et notamment à Rabat, en face du Parlement, pour critiquer la grâce royale.

Les médias officiels et officieux, tétanisés, ont soit fait la sourde oreille et parlé de tout sauf du fond – à savoir la grâce royale. La débat sur les réseaux sociaux englobe quant à lui le remise en cause tant de la prérogative royale – le Roi ne devrait plus exercer le droit de grâce estiment certains, dont l’auteur de ces lignes – que le principe des grâces – certains voudraient les abolir (ce n’est pas mon cas). Le ministre de la justice renvoie la responsabilité de la confection de la liste des graciés au Palais. La procédure en matière de grâces royales – régie par un dahir de 1958 – a été débattue, ainsi que bien évidemment le rôle de chacun – Roi, ministre de la justice et chef du gouvernement – dans la procédure de grâce royale telle qu’elle existe actuellement. Rappelons pour simplifier que le droit de grâce est dévolu au Roi en vertu de l’article 58 de la Constitution (« le Roi exerce le droit de grâce« ), mais que l’article 42 alinéa 4 de la Constitution la soumet au contreseing du Chef du gouvernement – une grâce royale est donc dépourvue de toute valeur juridique tant qu’elle n’a pas été contresignée par le premier ministre. Quant à la procédure, elle est régie par le dahir n° 1-57-387 du 16 rejeb 1377 (6 février 1958) relatif aux grâces. Une commission des grâces est instituée sous l’égide du ministère de la justice, selon les dispositions suivantes:

Art : 9 – Il est institué à Rabat, une commission des grâces chargée d’examiner les demandes en remise de peines ainsi que les présentations effectuées d’office à cette fin.
Art : 10 – La composition de cette commission est fixée ainsi qu’il suit :
Le ministère de la justice ou son délégué, président ;
Le directeur du cabinet royal ou son délégué ;
Le premier président de la Cour suprême ou son représentant ;
Le procureur général près la Cour suprême ou son représentant ;
Le directeur des affaires criminelles et des grâces ou son représentant ;
Le directeur de l’administration pénitentiaire ou son représentant.
Le secrétariat de la commission est assuré par un fonctionnaire dépendant du ministère de la justice.
Art : 11 – La commission des grâces se réunit aux dates fixées par le ministre de la justice et à l’occasion des fêtes de l’Aïd-es-Seghir. de l’Aïd-el-Kebir, du Mouloud ou de la fête du trône.
Art : 12 – La commission examine les requêtes ou propositions qui lui sont transmises en s’entourant de tous renseignements utiles; elle émet un avis qui est adressé au cabinet royal pour être statué ce qu’il appartiendra par Notre Majesté Chérifienne.
Art : 13 – Notre décision est exécutée à la diligence du ministre de la justice.

Si trois institutions sont impliquées – le ministère de la justice, le Chef du gouvernement et le Roi – c’est donc bien le Roi qui a le dernier mot – la décision finale lui appartient en propre, ainsi qu’en dispose l’article 12 du dahir (« La commission (…) émet un avis qui est adressé au cabinet royal pour être statué ce qu’il appartiendra par Notre Majesté Chérifienne« ).

Je ne compte pas entrer dans le détail de ce débat, que je tâcherai de traiter ultérieurement. Je tiens surtout à traiter un question qui me turlupine – l’existence ou non d’une liste de noms fournie par la partie espagnole à la partie marocaine en vue d’une grâce de détenus espagnols, demandée par le Roi d’Espagne Juan Carlos lors de sa dernière visite officielle au pays, le 15 juillet dernier. Ceci ne disculpe en rien le Roi ni le Chef du gouvernement de la responsabilité morale et politique de cette grâce, qui est juridiquement de leur seul fait, ni le ministre de la justice, dont des collaborateurs affirment qu’il aurait attiré l’attention du Palais sur la présence de Daniel Fino Galván parmi les 48 détenus espagnols graciés. Mais la question cruciale aujourd’hui est bien évidemment la suivante: qui a inscrit le nom de ce dernier, et dans quelles circonstances – sachant par ailleurs que Galván est littéralement le 48e nom sur la liste, ainsi que le rapporte Yabiladi?

Si l’on revient sur la visite de Juan Carlos, on apprend que ce dernier avait évoqué le sort de prisonniers espagnols détenus dans des prisons marocaines. Chacun connaît l’état des prisons de notre pays, et il est normal qu’un chef d’Etat étranger sollicite un geste de clémence en faveur de ses ressortissants détenus dans des conditions sinon inhumaines du moins dégradantes. Le Maroc aurait pu rétorquer par une offre de transfèrement, à savoir l’accord bilatéral pour l’accomplissement en Espagne des peines de prison prononcées à l’encontre d’un détenu espagnol par un tribunal marocain, conformément à la convention du 30 mai 1997 sur l’assistance aux personnes détenues et sur le transfèrement des personnes condamnées. Le Maroc aurait également pu déterminer avec soin la liste des détenus à gracier, en fonction de critères humanitaires (âge, situation de famille, état de santé) ou de politique pénale (peine courte, infraction de moindre gravité, comportement du détenu en détention) habituels en matière de grâce.

Ce n’est donc pas décharger les institutions marocains de leur très lourde responsabilité dans ce dossier que de s’intéresser aux conditions d’élaboration de la liste.

Récapitulons: le roi Juan Carlos se rend au Maroc en visite officielle et évoque la situation des prisonniers espagnols au Maroc, demandant au Roi Mohammed VI un geste de générosité. S’il faut en croire Ignacio Cembrero, le célèbre correspondant au Maroc du principal quotidien espagnol El Pais, seul un nom aurait été évoqué – celui de Antonio García Vidriel, une cause célèbre en Espagne. A l’opposé, le site d’information Lakome – qu’on ne peut guère soupçonner d’être mû par la volonté de blanchir à tout prix le Palais dans cette histoire – rapporte qu’une liste de 30 noms aurait été remise au Roi du Maroc, et rajoute même que le nom de Daniel Fino Galván aurait été inscrit sur la liste à l’insistance des services de renseignement espagnols.

Voilà donc deux versions totalement contradictoires – aucune liste de noms de remise au Roi du Maroc et donc responsabilité exclusive de ce dernier, ou liste de noms remise, avec ou non le nom de Daniel Fino Galván, et circonstance atténuante (je ne suis pas d’accord avec ce dernier argument, le Maroc ayant souverainement pu refuser la grâce à celui-ci en raison de la nature pédophile de ces crimes – je vois mal l’Espagne pouvant en faire le reproche au Maroc).

A titre personnel, la version officielle espagnole me paraît impossible à croire. L’Espagne comptait avant cette grâce de 48 détenus 163 ressortissants dans les geôles marocaines. Le Roi Juan Carlos sollicitant la grâce d’au moins un prisonnier espagnol et en soulignant la situation difficile des autres, le ministère des affaires étrangères espagnol, qui a préparé la visite royale, devait bien s’attendre, en cas de réaction positive du Roi du Maroc, à ce que ce dernier demande que lui soient signalés les cas de prisonniers espagnols que les autorités espagnoles souhaitaient voir graciés.

Il faut se rendre compte qu’une visite officielle d’un souverain étranger est préparée, généralement par le ministre des affaires étrangères avec l’aide de l’ambassade présente dans le pays hôte. Une telle visite comporte généralement un agenda, pas forcément mais le plus souvent convenu entre les parties. A l’appui de cet agenda, au moins une note de briefing générale est préparée au bénéfice du chef de l’Etat, et elle peut – ou non – contenir des notes annexes plus précises. Si les discussions doivent déboucher sur un résultat concret – et la libération de ressortissants nationaux des prisons du pays hôte en est un – la note de briefing détaillera les demandes spécifiques à faire, qui peuvent être détaillés. Il va de soi que si la démarche vise à la libération de prisonniers, une liste nominative est généralement prévue, ou à défaut une liste des catégories de prisonniers pouvant être libérés (par âge, type d’infractions, état de santé, etc).

Dans ce cas précis, l’Espagne comptait, avant la grâce royale, 163 prisonniers au Maroc, dont les 48 graciés. Il me paraît difficilement concevable que les Espagnols aient demandé des mesures en faveur de ses ressortissants incarcérés sans avoir établi de priorités – aucun pays ne demande généralement de grâce aléatoire de ses ressortissants, selon le bon vouloir du pays hôte. Alternativement, une grâce de tous les ressortissants aurait pu être demandée, mais ça ne semble pas avoir été le cas ici.

Difficile de croire que Juan Carlos se soit rendu les mains dans les poches dans un entretien bilatéral avec Mohammed VI, sans aucune liste à sortir en cas de réaction positive de ce dernier. A supposer même qu’il n’ait eu aucune liste à ce moment, difficile de croire que l’ambassade d’Espagne à Rabat n’ait pas transmis, formellement ou un informellement, une liste des prisonniers espagnols spécialement identifiés comme méritant une grâce par les services consulaires espagnols, censés les suivre en prison.

Si aucune liste n’a été présentée, cela friserait l’incompétence; si une liste a été présentée, pourquoi le nier? Tout en sachant que si une liste espagnole existe, il n’est pas sûr qu’elle ait contenu le nom de Daniel Fino Galván tant le Palais marocain que le ministère de la justice auraient tout intérêt à la produire si c’était le cas. En même temps, le trouble demeure, surtout à la lumière des révélations précitées de Lakome. Il est probable que l’on n’en sache guère plus…

Le trouble demeure, et pas seulement du côté marocain.

Constitution ou tutelle des incapables?

La Constitution de 2011, pour laquelle je n’ai pas voté, commence à être mise à l’épreuve, et le résultat n’est pas brillant. Je ne parle pas des lois organiques exigées par le texte constitutionnel pour la mise en oeuvre de nouvelles institutions mais qui n’ont pas encore été adoptées, deux ans après l’entrée en vigueur de la Constitution (1).

1 – Le mystère de la Chambre jaune (2)

Il y avait déjà le scandale de l’inconstitutionnalité de 90 membres élus de la Chambre des conseillers dont le mandat, entamé en 2003, était parvenu à échéance en 2012 (la durée du mandat des conseillers était de neuf ans sous l’empire de la Constitution de 1996, cf. article 38 alinéa 2, et le dernier renouvellement par tiers de cette assemblée, par ailleurs d’une inutilité parfaite mais sauvée in extremis lors de la révision de 2011, avait eu lieu en 2009). Certes, parmi les dispositions transitoires de la Constitution de 2011 figure l’article 176:

Jusqu’à l’élection des Chambres du Parlement prévues par la présente Constitution, les Chambres actuellement en fonction continuent d’exercer leurs attributions, notamment pour voter les lois nécessaires à la mise en place des nouvelles Chambres du Parlement…

On peut relire cette disposition jusqu’à ce que les yeux en saignent, mais nulle part elle ne mentionne les membres individuels de la Chambre des Conseillers (la Chambre des Représentants a été renouvelée par les élections législatives du 25 novembre 2011). Elle se contente de dire que la Chambre des Conseillers, en tant qu’institution, continue à exercer ses attributions, et notamment en vue de voter les lois nécessaires à la mise en place de la nouvelle Chambre des Conseillers. Elle ne prolonge pas non plus le mandat individuel pour le tiers des conseillers élu en 2003 et soumis à renouvellement en 2012 (ce fut l’avis en 2012 du professeur de droit constitutionnel Abdelkader el Bayna: «Aujourd’hui, depuis l’ouverture de l’actuelle année législative, le tiers des membres de la Chambre n’a plus, du point de vue constitutionnel, aucun droit d’y siéger»). Elle indique en outre que si la Chambre des Conseillers version Constitution de 1996 continue à siéger, c’est en vue d’accélérer l’adoption des lois devant installer la nouvelle Chambre des Conseillers, soumise intégralement à l’empire de la Constitution de 2011. Rien n’aurait donc empêché les deux tiers des Conseillers de continuer à siéger, sans le tiers des conseillers au mandat échu en 2012 (Mohamed el Ansari, président du groupe parlementaire de l’Istiqlal à la Chambre des Conseillers, était de cet avis).

Au pire, les élections locales et professionnelles dont les élus constituent le corps électoral de la Chambre des Conseillers auraient pu être organisées, notamment en même temps que les élections législatives de 2011, ou encore au début 2012 (cela avait été prévu par le gouvernement durant l’été 2012 et annoncé comme acquis mais ces plans ont ensuite été inexplicablement abandonnés), avant l’échéance du la fin des mandats des conseillers en octobre 2012 – plus tard, même l’option d’une élection en 2013 fut abandonnée. Alternativement, une modification de la Constitution par voie référendaire aurait pu soit supprimer la Chambre des Conseillers (rêvons…), soit prolonger explicitement le mandat du tiers élu en 2003, soit expliciter que la Chambre des Conseillers ne serait composée que des deux tiers élus en 2006 et 2009 respectivement.

On notera au passage, encore un fois, la médiocrité extrême du travail rédactionnel du pouvoir constituant, et plus précisément de la commission royale présidée par Abdeltif Menouni ainsi que des conseillers royaux ayant modifié le texte final. Cette question du mandat du tiers élu en 2003 était évidemment prévisible, et aurait dû faire l’objet d’une disposition transitoire expresse et définitive (même si, encore une fois, rien n’eut été mieux qu’une suppression pure et simple de cette chambre de notables absolument inutile et conçue par feu Hassan II et Driss Basri comme limitation du suffrage universel). Elle aurait pu dire ceci:

Jusqu’à l’élection des Chambres du Parlement prévues par la présente Constitution, les Chambres actuellement en fonction exercent les attributions qui leur sont conférés par cette Constitution. Cette élection doit avoir lieu dans les douze mois suivant la promulgation de la présente Constitution. Le mandat parlementaire des membres des deux Chambres est prolongé pour une durée ne pouvant en aucun cas dépasser ce délai-là.

Certes, la loi organique n° 28-11 relative à la Chambre des Conseillers a, dans son article 98, disposé que:

A titre transitoire, la Chambre des conseillers en fonction à la date précitée est habilitée à exercer les attributions dévolues à la Chambre des conseillers, en vertu de la Constitution promulguée par le dahir n° 1-11-91 du 27 chaabane 1432 (29 juillet 2011), selon les conditions et modalités qui y sont fixées.

Une loi organique étant à un niveau inférieur à celui de la Constitution dans la hiérarchie des normes (l’article 85 alinéa 3 de la Constitution prohibe ainsi la promulgation de lois organiques que la Cour constitutionnelle n’aurait pas déclarées conformes à la Constitution), elle ne peut donc prolonger un mandat parlementaire fixé par la Constitution précédente (à l’article 38 alinéa 2) et non prorogé par la Constitution de 2011. Mais toute loi organique ayant été examinée par le Conseil constitutionnel (cf. article 85 précité) préalablement à sa promulgation et publication au Bulletin officiel, cela signifie que cette disposition a été considérée comme conforme à la Constitution de 2011 par ledit Conseil, qui soit dit en passant a invalidé trois dispositions de cette loi organique (cf. le préambule de la loi organique).

Le Conseil constitutionnel, qui est lui aussi en sursis, ainsi que ses juges, en attendant le vote de la loi organique relative à la Cour constitutionnelle, a ainsi décidé de facto de proroger le mandat du tiers des Conseillers élu en 2003, fournissant par la-même un exemple désolant du gouvernement des juges, une création prétorienne se substituant au texte pourtant clair de la Constitution, et sauvant ainsi les lois adoptées par la Chambre des Conseillers du risque d’annulation pour anti-constitutionnalité.

Taoufik Bouachrine a sans doute trouvé la bonne explication à cette décision étonnante:

La Chambre des Conseillers, dont le mandat était arrivé à terme avec l’adoption de la nouvelle constitution ; le discours royal avait fixé à 2012 l’échéance des élections locales qui allaient aboutir au renouvellement de cette institution dont le rôle n’est plus si évident avec la formation du Conseil économique et social, mais ceci est une autre histoire… Toujours est-il que les élections n’auront pas eu lieu en 2012, pas plus qu’elles ne se tiendront cette année. Mais le plus étonnant est que cette Chambre, illégitime tant politiquement que constitutionnellement, continue de contrôler le gouvernement, de passer à la télé et surtout de légiférer, comme si le respect de la constitution ne concernait personne vraiment. Benkirane évite soigneusement d’ouvrir un nouveau front avec ses alliés et ses adversaires, et il semble penser que « tout arrive à point à qui sait attendre ». L’opposition, quant à elle, sait qu’en cas d’élections, elle perdra sa majorité dans cette Chambre des Conseillers et donc, de ce fait, ce sont les deux camps qui s’allient objectivement pour se laver les mains de la Loi fondamentale, pour la seule raison que les calculs de ces Mesdames-Messieurs les politiciens ne s’accordent pas avec les dispositions du texte juridique le plus important du pays. Pour ce qui est de la Cour constitutionnelle, c’est une autre affaire ; ses membres savent que leur mandat arrive à terme, qu’ils jouent les prolongations, et donc ils marchent sur des œufs et manœuvrent, cogitent, réfléchissent au meilleur moyen de rempiler en attendant la promulgation de la loi organique qui régira leur institution. Le gouvernement n’est pas en reste, lui qui, au lieu de s’atteler à travailler ces lois organiques, s’est plongé dans l’élaboration de la loi organisant un Conseil consultatif comme celui de Benmoussa, délaissant les textes sur la Cour constitutionnelle, supposée être la garante de l’esprit et de la lettre de la Loi fondamentale. (Akhbar al Youm, 2013)

2- L’arbitre réticent

Nul n’ignore que l’élection du consternant Hamid Chabat à la tête de l’Istiqlal aura eu pour principale conséquence la démission de 5 des 6 ministres istiqlaliens du gouvernement de Benkirane. Les motivations n’ont bien évidemment rien d’idéologique, mais tiennent plutôt aux personnes, les ministres ayant plutôt soutenu son adversaire malheureux, Abdelouahed El Fassi, aux élections internes du parti. Le sixième ministre, le tout aussi consternant Mohamed El Ouafa, qui refuse de quitter son poste, est ainsi ouvertement soutenu par El Fassi. Il s’agit ainsi pour Chabat de remplacer les protégés de son prédécesseur, Abbas el Fassi, par les siens. Le Chef du gouvernement ne s’étant pas prêté à cette manoeuvre, la démission du gouvernement et le retour dans l’opposition étaient dans la logique de Chabat.

Il était dans la logique d’asservissement mental de ce parti au trône que Chabat aille, contre toute logique partisane, demander l’arbitrage du Roi pour ce qui n’est qu’une banale histoire de rivalité partisane et intra-partisane (c’est-à-dire au sein même de l’Istiqlal). La base de cette demande d’arbitrage est l’article 42 de la Constitution:

Le Roi, Chef de l’Etat, son Représentant suprême, Symbole de l’unité de la Nation, Garant de la pérennité et de la continuité de l’Etat et Arbitre suprême entre ses institutions, veille au respect de la Constitution, au bon fonctionnement des institutions constitutionnelles, à la protection du choix démocratique et des droits et libertés des citoyennes et des citoyens, et des collectivités, et au respect des engagements internationaux du Royaume.
Il est le Garant de l’indépendance du Royaume et de son intégrité territoriale dans ses frontières authentiques.
Le Roi remplit ces missions au moyen de pouvoirs qui lui sont expressément dévolus par la présente Constitution et qu’il exerce par dahir.
Les dahirs, à l’exception de ceux prévus aux articles 41, 44 (2ème alinéa), 47 (1er et 6ème alinéas), 51, 57, 59, 130 (1er et 4e alinéas) et 174 sont contresignés par le Chef du Gouvernement.

Encore une fois, on a beau lire et relire cet article, le rôle d’arbitrage du Roi est celui « d’arbitre suprême entre ses institutions » – formule extrêmement regrettable, car ce rôle devrait être dévolu à la Cour constitutionnelle et non pas à un acteur politique, de la même façon qu’on ne demande pas à un joueur d’arbitrer la partie qu’il joue. Le Roi n’a par contre aucun mandat constitutionnel pour arbitrer au sein d’une institution – dans le cadre du gouvernement, ce rôle est normalement dévolu au Chef du gouvernement. Le cas d’un parti souhaitant quitter un gouvernement est d’une affligeante banalité en système parlementaire, et les moyens de régler les problèmes découlant d’un tel retrait sont bien connus.

Chabat affirme que Benkirane n’a pas répondu à ses demandes exposées sous forme de mémorandums en janvier et en mars. C’est fort possible, mais alors la solution est pour l’Istiqlal de quitter le gouvernement et rejoindre l’opposition parlementaire. La demande d’arbitrage royal vise à court-circuiter la loqique parlementaire selon laquelle les difficultés entre partis faisant partie d’une coalition gouvernementale sont résolus soit par une nouvelle majorité parlementaire, soit par un gouvernement minoritaire, soit par des élections anticipées. Faire appel au Roi visait à obtenir via le Palais ce que l’Istiqlal ne pouvait obtenir par la négociation parlementaire – à savoir une meilleure représentation au sein du gouvernement et une sorte de co-direction de ce dernier (contraire soit dit en passant à la logique de la nouvelle Constitution, dont l’article 47 alinéa 1 précise que « le Roi nomme le Chef du Gouvernement au sein du parti politique arrivé en tête aux élections des membres de la Chambre des Représentants » – soit le PJD aux élections du 25 novembre 2011, et l’article 89 alinéa 2 précise que le gouvernement agit « sous l’autorité du Chef du Gouvernement« ).

Chabat n’a pas obtenu – même si nul ne sait ce qu’il se sont réellement dit – ce qu’il souhaitait du Roi, qu’il a rencontré le 26 juin,et il a du présenter la démission de son parti du gouvernement. La suite dépendra de manière prévisible des négociations du PJD avec le RNI, jusqu’ici membre de l’opposition parlementaire et dont le leader, Salaheddine Mezouar, avait été durement pris à partie par le PJD pendant et après les législatives.

Ce que Chabat aura par contre réussi à établir c’est le réflexe pavlovien d’aller vers le Roi pour toute décision d’importance:

En recourant à l’article 42 plutôt qu’à l’article 47 qui habilite un Chef de gouvernement à demander au souverain de démettre un ou plusieurs ministres, l’Istiqlal marque un recul dans un des rares acquis démocratiques de la nouvelle Constitution”, analyse un ancien député. (Tel Quel)

Comment être surpris par tant d’obsequiosité, lorsqu’on sait que feu l’USFP a vu l’élection de son nouveau premier secrétaire, Driss Lachgar, fortement influencée par la DST?

3- Cinq de perdus, cinq de retrouvés?

La nomination et la cessation des fonctions des ministres sont régies par l’article 47 de la Constitution, dont on constatera symboliquement qu’il figure dans le titre III « La royauté« :

Article 47.
Le Roi nomme le Chef du Gouvernement au sein du parti politique arrivé en tête des élections des membres de la Chambre des Représentants, et au vu de leurs résultats.
Sur proposition du Chef du Gouvernement, Il nomme les membres du gouvernement.
Le Roi peut, à Son initiative, et après consultation du Chef du Gouvernement, mettre fin aux fonctions d’un ou de plusieurs membres du gouvernement.
Le Chef du Gouvernement peut demander au Roi de mettre fin aux fonctions d’un ou de plusieurs membres du gouvernement.
Le Chef du Gouvernement peut demander au Roi de mettre fin aux fonctions d’un ou de plusieurs membres du gouvernement du fait de leur démission individuelle ou collective.
A la suite de la démission du Chef du Gouvernement, le Roi met fin aux fonctions de l’ensemble du gouvernement.
Le gouvernement démissionnaire expédie les affaires courantes jusqu’à la constitution du nouveau gouvernement.

Pour faire bref, le Roi nomme et met fin aux fonctions des ministres, y compris le premier d’entre eux. Il y a quelques restrictions à son pouvoir d’appréciation: le Chef du Gouvernement doit impérativement être issu du parti politique arrivé en tête aux élections à la Chambre des Représentants, et les ministres doivent avoir été proposés par le Chef du Gouvernement.

La cessation des fonctions des ministres se fait soit sur initiative du Roi (après consultation du Chef du Gouvernement), soit sur demande du Chef du Gouvernement. Dans ce dernier cas, la demande peut résulter soit d’une initiative de ce dernier, soit d’une démission du ministre concerné.

On notera quelques failles embarrassantes dans ces dispositions:

  • Rien n’est explicitement prévu en cas de désaccord entre le Roi et le Chef du Gouvernement en matière de nomination des ministres – s’il est clair que le Roi ne peut nommer que des ministres dont les noms ont été proposés par le Chef du Gouvernement (rappelons qu’en vertu de l’article 42 alinéa 4, le dahir de nomination des ministres est soumis au contreseing du Chef du Gouvernement), rien n’est dit quant au cas de refus de nomination d’un ministre proposé. Si le texte pourrait laissait entendre que l’acte de nomination royale doit suivre la proposition du Chef du Gouvernement, le contexte institutionnel de près de soixante années d’autocratie laisse craindre que le Roi pourrait refuser la nomination d’un ministre proposé par le Chef du Gouvernement.
  • S’agissant de la cessation de fonctions d’un ministre décidée par le Roi, le Chef du Gouvernement n’est que consulté. Si rien n’est dit explicitement du cas où le Chef du Gouvernement s’opposerait à une telle décision royale, il peut refuser son contreseing, nécessaire en vertu de l’article 42 alinéa 4 de la Constitution, précité. En l’absence de ce contreseing, le dahir royal ne serait pas conforme à la Constitution et ne devrait – en théorie du moins – produire d’effet.
  • Enfin, s’agissant de la cessation de fonctions de ministres demandée par le Chef du Gouvernement, la lettre du texte n’impose pas au Roi de donner suite à cette demande, même en cas de démission. Dans ce dernier cas cependant, difficile de contraindre un ministre ayant démissionné à continuer de siéger. Mais le cas où le Chef du Gouvernement souhaiterait se séparer d’un ministre mais où cette demande serait rejetée par le Roi n’est pas tranché – encore une fois, le contexte institutionnel de près de soixante années d’autocratie laisse craindre que le Roi pourrait effectivement et impunément refuser une telle demande. Libre au Chef du Gouvernement soit d’accepter le refus royal, soit de démissionner.

Dans le cas présent, il s’agit de démissions présentées – et acceptées par le Roi – par 5 des 6 ministres siégeant au gouvernement – seul le ministre de l’éducation, Mohamed el Ouafa, a refusé de démissionner malgré l’injonction de son chef de parti. Il faut constater qu’il en a juridiquement le droit: les ministres sont nommés par le Roi sur proposition du Chef du Gouvernement. Si ni le Roi ni le Chef du Gouvernement ne souhaitent son départ, et s’il ne démissionne pas, il reste membre du gouvernement.

Certes, politiquement, une telle position est délicate à justifier: dans un système qui se veut parlementaire, les ministres siègent en fonction de leur appartenance partisane, et si un parti décide de quitter le gouvernement pour rejoindre, il est incongru qu’un ministre nommé en raison de son appartenance à un parti puisse demeurer à titre personnel dans un gouvernement qu’a abandonné son parti. Cette conclusion est cependant tempérée par l’existence de ministres sans appartenance partisane, dont notamment les fameux ministres de souveraineté: le ministre des Habous Ahmed Taoufik, le ministre délégué à l’administration de la défense nationale, Abdellatif Loudiyi, le ministre délégué à l’intérieur Charki Draïss, le ministre de l’agriculture Aziz Akhennouch et enfin le secrétaire général du Gouvernement ayant rang de ministre, Driss Dahak. Mais aucun de ces ministres n’a dû sa nomination au gouvernement par son appartenance partisane, contrairement à El Ouafa…

On peut rajouter à cela qu’il est parfaitement légitime, dans le jeu parlementaire, pour un premier ministre de tirer parti des dissensions au sein d’un parti d’opposition – l’Istiqlal l’est désormais – en maintenant un membre dissident de ce parti au sein du gouvernement, d’autant qu’il s’agit d’un cas isolé. Le maintien ou  non de El Ouafa au sein du gouvernement répondra de toute façon à des considérations partisanes, selon que Benkirane souhaitera irriter l’Istiqlal ou faire de la place au RNI, gros demandeur de postes ministériels.

Que se passe-t-il avec les ministres démissionnaires? Une fois leur démission acceptée, ils devraient normalement cesser leurs fonctions dès publication au Bulletin officiel du décret y mettant fin. Il incombera alors au Roi, sur proposition du Chef du Gouvernement, de nommer les remplaçants. Si un délai, notamment pour cause de négociations, empêche la nomination de remplaçants, la logique voudrait que les portefeuilles ministériels vacants soient gérés de manière intérimaire par les ministres – voire secrétaires d’Etat – restants, conformément à ce que suggère l’article 93 de la Constitution:

Les ministres sont responsables, chacun dans le secteur dont il a la charge et dans le cadre de la solidarité gouvernementale, de la mise en oeuvre de la politique du gouvernement.
Les ministres accomplissent les missions qui leur sont confiées par le Chef du Gouvernement. Ils en rendent compte en Conseil de Gouvernement. Ils peuvent déléguer une partie de leurs attributions aux secrétaires d’État.

Mais ce n’est pas la solution retenue. Le communiqué royal précise ainsi:

« Sa Majesté Le Roi, que Dieu L’Assiste, a reçu ce jour de la part du chef du gouvernement les démissions présentées par plusieurs ministres, membres du parti de l’Istiqlal.

Sa Majesté Le Roi, que Dieu l’Assiste a bien voulu accepter lesdites démissions et enjoint aux ministres démissionnaires d’expédier les affaires courantes jusqu’à nomination de ministres en charge de leurs départements respectifs et ainsi permettre au chef de gouvernement d’entamer ses consultations en vue de constituer une nouvelle majorité » (MAP)

Le Roi, sans doute approuvé en cela par le Chef du Gouvernement, a ainsi choisi d’assimiler la démission de membres individuels du gouvernement à une démission collective – cf. article 47 alinéa 7: « le gouvernement démissionnaire expédie les affaires courantes jusqu’à la constitution du nouveau gouvernement » – en permettant aux 5 ministres démissionnaires de gérer les affaires courantes en attendant leur remplacement. Au vu du calendrier – le ramadan jusqu’au 10 août environ, puis les congés d’été – il est peu probable que leurs remplaçants soient désignés longtemps avant la rentrée parlementaire le deuxième vendredi d’octobre.

Voilà donc des ministres démissionnaires, membres de facto de l’opposition parlementaire, qui assisteront aux réunions du Conseil des Ministres et du Conseil du Gouvernement et pourront ainsi bénéficier des informations échangées à ces occasions. D’autre part, ces ministres ne pourront, pour les secteurs dont ils sont responsables, que gérer les affaires courantes, alors que les autres ministres conservent leurs compétences ministérielles de plein exercice.

C’est donc un gouvernement bancal, avec trois jambes inégales – les ministres de souveraineté prenant leurs ordres au Palais, les ministres partisans démissionnaires dont le parti est dans l’opposition et qui ne peuvent gérer que les affaires courantes, et les ministres restants, les seuls à demeurer dans l’ex-majorité et à être sous l’autorité de facto de Benkirane. Comme si le gouvernement n’était pas assez faible comme ça! Et sans compter que le ministre de l’économie et des finances figure parmi les démissionnaires, et que son département est en charge de la loi des finances 2014 (3)…

4- Confusion des pouvoirs: la présidence de la première Chambre

Dans le cadre du deal initial entre Benkirane et le prédécesseur (et adversaire) de Hamid Chabat, Abbas el Fassi, il fut convenu que la présidence de la Chambre des Représentants reviendrait à l’Istiqlal – c’était même une des conditions de leur participation au gouvernement PJD. Karim Ghellab fut ainsi élu à ce poste peu après les éllections législatives de 2011. L’Istiqlal quittant la majorité, des représentants de l’ex-majorité gouvernementale demandent la démission de Ghellab en raison du changement de circonstances. Inutile de dire que leur argumentation, si elle est de bonne guerre politiquement parlant (« l’éthique politique voudrait que Karim Ghellab, président de la Première Chambre grâce à la majorité parlementaire, présente sa démission et suive les autres ministres istiqlaliens« ), ne tient pas la route constitutionnellement.

Il y a tout d’abord le principe de séparation des pouvoirs: la présidence de la Chambre des Représentants n’est pas un poste gouvernemental, la Chambre participant au pouvoir législatif.  Certes, dans un régime à prétentions parlementaires tel que celui du Maroc, la situation parlementaire a évidemment des conséquences sur la situation au sein du gouvernement, et réciproquement. Mais il faut rappeler l’article 62 alinéa 3 de la Constitution:

Le Président et les membres du bureau de la Chambre des Représentants, ainsi que les présidents des Commissions permanentes et leurs bureaux, sont élus en début de législature, puis à la troisième année de celle-ci lors de la session d’avril et pour la période restant à courir de ladite législature.

Pas la moindre ambiguïté donc: Ghellab a été élu pour deux ans et demi, et son remplacement éventuel devra être discuté alors, soit en avril 2014. Le texte constitutionnel ne prévoit pas de procédure de « recall », permettant à une majorité des représentants de revenir sur le vote et de destituer Ghellab; seul le règlement intérieur (celui de 2004, toujours en vigueur) prévoit le remplacement du président en cas de vacance, notamment pour démission. Le PJD et ses partenaires devront donc faire avec. Et ce sera difficile – la Chambre des Conseillers, dont on ne rappellera jamais assez l’inutilité et la nocivité, ne compte que deux députés apparentés PJD (les deux élus de l’UNTM, syndicat du PJD) et est présidée par Mohamed Cheikh Biadillah du PAM, également de l’opposition. Le gouvernement aura donc affaire à deux présidents de Chambre appartenant à l’opposition: « rien ni dans la Constitution ni dans le règlement intérieur de la Chambre des représentants ne prévoit une disposition particulière dans ce genre de situation« .

Les partis s’en souviendront peut-être lorsqu’ils se répartiront les postes lors de la prochaine négociation gouvernementale – l’épisode Ghellab devrait inciter le parti contrôlant la primature à également contrôler la présidence de la Chambre des Représentants…

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Pour conclure, on voit déjà après deux ans les limites de la Constitution, et encore sur des points qui ne sont pas d’une complexité extrême. Déjà, les acteurs politiques ont décidé, s’agissant du tiers de la Chambre des Conseillers, d’ignorer purement et simplement le texte constitutionnel, et s’agissant des négociations en vue de la constitution d’une nouvelle majorité parlementaire, d’opter pour les alternatives faisant le plus appel au Roi et affaiblissant le plus le gouvernement. La mise sous tutelle de la classe politique marocaine trahit ainsi la méfiance du Palais à son encontre, car son incapacité, cette classe-là la créé elle-même…

(1) Pour rappel, les vingt lois organiques suivantes sont mentionnées par la Constitution:

  1. sur la langue amazighe (article 5 alinéa 4);
  2. sur le Conseil national des langues et de la culture marocaine (article 5 alinéa 6);
  3. sur les partis politiques (article 7 alinéa 7);
  4. sur le rôle de l’opposition parlementaire (article 10 alinéa 4);
  5. sur les motions citoyennes en matière législative (article 14);
  6. sur les pétitions citoyennes (articles 15);
  7. sur le droit de grève (article 29 alinéa 2);
  8. sur le Conseil de Régence (article 44 alinéa 3);
  9. sur la liste des établissements et entreprises stratégiques dont la nomination des responsables relève du Conseil des Ministres et la liste des fonctions à pourvoir en Conseil de Gouvernement (articles 49 alinéa 1 onzième tiret et 92 alinéa onzième tiret);
  10. sur la Chambre des Représentants (article 62 alinéa 2);
  11. sur la Chambre des Conseillers (article 63 alinéa 2);
  12. sur les commissions d’enquête parlementaires (article 67 alinéa 7);
  13. sur la loi de finances (article 75 alinéa 1);
  14. sur le gouvernement (article 87 alinéa 2);
  15. sur le statut des magistrats (article 112);
  16. sur le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (article 116 alinéa 4);
  17. sur la Cour institutionnelle (article 131 alinéa 1);
  18. sur l’exception d ‘inconstitutionnalité (article 132 alinéa 2);
  19. sur les collectivités territoriales (article 146);
  20. sur le Conseil économique, social et environnemental (article 153).

Sur ces 20 lois organiques, dont l’article 86 de la Constitution précise qu’elles doivent avoir été  soumises au Parlement avant l’expiration de la première législature suivant la Constitution (la durée normale de cette législature, entamée après les élections législatives du 25 novembre 2011, est de cinq ans), quatre ont été adoptées à ce jour – la loi organique n° 29-11 relative aux partis politiques, la loi organique n° 27-11 relative à la Chambre des représentants, la loi organique n° 28-11 relative à la Chambre des Conseillers. On savait dès le départ que l’agenda serait serré, mais là c’est au-delà du slim fit…

(2) Je pense moins à Gaston Leroux qu’à la presse ou les syndicats de la même couleur…

(3) Le ministre délégué au budget, Idriss Azami al Idrissi, pourrait cependant théoriquement s’en charger sur instruction du Chef du Gouvernement, conformément à l’article 93 de la Constitution.

A working class hero was something to be, or so they say

FMR STIK1MODIF

Sur Florange, site sidérurgique faisant l’objet d’un plan dit social de son propriétaire indien, Arcelor Mittal, et Longwy, cité anciennement sidérurgique en Lorraine, bastion communiste et syndical, cet article (ancien) des Inrockuptibles (« Full Mittal racket« ). Florilège:

S’ils ne redémarrent pas, après les dernières mines fermées dans les années 90, un second maillon de la chaîne de l’acier disparaîtra totalement de la région.

“La gauche et la droite, c’est pareil”, résume un ancien qui a vécu quantité de fermetures d’usines.

Cette phrase, mot pour mot, nombre d’ouvriers la prononcent. Marcel*, 46 ans, nous la crache avant même de préciser qu’il pointe au chômage depuis deux mois. “Moi je me battrai pas pour la France en cas de guerre”, ajoute l’homme, rencontré à moins de dix kilomètres de Florange, devant les Restos du coeur de Gandrange. Cet ancien contrôleur de la qualité de l’acier, qui ne se déplace qu’à vélo, a été licencié en 2002 par son usine située non loin, à Joeuf. Depuis, il vivote avec de petits boulots et passe ici prendre de la nourriture, “uniquement les fins de mois. C’est pas bon pour le moral de se sentir assisté”.

Le golf et la société du spectacle ont remplacé l’aciérie:

Aujourd’hui, un cinéma multiplex et son parking ont effacé l’ancienne aciérie visitée par Johnny. Outre un musée, l’une des dernières traces de ce passé sidérurgique de la ville se situe au niveau du panneau “200 mètres” du practice du nouveau golf.

Et à l’usine Peugeot d’Aulnay, menacée de fermeture en 2014, l’heure est aux syndicats jaunes:

Il y a plus d’un an, le SIA (Syndicat indépendant de l’automobile, 40% de voix aux élections du CE) accepte de participer à l’intersyndicale aux côtés de la CGT (deuxième syndicat de PSA Aulnay avec 35%)*. Tous deux politiquement et stratégiquement opposés, les premières dissensions apparaissent depuis plusieurs semaines.

Historiquement, à Aulnay, le SIA est lié à la direction. Ce syndicat descend de la CSL (Confédération des syndicats libres), allié au patronat pour briser les grèves et casser le syndicalisme lié au PC. La direction d’Aulnay – du temps de Citroën – considérait les syndicats comme une plaie. En 1982, les ouvriers immigrés y mènent une grève victorieuse pour la liberté syndicale – ce qui fit bondir la CGT de 9 à 57% et baisser le CSL de 82% à 33%. En 1984, un plan de 800 licenciements décapite la CGT. En 2002, le CSL devient la SIA. « Ce syndicat est traditionnellement la courroie de transmission des messages managériaux de la direction aux salariés« .

Le magazine rappelle que si les fermetures d’usine à Longwy ont commencé sous le premier ministre giscardien Raymond Barre, le socialiste (?) Laurent Fabius en avait accéléré le rythme entre 84 et 86. Il est vrai que les socialistes européens se préoccuppent désormais surtout de ce que dira d’eux The Economist ainsi que du respect intégral du catéchisme de Bruxelles. Et pour tenter de garder quelques voix dans l’électorat populaire, il y aura toujours le foulard islamique ou les demandeurs d’asile pour faire diversion.

Et ce n’est pas qu’en France: chez nous, au Maroc, l’USFP compte ses bastions électoraux, lors des éléctions législatives, en zones rurales, et ses élus sont des notables. Quant à Fathallah Oualalou et Habib El Malki, il y a longtemps que l’avis de la CGEM, des chambres de commerce ou des agences de notation est celui qui détermine réellement leur orientation économique. Il fut un temps, que les moins de quarante ans ne peuvent pas comprendre, où l’USFP pouvait menacer le pouvoir, c’est-à-dire le makhzen, c’est-à-dire le Roi, d’une grève générale (pour les jeunes, voir un bon dictionnaire pour le sens de ce mot).

Post-scriptum: après avoir publié la première version de ce post, je trouve dans ce même (ancien) numéro des Inrockuptibles un autre article le passage suivant, détaillant la réunion entre des syndicalistes de l’usine Ford de Blanquefort et deux conseillers d’Arnaud Montebourg:

Pour Philippe Poutou, “même si c’est déjà bien d’être reçu, la réunion n’a rien apporté au niveau du contenu. Ils se demandaient ce que l’on allait faire lors de la manif au Mondial de l’auto et nous ont demandé d’être ‘responsables’. Mais c’est la pression des salariés qui permet que les choses bougent”. Gilles Penel, élu du CE, la cinquantaine et depuis plus de vingt ans chez Ford, présent à Bercy, a senti “une certaine impuissance”. Frappé par la jeunesse des conseillers,“qui n’ont jamais dû mettre les pieds dans une usine”, il voit là “deux mondes vraiment très éloignés”.

* La CGT est historiquement liée au Parti communiste français, même si les liens sont aujourd’hui distendus du fait de la disparition effective du PCF sur la scène politique nationale française (le parti est présent localement, au travers d’élus locaux et de quelques députés, le plus souvent députés-maires).

Laïcité à la marocaine

Dans un Etat qui se dit musulman dont le chef d’Etat a pour titre officiel Commandeur des croyants, où le culte musulman (du moins dans sa version sunnite malékite) est une administration publique, et dont le statut personnel est à fondement religieux, il peut paraître surprenant que des élections soient invalidées par le juge électoral parce que des tracts électoraux des candidats vainqueurs comportaient des photos des candidats dont l’arrière-plan laissait paraître un minaret.

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C’est ce qui s’était passé avec la décision du Conseil constitutionnel marocain n° 856/2012 du 13 juin 2012: en application de la loi n° 57-11 relative aux listes électorales générales, aux opérations de référendums et à l’utilisation des moyens audiovisuels publics lors des campagnes électorales et référendaires, et plus particulièrement de son article 118, les « sages » avaient invalidé l’élection des candidats PJD de la circonscription de Tanger-Asilah. Que dit cet article? Le voici:

Article 118:
Les programmes de la période électorale, ainsi que les émissions préparées pour la campagne électorale ne doivent en aucun cas comporter des matières susceptibles de:
-­porter atteinte aux constantes de la Nation telles qu’elles sont définies dans la Constitution;
-­troubler l’ordre public;
-­porter atteinte à la dignité humaine, à la vie privée ou manquer au respect dû à autrui;
-­porter atteinte aux données et informations protégées par la loi;
-­comporter un appel de fonds;
-­inciter au racisme, à la haine ou à la violence.

Ces programmes et émissions ne doivent pas également:
-­faire usage des emblèmes nationaux;
-­faire usage de l’hymne national en totalité ou en partie;
-­comporter l’apparition dans des lieux de culte ou faire usage total ou partiel de ces lieux;
-­comporter une apparition à l’intérieur des sièges officiels identifiables comme tels, qu’ils soient locaux, régionaux ou nationaux;
-­faire apparaître des éléments, des lieux ou des sièges susceptibles de constituer une marque commerciale.

La Haute autorité de la communication audiovisuelle veille au respect des dispositions prévues dans le présent article conformément aux attributions qui lui sont dévolues par la législation en vigueur.

On pourra certes ergoter: l’article en question parle de programme électoral, et l’article 118 de ladite loi s’insert dans le chapitre 2 « Utilisation des moyens audiovisuels publics pendant les campagnes électorales et référendaires » du titre IV « Sondages d’opinion et utilisation des moyens audiovisuels publics lors des élections générales et des referendums« . En l’occurence, il s’agissait de tracts et non pas de clips électoraux diffusés sur l’audiovisuel public marocain. Mais c’est oublier que seule la loi pénale doit s’interpréter strictement sans recours à l’analogie – or ici, il s’agit du Conseil constitutionnel en tant que juge électoral, qui apprécie la régularité des opérations électorales et qui n’a pas pour rôle de réprimer des infractions pénales éventuellement commises par les candidats dont elle juge l’élection. Il est donc loisible au Conseil constitutionnel de faire – comme il le fait ici en précisant que l’interdiction de l’article 118 s’applique indépendamment du support – une application par analogie de l’article 118, et de l’appliquer à d’autres supports que les clips électoraux – cela fait sens, car si le législateur a voulu interdire aux candidats d’exploiter le sentiment religieux ou national en prohibant notamment l’usage d’images de lieux de culte, cela vaut inépendamment du support choisi par les candidats, tract électoral, clip télévisé ou clip sur Internet.

Dans la mesure où l’objectif visé – empêcher la manipulation des sentiments religieux des électeurs en interdisant aux candidats de se mettre en scène dans des lieux réservés au culte – est légitime – et on peut estimer qu’il l’est – notons cependant que la loi est imparfaite: quid en effet du candidat imprimant des versets coraniques, faisant figurer des exemplaires du Coran sur un tract ou invoquant des titres religieux (imam, ou diplôme religieux)? Ce serait sans doute pousser l’analogie trop loin que de prohiber de telles utilisations de tels mentions ou symboles religieux dans l’état actuel de la loi, et on pourrait sans doute franchir la démarcation délicate qui sépare l’interdiction de la manipulation des sentiments religieux des électeurs de celle de l’interdiction de l’expression d’une sensibilité religieuse ou philosophique, que chaque candidat doit être libre de pouvoir invoquer dans une société démocratique – on pourrait imaginer ainsi une inquisition contre les candidats barbus ou les candidates voilées. On relevera cependant l’ironie qui veut que le Code électoral français – pays où les écolières sont expulsées de l’école publique si elles ont un couvre-chef d’apparence musulmane et ou les principaux candidats à l’élection présidentielle cette année discutaient de viande halal et d’horaires séparées de piscine – ne contienne aucune interdiction de contenu religieux dans les affiches ou tracts électoraux de candidats aux élections en France – tout juste l’article R-27 de ce Code interdit-il l’usage des trois couleurs du tricolore (et encore, sauf si ces couleurs sont incluses dans le symbole du parti dont se réclame le candidat, ce qui est par exemple le cas du Front national) (1). Le PJD aurait ainsi pu se présenter en France avec ce tract, sans encourir de sanction de la part du juge éléctoral français…

Ce n’est donc bien évidemment pas la laïcité qui a animé le législateur marocain en adoptant l’article 118 de la loi n° 57-11 – la Constitution de 2011 affirme dans son préambule que le Maroc est « un Etat musulman souverain« , dans son article 3 que « l’Islam est la religion de l’Etat« , puis dans son article 41 que « le Roi, Amir al mouminine, assure le respect de l’Islam« , qu' »il préside le Conseil supérieur des oulémas » et qu’il « exerce par dahirs les prérogatives religieuses inhérentes à l’institution d’Imarat al mouminine…« . Ce n’est donc pas le mélange des genres, religieux et politique, qui dérange l’Etat marocain: c’est le fait que son monopole – ou plutôt celui du Roi -serait rompu si chaque candidat ou parti pourvait également se réclamer de l’islam. Cette volonté de monopole est clairement exprimée dans la Constitution: l’article 41 précise ainsi que les prérogatives que cette disposition lui attribuent « lui sont attribuées de manière exclusive » et que seul le Conseil supérieur des oulémas qu’il préside peut valablement émettre des fatwas (ce dernier conseil semble d’ailleurs ne pas pouvoir s’auto-saisir ou être saisi par une autre autorité que le Roi lui-même.

Laïcité à la marocaine? Non, et même si c’est fort heureux vu le discrédit qui frappe ce terme, il faut voir dans cette jurisprudence constitutionnelle la règle d’airain du makhzen – faites ce que je dis, pas ce que je fais.

(1) Bien évidemment, la communication électorale d’un candidat aux élections en France demeure soumise au droit commun en matière de diffamation ou d’injures publiques, ou encore de provocation à la haine raciale ou d’appel à la violence. Mais la simple publication d’une photo de candidats comportant un minaret en arrière-plan paraîtrait difficilement sanctionnable par le juge électoral, même s’il ne faut jurer de rien s’agissant de France et d’islam.

Abdelhak Lamrini, ou le West Wing à la marocaine

Après Hassan Aourid qui fut quelques années un transparent porte-parole du Roi, voilà Abdelhak Lamrini nommé ce 30 octobre à ce poste. Ce gai luron, longtemps chef du protocole de la maison royale, a aussitôt imprimé sa marque sur ses nouvelles fonctions:

Abdelhak Lamrini. Berrah de Sa majesté

Le nouveau porte-parole de Mohammed VI est historien et écrivain. Mais ce n’est pas pour sa culture que le roi a tiré l’historiographe du royaume de sa préretraite. Abdelhak Lamrini a été choisi car il connaît la maison par cœur. Il hante les couloirs du palais depuis 1965, année où il a été casté  par le ministre de la Maison Royale de l’époque, Moulay Hafid Alaoui. Vieilli sous le harnais du Makhzen, il en connaît les us et coutumes en tant qu’ancien directeur du protocole. Une fonction où il a colorié plus d’une ligne en rouge vif, la déclarant infranchissable par les médias.

En mai 2005, il adresse notamment une mémorable lettre de menaces à Al Jarida Al Oukhra (aujourd’hui disparu) après la publication d’un dossier sur la vie privée de Lalla Salma.  Dans cette missive, il signifie à la presse que toute information ou photo concernant la famille royale ne sauraient être diffusées sans l’aval du protocole. Après ce petit taquet aux journalistes, Abdelhak Lamrini est passé en mode mute, fidèle à sa culture du sérail qui lui impose vœu de silence. Juste après sa nomination, il a expliqué “attendre les directives” pour s’exprimer sur la nature de sa nouvelle mission de porte-parole. Discret, le doigt sur la couture, fidèle à sa réputation. La recrue idéale pour lire des communiqués. (Tel Quel)

Un porte-parole attendant des directives pour expliquer ses nouvelles fonctions – ce makhzen ne changera jamais…

On peut quand même se rassurer: comme souvent, ce n’est pas la personne formellement responsable qui est réellement en charge de la communication royale, mais l’ami d’enfance du chef de l’Etat:

La nomination de Abdelhak Lamrini est le résultat d’un changement notable survenu dans la communication royale quelques mois plus tôt. Un fils de pub est arrivé au courant de l’été dernier comme chargé de mission au Palais avec pour objectif de mieux vendre l’image de Mohammed VI. Ce spin doctor n’est autre que Karim Bouzida, un ancien de l’agence Klem. Présenté comme un des hommes de Fouad Ali El Himma dans le monde de la communication, il tient depuis 2008 les rênes de Mena Médias, l’agence de com’ du conseiller royal.

Lamrini n’est donc là que comme front-office, simple complément d’un dispositif où tout se passe en back-office, sous la houlette d’El Himma épaulé par Bouzida pour son expertise. Ce dernier n’a d’ailleurs pas débarqué en territoire inconnu. Karim Bouzida était rodé au produit Mohammed VI pour avoir déjà travaillé sur la perception de l’image du roi. “Au sein de Mena Médias, El Himma lui confiait des missions ponctuelles sur l’image de Mohammed VI dans les nouveaux médias et les réseaux sociaux. Le rôle qu’on lui a attribué dans la communication royale est juste la formalisation d’activités qu’il menait déjà”, confie un ancien de Mena Médias.

Hypocrite Matin du Sahara…

Le Matin du Sahara, propriété d’un saoudien et immuable gazette des activités royales, se prend à publier une tribune du président de la Cour pénale internationale (CPI), le magistrat sud-coréen Sang-Hyun Song, appelant à la ratification et au soutien des « Etats du monde entier », groupe dans lequel on peut probablement inclure le Maroc:

Qui souhaite une paix durable et un avenir sûr pour l’humanité se tourne tout naturellement vers la CPI. La ratification du Statut de Rome témoigne avec force de l’engagement d’un État en faveur de la paix, de la justice et de la primauté du droit.

La CPI compte aujourd’hui 121 États parties, et bien d’autres États envisagent activement d’adhérer au système de justice pénale internationale qui se met en place. Chaque État qui ratifie le Statut de Rome apporte sa pierre à l’édification d’un rempart qui protègera les générations futures d’atrocités sans nom.
La CPI ne vient pas en remplacement des tribunaux, des procureurs et des forces de police des États. Dans le cadre du Statut de Rome, c’est en premier lieu aux États et à leurs juridictions qu’il incombe de mener des enquêtes et de poursuivre les auteurs de crimes odieux. Mais si, pour une raison quelconque, cela n’est pas possible, la CPI est là ; elle offre un filet de sécurité.

Après la ratification du Statut de Rome, quiconque a l’intention de commettre sur votre territoire un génocide, des crimes contre l’humanité ou des crimes de guerre s’expose à des poursuites devant la CPI et risque d’être arrêté dans l’un des 121 États parties. Le Statut de Rome offre ainsi une importante protection juridique à la population de chacun des États parties.

Or il s’avère que le Maroc a bien signé le Statut de Rome créant la CPI, mais il ne l’a pas ratifié (pour la distinction entre signature et ratification d’un traité, voir ici), ce qui implique dans les faits que le Statut ne s’applique pas au Maroc, et qu’il ne compte pas parmi les Etats parties au Statut (parmi les Etats membres de la Ligue arabe, seuls les Comores, Djibouti, la Jordanie et la Tunisie l’ont ratifié). Pourquoi le Maroc, malgré de nombreuses exhortations, ne signera-t-il pas le Statut?

En 2007, l’alors ministre des affaires étrangères Mohamed Benaïssa avait explicité les raisons lors d’une question orale au Parlement:

Invité le 3 janvier 2007 à répondre à une question orale concernant la non-ratification par le Maroc du statut de la CPI, l’ex-ministre des Affaires Etrangères, Mohamed Benaïssa, avait en effet déclaré sans ambages : «Les dispositions du traité de la Cour pénale internationale, signé le 8 septembre 2000, s’opposent aux dispositions légales et constitutionnelles marocaines». Un argument de taille puisque les passages incriminés allaient, selon lui, à l’encontre de certaines attributions royales : «La sacralité de la personne du Roi», consacrée par l’article 23 de la Constitution marocaine et le «droit de grâce» reconnu au Souverain en vertu de l’article 34 de la Constitution. Selon M. Benaïssa, l’article 27 du statut de la Cour pénale relatif à l’immunité stipule : «Le présent statut s’applique à tous de manière égale, sans aucune distinction fondée sur la qualité officielle. En particulier, la qualité officielle de chef d’Etat ou de gouvernement, de membre d’un gouvernement ou d’un Parlement, de représentant élu ou d’agent d’un Etat, n’exonère en aucun cas de la responsabilité pénale au regard du présent statut, pas plus qu’elle ne constitue en tant que telle un motif de réduction de la peine». Autre passage mis en cause : l’article 29 qui stipule que «les crimes relevant de la compétence de la Cour ne se prescrivent pas» c’est-à-dire que même au cas où une personne bénéficie d’une grâce royale, elle ne peut se voir soustraite à une poursuite et au jugement de la CPI. Une telle disposition annulerait, de facto, l’une des attributions royales, prévue par l’article 34 de la Constitution qui stipule que «le Roi exerce le droit de grâce». (La Vie économique)

C’est donc le statut constitutionnel du Roi qui empêchait la ratification du Statut de Rome. depuis, nouvelle constitution, qui dit ceci s’agissant du statut du monarque:

Article 46: La personne du Roi est inviolable, et respect lui est dû.

Cet article ne parle pas explicitement d’immunité pénale, mais difficile d’interpréter la mention d’inviolabilité de la personne du Roi comme autorisant des poursuites pénales ou une arrestation, à plus forte raison par un tribunal supranational.

La difficulté est bien évidemment l’article 53 de la Constitution:

Le Roi est chef suprême des Forces armées royales. (…)

De même l’article 58:

Le Roi exerce le droit de grâce.

Ces dispositions constitutionnelles marocaines sont à mettre en comparaison avec l’article 27 du Statut de Rome:

Article 27: Défaut de pertinence de la qualité officielle

1. Le présent Statut s’applique à tous de manière égale, sans aucune distinction fondée sur la qualité officielle. En particulier, la qualité officielle de chef d’État ou de gouvernement, de membre d’un gouvernement ou d’un parlement, de représentant élu ou d’agent d’un État, n’exonère en aucun cas de la responsabilité pénale au regard du présent Statut, pas plus qu’elle ne constitue en tant que telle un motif de réduction de la peine.

2. Les immunités ou règles de procédure spéciales qui peuvent s’attacher à la qualité officielle d’une personne, en vertu du droit interne ou du droit international, n’empêchent pas la Cour d’exercer sa compétence à l’égard de cette personne.

Cela signifie donc que le chef suprême des armées au Maroc bénéficie d’une immunité pénale absolue et coulée dans le béton de la Constitution, y compris vis-à-vis de la CPI, chargée principalement de poursuivre à titre subsidiaire les infractions au droit international humanitaire – on remarquera au passage que ni le Palais ni la commission Menouni désignée par lui n’ont jugé bon d’inclure une disposition dans le texte de la nouvelle constitution permettant d’écarter cet obstacle – une formule du type « nulle disposition de la présente constitution ne fait obstacle à la ratification par le Royaume du Maroc de traités établissant des tribunaux pénaux internationaux » aurait suffi. Certes, le préambule constitutionnel dit bien que « le Royaume du Maroc (…) s’engage (…) à protéger et promouvoir les dispositifs des droits de l’homme et du droit international humanitaire et contribuer à leur développement dans leur indivisibilité et leur universalité« . Cette formule, qui relève plus du discours officiel que du texte juridique, peut difficilement, dans le contexte marocain, signifier une exception aux articles 53 et 58 précités. L’article 23 alinéa 7 de la Constitution évoque lui les graves crimes internationaux réprimés par le Statut de Rome:

Le génocide et tous autres crimes contre l’humanité, les crimes de guerre et toutes les violations graves et systématiques des droits de l’homme sont punis par la loi.

Cette disposition ne prévoit cependant aucune ratification du Statut de Rome, mais impose simplement au législateur d’adopter des textes pénaux réprimant lesdits crimes.

Cet oubli – soyons aussi hypocrites que le Matin du Sahara – est d’autant plus regrettable que le Palais n’ignorait en rien la nature constitutionnelle de ces objections, puisqu’elles ont été évoquées à maintes reprises – comme par exemple lors de la table-ronde organisée par la FIDH et l’IER sur ce sujet en… 2004 (eh oui, plus ça change plus rien ne change au Maroc):

La disposition et la disponibilité du Maroc à ratifier le Statut de la CPI ont été évaluées principalement sur le plan juridique. Les obstacles qui ont été relevés ont trait essentiellement au statut constitutionnel du Roi, à l’immunité absolue dont il bénéficie non seulement au titre de sa qualité de chef de l’État, mais au titre de la sacralité de sa personne et à sa qualité de “Commandeur des croyants” et de chef suprême des Armées, ainsi qu’au droit de grâce qu’il exerce sur les personnes condamnées par la justice. (…)

Dans le cas du Maroc, les discussions ont relevé le caractère sérieux de la disharmonie entre les dispositions du Statut de la CPI et celles de la Constitution marocaine, de sorte qu’une révision de la Constitution s’impose. Celle-ci est cependant conditionnée par une procédure qui est lourde (adoption par voie référendaire). Toutefois, l’exemple de la Jordanie a été mis en valeur par les participants en faveur de la prévalence de la volonté politique sur les obstacles juridiques. (Rapport du FIDH, de l’AMDH, de l’OMDH et du Forum Vérité et Justice sur la table-ronde de Rabat du 1 au 3 octobre 2004)

Cette table-ronde avait abouti à l’adoption de l’Appel de Rabat appelant le Maroc à ratifier le Statut de Rome instituant la CPI et à abroger les dispositions de droit qui y étaient contraires. Cet appel, passé dans le cadre de l’opération de communication que fut l’IER, n’a bien évidemment pas été entendu. Dans un rapport de cette même année, la FIDH avait passé en revue les problèmes juridiques soulevés par l’Etat marocain et y avait répondu en donnant l’exemple de solutions pratiquées par d’autres pays parties au Statut de Rome, y compris des monarchies:

Le Maroc serait obligé de réviser sa Constitution par voie référendaire pour rendre les dispositions du droit interne compatibles avec le statut de Rome conformément à l’article 31.3 de la Constitution. Et puisque la procédure de la révision de la Constitution exige le référendum, il y a deux interprétations différentes. L’une considère que la révision concerne seulement la disposition constitutionnelle incompatible avec le traité ; dans ce cas de figure c’est cette disposition qui ferait l’objet du référendum. L’autre position tend à organiser le référendum sur l’ensemble du traité ou du moins accorder au peuple le droit de se prononcer sur les dispositions conflictuelles une à une ce qui est extrêmement difficile et compliqué.

Une solution moins difficile pour le Maroc serait de s’inspirer des expériences du Luxembourg et de la France ; il s’agirait d’ajouter un seul article à la Constitution permettant l’application du Statut de Rome. Le législateur procédera ensuite à la modification des lois nationales pour les rendre compatibles avec le Statut notamment le droit pénal, le Code de procédure pénale, la loi réglementant la Haute Cour et les lois sur l’immunité parlementaire.

Cela ne s’est pas fait en 2011, lors de la révision constitutionnelle, c’est donc en toute logique que les arguments juridiques n’étaient pas pertinents, car aucun groupe politique ne se serait opposé à une ratification du Statut de Rome. C’est donc en toute logique pour des motifs politiques que le Maroc ne souhaite pas ratifier le Satut de Rome. Et c’est donc sans honte que Le Matin du Sahara ose publier cet appel à la ratification du Statut de Rome par tous les Etats ne l’ayant pas encore fait, dont le Maroc. Espérons seulement que le Palais lise Le Matin du Sahara, et pas seulement pour les petites annonces ou les mots croisés…

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