Les salafistes populaires grâce au foot

Anecdotique, mais cela montre l’importance d’avoir une présence sur le terrain en dehors des seules campagnes électorales – ici, c’est Hizb al nour, le principal parti salafiste égyptien (il est issu de la Da’awa al salafiya, qui contrôlerait 4.000 des 108.000 mosquées d’Egypte), dans la région d’Alexandrie:

Ragab was guiding a group of long bearded men who were packed into his small office on how to fill out membership applications to join Nour.

Then a man in his mid-forties, who I recognised as local former football star, walked into the office, and Ragab jubilantly introduced him to the applicants as the new sports coordinator for the party in the Moharam Bek district.

« We are excited to have you on board in the party. We have just organised a huge football tournament in the district of Abis in the governorate. Out of 38 villages in Abis, we managed to form teams in 34 of the villages and they competed for three months. We provided the winners with awesome prizes. By the way, Nour also did very well in Abis in the first round of the vote, » he explained to the football star who seemed excited to play football for the Salafist party. (Al Ahram Weekly)

Les salafistes: pas seulement le niqab...

Un autre extrait intéressant – le journaliste interroge un militant du Hizb al hourriya wal adala (le parti des Frères musulmans) sur le programme du parti:

So I took some time to pick the brains of Mostafa Mamdouh, the 23-year-old organiser who was running the mini street fair.

Will it be an Islamic state like Saudi Arabia?

« Saudi Arabia is a totalitarian, theocratic regime. They do not even allow women to drive. We believe in equal opportunity for all citizens.

« We, the Egyptian Muslim Brotherhood, on the other hand, have a moderate Islamic programme and seek for Egypt to be a civilian society with Islamic undertones; we want to follow in the footsteps of the great experiences of our Muslim brothers in Turkey and Malaysia. »

Les islamistes ne constituent pas plus un monolithe que « la » gauche – comme le montre le second tour des éléctions pour les candidats individuels à Alexandrie, où le célèbre salafiste Abdelmoneim al Shahat a perdu 47.000 voix entre le premier (191.675 voix) et le second tour (144.296 voix), où il s’est vu battu par un candidat soutenu par les Frères musulmans, Hosni Doweidar, cette déperdition faisant suite à l’intense polémique médiatique sur ses déclarations radicales en matière de moeurs. Cette défaite a ravivé la tension entre salafistes et Frères musulmans, en concurrence sur un créneau idéologique commun mais n’ayant pas forcément la même clientèle électorale, celle des Frères musulmans étant plus proche des classes moyennes et des diplômés de l’enseignement supérieur.

Dans le même sens, un article du New York Times (« Salafis in Egypt have more than just religious appeal« ), qui n’écrit pas que des stupidités en dépit de sa réputation très surfaite, et qui confirme ce que j’ai toujours pensé s’agissant des révolutions arabes: l’aspect « classes », au sens de conflit de classes, a été très largement sous-estimé. Ainsi s’agissant de la concurrence entre Frères musulmans et salafistes en Egypte – mais il pourrait aussi bien s’agir de celle entre le PJD ou Ennahda et les partis se disant laïcs au Maroc (voire même, dans le cas marocain, la concurrence larvée entre le PJD et Al adl wal ihsan) ou en Tunisie: elle est tout autant sociale qu’idéologique.

Voters attending a political rally by ultraconservative Islamist sheiks might expect a pious call for strict religious rule — banning alcohol, restricting women’s dress, cutting off the hands of thieves.

But when a few hundred men gathered last week in a narrow, trash-strewn lot between the low cinderblock buildings of this village near Cairo, what they heard from the sheiks, known as Salafis, was a blistering populist attack on the condescension of the liberal Egyptian elite that resonated against other Islamists as well.

They think that it is them, and only them, who represent and speak for us,” Sheik Shaaban Darwish said through scratchy speakers. “They didn’t come to our streets, didn’t live in our villages, didn’t walk in our hamlets, didn’t wear our clothes, didn’t eat our bread, didn’t drink our polluted water, didn’t live in the sewage we live in and didn’t experience the life of misery and hardship of the people.”

It’s the class divide, stupid!

Quelques liens pour clore là-dessus:
– un excellent site – « Egypt election results and other data » – avec les résultats partiels des législatives égyptiennes (l’Egypte étant divisée en trois zones électorales, seule la première zone électorale a voté récemment), sans compter le site officiel;
– le site « Guide to Egypt’s transition » de la fondation Carnegie;
– le site EgyptSource avec l’excellente Michele Dunne de l’Atlantic Council;
– un article de Arab Media & Society de 2009, « Salafi satellite TV in Egypt« , sur les chaînes de télévision salafistes en Egypte, présentées (sur une base assez fragile) comme étant les plus regardées du pays, ce qui n’est pas prouvé – l’article demeure cependant très intéressant;
– le blog The Arabist d’issandr et Ursula, aussi sur Twitter;
– le blog de Bécassine alias @novinha56 sur Twitter.

Cablegate: les Emirats arabes unis ont donné 40 millions de dollars au Maroc au lendemain des attentats du 16 mai 2003

Voici la première mention substantielle du Maroc dans les câbles diplomatiques étatsuniens publiés par Wikileaks. Il s’agit d’un câble de l’ambassade étatsunienne à Abu Dhabi du 3 juin 2003 relatant un entretien la veille entre l’ambassadeure des Etats-Unis Marcelle Wahba et le ministre émirati des affaires étrangères, Hamdan bin Zayid. Ce dernier tenait à informer le gouvernement étatsunien du soutien financier émirati apporté au Maroc et à la Jordanie:

3. (C) Hamdan also informed the Ambassador that, following the terror attacks in Casablanca, the UAEG provided $40 million in cash assistance to Morocco. The Moroccans intend to use the money to purchase much needed equipment. The Emiratis have asked the Moroccans to provide an accounting for the money spent. Hamdan confided that he had told his Kuwaiti and Saudi counterparts the UAE’s donation was $80 million, in an effort to encourage them to give more. He wanted to make sure that the USG knew the real UAE contribution, in the event that this is raised with us.

En bref:

  • le gouvernement émirati a donné 40 millions de dollars US au Maroc pour des achats d’équipement – sécuritaire, peut-on présumer – au lendemain des attentats du 16 mai (soit deux semaines avant l’entretien en question);
  • le gouvernement émirati, prudent et connaissant sans doute bien son ami marocain, a demandé aux Marocains de rendre des comptes sur la façon dont cette somme serait utilisée;
  • le gouvernement émirati a indiqué au Koweït et à l’Arabie séoudite qu’il avait donné 80 millions de dollars US au Maroc, afin de les encourager à donner plus…
  • le gouvernement émirati tient à informer le gouvernement étatsunien du vrai montant, afin qu’il soit informé de la situation si elle venait à être évoquée…

On peut en tirer la conclusion que le gouvernement étatsunien pratique un contrôle de la manière dont ses alliés arabes les plus fidèles – Maroc et Jordanie entre autres – voient leurs fins de mois difficiles financées par les pays du Golfe…

Les commentaires de l’ambassadeure Marcelle Wahba à la suite de ce paragraphe descriptif sont intéressants:

4. (C) COMMENT: Jordan and Morocco both enjoy extremely close ties to the UAE. The Emiratis have long felt it important to provide economic assistance and support to these two moderate Arab states. The fact that Abu Dhabi is offering cash assistance, vice assistance-in-kind, is a measure of just how close these ties are since the Emiratis usually balk at writing checks. The UAE’s strong official ties with Jordan and Morocco are bolstered by personal relationships between the ruling families. Jordanian King Abdullah II is a close friend of UAE Armed Forces Chief of Staff Muhammad bin Zayid Al-Nahyan (MbZ). The two frequently hunt — in Morocco and Tanzania — joined, more often than not, by England’s Prince Andrew. The ties with the Moroccan monarch are equally warm. Shaykh Zayid and other Emirati ruling family members maintain vacation palaces in Morocco and have poured money into assistance projects there. END COMMENT.

On notera:

  • le Maroc a des liens très étroits avec les Emirats arabes unis (le câble mentionne que cheikh Zayed y a une résidence estivale et qu’il dépense de l’argent dans des projets sociaux);
  • les Emirats arabes unis n’aiment en général pas donner de l’assistance financière;
  • les dynasties régnantes au Maroc et aux Emirats arabes unis ont de forts liens personnels;
  • le roi Abdallah II de Jordanie va souvent chasser au Maroc en compagnie du chef d’état-major émirati Muhammad bin Zayid Al-Nahyan;
  • le prince Andrew de Grande Bretagne participe souvent à ces parties de chasse marocaines;

En attendant la suite…

Ce que je pense du réferendum suisse interdisant les minarets

Donc les Suisses ont par votation populaire interdit, à 57% des suffrages exprimés, interdit que les mosquées en Suisse soient dotées de minaret. Tous les cantons suisses ont voté pour l’interdiction, à l’exception de trois des quatre cantons francophones que sont Genève (probablement la ville la plus cosmopolite de Suisse, en raison de la présence de l’ONU et de l’OMC, et qui a le plus à perdre avec son importante clientèle des pays du Golfe, et qui a voté non à 59,7% – si vous boycottez la Suisse, ne boycottez en tout cas pas Genève), le canton de Vaud et Neuchâtel (le Jura est le seul canton francophone à avoir voté pour, ainsi que le canton italophone du Tessin, les quatorze cantons germanophones, les trois cantons bilingues français/allemand et le canton trilingue des Grisons).

Quelques réflexions en vrac, et je regrette par avance de ne pouvoir éplucher la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme pour juger de la conformité de cette prohibition avec la liberté de religion prétendument protégée par l’article 9 de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH).

  1. En soi, l’interdiction d’ériger des minarets au-dessus des mosquées suisses n’est pas à proprement parler scandaleuse. Je me rappelle que lors de la discussion de l’édification de la superbe grande mosquée de Stockholm à Björns trädgård (Medborgarplatsen), il fût très tôt convenu entre Islamiska förbundet i Sverige (l’Association islamique de Suède, une des associations musulmanes de Suède) et la ville de Stockholm que la mosquée n’aurait pas de minaret surélevé, mais qu’une des tourelles existantes sur ce bâtiment vieux d’une centaine d’années tiendrait lieu d’un minaret, purement décoratif puisque l’adan n’a bien évidemment pas lieu en dehors des locaux de la mosquée. Je ne suis pas sûr que le fait d’avoir un minaret soit imposé par le Coran ou la Sunna, mais allahou alem. La loi scélérate française permettant l’exclusion de l’école de filles voilées (et également de garçons sikhs portant le turban rituel) est objectivement infiniment plus attentatoire aux libertés individuelles que cette interdiction des minarets.
  2. Mais bien évidemment, aucune décision ou déclaration politique ne peut être appréciée abstraction faite de son contexte. De la même façon qu’un blague juive est plus marrante quand elle est racontée par Woody Allen que par Dieudonné, l’interdiction de minarets a une autre signification lorsqu’il fait suite à une initiative explicitement islamophobe avec un débat public et médiatique à l’avenant, que lorsqu’il s’inscrit dans le cadre d’une négociation entre l’autorité municipale en charge de l’urbanisme et le propriétaire d’un bâtiment.
  3. Le contexte suisse est celui désormais tristement banal – pensons aux Pays-Bas, où certains souhaitent suivre l’exemple suisse, ou au Danemark – d’un pays relativement libéral (encore que la Suisse ait eu des problèmes à traiter correctement ses travailleurs immigrés, notamment italiens) voire multiculturel (la Suisse compte quatre langues officielles et est historiquement partagée entre catholiques et protestants) virant, sous l’effet conjugué de la crise et du 11 septembre, vers une xénophobie et tout particulièrement une islamophobie de plus en plus clairement affichée: l’UDC, parti de droite islamophobe et xénophobe derrière l’initiative populaire de ce dimanche dernier, veut poursuivre plus loin sa politique de votations populaires islamophobes, en en proposant sur la burqa, la mutilation génitale (au demeurant déjà prohibée) ou le port du foulard au travail.
  4. Pour une fois, les réactions à l’étranger semblent unanimement négatives, qu’il s’agisse de pays arabes ou musulmans ou de pays européens, à l’exception bien évidemment des islamophobes patentés que sont Marine Le Pen, Geert Wilders ou les racistes de la Lega Nord italienne (padanienne?). Même la France officielle et médiatique, championne hors concours en matière de mesures discriminatoires prises sous couvert de laïcité, semble estomaquée par l’absurdité patente de l’islamophobie populaire suisse. Je dois dire que ces réactions m’étonnent grandement: ainsi, il serait plus condamnable d’interdire la construction de minarets (et non, pas de mosquées, la construction de minarets ne semblant pas être une quelconque obligation religieuse) que d’expulser des écoles et de la fonction publique des musulmanes recouvrant leurs cheveux. Au nom de quoi? Pourquoi cette absence de réaction face aux prohibitions – de degrés divers – turque, française et allemande du port du voile?
  5. Cet étonnement est plus fort encore à lire les réactions françaises: le ministre des affaires étrangères Bernard Kouchner s’est déclaré « un peu scandalisé« , une formule d’une délicieuse hypocrisie – mais il faut reconnaître qu’il est isolé au sein de l’UMP, dont plusieurs dirigeants rotent d’aise en pensant aux perspectives offertes par l’islamophobie, le président du groupe parlementaire UMP à l’Assemblée nationale, Jean-françois Copé, bavant d’excitation à l’idée d’une loi interdisant niqab et burqa. Nul prise de conscience de l’incohérence à dénoncer l’interdiction des minarets et approuver celle du foulard porté par des collégiennes et lycéennes. Même les champions de la laïcité autoritaire est intolérante qui a cours légal en France (du moins s’agissant des musulmans, les cultes catholique, protestant et juif étant mieux lotis) semblent en retrait, notamment au PS, pourtant jamais le dernier à entonner le clairon de la laïcité en danger face aux hordes islamistes en hijab et burqa. Un coopérant français, Philippe brachet, avait écrit un livre intitulé « Descartes n’est pas marocain » sur son expérience marocaine. Un observateur neutre (suédois?) pourrait en écrire un autre aujourd’hui, intitulé « Descartes n’est pas (plus?) français« .
  6. L’effet d’entraînement de cette mesure islamophobe (deux Länder autrichiens l’avaient déjà adoptée) est aussi certain que celui de l’interdiction du voile dans les écoles publiques françaises, mesure reprise par des pays aussi éloignés de la laïcité à la française que la Belgique (régime de neutralité et non de laïcité, avec financement public du culte et cultes reconnus par l’Etat) et l’Allemagne (régime de concordat, avec impôt ecclésiastique et programmes scolaires explicitement basés sur les valeurs chrétiennes). Les constructions de mosquées font jaser en France (et ailleurs), et la droite islamophobe européenne s’est précipitée sur l’occasion – avec des débordements en vrille, comme en Italie, où la Lega Nord propose de rajouter un crucifix au drapeau italien, un peu sur le modèle de Saddam Hussein rajoutant Allahou akbar sur le drapeau irakien lors de l’invasion du Koweït (non pas qu’il soit illégitime pour les Italiens de se choisir le symbole qu’ils veulent sur leur drapeau, mais le contexte, le contexte…).
  7. Le summum de l’absurde revient cependant à certains dignitaires musulmans, qui devraient étouffer de honte plutôt que de prendre les mots « liberté religieuse » dans leur bouche. Je pense notamment à l’Arabie séoudite, mais aussi à l’OCI, qui a exprimé son inquiètude par le truchement de son secrétaire général turc, dont je n’ai pas souvenir qu’elle ait condamné l’interdiction de lieux de culte non-musulmans en Arabie Séoudite, ou des difficultés rencontrées pour l’édification d’édifices religieux chrétiens dans d’autres pays musulmans.
  8. Nadia Yassine, égérie d’Al adl wal ihsan, déclare dans un entretien à swissinfo.ch « les néo-conservateurs en ont rêvé, la Suisse l’a fait » et dénonce la victoire de l’émotionnel – je ne connais pas ses positions ou celles de son mouvement sur les lieux de cultes non-musulmans au Maroc, ce serait intéressant à creuser…
  9. Les églises catholique et protestante de Suisse étaient opposées l’interdiction des minarets – c’est souvent (pas toujours toutefois) des autres croyants européens que les musulmans peuvent attendre le plus de réconfort, et pas toujours des laïcs.
  10. La rapporteure spéciale de l’ONU sur la liberté de religion et de pensée, la pakistanaise Asma Jahangir, a condamné cette prohibition, de même que le secrétaire général du Conseil de l’Europe (à ne confondre sous aucun prétexte avec l’Union européenne).
  11. On parle déjà de recours devant la Cour européenne des droits de l’homme contre cette prohibition. Ne vous faites aucun faux espoir: cette Cour n’a pas eu la main tendre lorsque les libertés religieuses de musulmans ont été déférées devant elle. Elle est présidée par le français Jean-Paul Costa, qui prit activement part dans la campagne médiatique française en faveur de l’interdiction du voile en 2003/2004 en déclarant de manière décisive devant la bien nommée commission Stasi que le projet de loi d’interdiction du foulard à l’école publique était conforme à la CEDH. L’interdiction du foulard faite à une enseignante suisse (décision d’irrecevabilité dans l’affaire Dahlab contre Suisse (2001))  ou à une étudiante d’université turque (affaire Sahin contre Allemagne, jugements de 2001 et 2003) n’a pas ému la vénérable Cour, laquelle n’avait en son temps guère été émue par l’interdiction du parti communiste allemand (décision d’irrecevabilité du 20 juillet 1957, parti communiste d’Allemagne contre Allemagne), les interdictions professionnelles ouest-allemandes (Berufsverbote interdisant la fonction publique aux personnes soupçonnées de sympathies nazies ou communistes, affaire Kosiek contre Allemagne (1986), voir cependant en sens contraire l’affaire Vogt contre Allemagne (1995)), l’interdiction professionnelle d’un menuisier suédois travaillant pour le musée de la marine (affaire Leander contre Suède (1987)), et autres casseroles qui prouvent que la perfection n’est pas de ce monde, cette cour étant légitimement considérée comme une des plus légitimes de par le monde en matière de droits humains.
  12. Enfin, on peut lire des tombereaux de conneries de Marocains du genre « bein quoi, c’est bien pire au Maroc, les juifs et les chrétiens n’ont pas le droit d’y construire des synagogues ou des églises« . C’est faux: aucune interdiction de ce genre n’existe, aucun texte réglementaire ou législatif contient ce type d’interdiction. Il y a d’ailleurs un vide juridique regrettable s’agissant des lieux de culte chrétiens, réglementés par aucun texte normatif. Larbi en publie les preuves photographiques récentes, s’agissant des églises chrétiennes, et des projets de reconstruction de synagogues – la synagogue Simon Attias à Essaouira par exemple – ont pignon sur rue. Il y a des problèmes évidents de liberté religieuse au Maroc, mais cela n’autorise pas à dire n’importe quoi, de bonne ou de mauvaise foi.

Le Maroc 124e sur 134 en matière de parité

Tous les classements, sauf ceux des championnats, sont sujets à caution. Bien évidemment, ce sont ceux en bas de classement qui se plaignent de la méthodologie, des critères sélectionnés et tutti quanti. Le gouvernement marocain s’en fait une spécialité, son ministre des affaires étrangères allant jusqu’à convoquer le représentant du PNUD au Maroc pour un discours de la méthode makhzénienne de calculer l’indice de développement humain (IDH). Et les classements peuvent contredire les idées préconçues – dans le cas du Maroc tel que perçu par le gouvernement marocain et ses supporters, c’est une vision du Maroc très éloignée d’indicateurs sociaux – voire économiques – calamiteux, y compris par rapport à des pays africains ou asiatiques perçus comme à la traîne du Maroc des Aston Martin, de Racine et de Marina Smir.

Le rapport 2009 sur le genre du World Economic Forum ne dément pas la tendance: sur la base de différents critères relatifs à la participation à la vie économique, aux résultats en matière d’éducation, à la santé et enfin à la représentation politique, le Maroc se classe 124e sur 134 – l’Algérie (117e) et la Mauritanie (119e) devancent le Maroc, c’est dire. En fait, pour donner une idée des profondeurs dans lesquelles se vautre le Maroc, les Lions de l’Atlas sont placés une soixantaine de places plus haut (63e au dernier classement de la FIFA) que le Maroc en matière de parité, en dépit du nouveau Code de la famille. Mais plus significatif que le classement – on peut s’étonner de voir la Turquie placée 129e après le Maroc et entre l’Iran et l’Arabie séoudite – il y a l’évolution du score: sur la période 2006-2009, le score marocain a évolué positivement mais très faiblement, plus faiblement encore que l’Algérie, la Mauritanie ou encore l’Arabie séoudite…

Du grand Chomsky: « There was no beginning to the « Clash of Civilisations » so it cannot have an end »

chomsky_cartoon

Comment dit-on déchirer sa race en anglais?

A déconseiller aux obamolâtres.

Q. What is your advice and recommendations for the Obama administration in relation to U.S. policy in Iraq and towards the Kurds?

A. I cannot respond. I disagree with the foundations of policy, and cannot offer advice within that framework.

C’est publié sur le site de Chomsky.

Tiens, il y a aussi ceci:

Q. « We Are Not At War With Islam », this is what Obama said during his recent visit to Turkey. Do you think, as some suggest, this new approach towards the Islamic world will be « End of the Clash of Civilisations »?

A. There was no beginning to the « Clash of Civilisations » so it cannot have an end. Simply consider the circumstances at the time when the doctrine was promulgated by Bernard Lewis and Samuel Huntington. The most populous Muslim state was Indonesia, a close US ally since 1965, when General Suharto carried out a murderous coup, killing hundreds of thousands of people and opening up the country’s rich resources to the industrial societies. He remained an honored friend though innumerable crimes at home and abroad, among them the invasion of East Timor, which came about as close to genocide as any event of the modern period. He remained « Our kind of guy, » as the Clinton administration declared in 1995, and maintained that status until he lost control and the US determined that his time was over. The most extreme fundamentalist Muslim state was Saudi Arabia, Washington’s oldest and most valued ally in the region. At the time Washington, was bringing to a bloody end its murderous wars in Central America, specifically targeting the Catholic Church. Its practitioners of « liberation theology » sought to bring the radical pacifist lessons of the Gospels to the peasant society that was suffering under the yoke of US-imposed tyrants. That was clearly unacceptable, and they became primary victims of Washington’s terrorist wars. One of the « talking points » of the famous School of the Americas is the proud boast that the US army « defeated liberation theology. » If we continue, we find familiar confrontations, but no « clash of civilizations » — a notion that was constructed at the end of the Cold War as a pretext for policies undertaken for other reasons, also familiar. Bush’s policies evoked enormous hostility in the Muslim world. Quite sensibly, Obama is trying to reduce the hostility, though there is no indication of a substantive change in policies or motives.

Hat-tip: rezo.net

Conspiration? Quelle conspiration?

Ca vient de la bouche du cheval, comme on dit en anglais:

Ticking off what he considered to be causes for hope for peace in the Middle East, the 2000 Democratic presidential candidate said the first has been a shift in Middle East geopolitics.

« The rise of Iran, » Kerry said, « has created an unprecedented willingness among moderate Arab nations to work with Israel. »

« This realignment can help lay the groundwork for progress towards peace, » he said.

« There is a new reality, » he said. « Moderate Arab countries and Israel alike are actually more worried about Iran than they are about each other. »

Dans un discours, il a répété cette affirmation:

I believe it because broader trends present an opening to make peace possible. In fact, I see four major causes for hope, which together comprise a case for action.

The first and most important is a tectonic shift in Middle East geopolitics. The rise of Iran has created an unprecedented willingness among the moderate Arab nations to work with Israel. This re-alignment can help lay the groundwork for progress towards peace.

On ne saurait être plus clair: ce qui est bon pour Israël est bon pour la paix, et la fausse discorde sunnites/chiites, qui existe surtout dans la tête de dirigeants arabes alliés des Etats-Unis et d’Israël, est bonne pour Israël car elle permet d’oublier l’occupation actuelle de territoires syriens, libanais (les fermes de Chebaa) et palestiniens par Israêl au profit d’une fantomatique hégémonie iranienne au Moyen-Orient.

C’est une littérature intéressante. Je n’ai pas accès à la base de données Lexis/Nexis, mais il serait utile de compter le nombre d’articles de la presse étatsunienne parlant de l’Iran, d’Israël et des Etats arabes dits modérés (euphémisme pour désigner les alliés d’Israël et des Etats-Unis) à travers les ans. La « menace iranienne » est un terme qui devrait exploser, en termes quantitatifs, depuis 2003. Le rôle de la presse d’obédience séoudienne dans la mise en oeuvre de cette propagande, visant à faire croire aux Arabes, notamment ceux des pays sunnites de la ligne de front (Liban, Syrie, Egypte, Palestine, Jordanie) qu’ils sont plus menacés par l’Iran que par Israël, est vital. Et on voit comment marche la chaîne alimentaire: un éditorialiste d’obédience séoudienne écrit un éditorial sur la fourberie/cruauté/duplicité innée des chiites en général et de l’Iran en particulier, un éditorialiste étatsunien/britannique/israëlien reprend ces propos, et ensuite un ministre européen/israëlien/étatsunien s’exclame « vous voyez bien, c’est l’Iran la vraie menace, pas Israël« . Malheureusement pour les instigateurs de cette hasbara, il faut croire que l’opinion arabe ne lit pas assez le Jerusalem Post ou L’Express.

Un exemple nous est fourni avec le quotidien Sharq al Awsat – par ailleurs imprimé au Maroc – oùon retrouve le rédacteur en chef de Sharq al awsat Tariq Alhomayed, dont les éditoriaux sont assez amusants si on les prend au second degré – par exemple celui-ci « Congratulations Hosni Mubarak » – mais d’autres éditoriaux sont tout aussi édifiants, notamment celui-ci,l’éditorialiste allègue que la société dite civile marocaine appelerait à la création de comités de promotion de la vertu et de prévention du vice… On pourrait citer d’autres exemples, comme cet autre éditorialiste – rappelons que Sharq al awsat est un journal séoudien – qui se plaint du manque de pluralisme que manifesterait Hugo Chavez, élu au suffrage universel – femmes incluses – dans un scrutin libre contrairement aux monarques et présidents arabes (seul le président mauritanien récemment renversé, Sidi Ould Cheikh Abdallahi, pouvait valablement se réclamer du suffrage universel).

Pour voir comment fonctionne la chaîne de transmission de cette propagande, voici un exemple: le rédacteur en chef de Sharq al awsat écrit un éditorial le 30 janvier, en pleine guerre israëlienne contre Gaza, pour désigner l’Iran comme menace contre la sécurité du Moyen-Orient.

Nasrallah and War on Egypt
Sharq al awsat 30/12/2008
By Tariq Alhomayed
(…) The only advantage to Nasrallah’s speech is that it revealed to the world what we have been saying the whole time: that Iran is a real threat to Arab security, as today it launched a war against Egypt, tomorrow against Saudi Arabia, and then the whole house of cards will collapse.

Ces propos sont ensuite diffusés à travers la planète via une chronique de l’universitaire israëlien Barry Rubin – assez peu porté sur l’introspection critique du projet sioniste – diffusée dans le cadre du Project Syndicate:

JERUSALEM – In Iran, elements from within the regime are reportedly offering a $1 million reward for the assassination of Egyptian President Hosni Mubarak because of his opposition to Hamas in the Gaza Strip. In Lebanon, the leader of Hezbollah, backed by Iran and Syria, merely calls for the Egyptian government’s overthrow.

In response to this, Tariq Alhomayed, a Saudi who is editor-in-chief of the newspaper Al-Sharq al-Awsat , describes Hamas as Iran’s tool, and argues that “Iran is a real threat to Arab security.”

Egypt’s foreign minister, Ahmed Aboul Gheit, agrees – and he is not alone. When Arab states met to discuss the Gaza crisis, Saudi Arabia vetoed any action. Even the Palestinian Authority (PA) blames Hamas for the fighting. Activists in Fatah, Hamas’s nationalist rival which runs the PA, make no secret of their hope that Hamas loses the war.

Le Project Syndicate ne manquant pas de moyens, cette chronique de Barry Rubin est également disponible en français:

JERUSALEM – En Iran, des éléments proches du pouvoir offriraient un million de dollars pour assassiner le président égyptien Hosni Moubarak en raison de son opposition au Hamas dans la bande de Gaza. Au Liban, le dirigeant du Hezbollah qui est soutenu par l’Iran et la Syrie appelle au renversement du gouvernement égyptien.

En réponse, Tariq Alhomayed, un Saoudien rédacteur en chef du journal Al-Sharq al-Awsat, qualifie le Hamas de marionnette de l’Iran et déclare que ce pays est la véritable menace contre la sécurité du monde arabe ».

Le ministre des Affaires étrangères égyptien, Ahmed Aboul Gheit, est du même avis, et il n’est pas le seul. Lorsque les pays arabes se sont réunis pour discuter de la crise à Gaza, l’Arabie saoudite a opposé son veto à toute action. Même l’Autorité palestinienne estime que le Hamas est responsable des combats. Les militants nationalistes du Fatah à la tête de l’Autorité palestinienne ne cachent pas leur espoir de voir le Hamas, leur rival islamiste, perdre la guerre.

De même en arabe:

باري روبينالقدس ـ ذكرت بعض التقارير أن بعض العناصر من داخل النظام في إيران تعرض مليون دولار أميركي كمكافأة لمن ينجح في اغتيال الرئيس المصري حسني مبارك بسبب معارضته لحركة حماس في قطاع غزة. وفي لبنان يدعو زعيم حزب الله ببساطة، وتسانده في ذلك إيران وسوريا، إلى الإطاحة بالحكومة المصرية.

ورداً على ذلك سارع طارق الحميد ، السعودي ورئيس تحرير جريدة الشرق الأوسط، إلى وصف حماس بأنها أداة تستخدمها إيران، وزعم أن « إيران تشكل تهديداً حقيقياً للأمن العربي ».

ولقد اتفق معه وزير خارجية مصر أحمد أبو الغيط في زعمه، ولم يكن وحده في ذلك. فحين اجتمعت الدول العربية لمناقشة أزمة غزة، اعترضت المملكة العربية السعودية على اتخاذ أي إجراء. وحتى السلطة الفلسطينية تحمل حماس المسؤولية عن القتال الدائر الآن في غزة. وليس سراً أن ناشطين من فتح، وهي المنظمة القومية المنافسة لحماس والتي تدير السلطة الفلسطينية، يتمنون لو تخسر حماس الحرب.

Grâce aux bons efforts du Project SyndicateL’Economiste, Le Matin du Sahara, La Vie économique, Assabah et Assahara al Maghribiya en font partie – des journaux de toute la planète ont repris ces propos: Japan Times, The Australian, The Free Republic, Times of Malta et le The Daily Independent (Bangladesh).

Cette chronique est ensuite citée – par Jim Hoagland du Washington Post notamment, dans un article qui aurait aussi bien pu être signé par Ehud Barak ou Benyamin Netanyahu.

Couronnement du périple, l’édito initial de Tariq Alhomayed figure dans les articles de presse présumés donner la « bonne » perspective sur la guerre de Gaza sur le site de l’ambassade israëlienne aux Etats-Unis…

Ce discours idéologique sert bien évidemment l’objectif étatsuno-israëlien d’éluder le problème israëlo-palestinien – transformé en problème de maintien de l’ordre opposant gentil Fatah allié du « seul Etat démocratique de la région » (ce qui est bien évidemment faux, car jusqu’à plus ample informé Chypre n’est pas impliqué en Palestine) au méchant Hamas, terroriste, antisémite et allié de l’Iran. La Palestine devenue une affaire de simple police, Israël n’est plus un problème, lequel serait plutôt l’Iran, en raison du négationnisme de son président et de son programme nucléaire, civil ou militaire peu importe.

Pour une présentation exemplaire de cette perspective, voir cet officiel cité off the record par Gideon Rachman du Financial Times:

He believes that Iran is currently stirring up trouble in many different areas including Lebanon, the Israeli occupied territories and Iraq. Iraq he believes is becoming the “arena for a regional power struggle”, pitting Sunnis against Shia. The Sunni Arab states see themselves as engaged in an ancient struggle with the Persians for dominance of the region. Syria has become detached from its natural Arab allies and is now firmly in the Iranian camp. But it is also the “weak link” in the Iranian alliance and can expect to come under enormous pressure as a result.

As for the moderate Arab states – the Saudis, the Jordanians and the Egyptians – “they have all told me they expect this to end in war”. They are also much more concerned about Iran than Israel, because “they know that Israel is not really an expansionist power”. Indeed the moderate Arab states would like to form a de facto alliance with Israel to contain Iran – but opinion on the “Arab street” prevents them from doing it.

Ce n’est pas que l’Iran soit un modèle scandinave de coexistence et de pacifisme – on l’a vu avec les récentes déclarations d’un conseiller d’Ali Akbar Khameneï sur Bahraïn, avec lequel l’Iran a un litige frontalier portant sur trois îlots. Mais rien ne le distingue, sur ce point, du Maroc par exemple, qui a un litige frontalier avec l’Algérie, et en a eu avec la Mauritanie, ou de l’Algérie, qui a un litige frontalier avec le Maroc, ou de la Libye, en litige tant avec le Tchad, la Tunisie et Malte qu’au sujet des eaux territoriales du Golfe de Syrte, de même entre l’Egypte et le Soudan – et plusieurs litiges territoriaux existent entre pays du Golfe – entre Qatar et Bahreïn par exemple, entre Arabie séoudite et Yemen et entre Arabie séoudite et Emirats arabes unis.

La rupture des relations diplomatiques entre le Maroc et l’Iran donnera sans doute l’occasion d’étudier de plus près la hasbara anti-iranienne dans la presse officieuse et officielle marocaine.

Des bombes au phosphore blanc à Gaza

09gitmo_500Le docteur Moussa El Haddad, qui habite au centre de Gaza, proche de la mer, raconte comment les avions F-16 survolent la ville à très basse habitude, larguant leurs bombes ou missiles. Les hélicoptères Apache survolent également la ville. Il indique que des familles entières – parents et enfants – ont été décimées lors des bombardements aujourd’hui. Il dit avoir vu des nuages blancs après des explosions similaires à ceux produits par les bombes au phosphore blanc, qu’Israël a utilisées dans la guerre du Liban en 2006. Ce sont des bombes incendiaires, considérées par certains comme des armes chimiques. Armes chimiques? Vous voulez dire des armes de destruction massive? Non, les armes de destructions massives ne sont que celles détenues par les pays arabes non alignés sur les Etats-Unis.

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Interrogé sur le soutien au Hamas, il répond violemment: « Ca veut dire quoi, soutenir le Hamas? Les Palestiniens soutiennent ceux qui le défendent« .

Miss KHamas, alias Avital Leibovich, la civile en uniforme de major de l’armée israëlienne, tente de convaincre que le sionisme est un humanisme: « toute cible associée au Hamas est légitime, qu’il s’agisse d’une personne ou d’un immeuble« .

Un envoyé d’Al Jazeera raconte que six ouvriers sont coincés dans l’usine Pepsi Cola en flammes – les usines et ateliers de construction sont tout particulièrement visés par les bombardements israëliens. Trois heures après, toujours pas de nouvelles. La bande de Gaza est coupée en deux par l’armée israëlienne, aux portes de Gaza City.

Un père, tenant le cadavre son bébé de 7 mois dans ses bras (les yeux et la bouche ouverts de ce bébé me hantent), raconte comment lui, paysan vivant à l’est de la bande de Gaza, a vu son fils agoniser pendant une journée faute de soins, les bombardements israëliens l’en empêchant. Sa femme et trois autres enfants sont également morts.

Des scènes de détresse devant un hôpital gaziote: un père totalement inconsolable, ayant amené son enfant qu’il sait condamné. Les enfants blessés qu’on apporte. Un enfant, arrivé blessé, est déclaré mort, et l’infirmière relève la couverture sur son visage. Un adolescent qui vient d’être amputé récite la shouhada. Une jeune mère éplorée crie « Qu’avons nous fait? Pourquoi le sang palestinien est-il si bon marché? Où est le monde arabe dont on nous parlait à l’école? Pourquoi nos voisins vivent-ils en paix et nous comme ça?« .

Les réfugiés affluent du nord et de l’est de la bande de Gaza vers Gaza City, où ils sont accueillis de manière rudimentaire dans des écoles. Pas de couvertures, pas de nourriture, des familles entières. Les réfugiés sont enragés contre les leaders arabes. « Ne sommes nous pas tous les enfants de Dieu? Nous voulons aussi la paix » dit un vieil homme. Une jeune fille pleure, pour les enfants de Gaza, forcés de boire de l’eau sale.

La délégation de l’Union européenne n’a obtenu ni cessez-le-feu ni l’autorisation de faire parvenir de l’aide humanitaire de la part de la ministre des affaires étrangères, Tzipi Livni. A Gaza, les Palestiniens sont écoeurés par l’attitude des Européens – le Conseil de l’Union européenne, à l’unanimité des 27 Etats membres, a accepté le principe d’un statut avancé pour Israël dans son association avec l’Union européenne (mais ça doit passer devant le Parlement européen avant d’entrer en vigueur). Alain Gresh du Monde diplomatique l’avait écrit: l’Union européenne capitule devant Israël.

Pour la dixième journée consécutive, des manifestations ont eu lieu à Ramallah, contre la guerre à Gaza. Quatre morts parmi les manifestants de Ramallah ces derniers jours, tombés sur les balles israëliennes. Selon la correspondante d’Al Jazeera, l’unité entre Palestiniens semble faite; même Pierre Mazen, alias Abou Laval, a invité toutes les tendances de la résistance – FPLP, Jihad islamique, Hamas notamment – à assister aux réunions de l’Autorité palestinienne de Cisjordanie. Des députés de toutes tendances parlent aux manifestants à Ramallah. Même la télévision palestinienne de Ramallah souligne la tendance en consacrant l’intégralité de ses émissions au massacre de Gaza. Abou Mazen aurait demandé à ses fidèles de ne plus attaquer le Hamas – la tactique des premiers jours est donc totalement renversée, résultat sans doute de son échec total auprès du peuple palestinien et surtout auprès de l’opinion arabe. Ceux qui pensent que l’opinion publique n’importe pas pourront le méditer.

Haïdar Eid, professeur universitaire, raconte le bombardement par avions, hélicoptères, artillerie, chars et navires de guerre. Son quartier n’accueille aucun groupende résistants, dit-il. « What more do the Arab governments need to see to act? What more than the corpses of children do they need to see? What more do the international community? Gaza is dying before the eyes of the international community« . Je n’ai pas l’électricité depuis 8 jours, rajoute-t-il. Transmis à la délégation de l’Union européenne et Nicolas Sarkozy – ah, et aussi le cadavre politique qu’est Tony Blair, représentant du dit « quartet » – l’idée que Tony Blair – ou Lord Blair of Kut al Amara comme l’a surnommé Robert Fisk – ait été désigné pour aider la cause de la paix au Moyen-Orient devrait faire rendre leurs plumes à tous les romanciers et fantaisistes: jamais ils ne surpasseront la réalité.

Si je n’avais pas peur de ne pas être grossier, je mentionnerai également ce qui tient lieu de gouvernants au monde arabe. La seule chose de bien à sortir de ce massacre c’est la déroute de la tactique sectaire israëlo-étatsuno-séoudienne, reprise par les dirigeants arabes, tenant à minimiser la menace israëlienne pour les populations arabes de Palestine, du Liban et de Syrie, et à inventer de toutes pièces une menace irano-chiite – je souhaiterais que quelqu’un de censé m’explique comment l’Iran de 2009 (pas celui de 1979) pourrait menacer la Jordanie, l’Egypte ou la Palestine. La déroute de cette tactique criminelle, qui ne peut que germer dans les cerveaux dérangés d’émirs abrutis par le lucre et le fanatisme tribal, est une excellente nouvelle. La propagande séoudienne, qui avait reçu un coup mortel en mai dernier à Beyrouth après la déroute de leur protégé local, a désormais reçu le coup de grâce – les bombes israëliennes s’en sont chargées. Cette propagande sera sans doute resservie pour consommation externe, c’est-à-dire principalement occidentale, mais tous les efforts d’Al Arabiya, de Sharq al awsat et consorts seronts vains au sein du public-cible, le public arabe. Bravo, les artistes. Pas un pour rattraper l’autre. Les hommes sans qualités.

Trop de flagornerie tue la flagornerie

Et dire que certains autres Arabes accusent les Marocains d’être trop obséquieux – la fameuse histoire du baise-main royal qui marque les esprits à l’étranger. L’ambassadeur syrien aux Etats-Unis, qui est par ailleurs un bloggeur, postule en tout cas au sommet du podium par cette remarque lancée à un prince royal séoudien, Turki Bin Faisal, ancien chef des services de renseignements séoudiens, lors d’un séminaire à Washington sur la Syrie et le Liban:

I just arrived ten minutes ago and I was particularly delighted to discover that his Royal Highness Prince Turki is among us. I am so happy to meet you again Prince Turki and you know that I’m very.. I’m personally sincere that I hope you will not quote me on this, you are my favorite royal ever, of all nationalities, or all royal dynasties

Par ailleurs, cette scène d’un érotisme torride informe sur la volonté syrienne de rapprochement avec le capo di tutti capi séoudien…

Yamanagate: la House of Lords cède à la realpolitik

Someone\'s terrorist is another\'s freedom fighter...

Someone's terrorist is another's freedom fighter...


Je vous ai déjà entretenus du volet judiciaire de l’énorme scandale de corruption et de trafic d’influence liée à la colossale vente d’armes britanniques à l’Arabie séoudite (hachek). Pour rappel, suite à des déclarations alléguées du prince séoudien Bandar Bin Sultan Bin Abdelaziz Al Saoud, lui-même soupçonné d’avoir bénéficié de pots-de-vin, selon lesquelles toute coopération anti-terroriste entre le Royaume-Uni et l’Arabie séoudite cesserait si une enquête serait menée par le Serious Fraud Office (SFO), le gouvernement britannique avait annoncé au SFO que des vies britanniques seraient dès lors en jeu, et le directeur du SFO avait décidé de mettre fin à l’enquête. Des associations britanniques avaient attaqué en justice cette décision de mettre fin à l’enquête, et avaient obtenu gain de cause devant la High Court.

Le SFO avait décidé de faire appel de ce jugement devant la House of Lords (cour suprême britannique, sauf pour ce qui est des affaires pénales écossaises). La House of Lords est nettement moins sensible aux considérations constitutionnelles de la High Court, qui estimait fort justement que cèder face au chantage séoudien était la négation même de l’état de droit. Dans un arrêt unanime, la House of Lords accueille l’appel et annule le jugement de la High Court – la décision du SFO de ne plus poursuivre l’enquête sur les pots-de-vin versés à la cleptocratie séoudienne est donc maintenue.

Pour faire bref, les law lords estiment que la question n’est pas tant de savoir si la décision de cèder aux menaces séoudiennes était juste ou mauvaise, mais plutôt si elle était légale. L’appréciation doit porter sur la marge de manoeuvre que la loi accordait au directeur du SFO, et non sur le caractère justifié ou non de la décision du SFO:

41. The Director was confronted by an ugly and obviously unwelcome threat. He had to decide what, if anything, he should do. He did not surrender his discretionary power of decision to any third party, although he did consult the most expert source available to him in the person of the Ambassador and he did, as he was entitled if not bound to do, consult the Attorney General who, however, properly left the decision to him. The issue in these proceedings is not whether his decision was right or wrong, nor whether the Divisional Court or the House agrees with it, but whether it was a decision which the Director was lawfully entitled to make. Such an approach involves no affront to the rule of law, to which the principles of judicial review give effect (see R (Alconbury Developments Ltd) v Secretary of State for the Environment, Transport and the Regions [2001] UKHL 23, [2003] 2 AC 295, para 73, per Lord Hoffmann).

42. In the opinion of the House the Director’s decision was one he was lawfully entitled to make. It may indeed be doubted whether a responsible decision-maker could, on the facts before the Director, have decided otherwise.

Une des law lords, la baronne Hale of Richmond, exprime explicitement ses regrets tout en partageant l’opinion unanime de ses confrères:

52. I confess that I would have liked to be able to uphold the decision (if not every aspect of the reasoning) of the Divisional Court. It is extremely distasteful that an independent public official should feel himself obliged to give way to threats of any sort. The Director clearly felt the same for he resisted the extreme pressure under which he was put for as long as he could. The great British public may still believe that it was the risk to British commercial interests which caused him to give way, but the evidence is quite clear that this was not so. He only gave way when he was convinced that the threat of withdrawal of Saudi security co-operation was real and that the consequences would be an equally real risk to « British lives on British streets ». The only question is whether it was lawful for him to take this into account.

53. Put like that, it is difficult to reach any other conclusion than that it was indeed lawful for him to take this into account. But it is not quite as simple as that. It is common ground that it would not have been lawful for him to take account of threats of harm to himself, threats of the « we know where you live » variety. That sort of threat would have been an irrelevant consideration. So what makes this sort of threat different? Why should the Director be obliged to ignore threats to his own personal safety (and presumably that of his family) but entitled to take into account threats to the safety of others? The answer must lie in a distinction between the personal and the public interest. The « public interest » is often invoked but not susceptible of precise definition. But it must mean something of importance to the public as a whole rather than just to a private individual. The withdrawal of Saudi security co-operation would indeed have consequences of importance for the public as a whole. I am more impressed by the real threat to « British lives on British streets » than I am by unspecified references to national security or the national interest. « National security » in the sense of a threat to the safety of the nation as a nation state was not in issue here. Public safety was.

54. I also agree that the Director was entitled to rely upon the judgment of others as to the existence of such a risk. There are many other factors in a prosecutor’s exercise of discretion upon which he may have to rely on the advice of others. Medical evidence of the effect of a prosecution upon a potential accused is an obvious example. Of course, he is entitled, even obliged, to probe that evidence or advice, to require to be convinced of its accuracy or weight. But in the end there are some things upon which others are more expert than he could ever be. In the end there are also some things which he cannot do. He is not in a position to try to dissuade the Saudis from carrying out their threat. Eventually, he has to rely on the assurances of others that despite their best endeavours the threats are real and the risks are real.

55. I am therefore driven to the conclusion that he was entitled to take these things into account. I do not however accept that this was the only decision he could have made. He had to weigh the seriousness of the risk, in every sense, against the other public interest considerations. These include the importance of upholding the rule of law and the principle that no-one, including powerful British companies who do business for powerful foreign countries, is above the law. It is perhaps worth remembering that it was BAE Systems, or people in BAE Systems, who were the target of the investigation and of any eventual prosecution and not anyone in Saudi Arabia. The Director carried on with the investigation despite their earnest attempts to dissuade him. He clearly had the countervailing factors very much in mind throughout, as did the Attorney General. A lesser person might have taken the easy way out and agreed with the Attorney General that it would be difficult on the evidence to prove every element of the offence. But he did not. (…)

57. For these reasons, although I would wish that the world were a better place where honest and conscientious public servants were not put in impossible situations such as this, I agree that his decision was lawful and this appeal must be allowed.

On notera qu’aucune mesure de rétorsion quelconque n’aura été prise au niveau du Conseil de sécurité vis-à-vis d’un Etat qui menace un Etat étranger de « non-coopération » en matière de lutte anti-terroriste afin de bloquer une enquête sur la corruption ayant bénéficié à ses dirigeants. On peut se dire que l’Etat menaçant en question était l’Iran, la Syrie ou Cuba, les réactions de ce que certains propagandistes nomment « communauté internationale » (« wenn Ich « communauté internationale » höre, entsichere Ich meinen Revolver« ) seraient bien différentes. On peut ainsi valablement penser que les décisions du Conseil de sécurité en matière terroriste ont la légitimité des décisions de la cupola. On se dira aussi que les Etats qui ont compris que la force fait le droit, tels les Etats-Unis, la Chine, la Russie et Israël, ont tout compris, et que les autres se font les complices ou les dupes d’une sinistre mystification.

On notera bien évidemment que le gouvernement britannique n’a pas tiqué, sans doute soulagé que la société BAE soit ainsi partiellement épargnée d’une enquête éclaboussant le principal constructeur aéronautique britannique. On relèvera enfin que les médias mainstream n’ont pas mobilisé leurs disciplinés bataillons d’éditorialistes pour dénoncer le terrorisme d’Etat séoudien.

Bonne nuit les petits!

PS: Pour les insomniaques, je conseille les commentaires critiques – « Oh My Lord, les Lords sont amers » – de l’indispensable blog De Defensa, ainsi que ceux du site anti-corruption du parti britannique d’opposition, les Liberal Democrats.

Sonnez les matines, sortez le champagne et préparez le mouton: le Serviteur des Lieux Saints a serré la main à un rabbin et y a survécu

Je sais d’avance que votre joie n’aura d’égale que votre fierté: le Serviteur des (Deux) Lieux Saints a serré la main à un rabbin à Madrid en ce jour de grâce du 13 rajab de l’an 1429 de l’hégire, selon Le Figaro.

Lors d’une conférence interreligieuse à Madrid, le souverain saoudien a accepté mercredi de serrer la main à des rabbins. C’est une première.

Seul invité venu d’Israël, le rabbin David Rozen ignorait jusqu’au dernier moment s’il allait être autorisé à serrer la main du roi Abdallah d’Arabie saoudite. À l’issue de la cérémonie d’ouverture d’une conférence interreligieuse hier à Madrid, le gardien des lieux saints de l’islam fit le geste historique devant une nuée de photographes. C’est une première dans l’histoire d’une monarchie ultraconservatrice guidée par le wahhabisme, cette doctrine rigoriste de l’islam sunnite.

Une telle prise de risques avec les lois de la biologie raciale n’a pas toujours été de mise pour la diplomatie séoudienne:

Veteran Saudi Foreign Minister Saud al-Faisal combined his announcement regarding his participation in the meeting with an obligation not to shake hands with any Israeli representative. This has been a Saudi custom for a while now. Its representatives also took part in the 1991 Madrid Peace Conference convened immediately after the American victory in the First Gulf War, and there too they played their games, as if Israel is a leper and must not be touched.

Ma fierté d’être représenté, en tant que musulman, par le Serviteur des Lieux Saints a atteint un point d’incandescence quand j’ai lu ceci:

The role of women in religious leadership – and at the conference – was also raised.

Of the several hundred delegates, only a tiny proportion were women, and some delegates complained that no women were due to speak from the platform during the three-day meeting.

Dr Mekia Nedjar, a female Muslim delegate from Spain, was a late addition to the conference programme, and her inclusion was met with warm applause.

Et c’est presque apoplectique que j’ai appris que ce dialogue civilisationnel des cultures, religions et civilisations avait eu lieu depuis quelques temps déjà:

Rumours of secret meetings between Saudi and Israeli officials have abounded over the past year but Saudi Arabia has said publicly it will not offer Israel « normalisation » of ties before a final peace deal.

Le déluge de bonnes nouvelles est cependant impossible à endiguer:

Jerusalem sources told Haaretz that Israel and Saudi Arabia have been holding covert meetings in a third state. The talks in these meetings are reportedly not about changing the relations between Israel and Saudi Arabia but only about the goings on in the region.

A few weeks ago, the Ilaf Web site, a prominent Saudi news medium, applied to the Government Press Office for accreditation for its foreign correspondent in Israel.

Unlike most of the institutional Arab press, Ilaf publishes interviews with Israelis. Another major Saudi newspaper, the London-based Asharq alawsat, published an interview with Prime Minister Ehud Olmert earlier this month.

The paper published interviews with senior Israeli figures several times over the last 10 years but in the past refrained from mentioning that these were exclusive.

The newspaper’s correspondent in Israel, Nazir Majali, told Haaretz on Thursday that his newspaper reflects a growing tendency of Arab patriots who want to restore Arabism and Islam to a central place in world culture, unlike the direction political Islam has taken.

Part of this trend is a change in the attitude toward Israel.

« Saudi Arabia is fulfilling a central role in this trend, both with the Arab peace initiative and in the interfaith dialogue initiated by King Abdullah. But the trend exists in all the states, from Morocco to Yemen, » he said.

Et déjà ce dialogue civilisationnel entre religions du livre semble prendre un formidable envol:

Ambassadors from Arab countries and the Gulf states were among the guests at a reception yesterday for outgoing United Nations Ambassador Dan Gillerman, who is completing a six-year tour of duty. One veteran UN reporter for an American television network told viewers he could not recall such an impressive Arab turnout for a diplomatic event for a senior Israeli official.

The envoys from Egypt, Jordan, Qatar and Oman were seen at the reception, which took place in the official apartment of the Israeli ambassador in Manhattan.

A particular surprise was the attendance at the party of the Palestinian observer at the UN, Riyad Mansour, the senior Palestinian envoy, who usually eschews Israeli diplomatic events and who embraced Gillerman. At a recent Security Council meeting Gillerman and Mansour exchanged heated remarks.

In his words of thanks at the reception, Gillerman noted his particular appreciation for the Palestinian representative for coming, despite criticism of his doing so.

Also at the party was Nobel Prize laureate Elie Wiesel and media star Barbara Walters.

Comment s’empêcher dès lors de crier, tout comme Muna al Fuzai, notre amour pour le Serviteur des Lieux Saints?

I love King Abdullah
Kuwait Times July 19, 2008
By Muna Al-Fuzai, Staff Columnist

I love Saudi King Abdullah. I love this great leader and respect him for his open mentality, advanced thinking, bravery and transparency. For those of you who wonder why I am saying all these things, here are the reasons: King Abdullah of Saudi Arabia called for a new move away from extremism to a new spirit of reconciliation, stating at the opening speech of an interfaith conference in Spain that, « history’s great conflicts were not caused by religion itself, but by its misinterpretation.

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