Esclavage et apostasie en Mauritanie

On s’informe sur un cas d’apostasie en Mauritanie, et on croit orienter ses lectures sur la charia et le salafisme – et on se retrouve au lieu de ça pris dans les paradoxes sociaux, ethniques et tribaux complexes d’une société que nous, Marocains (et je doute que ce soit très différent en Algérie ou en Tunisie) ne connaissons pas quand nous ne la méprisons pas. Je n’ai aucune connaissance particulière de la Mauritanie, mais ai voulu en savoir plus – et si ce billet peut susciter un peu plus de curiosité pour une société composite – tout comme la nôtre, mais différemment – j’en serais heureux, car si l’histoire mauritanienne est faite de souffrances et d’injustices, elle est aussi faite de résistance et de dignité exemplaires.

I – Les faits

Un jeune Mauritanien de 28 ans, Mohamed Cheikh Ould Mohamed M’Kheitir, issu de la caste dite des forgerons (« maalemines »), « sympathisant de la mouvance islamiste jusqu’en 2009« , a récemment eu la malencontreuse idée de publier un texte sur Internet – la traduction française est ici – dans lequel il critiquait le Prophète Mohammed (saws) à l’occasion d’une critique du système de caste existant en Mauritanie et des justifications religieuses données par certains à celui-ci:

m'kheitir Mauritanie

Religion, religiosité et forgerons (maalemines)

Mes frères les maalemines

Votre problème n’a rien à voir avec la religion. Il n’y a pas de lignée ni de caste dans la religion, ni maalemines ni beydhanes… Votre problème, s’il est vrai ce que vous dites, peut être compris sur ce qui est connu sous le mot religiosité…

Voici une nouvelle hypothèse, et j’ai trouvé parmi les maalemines même, certains qui la défendent…

Bien…

Revenons maintenant à la religion et à la religiosité afin de montrer la place de la lignée et des castes dans la religion.

Quelle est la différence entre la religion et la religiosité… ?

(…)

En conclusion si le concept des « cousins germains, de la parenté, de la fraternité » fait que Aboubekr s’abstient de tuer les mécréants et la relation de fille à père entre Zeinab et le Prophète l’autorise à libérer son époux gratuitement et l’appartenance à quoraich octroie des titres d’héroïsme aux Quraychites et le déni aux Abyssiniens et la fraternité et les liens de sang et de parenté donne le droit de grâce et déni le même droit à béni Quuraidha et toutes ces choses se passent dans l’ère de la religion, qu’en sera—t-il de l’ère de la religiosité ?

Mes frères

Je voudrais seulement atteindre avec vous (et je m’adresse en particulier aux maalemines) que la tentative de différencier l’esprit de la religion et la réalité de la religiosité est une tentative honorable mais pas « convaincante. ». Les vérités ne peuvent être effacées et ce lionceau/ provient de l’autre lion…

Celui qui souffre doit être franc avec soi-même dans la cause de sa souffrance, quelle que soit la cause. Si la religion joue un rôle disons-le à haute voix  la religion les hommes de religion, les livres de la religion jouent leur rôle dans tous les problèmes sociaux : dans les problèmes des hratines des maalemines et des griots. Ces griots qui restent encore silencieux en dépit du fait que la religion professe que ce qu’ils mangent est haram, que ce qu’ils mangent est haram et même que leur travail est haram. (…)

La caste des forgerons figure traditionnellement, dans la hiérarchie ethnico-sociale mauritanienne, en bas de l’échelle, même si M’Kheitir est le fils du préfet de Noudhibou. Récemment, ses membres ont exprimé de plus en plus nettement leur mécontentement en lançant l’ »Initiative des forgerons pour la lutte contre la marginalisation« .

Dès la publication, des lecteurs ont été choqués et les autorités de police alertées. M’Kheitir a alors été arrêté le 2 janvier 2014 et placé en détention provisoire le 6 janvier, accusé d’apostasie, une infraction pénale punie de mort selon l’article 306 du Code pénal mauritanien de 1983.

M’kheitir en a subi les conséquences même sur le plan familial:

La fureur de la controverse sur la toile et dans l’opinion pousse la famille de Ould Mkheïtir à publier un communiqué, d’une rare rigueur, pour le dénoncer et le bannir ; sans tarder, les parents de son épouse, sur la pression des religieux et d’une partie de la population, la séparent de lui et l’exilent, à Guérou car le mariage devient caduc par le fait du « crime d’apostasie ». Aussitôt, l’employeur de Ould Mkheitir le licencie, ses collègues l’insultent et le menacent. Sa mère n’y comprenant rien tente, en vain, de le faire abjurer. Ould Mkheitir, désormais seul contre tous, crie son innocence et tient tête. (Communiqué conjoint du 24 janvier 2014 des associations Conscience & résistance, SOS Esclaves, Association mauritanienne des droits de l’homme et Association des femmes chef de famille)

Il aurait entretemps publié un deuxième texte, dans lequel il faisait état des menaces de mort et injures racistes dont il fut victime suite à son premier texte, et expliquait admirer le Prophète (saws) et n’avoir écrit son texte que pour critiquer la façon dont les zawiyas (confréries) bidhanes (maures libres, c’est-à-dire de statut non-servile) avaient instrumentalisé la religion pour justifier la poursuite de l’esclavage et de la discrimination des maalemines:

je voudrais confirmer ici ce qui suit :

1. Je n’ai pas, consciemment ou inconsciemment, blasphémé à l’encontre du Prophète (Paix et Salut d’Allah sur lui) et je ne le ferai jamais. Je ne crois d’ailleurs pas qu’il y ait dans ce monde plus respectueux envers lui (paix et salut d’Allah sur lui) que moi.

2. Tous les faits et récits que j’ai cité dans mon précédent article revêtent un caractère historique et véridique. Ces récits ont naturellement leurs interprétations littérales et superficielles et leurs sens visés et profonds.

3. C’est là le point crucial, qui a suscité une incompréhension de mon propos chez beaucoup de personnes. Je voudrais que l’on y accorde une attention totale. Au contraire de ce que certains ont voulu répandre m’attribuant l’intention de blasphémer à l’encontre du Prophète (paix et salut d’Allah sur lui), Je voudrais clarifier ici mon propos : Les Zawaya ont abusé de la dualité du sens obvie et du sens visé des récits et histoires rapportés de l’époque de la religion afin d’en faire le socle d’un système servant leurs intérêts à l’époque de la loi du plus fort (Seyba). Ils ont fini par ériger le sens obvie en loi de la religiosité transmise à nos jours tout en taisant les sens visés par le Prophète (paix et salut d’Allah sur lui)

Je dis donc à tous mes frères,

A tous ceux qui ont sciemment mal compris mon propos, vous savez bien que je n’ai pas blasphémé à l’encontre du Prophète (paix et salut d’Allah sur lui)

Aux bonnes personnes qui n’ont reçu que l’information déformée, je dis : Sachez que je n’ai pas blasphémé à l’encontre du Prophète (paix et salut d’Allah sur lui) et que je ne le ferai jamais. Je comprends certes l’ampleur de votre propension à défendre le Prophète car elle est identique à ma propre propension à le défendre et à l’amour que je lui porte. Je vous assure que nous sommes tous égaux quant à la défense de tout ce qui nous est sacré.

II – Les réactions

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Le 5 janvier, des manifestants islamistes avaient réclamé que la peine capitale lui soit appliquée, et ils ont maintenu la pression sur les autorités, jusqu’à tenter de prendre d’assaut le tribunal de Noudhibou où doit se dérouler son procès, occasionnant ainsi une émeute. L’imam de la Grande mosquée de Nouakchott a appelé l’Etat à mettre fin aux attaques contre le Prophète (saws), et des imams en profiteraient pour demander la censure de sites Internet et la fermeture de cafés à Nouakchott. M’kheitir aurait perdu son emploi, été désavoué par sa famille et sa femme aurait également, comme dit plus haut, quitté le domicile conjugal, tandis qu’un homme d’affaire de Nouadhibou – du nom de Abi Ould Ali – aurait mis sa tête à prix; des partis politiques – l’UFP par exemple – ont dénoncé ses propos, le leader du parti islamiste Tawassoul étant paradoxalement relativement modéré dans ses propos – mais c’était avant l’appel de la section locale de Nouadhibou de ce parti à a faire appliquer strictement la loi sur l’apostasie. Même l’Union des Littéraires et Poètes de Mauritanie a pris position contre lui, alors qu’un penseur islamiste basé au Qatar, Mohamed Elmoctar Chinguitti, prend sa défense en arguant que la peine capitale pour apostasie n’aurait aucun fondement en droit musulman.

Le président de la République, l’ex-général putschiste Mohamed Ould Abdelaziz élu en 2013, a également réagi, à l’occasion d’un meeting improvisé devant le palais présidentiel:

Au nom d’Allah le tout miséricordieux, le très miséricordieux et Prière sur le plus noble des envoyés , MOHAMED (PSL).
Chers citoyens, chers musulmans
Je vous remercie de tout coeur pour votre présence massive en ce lieu pour condamner le crime commis par un individu contre l’Islam, la religion de notre peuple, de notre pays, la République Islamique de Mauritanie.
Comme j’ai eu à le préciser par le passé et le réaffirme aujourd’hui, la Mauritanie n’est pas laïque. L’action que vous entreprenez aujourd’hui est le minimum à faire pour protester contre ce crime contre notre religion sacrée et je vous assure en conséquence que le Gouvernement et moi-même ne ménagerons aucun effort pour protéger et défendre cette religion et ses symboles sacrés.
Tout le monde doit comprendre que ce pays est un Etat islamique et que la démocratie ne signifie pas l’atteinte aux valeurs et symboles sacrés de la religion.
Je souligne, une fois encore, que le Président de la République et le Gouvernement vont prendre toutes les mesures pour protéger l’Islam, que la justice suivra son cours et que le concerné est actuellement entre les mains de celle-ci dans le cadre de l’enquête.
L’Etat s’acquittera de son devoir dans cette affaire comme vous vous êtes acquittés du votre. Toutes les mesures appropriées seront prises dans ce sens.
J’adresse un message à tous et repète une fois encore que la démocratie n’autorise pas l’atteinte à la religion. Et aux journalistes, aux sites électroniques et aux télévisions, je dis que la religion est au-dessus de tout et d’aucune manière il n’est permis d’y attenter et sous aucun prétexte, pour la simple raison que l’Islam est la religion du peuple mauritanien et il en sera ainsi toujours quel que soit le niveau de la démocratie et des libertés.
Je vous remercie encore une fois pour votre mobilisation pour le soutien à votre religion et pour votre sens du devoir.

Assalamou Aleykoum (Agence mauritanienne d’informations, 10/1/2014)

On relevera que le président s’est exprimé sans la moindre précaution oratoire sur la culpabilité de M’Kheitir, qui bénéficie cependant de la présomption d’innocence en vertu de l’article 13 alinéa 2 de la Constitution mauritanienne, qui énonce que « toute personne est présumée innocente jusqu’à l’établissement de sa culpabilité par une juridiction régulièrement constituée« , principe qui ne figure toutefois pas – et c’en est assez choquant – dans le Code pénal ni le Code de procédure pénale. La Constitution ayant valeur supérieure à la loi, ces propos impliquent cependant une violation flagrante de la Constitution mauritanienne par le président Ould Abdelaziz.

Les déclarations du président tendent par ailleurs à préjuger du travail de la justice, seule habilitée à prononcer la culpabilité d’un individu, et violent de ce fait le principe d’indépendance du pouvoir judiciaire reconnu à l’article 89 de la Constitution:

Le pouvoir judiciaire est indépendant du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif.

Le président de la République est garant de l’indépendance de la magistrature.

Ce n’est pas tout: comble de l’horreur, la Commission nationale des droits de l’homme de Mauritanie a publié un communiqué sans doute unique dans les annales de toutes les institutions de ce type de par le monde, condamnant les propos de M’Kheitir et rappelant que l’apostasie était punie de mort en droit mauritanien, sans le moindre mot de défense, de nuance ou de clémence à son égard – propos justement dénoncés par l’avocat Takioullah Eidda.

Communiqué de la CNDH sur les propos blasphématoires tenus à l’encontre du prophète (PSL) Version imprimable Suggérer par mail
ImageLa Commission Nationale des Droits de l’Homme de Mauritanie a pris connaissance  avec consternation des écrits  d’une violence inénarrable tenus à l’encontre du Prophète Mohamed ( PSL), Prophète de l’Islam, religion de l’Etat et du peuple mauritaniens. Blasphématoires, vexatoires et provocateurs, ces écrits hérétiques ont été  confirmés par leur auteur qui a persisté dans sa diatribe contre l’islam et son Prophète. Ce faisant, il entre dans le champ d’application  de l’article 306 de l’Ordonnance n°83-162 du 09 juillet 1983 portant institution d’un Code Pénal qui dispose que : « Tout musulman coupable du crime d’apostasie, soit par parole, soit par action de façon apparente ou évidente, sera invité à se repentir dans un délai de trois jours. S’il ne se repent pas dans ce délai, il est condamné à mort en tant qu’apostat, et ses biens seront confisqués au profit du Trésor. S’il se repent avant l’exécution de cette sentence, le parquet saisira la Cour suprême, à l’effet de sa réhabilitation dans tous ses droits, sans préjudice d’une peine correctionnelle prévue au 1er paragraphe du présent article. Toute personne coupable du crime d’apostasie (Zendagha) sera, à moins qu’elle ne se repente au préalable, punie de la peine de mort».
Cette violence, théorisant des thématiques diffamatoires ayant pour but de discréditer l’Islam et son Prophète,  est inacceptable en ce qu’elle trouble et outrage tout un peuple dans ses convictions les plus profondes.
La Commission Nationale des Droits de l’Homme marque  sa désapprobation et sa condamnation fermes, d’une telle conception de la liberté d’expression et de conscience.
La Commission Nationale des Droits de l’Homme rappelle que choquer et blesser délibérément les peuples  dans leurs convictions religieuses est un acte de violation de leurs droits collectifs qui appelle une réaction proportionnelle.
La Commission Nationale des Droits de l’Homme s’associe à l’indignation unanime du peuple mauritanien suscitée par ces écrits blasphématoires.
La Commission Nationale des Droits de l’Homme  salue la retenue dont à fait preuve le peuple mauritanien et se félicite de l’esprit de civilité et de citoyenneté qui a prévalu jusqu’à présent.
La Commission Nationale des Droits de l’Homme réitère sa foi en la justice qui, en tout état de cause, saura garantir un procès juste et équitable pour l’auteur des écrits incriminés.

Et ce n’est pas seulement M’kheitir qui a été violemment pris à partie, mais également des journalistes couvrant cette affaire, tel Ahmed Ould Kerkoub du site d’information mauriweb.info, maltraité par la police, ou un avocat, Me Mohameden Ould Ichidou, bien qu’ayant décliné la demande formulée par les parents de M’kheitir d’assurer sa défense.

En sens contraire, les citoyens et associations haratines (descendants d’esclaves arabophones) et anti-esclavagistes (regroupant surtout des afro-mauritaniens) ont vertement critiqué la manipulation politico-religieuse autour du cas M’Kheitir. Il en va ainsi du mouvement « Touche pas à ma nationalité » qui regroupe principalement des afro-mauritaniens:

Touche pas à ma nationalité rappelle aux barbus à l’indignation sélective qui crient au meurtre dans l’affaire Ould Mohmed M’Kheitir qu’un génocide en bonne et due forme, dont les auteurs se pavanent encore dans les rues de Nouakchott, a été perpétré contre la communauté noire et que l’esclavage continue à faire des ravages dans le pays sans qu’aucun d’eux ne daigne lever le petit doigt. (Communiqué du 21 janvier 2014)

De même, l’Initiative pour la Résurgence du mouvement Abolitionniste (IRA) du célèbre militant anti-esclavagiste Biram Ould Dah Ould Obeid a-t-elle tenu à la fois à dénoncer les attaques contre le Prophète (saws) et avec plus de force encore le procès en apostasie initié contre M’Kheitir:

« Nous exprimons notre désaccord avec ceux qui ont appelé au meurtre de Mohamed Cheikh Ould Mkheitir, comme, nous réitérons aussi notre rejet de tout ce qui peut de près ou de loin égratigner la place et l’image du prophète Mohamed, paix et salut sur lui » a déclaré Birame Ould Dah Ould Abeid président de Ira Mauritanie, au cours de la conférence.

Le président de IRA Mauritanie a ensuite « sonner l’alerte » contre « ceux qui exploitent l’Islam et en font un fonds de commerce. » Pour lui « cette exploitation d’une religion de paix et de justice, menace la paix civile, l’achèvement du processus démocratique et la paix entre les différentes composantes de la société mauritanienne. »

Et Biram a ajouté « A Oualata, le chef de l’État a dit que la Mauritanie est un Etat Islamique et non laïque. Moi je dis que la Mauritanie n’a jamais été un Etat Islamique car elle n’a jamais appliqué l’égalité intrinsèque qui est un des principes fondateurs de l’Islam, qui est l’esprit du Coran, qui est un des principes de base du prophète, paix et salut sur lui.. »

« Il est dangereux, selon le leader de IRA Mauritanie « de diviser les Mauritaniens en bons musulmans et en ennemis de l’Islam. »

Il a ensuite lancé un appel a « ceux qui sont opprimés par une instrumentalisation de l’Islam (Esclaves, forgerons et autres castés), une instrumentalisation pour les sortir de la bénédiction de Dieu. »

A l’adresse de ces « esclaves et castés » Biram a lancé : « Votre combat n’est pas contre la religion, pas contre le prophète car la religion et le prophète sont venus pour protéger des opprimés comme vous. Votre combat est contre les groupes dominants qui instrumentalisent la religion, des groupes dominants qui sont au pouvoir en Mauritanie. » (Organisation contre les violations des droits humains, 16/1/2014)

«Beaucoup de mauritaniens ont déjà offensé la religion, le Coran, Dieu, le Prophète (PSL) et ils continuent encore à le faire mais ils n’ont jamais été inquiétés, pourchassés ou traduits devant les tribunaux » lance le leader d’IRA. Et pourtant, à en croire Biram, «Personne n’a jamais demandé à les décapités ou à les tuer. Parce que tout simplement ils sont issus de grandes familles». Biram a donné des exemples de cas d’offense au Coran, au Prophète etc. la castration des esclaves, les viols des femmes esclaves entre autres … «sans que personne ne demande à les corriger». Toutefois, il s’est interrogé sur le sort réservé aux tortionnaires des années 90 qui occupent encore des hautes fonctions dans l’administration ou qui circulent librement. «Pourquoi des gens qui ont tué des centaines de noirs en Mauritanie, des tortionnaires qui sont dans les rangs du pouvoir et de l’opposition n’ont pas été inquiétés ? Aziz représente-t-il l’islam que quand il s’agit des haratines ou des forgerons ? »  Le leader d’IRA a rejeté «cette politique de deux poids deux mesures». Poursuivant son questionnement, il pointe un doigt aux érudits. «Pourquoi les érudits de l’islam qui en veulent à Mohamed Ould Mkheitir ne défendent pas l’islam face à l’esclavagisme ou face aux assassins des noirs ? C’est parce qu’ils sont «actionnaires dans ces pratiques » selon Biram qui a appelé toutes les parties en Mauritanie à «revenir à la raison, à la justice et au droit ». (Rimweb, 19/1/2014)

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Le président de l’IRA, Birame Ould Dah Ould Abeid, parle en connaissance de cause: contrairement à ce que rapportent la presse et certains militants mauritaniens, M’Kheitir n’est pas le premier Mauritanien à avoir été accusé d’apostasie sur la base de l’article 306 du Code pénal de 1983 – il fût arrêté et poursuivi en 2012 sous ce chef d’accusation pour avoir brûlé publiquement des livres de fqih (droit musulman) justifiant l’esclavage.

D’autres intervenants ont critiqué la campagne orchestrée contre M’kheitir, comme le journaliste Mohamed Fall Oumeir ou le rédacteur en chef du journal « Le méhariste » Mohamed Saleck Beheite, et la presse a souligné la manipulation de l’affaire par des groupes salafistes tel « Ahbab Rasoul ».

III – L’accusation d’apostasie, instrument d’asservissement

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Contrairement donc à ce qui a été répété, ce n’est pas la première fois que quelqu’un est arrêté et inculpé pour apostasie en Mauritanie, puisque Birame Ould Dah Ould Abeid, lui-même descendant d’esclave et ardent militant anti-esclavagiste, le fut en 2012 :

Biram Ould Dah Ould Abeid, président de l’Initiative de Résurgence du mouvement Abolitionniste en Mauritanie (IRA), est sans conteste une personne qui ne laisse pas indifférente en Mauritanie. Décrit comme un politicien qui ne songerait qu’à se mettre en avant pour certains, comme une personnalité un peu « illuminée » par d’autres, il est connu pour sa lutte contre l’esclavage et ses démêlés avec la justice. (…)

Dans la nuit du 28 au 29 avril 2012, M. Biram Ould Dah Ould Abeid a été arrêté avec 11 autres membres et sympathisants de l’IRA en l’absence de mandat d’arrêt à son domicile de Riadh par une unité de la police politique. Au cours de l’arrestation, les membres de sa famille et plusieurs militants de l’IRA ont été brutalisés. Les 12 membres de l’IRA ont d’abord été gardés à vue au commissariat de police du quartier de Tevragh Zeina à Nouakchott, connu pour ses pratiques de torture.

Ces arrestations faisaient suite à l’incinération par M. Biram Ould Dah Ould Abeid, le 27 avril 2012, de plusieurs ouvrages de référence sur les sciences islamiques justifiant l’esclavage. Des livres qui expliquent qu’un esclave ou une personne d’origine esclave ne peut pas prier le vendredi ou ne peut mener une prière et peuvent dès lors servir pour « justifier » l’inacceptable.

Le 2 mai 2012, le ministère public mauritanien a finalement décidé d’inculper M. Biram Ould Dah et les 11 membres et sympathisants de l’IRA pour « atteinte à la sécurité de l’Etat », accusation sans lien avec l’incinération des livres, fait qui avait soit disant déclenché l’arrestation.

Cet autodafé a suscité de vives réactions en Mauritanie, voire des dérapages verbaux de représentants politiques allant à l’encontre du respect des droits humains fondamentaux.
Le 3 mai 2012, le cabinet du gouvernement a déclaré que l’incinération de livres par M. Biram Ould Dah était un « acte méprisable », tout en annonçant de très lourdes sanctions contre ses « auteurs ».
Le Premier Ministre mauritanien a, lui, confié à la mission de la FIDH une appréciation sans nuances :, « brûler des livres, cela ne se fait pas. Et ce n’est pas n’importe quel livre ! C’est inacceptable, ce n’est pas un acte anodin, c’est un livre de référence pour beaucoup de Mauritaniens ». Le ton est le même chez le Président de l’Assemblée nationale qui n’hésite pas à affirmer : « je suis parmi ceux qui condamnent l’autodafé, ce n’est pas de la liberté d’expression ».

Depuis cet acte, des manifestations dénonçant l’incident comme un «blasphème » et appelant à la peine capitale ont été fréquemment organisées à Nouakchott. Des contre-manifestations dénonçant la pratique de l’esclavage et soutenant M. Biram Ould Dah et l’IRA ont quant à elles été violemment réprimées par les forces de l’ordre, faisant plusieurs blessés (cf. supra). Des juges ont affirmé à la mission de la FIDH que Biram Ould Dah a déjà été « condamné par la population mauritanienne ». (…)

Le 27 juin, lors de l’ouverture du procès de Biram et de sept autres militants de l’IRA (4 autres militants ayant été libérés), la cour criminelle de Nouakchott a annulé la procédure pour vice de
forme et a renvoyé l’affaire devant le procureur. Alors qu’à la suite d’une décision de ce type, les détenus sont généralement libérés jusqu’à ce que de nouvelles charges soient retenues contre
eux, les personnes accusées ont été maintenues en détention.
Après plus de quatre mois de détention préventive, le 3 septembre 2012, M. Biram Ould Dah Ould Abeid a été libéré sous caution, officiellement en raison de son état de santé, ainsi que ses
collègues.
Biram et les sept autres militants de l’IRA demeurent en liberté provisoire et poursuivis à la date de publication de ce rapport.

(FIDH, « Mauritanie: critiquer la gouvernance, un exercice risqué« , 2013, pp. 21-22)

Si la procédure contre Birame Ould Dah Ould Abeid n’a pas été formellement close, aucune mesure d’instruction d’un éventuel procès n’a été prise depuis sa libération provisoire, sa notoriété internationale – il a été récipiendaire du Front Line Award for Human Rights Defenders at Risk (2013) et le UN Human Rights Prize (2013).

Les détails de ce qui lui valut l’accusation de blasphème méritent une brève description:

Les faits remontent au 27 avril. Un vendredi. Birame, musulman négro-mauritanien descendant d’esclave dans un pays dominé économiquement et politiquement par les Maures, réunit quelques militants pour une prière collective organisée hors des lieux de culte officiels où le sujet de l’esclavage est tabou. L’acte est politique.

Puis – et c’est ce qu’on lui reproche et qui embarrasse les organisations de défense des droits de l’homme –, il brûle sur une place publique d’un quartier populaire de la périphérie de Nouakchott des livres de droit musulman du rite malikite où l’exploitation de l’homme par l’homme alimente des considérations détaillées sur les droits du serviteur et les devoirs du maître. Des livres très anciens mais encore étudiés et qui soutiennent la pratique, toujours en cours, de l’esclavage, malgré le déni des autorités et de l’élite mauritaniennes.

Birame a pris soin de ne pas jeter dans les flammes les pages comportant des passages du Coran ou des mentions des noms d’Allah et de son prophète Mahomet. Mais son arrestation, quelques heures plus tard, mobilise un nombre impressionnant de troupes d’élite, qui font alors un usage disproportionné de la force. (Le Monde, 2012)

De fait, la société mauritanienne, traversée de clivages complexes entre anciens maîtres et anciens esclaves (ces deux groupes s’étant cristallisés en groupes ethniques, les « maîtres » étant maures de peau claire, les « bidânes » et les « ex-esclaves » étant négro-africains de peau noire, les « haratines »), entre arabophones (environ 80% de la population) et non-arabophones et avec des castes marginalisées comme celles des forgerons et des griots, également cristallisées en groupes quasi-ethniques, voit l’islam instrumentalisé par les différents groupes (1). En effet, tous sont musulmans, et si certains « bidânes » invoquent d’anciens traités de fiqh malékite traitant des relations entre maîtres et esclaves pour justifier le maintien d’une pratique officiellement abolie, les descendants d’esclaves invoquent un islam de libération, d’égalité sociale et de refus des clivages ethniques (voir par exemple « Nous, nos races et nos castes dans la République islamique de Mauritanie » de Koundou Soumare ou Biram Ould Dah Ould Obeid déclarant: « ainsi l’Islam, notre foi forgée aux origines dans la révolte contre l’iniquité, est-il détourné et voué à la défense du préjugé raciste« ). Cette instrumentalisation est ouvertement dénoncée par les anti-esclavagistes:

Le président de IRA Mauritanie a ensuite « sonner l’alerte » contre « ceux qui exploitent l’Islam et en font un fonds de commerce. » Pour lui « cette exploitation d’une religion de paix et de justice, menace la paix civile, l’achèvement du processus démocratique et la paix entre els différentes composantes de la société mauritanienne. »

Et Biram a ajouté « A Oualata, le chef de l’État a dit que la Mauritanie est un Etat Islamique et non laïque. Moi je dis que la Mauritanie n’a jamais été un Etat Islamique car elle n’a jamais appliqué l’égalité intrinsèque qui est un des principes fondateurs de l’Islam, qui est l’esprit du Coran, qui est un des principes de base du prophète, paix et salut sur lui.. »

Il est dangereux, selon le leader de IRA Mauritanie « de diviser les mauritanien en bons musulmans et en ennemis de l’Islam. »<br
Il a ensuite lancé un appel a «ceux qui sont opprimés par une instrumentalisation de l’Islam (Esclaves, forgerons et autres castés), une instrumentalisation pour les sortir de la bénédiction de Dieu. » (CRIDEM, « Affaire Ould Mkheitir : IRA Mauritanie lance un appel aux esclaves, forgerons…« , 16 janvier 2014)

Selon Birame : « les livres incinérés ne sont pas des traités islamiques, ce sont des documents qui légalisent l’injustice, l’esclavage, la maltraitance des personnes, qui légitiment le viol des « Hartaniatt » et autorisent le pillage des biens de leur mari décédé et la privation de leur enfants d’accéder à l’héritage de leur père ». L’histoire de l’Islam, rappelle Birame, est pleine de ces incinérations de livres plus importants que le traité de Khlil. Les Mourabitounes ont brûlé des traités de grands Oulémas et les Mouahidines l’ont fait après eux. Selon Ould Dah : « L’émoi et la consternation qui ont suivi son acte ne sont que les réactions normales d’un groupe d’esclavagistes qui veulent maintenir leur domination sur de pauvres personnes en puisant une fausse légitimité dans des référentiels qui n’ont rien à voir ni avec le Coran, ni avec la Sainte Sunna du Prophète » (Le Calame, « Biram ould Dah Ould Abeid : « Les propos du Premier Ministre sont très graves et ne servent pas la paix sociale »« , 31 décembre 2013)

Cette instrumentalisation de l’islam par les anciens « maîtres » n’a rien de théorique ou platonique, comme l’a relevé un rapport d’Amnesty International en 2002:

En 1983, le futur ministre de la Justice, Mohamed Lemine Ahmed, consacrait son mémoire de maîtrise aux défaillances du système judiciaire dans son approche des questions liées à l’ esclavage. À cette époque, les cadis étaient les seuls responsables de l’ administration du droit musulman. Le système pâtissait, selon Mohamed Lemine Ahmed, du « recrutement de cadis sans formation, dont l’interprétation personnelle prend le pas sur une stricte application du droit et de l’ orthodoxie musulmane ».
Il soulignait en outre que ces cadis se montraient souvent incapables de prononcer des jugements adéquats, car « leur interprétation est toujours approximative, souvent fausse, et différente selon le rite auquel appartient le cadi », et que « le cadi rend seul le jugement ». De plus, rien ne garantissait une approche impartiale des questions soumises aux cadis, car ceux-ci « sont en majorité propriétaires d’esclaves. Ils sont donc juges et parties à la fois. Mais si le cadi se permet de maintenir l’esclavage, c’est parce qu’il est assuré du soutien de l’appareil d’État. »
On voit là comment les problèmes de discrimination peuvent être aggravés par des facteurs liés à la formation des juges, au fonctionnement de l’ appareil judiciaire et à l’ absence de directives claires de l’État en matière de procédure pénale. (Amnesty International, « Mauritanie: un avenir sans esclavage?« , 2002, p. 34)

En mai 1996 cependant, El Hassen Ould Benyamine, l’ influent imam de la mosquée de Teyarett (un quartier de la capitale, Nouakchott), a défendu l’ esclavage dans une interview accordée à un journaliste d’Al Akhbar, affirmant que le Coran établissait clairement le bien-fondé de l’ esclavage et que tout débat sur cette question était dès lors blasphématoire. Lorsque le journaliste lui a rappelé que l’État avait aboli l’ esclavage, il a répondu : « Oui, j’en ai entendu parler. […] Cette “abolition” est non seulement illégale parce que contraire à l’énoncé du texte fondamental de la loi islamique, mais encore sans intérêt. […] L’abolition renvoie à une expropriation de musulmans de leurs biens, qu’ils ont  acquis dans la légalité. Or l’État, s’il est musulman, n’a pas le droit de m’arracher ma maison, ma femme ou mon esclave. » (Amnesty International, « Mauritanie: un avenir sans esclavage?« , 2002, p. 36)

Cette instrumentalisation a d’indéniables racines historiques:

It is well known that slavery was tolerated in Islam. What is less documented in the historical literature on slavery in Africa is how the rights of the enslaved, the enslavers, and the slave-owners were codified in Islamic legal manuals. These contain all kinds of laws regulating the exchange, treatment, protection, and manumission of slaves. Like most African Muslims, Saharans followed the Malikī doctrine of Islamic law that, not surprisingly, contains the most elaborate rules on the rights of slaves. (Ghislaine Lydon, « Islamic Legal Culture and Slave-Ownership Contests in Nineteenth-Century Sahara« , 2007, p. 394)

La lutte contre l’esclavage et ses séquelles passe donc par une lutte pour la définition du message socialement légitime de l’islam. Cette confrontation entre interprétations de l’islam divise les oulémas, puisque des personnalités religieuses reconnues ont condamné sans équivoque tant l’esclavage que les persécutions de militants anti-esclavagistes. C’est ainsi que le cheikh Ahmed Elmehdy a publié une fatwa dans laquelle il établissait que l’autodafé de livres théologiques pro-esclavage de Birame Ould Dah Ould Obeid ne constituaient pas un acte d’apostasie, et a ensuite exigé sa libération.

Lors des poursuites contre Biram Ould Dah Ould Obeid en 2012, douze ONG mauritaniennes pour la défense des droits humains avaient d’ailleurs appelé à un travail de contextualisation par l’Etat mauritanien d’anciens écrits théologiques traitant de l’esclavage:

Sous peine de négliger l’insulte à la mémoire et au présent d’une majorité de mauritaniens, l’ensemble des publications religieuses qui comportent la référence à l’esclavage requièrent, de la part des pouvoirs publics et des autorités religieuses, un véritable effort de recherche, attentif afin de distinguer l’obsolète du constant ; il convient d’entamer, vite, une campagne permanente d’exégèse, y compris dans les écoles ou Mahadhra où se dispense l’enseignement civique et moral. Aussi, en bibliothèque et librairie, une notice explicative, voire des ouvrages critiques qui exposent la généalogie du propos, constitueraient, pour les générations de jeunes mauritaniens, un antidote à la discorde raciale.

C’est dans cette optique-là que la question de l’apostasie en Mauritanie doit être perçue – et ce n’est peut-être qu’un hasard, mais les deux pays musulmans et africains ayant une législation draconienne en matière d’apostasie – Soudan et Mauritanie – sont tous deux des pays où l’esclavage est encore sinon une réalité, du moins une question sociale et politique explosive…

IV- Le droit mauritanien

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Revenons-en donc au droit et à cet article 306, adopté avec une série d’autres dispositions instaurant des hudud, c’est-à-dire des peines présentées comme conformes à la charia, le droit musulman classique:

ART. 306. – Toute personne qui aura commis un outrage public à la pudeur et aux mœurs islamiques ou a violé les lieux sacrés ou aidé à les violer, si cette action ne figure pas dans les crimes emportant la Ghissass (2) ou la Diya (3), sera punie d’une peine correctionnelle de trois mois à deux ans d’emprisonnement et d’une amende de 5.000 à 60.000 UM.

Tout musulman coupable du crime d’apostasie, soit par parole, soit par action de façon apparente ou évidente, sera invité à se repentir dans un délai de trois jours.

S’il ne se repent pas dans ce délai, il est condamné à mort en tant qu’apostat, et ses biens seront confisqués au profit du Trésor. S’il se repent avant l’exécution de cette sentence, le parquet saisira la Cour suprême, à l’effet de sa réhabilitation dans tous ses droits, sans préjudice d’une peine correctionnelle prévue au 1er paragraphe du présent article.

Toute personne coupable du crime d’apostasie (Zendagha) sera, à moins qu’elle ne se repente au préalable, punie de la peine de mort.

Sera punie d’une peine d’emprisonnement d’un mois à deux ans, toute personne qui sera coupable du crime d’attentat à la pudeur.

Tout musulman majeur qui refuse de prier tout en reconnaissant l’obligation de la prière sera invité à s’en acquitter jusqu’à la limite du temps prescrit pour l’accomplissement de la prière obligatoire
concernée. S’il persiste dans son refus jusqu’à la fin de ce délai, il sera puni de la peine de mort.

S’il ne reconnaît pas l’obligation de la prière, il sera puni de la peine pour apostasie et ses biens confisqués au profit du Trésor public. Il ne bénéficiera pas de l’office consacré par le rite musulman.

Comme on le constate, cet article, draconien dans ses peines, vise toute une série de comportements divers, allant de l’infraction de moeurs ordinaire – l’attentat à la pudeur – au délit d’opinion caractérisé – l’apostasie, c’est-à-dire le fait pour un musulman d’abandonner sa foi. Plus précisément, l’article 306 réprime l’outrage public à la pudeur (infraction vague et non-définie dans ses éléments constitutifs), l’outrage public aux moeurs islamiques (infraction également non-définie), la violation des lieux sacrés (idem), l’apostasie à proprement parler (pas non plus définie, si ce n’est qu’elle peut avoir lieu par la parole ou l’action apparente) et enfin le refus de prier, seule infraction de celles visées à cet article à bénéficier d’une définition précise.

Quelques autres articles du Code pénal – adopté sous Haidallah – répriment le délit de zina (fornication, c’est-à-dire des relations sexuelles non couvertes par les liens du mariage entre les intéressés) de la flagellation des coupables s’ils sont célibataires ou de la lapidation s’ils sont mariés (article 307), celui de relations homosexuelles (punies de mort si les intéressés sont des hommes et de trois mois à deux ans d’emprisonnement si ce sont des femmes, article 308), de la consommation volontaire d’alcool par un musulman majeur ainsi que le fait de lui en procurer (flagellation, article 341), de l’accusation calomnieuse d’adultère, d’homosexualité ou « d’être un enfant naturel » (flagellation, même article), du vol, puni par l’amputation de la main du voleur (article 351) et enfin du brigandage, puni de mort ou d’amputation de la main droite et du pied gauche (articles 353 et 354 du Code pénal).

Ce Code pénal – de nature composite puisque seuls les articles précités sont d’inspiration islamique, les autres demeurant dans la droite lignée du droit français qui inspire très largement la production législative de cette ex-colonie – fut adopté par une simple ordonnance de Mohamed Khouna Ould Haidalla, chef militaire qui fut premier ministre de 1979 à 1980 et chef de l’Etat de 1980 à 1984, et pour le compte du « Comité militaire de salut national » arrivé au pouvoi par un putsch en 1978. Le retour – très relatif – à un régime constitutionnel multipartite en 1991 n’aura aucune conséquence sur le Code pénal de 1983, dont les dispositions inspirées de la charia demeurent en l’état – même si elles ne sont guère appliquées, selon les observateurs (4).

De par le monde, l’Iran et le Soudan ont également codifié l’infraction d’apostasie, aussi punie de mort là-bas, tandis que d’autres pays, principalement ceux du Golfe, l’incriminent également mais sur la base de la doctrine classique musulmane, appliquée directement par leurs tribunaux, et non d’une loi.

On peut s’interroger sur la légitimité d’un Code pénal adopté par simple décret sous un régime militaire, et de nombreux magistrats et agents judiciaires en ont demandé la révision dans une version conforme aux droits de l’homme. L’évolution politique mauritanienne depuis 1983 est loin d’être linéaire, mais la Constitution de 1991, révisée récemment en 2012 (voir ici pour une version consolidée), contient des dispositions qui font douter de la validité constitutionnelle de certains articles du Code pénal de 1983, dont l’article 306 et ses dispositions relatives à l’apostasie. Ainsi, l’article 10 de la Constitution dispose:

L’État garantit à tous les citoyens les libertés publiques et individuelles, notamment :
(…)
– la liberté d’opinion et de pensée ;
– la liberté d’expression ; (…)

Certes, le dernier paragraphe de l’article 10 prévoit bien que « la liberté ne peut être limitée que par la loi« , mais plusieurs raisons permettraient néanmoins de douter de la conformité constitutionnelle des dispositions relatives à l’apostasie de l’article 306 du Code pénal. Partons du principe qu’une disposition pénale punissant de mort le fait de changer de religion ou de n’en professer aucune viole tant la liberté d’opinion – religieuse – que la liberté d’expression, cette opinion devant se manifester publiquement pour être saisie par le droit pénal. Cette limite à la liberté d’opinion et d’expression devrait donc être le fait de la loi, or le Code pénal fut adopté en 1983 sous forme d’ordonnance de la junte militaire alors au pouvoir, en l’absence de parlement élu au suffrage universel. Or, il résulte de l’article 57 de la Constitution que les dispositions litigieuses du Code pénal relèvent clairement du domaine législatif:

Article 57.
Sont du domaine de la loi :
– les droits et devoirs fondamentaux des personnes notamment les régime des libertés publiques, la sauvegarde des libertés individuelles et les sujétions imposées par la défense nationale aux citoyens en leur personne et leurs biens. (…)
– la détermination des crimes et délits ainsi que les peines qui leur sont applicables, la procédure pénale, l’amnistie, la création et l’organisation des juridictions, le statut des magistrats ; (…)

Le problème est bien évidemment la question de l’application de la Constitution de 1991, dans sa version modifiée la dernière fois en 2012, à un texte qui lui est antérieur, le Code pénal de 1983. Il est clair, en vertu notamment de l’article 87 de la Constitution, que celle-ci a valeur supérieure aux lois, les dispositions législatives censurées par le Conseil constitutionnel ne pouvant ainsi être promulguées ou appliquées. Le mode contrôle de constitutionnalité des lois n’est cependant que très imparfait, puisqu’il a lieu, comme dans l’ancien modèle français (la constitution mauritanienne est sans surprise calquée sur la constitution française de 1958), que préalablement à la promulgation des lois votées par le parlement. L’article 86 précise ainsi que le Président de la République, celui de l’Assemblée nationale ou du Sénat, ainsi qu’un tiers des députés ou sénateurs peuvent déférer au contrôle du Conseil constitutionnel une loi votée par le Parlement. Un individu – en l’occurence Mohamed Cheikh Ould Mohamed M’Kheitir – ne semble donc pas en mesure saisir le Conseil constitutionnel à l’occasion du procès pénal qui lui est intenté afin de contester la conformité à la constitution mauritanienne des articles sur la base desquels il est poursuivi.

Mais le pouvoir constituant a judicieusement pensé à ce cas de figure – l’article 102 de la Constitution dispose ainsi:

Les lois antérieures à la Constitution doivent être modifiées, s’il y a lieu, pour les rendre conformes aux droits et libertés constitutionnels, dans un délai n’excédant pas trois ans pour compter de la date de promulgation de la présente loi constitutionnelle.

Au cas où les modifications prévues à l’alinéa précédent ne sont pas apportées dans les délais prescrits, tout individu pourra déférer ces lois au Conseil constitutionnel pour examen de leur constitutionnalité. Les dispositions déclarées inconstitutionnelles ne peuvent être appliquées.

Ces deux paragraphes ne figuraient pas dans le texte constitutionnel initial de 1991 mais furent introduits par la révision constitutionnelle de 2006 – le délai de trois ans qui y est évoqué est ainsi écoulé depuis 2009. Ils permettent donc en principe la saisine du Conseil constitutionnel par M’Kheitir à l’occasion de son procès pénal, afin de demander le contrôle de constitutionnalité de l’article 306 du Code pénal de 1983 avec les articles 10 et 57 de la Constitution. N’étant pas juriste mauritanien, je n’ai pas réussi à retrouver les textes qui en régissent la procédure de saisine dans ce cas-ci. Le Conseil constitutionnel mauritanien ne semblant en outre pas avoir de site, il ne m’est pas non plus possible de dire si des cas de saisine similaires ont été fructueux dans le passé, ou si l’article 102 est resté lettre morte à cet égard.

Une éventuelle saisine serait de toute façon malaisée à juger pour le Conseil constitutionnel mauritanien. A supposer qu’il considère que l’adoption du Code pénal par une ordonnance d’une junte militaire ne soit pas conforme avec l’article 57 de la Constitution – il semble difficile d’arriver à une autre conclusion – ce constat affecterait la validité de tout le Code pénal, et non pas du seul article 306. Les conséquences sociales et politiques d’un tel arrêt seraient inenvisageables – le Code pénal serait annulé dans son entiereté et le meurtre, le viol et le vol seraient désormais légaux… Il est évident qu’une telle situation ne saurait être tolérée, et le Conseil constitutionnel serait immanquablement amené à accorder un délai au Parlement pour régulariser la situation – délai délicat puisque la révision constitutionnelle de 2006 avait déjà, comme on l’a vu, accordé un délai de trois ans au législateur pour régulariser les textes antérieurs non-conformes à la Constitution. Une telle solution ne sauverait donc pas, à elle seule, M’Khaitir.

Pour pouvoir être définitivement sorti d’affaire – judiciairement parlant – celui-ci devrait invoquer l’article 10 de la Constitution, et donc se battre sur le terrain des principes, ceux de la défense de la liberté d’opinion et d’expression.

Certes, il pourrait aussi se contenter se défendre dans le cadre de l’article 306 du Code pénal: comme on l’a déjà évoqué, si cet article punit l’apostasie de mort il ne définit pas les éléments constitutifs de ce crime. Etant admis que les dispositions pénales doivent être interprétées de manière stricte, c’est-à-dire étroite et en bannissant tout recours à l’analogie, la notion d’apostasie devrait être interprétée strictement et selon son sens commun, à savoir le fait de renoncer à la foi – ici, la foi musulmane. Des critiques éventuelles du Prophète (saws) ou de tel ou tel précepte religieux ne sauraient, en règle générale et dans une optique pénale, être assimilés à une apostasie.

M’Kheitir pourrait également exprimer son repentir (sa deuxième communication, citée en début de billet, peut vraisemblablement s’analyser ainsi), conformément à l’article 306:

Tout musulman coupable du crime d’apostasie, soit par parole, soit par action de façon apparente ou évidente, sera invité à se repentir dans un délai de trois jours.

S’il ne se repent pas dans ce délai, il est condamné à mort en tant qu’apostat, et ses biens seront confisqués au profit du Trésor. S’il se repent avant l’exécution de cette sentence, le parquet saisira la Cour suprême, à l’effet de sa réhabilitation dans tous ses droits, sans préjudice d’une peine correctionnelle prévue au 1er paragraphe du présent article.

Toute personne coupable du crime d’apostasie (Zendagha) sera, à moins qu’elle ne se repente au préalable, punie de la peine de mort.

Comme on le voit, le musulman accusé d’apostasie peut, en droit pénal mauritanien, se repentir à deux étapes de la procédure pénale initiée contre lui:

  • soit il se repent dans le délai de trois jours, et les poursuites pénales cessent alors, sans suites judiciaires pour l’ex-apostat. On notera que ce repentir n’est entouré d’aucune condition de forme – doit-il rétracter des propos tenus, considérés comme relevant de l’apostasie, ou peut-il s’en sortir en récitant la shahada (profession de foi)? Le repentir doit-il être écrit et public? On peut présumer que ce repentir doit au minimum être formulé devant les autorités judiciaires, même si là encore le texte ne contient aucune précision – faut-il se repentir devant le procureur ou le juge? Un repentir consigné par la police dans un procès-verbal suffit-il? On n’en sait rien, d’autant que les poursuites pour apostasie sont rares.
  • soit il se repent après cette période de trois jours mais avant son exécution, et alors le procureur doit en saisir la Cour suprême mauritanienne afin qu’elle prononce sa réhabilitation judiciaire. La réhabilitation judiciaire, régie par les articles 667 à 683 du Code de procédure pénale (également adopté par ordonnance en 1983), « efface la condamnation et fait cesser pour l’avenir toutes les incapacités qui en résultent » (article 683 du Code de procédure pénale) ». De manière incohérente cependant, l’article 306 du Code pénal prévoit néanmoins que la réhabilitation judiciaire ainsi prononcée par la Cour suprême sera « sans préjudice d’une peine correctionnelle prévue au 1er paragraphe du présent article« , soit « une peine correctionnelle de trois mois à deux ans d’emprisonnement et d’une amende de 5.000 à 60.000 UM« . Curieuse disposition qui autorise d’un côté la Cour suprême à prononcer la réhabilitation judiciaire de l’apostat repenti et donc l’effacement de sa condamnation du casier judiciaire, tout en prévoyant que cette réhabilitation peut être accompagnée d’une peine d’emprisonnement ou d’amende…

Des articles de presse il semblerait que M’Kheitir aurait effectivement exprimé son repentir:

Que Mohamed Cheikh Ould Mkhaytir, tout en affirmant que ses propos ont été sciemment déformés, a exprimé son repentir pour tous les actes et paroles qui lui sont reprochés ; ses déclarations en ce sens ont été authentifiées et consignés dans un acte judiciaire. (CRIDEM, « Déclaration de Me Ichidou à propos de l’affaire Mkheytir« , 23 février 2014)

Il n’est pas précisé si c’est dans le délai de trois jours, auquel cas les poursuites devraient cesser – dans le cas contraire, le procès devrait se poursuivre avec une condamnation à mort à la clé, mais avec la saisine de la Cour suprême par le procureur en vue d’obtenir sa réhabilitation, avec la possibilité d’assortir celle-ci d’une peine d’emprisonnement ou d’amende.

Enfin, à supposer même que M’Kheitir ne se repente pas, ou que son repentir ne soit pas accepté comme tel par la Cour (encore une fois, l’article 306 du Code pénal ne précise pas les conditions de recevabilité du repentir), la Cour pourrait lui reconnaître les circonstances atténuantes, conformément à l’article 437 du Code pénal – les circonstances atténuantes ne sont donc pas formellement exclues dans le cas de l’apostasie.  Bien évidemment, le droit de grâce, exercé par le Président de la République après avis du Conseil supérieur de la magistrature, pourrait également intervenir pour atténuer un verdict de mort, la demande de grâce étant automatique (article 613 du Code de procédure pénale), et la Mauritanie étant abolitionniste de fait depuis 1987.

Mais comme indiqué précédemment, M’Kheitir pourrait également combattre l’accusation dirigée contre lui en l’estimant contraire au droit à la liberté d’expression et d’opinion, que lui reconnaît l’article 10 de la Constitution. Cet article ne contient aucune limitation, faisant par exemple dérogation pour le cas d’apostasie, ou soumettant son interprétation à la charia. Le préambule constitutionnel dispose ainsi que « le peuple mauritanien proclame (…) solennellement son attachement à l’Islam et aux principes de la démocratie tels qu’ils ont été définis par la Déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948 et par la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples du 28 juin 1981 ainsi que dans les autres conventions internationales auxquelles la Mauritanie a souscrit« . Mais ce n’est pas tout:

Considérant que la liberté, l’égalité et la dignité de l’homme ne peuvent être assurées que dans une société qui consacre la primauté du droit, (…) respectueuse des préceptes de l’islam, seule source de droit et ouverte aux exigences du monde moderne, le peuple mauritanien proclame, en particulier, la garantie intangible des droits et principes suivants :
– le droit à l’égalité
– les libertés et droits fondamentaux de la personne humaine ; (…);
– les libertés politiques et les libertés syndicales; (…)

La seule mention de « l’islam, seule source de droit » sans autre précision, conjuguée à la nature islamique de la République mauritanienne (article 1) et à la mention de l’islam, religion du peuple et de l’Etat (article 5) aurait rendu la tâche difficile; ici, cependant, si l’islam est seule source de droit, c’est muni de la qualification « ouverte aux exigences du monde moderne » et surtout dans le contexte de « l’attachement aux principes de la démocratie » tels que définis par divers traités de droits de l’homme ainsi que la proclamation de la « garantie intangible (…) des libertés et droits fondamentaux de la personne humaine« , au premier rang desquels il faut placer la liberté d’opinion, dont la liberté religieuse est une manifestation, et la liberté d’expression. De fait, la constitution mauritanienne n’établit pas de hiérarchie entre l’attachement à l’islam et celui aux droits de l’homme. Les deux doivent donc être conciliés, sans que leur noyau dur respectif ne soit menacé. De ces seules dispositions constitutionnelles on ne saurait donc tirer la conclusion que l’incrimination pénale de l’apostasie s’imposerait ou serait justifiée: la sanction pénale de l’apostasie n’est guère conforme « aux exigences du monde moderne » ni compatible avec la « garantie intangible (…) des libertés et droits fondamentaux de la personne humaine« , surtout s’il s’agit d’une sentence capitale.

IV – Le droit international

Ce constat est renforcé par une comparaison avec les autre pays arabes et africains: seuls deux pays africains punissent de mort l’apostasie – le Soudan et la Mauritanie. Dans d’autres pays arabo-musulmans, si l’apostasie de musulmans expose les intéressés à des conséquences sociales négatives voire à des vexations de la part des autorités, les textes légaux ne contiennent aucune incrimination de l’apostasie: il en est ainsi en Egypte, au Maroc, en Tunisie ou en Algérie, ces trois derniers pays appartenant par ailleurs globalement au rite malékite auquel appartient également la Mauritanie, et ayant tous l’islam pour religion d’Etat. En dehors de l’Afrique du Nord, l’Iran, le Pakistan et les pays du Golfe répriment pénalement l’apostasie en tant que telle, avec des peines allant de l’emprisonnement à la mort (Iran, Qatar, Arabie Séoudite, Pakistan). Dans l’autre sens, des pays membres de l’Organisation de la conférence islamique, une minorité  – les pays précités – seulement punit l’apostasie.

La liberté religieuse ne vaut que si elle englobe la liberté de conscience, et donc la faculté pour chacun de croire ou ne pas croire, et de changer de croyance. La sanction pénale de l’exercice de cette liberté est en soi une violation grave de la liberté religieuse, manifestation de la liberté d’opinion, et en faire un crime capital  est un outrage encore plus grand, d’autant plus que l’islam lui même contient, dans son livre sacré, la prohibition de toute contrainte en matière religieuse, et pose, comme condition de validité des différents rites, de l’ablution à la prière, la volonté exprimée de les accomplir.

Cette interprétation est renforcée à la lecture des textes internationaux auxquels fait référence le préambule constitutionnel mauritanien – ainsi, la Déclaration universelle des droits de l’homme (certes dépourvue de force juridique contraignante) énonce-t-elle à son article 18:

Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction seule ou en commun, tant en public qu’en privé, par l’enseignement, les pratiques, le culte et l’accomplissement des rites.

Il en va de même avec la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, moins précise cependant à son article 8:

La liberté de conscience, la profession et la pratique libre de la religion, sont garanties. Sous réserve de l’ordre public, nul ne peut être l’objet de mesures de contrainte visant à restreindre la manifestation de ces libertés.

La réserve d’ordre public pourrait donc restreindre la manifestation de la liberté de conscience, mais cela paraît difficilement conciliable avec l’interdiction absolue de l’apostasie qu’implique l’article 306 du Code pénal, et surtout avec la peine draconienne qui y est attachée, soit la peine capitale. On notera ainsi que la Commission africaine des droits de l’homme a considéré, dans l’affaire 236/00 Curtis Doebbler contre Soudan (2003) que la flagallation de personnes pour tenue non-islamique constituait une peine inhumaine et dégradante. Dans une autre affaire soudanaise (affaires jointes 48/90, 50/91, 52/91 & 89/93 Amnesty International, Comité Loosli Bachelard, Lawyers Committee for Human Rights & Association des membres de la Conférence épiscopale de l’Afrique de l’Est c/ Soudan, 1999), mettant en cause notamment la comparution de chrétiens devant des tribunaux religieux musulmans, la Commission a ainsi précisé:

72. (…) Tout en respectant entièrement la liberté de confession des musulmans du Soudan, la Commission ne peut pas encourager l’application de lois qui causent la discrimination ou les souffrances des autres.
73. Une autre question concerne l’application de la Sharia. Personne ne conteste le fait que la Sharia soit basée sur l’interprétation de la religion musulmane. Lorsque les tribunaux soudanais appliquent la Sharia, ils doivent se conformer aux autres obligations de l’Etat soudanais. Les jugements doivent toujours se conformer aux normes internationales de procès équitable. De même, il est fondamentalement injuste que des lois religieuses s’appliquent contre des personnes qui ne pratiquent pas cette religion. Les tribunaux qui n’appliquent que la Sharia ne sont donc pas compétents pour juger des non musulmans et chacun devrait avoir le droit d’être jugé par un tribunal séculier s’il le désire.

On relèvera dans ce contexte que l’article 306 est discriminatoire, car ne protégeant que le culte musulman, et dans le cas de l’apostasie, une norme religieuse – la prohibition de l’apostasie – soit invoquée contre une personne que le procureur ne considère plus comme musulmane, amenant donc à appliquer, si le tribunal est convaincu des faits d’apostasie reprochés à l’accusé, une norme musulmane à un non-musulman.

La Commission a également posé les limites des restrictions au droit de liberté religieuse dans l’affaire 255/02 Garreth Anver Prince / Afrique du Sud (2004):

41. Bien que la liberté de manifester sa religion ou sa croyance ne peut être exercée s’il existe des restrictions empêchant une personne d’entreprendre des actions dictées par ses convictions, il faudrait noter qu’une telle liberté n’inclut pas en elle-même un droit général de l’individu d’agir conformément à sa croyance. Alors que le droit de tenir à ses croyances religieuses devrait être absolu, le droit de se conformer à ces croyances ne devrait pas l’être. Aussi, le droit de pratiquer sa religion doit-il être dans l’intérêt de la société dans certaines circonstances. Le droit d’un parent de refuser un traitement médical pour un enfant malade, par exemple, peut être subordonné à l’intérêt de l’Etat en protégeant la santé, la sécurité et le bien-être de ses enfants mineurs. (…)

43. Les seules restrictions légitimes aux droits et libertés garantis par la Charte sont énoncées dans l’article 27(2) ; c’est à dire que les droits garantis par la Charte africaine « doivent être exercés en tenant dûment compte des droits des autres, de la sécurité collective, de la moralité et de l’intérêt commun ». Les restrictions s’inspirent du principe bien établi selon lequel les droits de l’homme et des peuples sont soumis à la règle générale selon laquelle nul n’a le droit de s’engager dans une activité quelconque ou d’entreprendre une action visant à anéantir tous les droits et libertés reconnus ailleurs. Les raisons de restrictions éventuelles doivent être fondées sur l’intérêt légitime d’Etat et les conséquences néfastes de la restriction des droits doivent être strictement proportionnelles et absolument nécessaires pour les avantages à obtenir.

L’article 9.2 est également pertinent dans le cas présent:

Toute personne a le droit d’exprimer et de diffuser ses opinions dans le cadre des lois et règlements.

Mais le préambule de la Constitution mauritanienne se réfère également aux autres traités internationaux ratifiés par la Mauritanie. Longtemps rétive à ratifier les traités de base des droits de l’homme tels notamment le Pacte international des droits civils et politiques (PIDCP), la Mauritanie en a ratifié plusieurs dans la première moitié des années 2000 – mais ces ratifications sont assorties de réserves substantielles. Les articles pertinents du PIDCP sont:

Article 6

1. Le droit à la vie est inhérent à la personne humaine. Ce droit doit être protégé par la loi. Nul ne peut être arbitrairement privé de la vie.

2. Dans les pays où la peine de mort n’a pas été abolie, une sentence de mort ne peut être prononcée que pour les crimes les plus graves, conformément à la législation en vigueur au moment où le crime a été commis et qui ne doit pas être en contradiction avec les dispositions du présent Pacte ni avec la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide. Cette peine ne peut être appliquée qu’en vertu d’un jugement définitif rendu par un tribunal compétent. (…)

Article 18

1. Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion; ce droit implique la liberté d’avoir ou d’adopter une religion ou une conviction de son choix, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction, individuellement ou en commun, tant en public qu’en privé, par le culte et l’accomplissement des rites, les pratiques et l’enseignement.

2. Nul ne subira de contrainte pouvant porter atteinte à sa liberté d’avoir ou d’adopter une religion ou une conviction de son choix.

3. La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l’objet que des seules restrictions prévues par la loi et qui sont nécessaires à la protection de la sécurité, de l’ordre et de la santé publique, ou de la morale ou des libertés et droits fondamentaux d’autrui.

4. Les Etats parties au présent Pacte s’engagent à respecter la liberté des parents et, le cas échéant, des tuteurs légaux de faire assurer l’éducation religieuse et morale de leurs enfants conformément à leurs propres convictions.

Article 19

1. Nul ne peut être inquiété pour ses opinions.

2. Toute personne a droit à la liberté d’expression; ce droit comprend la liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce, sans considération de frontières, sous une forme orale, écrite, imprimée ou artistique, ou par tout autre moyen de son choix.

3. L’exercice des libertés prévues au paragraphe 2 du présent article comporte des devoirs spéciaux et des responsabilités spéciales. Il peut en conséquence être soumis à certaines restrictions qui doivent toutefois être expressément fixées par la loi et qui sont nécessaires:

a) Au respect des droits ou de la réputation d’autrui;

b) A la sauvegarde de la sécurité nationale, de l’ordre public, de la santé ou de la moralité publiques.

La ratification mauritanienne est cependant assortie d’une réserve pour, en ce qui nous concerne, l’article 18 sur la liberté de religion et de conscience:

Le Gouvernement mauritanien tout en souscrivant aux dispositions énoncées à l’article 18 relatif à la liberté de pensée, de conscience et de religion, déclare que leur application se fera sans préjudice de la chari’a islamique.

Comme c’est souvent le cas pour des réserves liées au rôle de la charia, plusieurs pays occidentaux ont objecté aux réserves mauritaniennes, les estiment non-conformes aux objectifs visés par le PIDCP – l’Allemagne, la France, la Finlande, la Grèce, la Lettonie, le Royaume-Uni, les Pays-Bas, la Pologne, le Portugal, le Royaume-Uni et la Suède.

La validité des réserves telles que celles émises par la Mauritanie est une question longuement débattue en droit international, la doctrine estimant généralement que des réserves à un traité portant sur un objet essentiel de ce traité et allant à l’encontre des buts poursuivis par celui-ci ne sont pas admissibles et sont dès lors privés de valeur juridique. Dans le cas présent, la liberté religieuse protégée par l’article 18 du PIDCP est telle que selon l’article 4.2 du même traité, il n’est jamais possible d’y déroger même en cas de danger menaçant l’existence de la nation. On peut estimer que ça fait de la protection de cette liberté un objet essentiel au PIDCP. Et si la réserve mauritanienne vise à couvrir la criminalisation de l’apostasie, chose manifestement et radicalement contraire au contenu de l’article 18 PIDCP, elle serait donc inadmissible en vertu de l’article 19 de la Convention de Vienne sur le droit des traités.

Le problème pour M’Kheitir serait évidemment d’en convaincre le tribunal correctionnel de Nouadhibou devant lequel il comparaîtra, voire la cour d’appel et la Cour suprême le cas échéant. Mais il lui reste également une possibilité de recours international devant la Commission africaine des droits de l’homme – la seule en fait, Mauritanie n’ayant pas ratifié le protocole relatif à la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, inaccessible aux citoyens mauritaniens tout comme le recours au Comité des droits de l’homme de l’ONU (en l’absence de ratification par la Mauritanie du Protocole facultatif de 1966).

V- Conclusion

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Il est peu probable, malgré les craintes que l’on peut avoir à ce sujet, que M’kheitir soit effectivement condamné à mort et exécuté. Comme on l’a vu, l’article 306 du Code pénal fait échapper à l’auteur repenti de propos apostats à la peine de mort. Or, selon Me Mohameden Ould Ichidou, l’avocat ayant décliné la demande de défendre M’kheitir mais l’ayant tout de même visité en prison, « l’auteur de l’article blasphématoire est revenu à la raison et a clairement exprimé son repentir« .

Indépendamment de toute considération juridique, il est vrai que toute autre solution mettrait le président Ould Abdelaziz, titulaire du droit de grâce en vertu de l’article 37 de la Constitution, dans une situation politiquement et diplomatiquement inextricable: en faisant plaisir aux islamistes radicaux et aux esclavagistes, il déplairait fortement aux autres groupes en pleine année électorale. En faisant exécuter un apostat n’ayant pas de sang sur les mains, il lui serait quasiment impossible de ne pas procéder à l’exécution de terroristes d’AQIM actuellement condamnés à mort, ce qui déplairait sans doute aux islamistes radicaux.

Et ce serait sans compter les répercussions internationales: si cette affaire a eu une couverture médiatique internationale étonnamment faible, une condamnation à mort et une exécution, pour un délit d’opinion, pourraient difficilement ne pas avoir de conséquences diplomatiques très négatives pour un Etat encore dépendant de l’appui diplomatique et financier de pays occidentaux (370 millions de $ en 2011).

Si la raison d’Etat aura entraîné l’ouverture de poursuites judiciaires contre M’kheitir, cette même raison d’Etat devrait lui laisser la vie sauve. En attendant, rient n’empêchera que soit répété ce spectacle politico-judiciaire tant que l’article 306 du Code pénal mauritanien ne sera pas abrogé, et tant que les tensions autour de l’esclavage et de ses séquelles ne seront pas abordées franchement et dans la liberté parole et d’opinion.

Notes:

(1) Les clivages ne se recoupent pas, comme le souligne Mariella Villasante de Beauvais dans son étude « MAURITANIE: CATÉGORIES DE CLASSEMENT IDENTITAIRE ET DISCOURS POLITIQUES DANS LA SOCIÉTÉ BIDÂN« , p. 82.

(2) Ghissass: loi du talion, qui consiste à infliger au coupable les mêmes atteintes physiques qu’il a infligées à sa victime, applicable en vertu des articles 1, 285, 286, 287, 288 et 413 du Code pénal mauritanien.

(3) Diya: prix du sang, compensation pécuniaire versée par le coupable à la victime ou ses ayants-droit, applicable en vertu des articles 1, 285, 286, 287, 288, 295, 296, 330 et 413 du Code pénal mauritanien.

(4) Cf. Stéphane Papi, « Islam et droit musulman au Maghreb: une référence centrale mais d’application limitée » in « L’année du Maghreb 2004« : « Si le pouvoir mauritanien a répondu à ces pressions en décidant de ne plus appliquer les peines Hudžd (criminelles), il n’en reste pas moins qu’elles n’ont pas été abrogées« . Voir aussi Constant Hamès, « Le rôle de l’islam
dans la société mauritanienne contemporaine
 » in « Politique Africaine », n° 55, 1994, p. 50: « le droit pénal musulman (al-hzidzid), appliqué très sévèrement en 1983, tout en restant en vigueur, n’a plus été sollicité à partir de 1984« .

Lectures complémentaires:
– Zouhair Mazouz: « MAURITANIA. WRITER, BLOGGER, “APOSTATE” »
– Bertelsmann Stiftung: « Bertelsmann Transformation Index 2012 | Mauritania Country Report« , (2014);
– Minority Rights Group International, World Directory, « Mauritania overview« ;
– European Country of Origin Information Network: « Mauritania » (accessed on February 24, 2014);
– Page du professeur Jacques Leclerc sur l’aménagement linguistique dans le monde: « Mauritanie« ;
– Amnesty International « Rapport 2013 – Mauritanie« ;
– « Griots et Forgerons de Mauritanie: d’où venez-vous? » (sans date);
– « Manifeste pour les droits politiques, économiques et sociaux des Haratines au sein d’une Mauritanie unie, égalitaire et réconciliée avec elle-même » (2013);
– FIDH/AMDH, « Mauritanie: critiquer la gouvernance, un exercice risqué » (2013);
– Ahmed Salem Ould Bouboutt: « La révision constitutionnelle du 20 mars 2012 en Mauritanie » (2013);
– Ibrahima Thioub: « Stigmates et mémoires de l’esclavage en Afrique de l’Ouest: le sang et la couleur de peau comme lignes de fracture » (2012);
– 12 ONG mauritaniennes: « RACISME, ESCLAVAGE ET TENTATION TALIBANE EN MAURITANIE« , (2012);
– Anti-Slavery International: « Programme de prévention et de résolution des conflits fonciers intercommunautaires en Mauritanie« , (2011);
– Bah Ould Zein: « ELEMENTS SOCIOLINGUISTIQUES POUR UNE REFLEXION DIDACTIQUE A PROPOS DE LA SITUATION EN MAURITANIE » (2010);
– Olivier Leservoisier: « Les héritages de l’esclavage dans la société haalpulaar de Mauritanie » (2009);
– Riccardo Ciavolella: « Entre démocratisation et coups d’État. Hégémonie et subalternité en Mauritanie« , (2009);
– Moussa Ould Hamed: « Menace terroriste en Mauritanie : un cas d’école« , (2008);
– Omar Ould Dedde Ould Hamady: « L’évolution des institutions politiques mauritaniennes: Bilan et perspectives au lendemain de la réforme constitutionnelle du 25 juin 2006 » (2007);
– Ghislaine Lydon: « Islamic Legal Culture and Slave-Ownership Contests in Nineteenth-Century Sahara« , (2007);
– FIDH: « MAURITANIE – RAPPORT SUR LA LIBERTÉ D’EXPRESSION: Nous revenons de loin, mais restons vigilants » (2007);
– Mariella Villasante Cervello: « From the Disappearance of ‘Tribes’ to Reawakening of the Tribal Feeling: Strategies of State among the Formerly Nomadic Bidân (Arabophone) of Mauritania » (2006);
– Abdulaye Sow: « Dimensions culturelles des violations des droits de l’homme en Mauritanie« , (2006)
– Religioscopie: « Islam: la question de l’apostasie » (2005);
– Hindou Mint Ainina & Mariella Villasante Cervello « Affirmation politique du parti au pouvoir [PRDS], divisions des partis de l’opposition et débats parlementaires sur le thème tabou de l’esclavage et des exactions de 1989-1990 à l’encontre des Négro-mauritaniens » (2002);
– Amnesty International: « MAURITANIE: Un avenir sans esclavage? » (2002);
– Anti-Slavery International: « Is there slavery in Sudan? » (2001)
– Boubacar Messaoud: « L’esclavage en Mauritanie : de l’idéologie du silence à la mise en question » (2000);
– El Arby Ould Saleck: « Les Haratin comme enjeu pour les partis politiques en Mauritanie« , (2000);
– Mariella Villasante de Beauvais: « Mauritanie: catégories de classement identitaire et discours politiques dans la société bidân » (1999);
– Urs Peter Ruf: « Du neuf dans le vieux: la situation des harâtîn et ‘abîd en Mauritanie rurale » (2000);
– « L’IDENTITÉ AU SERVICE DE L’INÉGALITÉ: À PROPOS DE L’ESCLAVAGE EN MAURITANIE » (1998)
– Alain Antil: « Le chef, la famille et I‘État: Mauritanie, quand démocratisation
rime avec tribalisation
 » (1998);
– Moussa Diaw: « Élections et pouvoir tribal en Mauritanie« , (1998);
– Urs Peter Ruf:  » ‘Notre origine est reconnue!’ – transformations d’identité et de hiérarchie sociale en Mauritanie vues par le bas« , (1998);
– Benjamin Acloque: « AMBIGUÏTES DE LA FRANCE EN MAURITANIE – Colonisation et esclavage : politique et discours de l’administration
(1848-1910)
« , (1998);
– Rahal Boubrik: « Pouvoir et hommes de religion en Mauritanie« , (1998);
– Sabine Ledoux: « L’esclavage en Afrique : pérennité et renouveau (l’exemple du Soudan et de la Mauritanie) » (1997);
– Ahmed Salem Ould Bouboutt: « La construction de l’Etat de droit en Mauritanie : enjeux, stratégies, parcours« , (1997);
– David Seddon: « The political economy of Mauritania » (1996);
– Olivier Leservoisier: « ENJEUX FONCIERS ET FRONTALIERS EN MAURITANIE« , (1995);
– Jean Schmitz: « La mosaïque mauritanienne » (1994);
– Pierre Bonte et Henri Guillaume: « MAURITANIE: QUESTIONS POUR L’AVENIR » (1994);
– Constant Hamès: « Le rôle de l’islam dans la société mauritanienne
contemporaine
« , (1994);
– Diana Stone: « Aspects du paysage religieux: marabouts et confréries » (1994);
–  Garba Diallo: « MAURITANIA – THE OTHER APARTHEID?« , (1993);
– Mariella Villasante de Beauvais: « Hiérarchies statutaires et conflits fonciers dans l’Assaba contemporain (Mauritanie). Rupture ou continuité? » (1991);
– – US Library of Congress, Federal Research Division: « Mauritania: a country study« , (1990);
– Pierre Robert Baduel: « Mauritanie 1945-1990 ou l’État face à la Nation » (1989);
– Ahmed Salem Ould Bouboutt: « L’évolution des institutions de la République Islamique de Mauritanie« , (1989);
–  Pierre Bonte: « L’«ordre» de la tradition. Évolution des hiérarchies statutaires dans la société maure contemporaine » (1989);
– Charles C. Stewart: « Une interprétation du conflit sénégalo-mauritanien« , (1989);
– Amadou Diallo: « Réflexions sur la question nationale en Mauritanie » (1984);
– Albert Leriche: « Notes pour servir à l’histoire maure (Notes sur les forgerons, les kunta et les Maures du Ḥōḍ) » (1953).

« The traditional framework of human rights organisations is unappealing »

Jessica Montell est présidente de l’association de défense des droits de l’homme israélienne B’tselem, et ce qu’elle dit dans son article « Making universalism resonate locally » n’est pas sans intérêt même dans un autre contexte que celui d’Israël:

As in many contexts, in Israel there is a correlation between views on human rights and religion, class and ethnicity, as well as political positioning. Among the Jewish majority, those who voice support for the human rights message in our surveys are disproportionately on the left of the political spectrum, better educated, with at least an average income, families who come from a European background (with the exception of first generation immigrants from the Former Soviet Union), and define themselves as secular or traditional rather than religious.

Of course there are complicated intersections between these various identities, and I cannot address here the historical, political and sociological factors that have influenced the different publics’ views on human rights. The relevant question here is: given these factors, can we widen the base of support for human rights in Israel?

Certainly the military occupation and armed conflict is a big obstacle. I do not think we will succeed in mobilizing a majority of Israelis to champion the human rights of Palestinians, seen as the « other » and even the « enemy. » But military conflict is not our only obstacle.

What we have learned so far in our efforts to reach beyond our usual audience is that Israelis don’t share our views, not only because of security concerns, and not (only) because some are racist, nationalist, chauvinist, or religious extremists. It is also that the traditional framework of human rights organizations is unappealing. We are seen to be overly legalistic, unresponsive to local concerns, dismissive of traditional values and anti-religion – and in all honesty, I cannot say that this critique is without merit.

To what extent can we remain true to the uncompromisingly universal message of human rights while responding to these concerns? The very name of my organization tries to bridge this gap; B’Tselem is taken from the Biblical book of Genesis, which describes the creation of humankind in the image of God, b’tselem elohim in Hebrew. This is the religious source for the statement in the Universal Declaration of Human Rights that we are all created equal in dignity and rights. However, B’Tselem did not build on this beginning and develop a language rooted in Jewish religious sources to argue for respect for human rights, but instead relied exclusively on the language of international treaties.

Advocacy with the policymaking community is always going to be a central strategy for the human rights movement – both advocacy with local policymakers and international advocacy as well (which many in Israel view as traitorous). However, I believe the human rights community can make some strides toward expanding and diversifying our base of support. To do so requires us to leave our comfort zone.

It is not only a question of designing more attractive packaging of our message; if we are serious about reaching broader audiences, we need to engage in genuine dialogue with them, based on the understanding that we also are open to change. In the hostile context in which Israeli human rights organizations operate, the openness (even vulnerability) required for such dialogue cannot be treated lightly. But to my mind, the benefits clearly outweigh the risks.

Il y a dix ans, le 16 mai

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Ca fait donc déjà dix ans que les attentats meurtriers et barbares du 16 mai 2003 tuèrent 33 victimes innocentes, en plus de 11 des 14 kamikazes de la mouvance Salafia Jihadia lancés dans cette folie sanguinaire (trois d’entre eux, Rachid Jalil, Mohamed el Omari et Hassan Taoussi, renoncèrent à se faire sauter à la dernière minute). Je me rappelle très bien ce que je faisais quand j’ai entendu la nouvelle (probablement par e-mail, ou par la télévision), seulement que c’était le soir, avec je crois deux heures de décalage horaire avec le Maroc. Rapidement, j’ai appelé mes parents pour savoir s’ils étaient sains et saufs. Ils l’étaient et me racontaient avoir entendu des explosions (ils habitent pas loin du centre-ville). J’appelais ma soeur pour lui annoncer la (mauvaise) nouvelle et nous étions tous deux assommés: le terrorisme, c’était bon pour les autres, pas pour le Maroc où le ministère de l’intérieur et son armée de mouchards veillait au grain (malgré le départ de Basri).

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Si les terroristes salafistes avaient voulu galvaniser la communauté musulmane marocaine contre un régime et une société qu’ils présentaient comme impies – il faut souligner que les cibles étaient juives (le siège de la Communauté israélite de Casablanca, un restaurant géré par un Marocain juif et un cimetière juif) et « occidentales » (un restaurant espagnol et un hôtel) – ce fût un échec total. Outre la manifestation de rejet du terrorisme et du radicalisme islamiste qui eût lieu quelques jours après, tout ce que le royaume comptait d’islamistes, toutes sensibilités et degrés d’opposition ou de proximité au régime confondus, condamna avec force tant les attentats que l’idéologie jihadiste (voir par exemple les propos de Nadia Yassine, fille d’Abdeslam Yassine et porte-parole officieuse d’Al adl wal ihsane). Inutile de dire que les autres sensibilités idéologiques, de la gauche contestataire au khobzisme makhzénien, ne furent pas en reste. Et c’est ainsi que le parlement vota – avec la seule abstention de la poignée de députés du PSU – à la quasi-unanimité une calamiteuse loi anti-terroriste (loi n° 03-03 du 28 mai 2003) qui permis une répression conforme à ce qu’on attendait du makhzen (et détaillée dans le rapport « Les autorités marocaines à l’épreuve du terrorisme: la tentation de l’arbitraire – Violations flagrantes des droits de l’Homme dans la lutte anti-terroriste » de la FIDH), mais en tenant compte de l’évolution stratégique de la répression au Maroc au cours des trois dernières décennies: rafles massives, torture systématique, procès tronqués, droits de la défense bafoués, mais pas de condamnations à mort exécutées et pas de disparitions forcées définitives (on compta cependant au moins un mort sous la torture, le fameux Moul Sabbat alias Abdelhaq Bentassir).

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Mais en même temps, le virus terroriste n’ a pas vraiment pris – il y a bien eu les tentatives avortées de mars 2007 à Casablanca, dont celle à proximité du Consulat général étatsunien à Casablanca , puis l’attentat-suicide du café Argana à Marrakech le 28 avril 2011 (15 morts et de nombreux points d’interrogation), mais si l’on veut bien considérer que les conditions sociales et politiques au Maroc ne différent pas fondamentalement – en surface du moins – de celles en Algérie ou en Egypte par exemple, et que de très nombreux Marocains figurent parmi les personnes arrêtées pour participation à des réseaux terroristes à l’étranger (y compris en Irak), on ne peut que constater que le Maroc, avec 5 attentats de 2003 à 2011, a été relativement épargné (ce qui ne soulagera pas les victimes et leurs proches). Si les terroristes marocains sont principalement issus de milieux populaires – mais pas exclusivement, cf. le cas de Karim Mejjati, membre d’Al Qaïda tué en Arabie saoudite et issu du Lycée Lyautey de Casablanca – on ne trouve que peu de prédicateurs ou groupes islamistes marocains ayant approuvé ces attentats, et la population marocaine dans son ensemble a été encore moins réceptive. La meilleure preuve en est de la tentative d’attentats-suicides sur le boulevard Moulay Youssef à Casablanca en mars 2007, près de l’American Language Center et du Consulat général des Etats-Unis, où un kamikaze furent pris en chasse par des badauds. Pendant 24 ou 48 heures, ce quartier ainsi que celui – Hay Farah – dont étaient originaires le groupe dont faisait partie le kamikaze virent la population – et ce n’étaient pas des lauréats de classes prépas ou des tradeuses bilingues – prêter main forte à la police, qui jouit sinon d’une piètre estime, acculant trois autres kamikazes à se faire exploser. Les salafistes jihadistes ont pu ainsi évaluer leur popularité au sein de la population – encore moins légitimes que la police, un bel exploit…

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Certes, la population marocaine reconnaît le droit à la résistance armée en Palestine et en Irak (du temps de l’occupation étatsunienne), mais ça ne s’est pas traduit par un soutien massif, ni même partiel, à l’action de la Salafia jihadia, du GICM ou d’AQMI. Il n’y ainsi qu’en Irak parmi les pays arabes où le soutien des personnes sondées aux attentats suicides est le plus bas – seuls 9% des Marocain-e-s interrogé-e-s répondent « oui » à la question de savoir si des attaques contre des civils sont acceptables pour « défendre l’islam » (rapport PEW, 30 avril 2013, « The World’s Muslims« ). Nul doute que si la question était encore plus précise et posait la question d’attentats-suicides au Maroc, le résultat serait encore plus bas (et personnellement, je trouve que 9% de « oui » à cette question c’est 9% de trop). Sur ce plan-là, le satisfecit du pouvoir marocain peut-être justifié. Et c’est bien malgré ses crimes – la torture en est un – et ses erreurs qu’un tel consensus anti-terrorisme existe au Maroc, y compris dans les quartiers défavorisés dont sont issus les kamikazes.

Car la réaction du pouvoir marocain aux attentats du 16 mai a été initialement fidèle à des décennies de répression aveugle et de violations des droits de l’homme: les kamikazes étant originaires de Karyan Thomas à Sidi Moumen, en banlieue de Casablanca, la DGSN et la DST firent de véritables rafles, arrêtant – avec la délicatesse et le respect de la dignité humaine qu’on peut deviner – amis, voisins, frères, cousins, tapant dans le tas et faisant le tri plus, bien plus tard, voire bien trop tard. Un lien d’amitié, un visage mal rasé ou une pratique religieuse visible suffisaient à envoyer à « la cave« , au tribunal et en prison. Dix-sept condamnations à mort furent prononcées (aucune exécutée, confirmant le moratoire de fait en vigueur depuis 1993 et l’exécution du commissaire Tabet) et près de 2.000 personnes furent arrêtées et détenues, sans trop se soucier de leur intégrité corporelle, de leur droit à un avocat, de leur droit à un procès équitable ou de leur présomption d’innocence (voir ce rapport topique de la FIDH).

Pour citer l’ONG suisse Al Karama dans un rapport – « Le Maroc devant de nouveaux défis » – datant de 2011:

« [D]es campagnes massives d’arrestations, véritables expéditions punitives, ont été déclenchées dans les milieux de l’opposition islamiste immédiatement après les attentats en mai 2003. Toutes les régions  du pays ont été concernées et les diverses forces de sécurité y étaient associées. Parallèlement, des  arrestations individuelles de figures plus connues de l’opposition ont été opérées par les agents de la DST ou de la brigade nationale de la police judiciaire (BNPJ).

Les forces de sécurité débarquaient avec des camions dans des quartiers populaires considérés comme ayant des sympathies islamistes, notamment à Fès et à Casablanca. Des milliers de suspects ont ainsi été enlevés à leur domicile de force, non pas sur la base de leur implication présumée dans des délits ou des crimes mais uniquement pour leur appartenance supposée à un courant islamiste et en raison par exemple du port de la barbe ou de vêtements spécifiques. La plupart font l’objet de violences lors de leur audition ; si certains ont été relâchés après avoir été fichés, d’autres par contre, ont été accusés d’être impliqués dans ces attentats. Les avocats constitués pour leur défense affirment unanimement que leurs clients étaient poursuivis sur la base de dossiers totalement dénués d’éléments pouvant fonder une accusation crédible (…)

Tandis que de nombreux observateurs et défenseurs des droits de l’homme estiment que durant les années 2002-2003 le nombre d’arrestations arbitraires a atteint plusieurs milliers (jusqu’à 5000), le ministre de la Justice de l’époque, M. Mohamed Bouzoubaâ, a déclaré en 2004 que les interpellations n’avaient pas dépassé les 2000 personnes. Les arrestations liées aux attentats du mois de mai 2003 se sont poursuivies jusqu’en 2004 ».

La torture fut systématique selon ce même rapport:

Les personnes arrêtées après septembre 2001 ou dans le sillage des attentats de Casablanca en mai 2003 ont été, dans la majorité des cas parvenus à la connaissance de notre organisation, victimes de tortures lors d’une garde à vue qui, pour certains, a duré plusieurs mois. Dès leur arrestation ou leur enlèvement, ils ont fait l’objet une extrême violence. Les suspects sont interpellés par différents services de sécurité mais le plus souvent par les agents de la DGST. Ils sont arrêtés à leur domicile, dans la rue ou sur leur lieu de travail, souvent par plusieurs agents en civil, et la brutalité employée
inclut parfois les membres de leur famille présents. Leurs mains sont systématiquement menottées, leurs yeux bandés et ils sont emmenés vers un endroit inconnu qui s’avère être – comme nous l’avons développé ci-dessus – le centre de Témara ou le commissariat d’Al-Maarif à Casablanca. (…)

La première constatation est que la torture est systématique et généralisée. Elle est pratiquée à tous les stades de la détention et continue d’être pratiquée une fois la personne jugée et condamnée, cette fois-ci par le personnel pénitentiaire ou les membres de la DST à l’intérieur même de la prison et dans  une impunité totale. De nombreux détenus sont emprisonnés dans des cachots pour des durées allant  de quelques jours à plus de 30 jours (Abdelwahab Rabi’ y a passé 60 jours) à Kenitra. A la prison de  Salé, Tawfiq Yatrib, Hichem Derbani et Merouane ‘Assoul ont été enfermés dans des cachots  respectivement pendant trois, six et dix mois.

Les prisonniers de Kenitra font état de méthodes de tortures similaires à celles utilisées durant les  gardes à vue prolongées à Témara, par exemple : les coups pour quasiment tous, le chiffon pour près  de 40% d’entre eux, décharges électriques sur tout le corps dans plus de 30% des cas, suspension  pour plus de 40%, lacérations, introduction d’objet dans l’anus et menaces de viol pour près des deux tiers des détenus, nudité, insultes et blasphèmes, privation de nourriture, d’eau et de sommeil. Les  prisonniers sont régulièrement volés par les geôliers et les paniers de provisions que les familles leur  apportent régulièrement pillés.

Les personnes arrêtées dans les années 2002-2003 rapportent dans les témoignages dont nous disposons avoir subi les tortures mentionnées par l’association « Annassir » et en énumèrent d’autres : privation de sommeil, supplice de la baignoire, ou de la bassine remplie d’excréments, falaqa, interdiction d’aller aux toilettes, menottes et bandeau pendant de très longues périodes,  brûlures de cigarettes notamment sur les zones sensibles, écartèlement des jambes jusqu’au déchirement de muscles, épilation de la barbe, asphyxie à l’aide d’un sac, immobilisation dans des positions douloureuses, détention dans une petite cellule infestée de rats et d’insectes, simulation d’exécution, injection de substances ayant un effet stupéfiant, emprisonnement dans une cellule minuscule avec un grand nombre de détenus, etc. Les formes de torture les plus souvent rapportées par les détenus sont la suspension, la menace de viol de mères et d’épouses, la sodomisation à l’aide de différents instruments, l’électricité, la privation de sommeil.

Les procès furent expéditifs: moins de deux mois après les attentats, un procès collectif (dans la pure tradition des procès politiques des années 60 et 70) devant la Cour d’appel de Casablanca se solda par 31 condamnations dont dix à mort (au total, dix-sept personnes auraient été condamnées à mort en liaison avec les attentats). Je ne connais pas d’étude d’ensemble de la répression qui s’abattit suite au 16 mai, mais les différents compte-rendus de presse permettent de se faire une idée de la « justice » qui fut rendue. Les accusés furent tout d’abord poursuivis sur la base d’une loi anti-terroriste – la loi n° 03-03 modifiant le Code pénal et le Code de procédure pénale – qui n’est entrée en vigueur que lors de sa publication au BORM le 5 juin 2003 et donc postérieurement aux faits, en violation du principe de droit pénal universellement reconnu de la légalité des délits et des peines. La justice considéra – selon la presse (les jugements n’ont à ma connaissance pas été puibliés) – la date de l’arrestation des accusés comme déterminante s’agissant de l’application de la loi n° 03-03 et non la date de commission des faits poursuivis (soit le 16 mai 2003 au plus tard). Souvent détenus sur décision de police ou du procureur du Roi au-delà du délai légal de garde à vue, même celui exagérément long de la loi n° 03-03 fixé à douze jours maximum (article 66 alinéa 4 modifié du Code de procédure pénale).

salafiste-Tiflet

L’instruction fut bâclée – les deux principaux procès s’achevèrent en juillet et août 2003, soit dans les trois mois à compter des faits, ce qui est exceptionnel dans des affaires de réseaux terroristes comportant des dizaines de membres et où la responsabilité individuelle de chaque accusé est censé devoir être prouvée au-delà de tout doute raisonnable, les preuves étant le plus souvent des empreintes digitales, traces ADN, relevés bancaires, des interceptions de communications téléphoniques ou électroniques ou des témoignages de tiers ou de repentis, tous éléments susceptibles de contestation par une défense faisant son métier. Le caractère collectif de ces procès empêcha tout semblant de procès équitable: des audiences expéditives, où les accusés ne furent souvent qu’autorisés à répondre par « oui » ou par « non » aux questions du président ou du procureur, des refus systématiques de contre-expertises ou de témoignages à décharge, une partialité de la Cour, rien que la triste routine des procès politiques marocains.

Pire encore furent les difficultés des accusés à bénéficier – symboliquement, car dans les procès politiques marocains la défense a le même rôle spectaculaire que les méchants à chapeau noir des westerns des années 50 – d’une défense. Je ne parle même pas d’une défense digne de ce nom, mais d’une défense tout court: la bâtonnier de l’Ordre des avocats de Casablanca, Me Miloud Bettach, dût intervenir pour pouvoir obtenir la désignation d’avocats pour chacun des accusés lors du second procès, concernant 87 (!) accusés. La défense n’eût aucun délai pour se préparer au dossier d’instruction, en dépit des réserves qu’on peut avoir à utiliser ce terme en l’espèce: « Nous avons été saisi le jeudi 17 juillet 2003 alors que l’audience était fixée pour le lundi d’après. C’est trop court pour instruire le dossier cas par cas et désigner le représentant adéquat pour chacun« . Les conditions matérielles de l’audience n’ont pas non plus favorisé une défense efficace: « Les audiences se déroulaient jour et nuit et les reports ne dépassaient pas quelques heures » (L’Economiste du 1er août 2003). Avant même le procès, des accusés avaient comparu devant le juge d’instruction hors la présence de leur avocat, contrairement à l’article 139 du Code de procédure pénale.

Aves un résultat baroque: dans le premier procès concernant 31 accusés, qui s’était soldé le 12 juillet – après seulement huit jours de débats – par 10 condamnations à mort (pour 8 condamnations à perpétuité, 7 à 20 années et 5 à 10 années de réclusion), 24 accusés avaient le même avocat (Me Abdellah Ammari, lequel n’avait alors que deux années d’inscription au barreau), lequel fut par la suite lui-même poursuivi avec un collègue, Me Ahmed Filali Azmir, pour violation du secret de l’instruction. Cette première fournée de 31 condamnés appartenant à la Salafia jihadia présentait en outre la particularité de ne concerner que des accusés arrêtés avant les attentats du 16 mai, et ne pouvaient donc guère être personnellement mis en cause dans les attentats du 16 mai…

Le second procès de masse à Casablanca toucha 87 personnes, et se termina après un mois de débats par 4 condamnations à mort (dont celle des kamikazes repentis, y compris Mohamed el Omari affirmant « que ses aveux lui avaient été «extorqués sous la torture»« ), 37 réclusions perpétuelles, 17 peines de réclusion de 30 ans et 16 de 20 ans – là non plus, comme lors du premier procès des 31, aucun acquittement ne fut prononcé. De nombreux autres procès collectifs eurent lieu simultanément (ainsi, 28 accusés à Fès et 19 à Taza furent jugé en juillet). Encore une fois, il n’y a pas de comptabilité exacte des procès, des peines et des acquittements, et encore moins publicité effective des jugements. Le simple fait de vérifier les informations pour ce billet m’a fait découvrir des informations et des chiffres contradictoires sur le nombre et l’identité des kamikazes, sur le nombre et le nom d’accusés, sur les incriminations exactes invoquées contre eux et sur les groupes dont ils feraient partie.

Et n’oublions pas le cas des soeurs jumelles Imane et Sanae al-Ghariss, orphelines de père et abandonnées par leur mère, condamnées en octobre 2003 à 5 années de détention alors qu’elles n’étaient âgées alors que de 14 ans, pour terrorisme et un fantômatique complot contre le Roi: – fréquentant des islamistes, elles furent arrêtées par la police:

« À la préfecture de police, les sœurs passent rapidement aux aveux. Elles sont quand même bousculées, essuient quelques gifles, mais cèdent lorsqu’elles entendent les cris de leurs complices, torturés dans la salle à côté. (…) Les questions du juge d’instruction sont assez expéditives. Les sœurs Laghriss, âgées de 14 ans, sont accusées de “constitution de bande criminelle, de préparation d’actes terroristes, d’atteinte aux sacralités et de complot contre la famille royale” (…) e n’est que le 29 septembre 2003 que s’ouvre enfin leur propre procès, devant une salle de tribunal archi-comble. “Oui, nous projetions de fabriquer des bombes à partir de pétards de Achoura, abattre Mohammed VI par balles et faire sauter le Parlement”, affirment les fillettes« .

Une fois leur sentence de 5 ans de prison prononcée, elles eurent un visiteur surprenant en prison – le juge qui les avait condamnées:

« Le premier jour du ramadan, le juge qui les a condamnées leur rend visite au pénitencier. “Il s’est excusé pour la peine à laquelle il nous a condamnées. Mais il nous a expliqué que c’était pour notre bien et qu’une grâce royale tomberait à coup sûr dans les mois qui viennent”, se rappelle Sanae« .

Sur les instigateurs des attentats, le cerveau allégué aurait été Moul Sebbat (« le principal coordinateur » selon des sources sécuritaires citées à l’époque par Tel Quel), opportunément mort en garde à vue. Un des islamistes condamnés, le français converti Richard Robert, avait déclaré avoir travaillé avec la DST française, avant d’être condamné à perpétuité, de quitter l’islam en prison et d’être transféré en France pour y purger le reliquat de sa peine et revenir sur ses propos, assez incohérents il est vrai. Un rapport onusien cité à l’époque par Le Journal citait les déclarations alléguées de Noureddine Benbrahim – n° 2 de la DST en 2003 – à des agents des services français selon lesquelles « au moins deux ressortissants du Golfe -un Saoudien et un Emirati- figuraient parmi les terroristes mais que le ministère marocain de l’Intérieur s’était tu pour « préserver les amis du Maroc »« . Des procès ont eu lieu à l’étranger pour des faits se rapportant aux attentats du 16 mai – à Paris notamment.

De fait, excepté les articles de la presse officieuse et les communiqués de la MAP, pas de version officielle consolidée du contexte et du déroulement des attentats; pas de publication d’un livre blanc gouvernemental, pas de commission d’enquête, qu’elle soit gouvernementale ou parlementaire – rien. Or les violations massives des droits de la défense et, il faut bien le reconnaître, de la dignité humaine commis par l’Etat dans la répression du terrorisme – répression qui était nécessaire, mais pas comme ça – a, comme d’habitude, affaibli de manière fatale la crédibilité de la version officielle des faits, fut-elle distillée par bribes comme dans le cas des attentats du 16 mai. De fait, pour avoir simplement posé les question que tout Marocain doté d’un cerveau se pose, le PJD se vit officiellement sommé de choisir son camp, comme si vouloir connaître la vérité était assimilable à soutenir le terrorisme…

Cette répression aveugle et brutale fût même contre-productive, comme le montre le cas spectaculaire de « Abdelfettah Raydi, emprisonné à 19 ans, libéré à 21 ans, kamikaze à 23 ans » comme le proclamait la une de La Vie économique après les attentats de Casablanca de mars 2007. Originaire de Karyan Thomas à Sidi Moumen, comme les kamikazes du 16 mai, ce salafiste avait passé deux années à la prison de Salé avant de se faire sauter dans un cybercafé le 11 mars 2007. L’arbitraire et la violence de la répression a ainsi montré ses limites, et l’Etat lui-même l’a reconnu – et notamment lors d’un discours royal – en faisant libérer de manière continue des détenus islamistes condamnés pour terrorisme – quitte à le regretter parfois: ainsi, après l’attentat-suicide de Raydi, de nouvelles rafles eurent lieu parmi les 164 détenus salafistes grâciés lors de l’Aïd el fitr en novembre 2005, dont Abdellatif Amrine, condamné lors des procès de l’été 2003 comme étant un kamikaze réserviste à 30 années de réclusion, mais grâcié et libéré en 2005 pour son état de santé. Ses liens avec Raydi amenèrent la police à l’arrêter à nouveau en 2007…

Pour citer à nouveau Le Journal:

En ce qui concerne les méthodes de lutte anti-terroriste à proprement parler, pour la première fois, les autorités marocaines reconnaissent que celles employées au lendemain des attentats du 16 mai 2003 n’ont pas produit les résultats escomptés comme le montre le cas du kamikaze Abdelfattah Raydi. Ce dernier faisait en effet partie de ces quelque 2 000 islamistes présumés raflés, dont environ 800 ont été condamnés ensuite à de la prison après des procès souvent expéditifs. Des prisons où, outre les mauvais traitements subis, certains ont noué des liens avec des salafistes combattants de groupuscules radicaux avant d’être graciés par le roi. Mais on peut tout aussi bien s’interroger sur le fait qu’une fois sortis de prison, des individus comme Raydi, sensés être fichés par les services et résidant de surcroît dans des quartiers quadrillés par des norias de mokadems, ont réussi à préparer des attentats (cf. encadré) sans être repérés…

La prise de conscience des risques de l’approche dure face au terrorisme allait amener le makhzen a tempérer ses ardeurs: outre les grâces à répétition (complétées il est vrai par des rafles), qui allaient déboucher en 2011, suite au mouvement de protestation populaire du 20 février à la grâce royale en faveur des principaux dirigeants islamistes, dont les liens réels avec les groupes terroristes étaient par ailleurs très contestés, le principal architecte de la répression de 2003, le général Hmidou Laanigri, militaire passé par la DGED, la DST et la DGSN (dont il fut promu directeur général deux mois après le 16 mai), fût brusquement limogé de ce poste par le Roi en 2006, pour être nommé inspecteur-général des Forces auxiliaires, corps d’armée dont le prestige est à la mesure du surnom de ses agents (sing. merda, pl. mroud). Comme pour chaque décision royale de ce type, pas de justification officielle ou de débat public, et on n’aura donc pas eu droit au mea culpa officiel sur le virage sécuritaire.

La contestation populaire avortée de 2011 allait définitivement tirer un trait sur l’ostracisme politico-sécuritaire contre le salafisme, réel ou imaginaire (on pense ici à la rocambolesque affaire du réseau Belliraj, monté de toutes pièces et qui ferait passer les procès de l’été 2003 pour des modèles dignes de la justice suédoise ou néo-zélandaise). Avec l’émergence du PJD comme principal parti marocain et de Adl wal ihsane comme principal mouvement d’opposition marocain, le makhzen a favorisé la normalisation du salafisme, et laissé aux chioukhs salafistes grâciés – et à d’autres, tel le cheikh pédophile Maghraouitoute latitude pour dénoncer les laïcs et l’Algérie, soutenir l’intégrité territoriale (fascinant exemple de la suprématie de l’affiliation nationale sur l’affiliation religieuse) et accessoirement réaffirmer leur acceptation de l’imarat al muminin, et ainsi espérer leur insertion dans le jeu politique marocain, y compris par le biais d’un parti politique, qui aurait sans doute le double avantage pour la monarchie de diviser le camp islamiste, déjà partagé entre le PJD et Al adl wal ihsane (je mets de côté le soufisme makhzénien à la zaouia boutchichiya), et d’agiter l’épouvantail islamiste – et s’agissant des salafistes cette peur n’a rien de paranoïaque – devant une classe moyenne et supérieure francophone à laquelle même le PJD ne fait plus peur.

Si on doit conclure, du point de vue gouvernemental, la gestion sécuritaire du terrorisme jihadiste a connu une évolution vers plus de discernement et un va-et-vient entre répression et ouverture, avec de constants ralentissements ou blocages toutefois, et la continuation des pratiques de torture et de violation des droits individuels des personnes accusées de terrorisme. Des groupes terroristes sont régulièrement annoncés comme démantelés, sans que l’on sache, vu le calamiteux palmarès de propagande et de violation des droits du makhzen, si ces annonces désignent une menace réelle ou une mise en scène – la réalité est sans doute entre les deux, et plus proche de la première alternative que de la seconde. Sur le plan politique, après avoir digéré le mouvement national (USFP comprise), l’extrême-gauche, le mouvement des droits de l’homme, des séparatistes repentis et l’islamisme légaliste, le pouvoir est en passe d’intégrer le salafisme presque sans coup férir, sans toutefois préjuger des effets néfastes d’une intégration de salafistes qui n’auraient pas renoncé à leur monopole des opinions légitimes.

La véritable énigme me semble être la place du 16 mai et de l’analyse de ses causes et séquelles dans l’opinion publique. La propagande officielle, il est vrai généralement centrée autour de la seule monarchie (avec l’exception partielle de la Marche verte), n’a guère surexploité, sur le plan symbolique ou commémoratif, le 16 mai. Quelques livres sont sortis – dont le brillant « Les étoiles de Sidi Moumen » de Mahi Binebine, dont Nabil Ayouch a tiré un non moins brillant film, « Les chevaux de Dieu » – mais de manière surprenante pas de recherche sérieuse ou de somme factuelle sur les attentats, leurs acteurs jihadistes, et la violence étatique qui s’ensuivit. Quelques thèses farfelues, mais d’analyse factuelle et non-paranoïaque, point.

MarocCasablancaAttentat16mai200312

Et contrairement aux Etats-Unis, guère de manifestations spontanées de commémoration, ni de courant politique faisant de la lutte contre le terrorisme un élément essentiel de son discours. Certes, les survivants et les proches se rappellent, et n’oublient pas (comment les blâmer?) – Soad El Khammal, veuve et mère de deux victimes, dit ainsi refuser le pardon:

« J’essaie de vivre avec mais je n’arrive pas à tourner la page, c’est impossible d’oublier. Et pour moi, pardonner c’est oublier. Donc je ne peux pas pardonner, car cela voudrait dire qu’on tire un trait sur tout ça ».

Ou encore Mhammed Mahboub, grièvement blessé le 16 mai:

En tant que musulman, je ne peux être que favorable à la peine capitale et au qissas (talion). Le Coran est clair là-dessus : «œil pour œil, dent pour dent», dispose-t-il. J’ai vu des gens se faire déchiqueter, certains ont été décapités, d’autres ont perdu leurs bras ou jambes. Personnellement, j’ai eu la mâchoire et plusieurs membres brisés, mon corps est toujours criblé d’éclats métalliques. Je n’ai pas eu de procès avant de subir cette sentence, je n’ai rien choisi, les autres victimes non plus. Les terroristes, eux, ont choisi de perpétrer ces attentats, froidement planifiés et exécutés. Ils ont bénéficié d’un procès équitable. J’estime donc que justice doit être faite et il n’y a pas de raison pour qu’ils aient un traitement de faveur. (…)

Je resterai à jamais hanté par le souvenir de cette funeste soirée du 16 mai 2003. Chaque nuit je fais des cauchemars. L’autre fois, j’étais attablé dans un café de l’avenue Moulay Youssef à Casablanca quand, subitement, le tonnerre a grondé. Je me suis jeté à plat ventre. Les gens autour de moi ne se rendaient pas compte, ils riaient. Pour ma part, j’étais terrorisé. Au moindre mouvement brusque, ne serait-ce qu’un claquement de porte, je suis envahi par une effroyable peur. Ce sont des moments que je vis comme des exécutions répétitives. Car même si je ne suis pas mort physiquement lors des attentats, on m’a exécuté moralement. (…)

Le souvenir des attentats est trop vivace pour que je puisse pardonner. Je suis défiguré, je viens de subir une quatrième opération chirurgicale et je porte toujours dans ma chair des éclats de métaux. Mais ce n’est pas le plus grave. Car ce sont surtout les cicatrices morales qui tardent à se refermer. Peut-être qu’un jour, lointain, je pourrais pardonner. Mais, même dans ce cas, je ne voudrais pas que mes bourreaux soient graciés. Pas de pitié pour les terroristes. Ils doivent absolument payer pour leurs actes atroces.

Mais là aussi, dans la bouche de Mme El Khammal, l’ambiguïté qui entoure le souvenir du 16 mai revient:

Beaucoup de gens ont été arrêtés puis condamnés. Des centaines sont toujours en prison. D’autres sont sortis, d’autres ont été graciés. Mais la vérité n’est pas claire. Qui a fait ça ? Qui était derrière ? Personne ne sait. On réclame cette vérité.

Cette ambiguïté me traverse également. Tout comme Mhammed Mahboub, j’estime que les auteurs des attentats méritent la sanction la plus sévère possible – mais peut-on sanctionner durement – et de manière irréversible – des personnes dont on sait pertinemment qu’elles n’ont pas bénéficié d’un procès équitable? Ce n’est pas compatible avec mon idée de la justice. Et tout comme Soad El Khammal, difficile d’ignorer que les kamikazes bidonvillois du 16 mai, dans leur aveuglement barbare, étaient à la fois victimes et bourreaux (sans que leur caractère de victimes de la société ne retranche en rien leur culpabilité morale et pénale)? Je me rappelle, ayant été voir « Les chevaux de Dieu » avec mes parents, des larmes de ma mère à la fin – « ça n’a pas changé« . Dix ans après la barbarie du 16 mai, moins de deux ans après les meurtres barbares de Gdeim Izik, où une dizaine d’agents des forces auxiliaires furent égorgés et leurs corps profanés par des manifestants sahraouis, alors que tant de prisonniers politiques peuplent les prisons marocaines, que la misère transforme tant de Marocains en machines à survivre, peut-on oser espérer que « ça changera » un jour?

Un match de ping-pong maroco-algérien au Conseil des droits de l’homme à Genève

Quand un ambassadeur du Maroc rencontre un ambassadeur algérien, ils jouent au ping-pong. Comme à Genève la semaine passée:

Les élucubrations haineuses de l’ambassadeur algérien sur la situation des droits de l’homme au Maroc n’intéressent guère le CDH. (…) Alors que le Maroc poursuit sereinement ses réformes sous l’impulsion courageuse de S.M. le Roi, a-t-il soutenu, l’Algérie a continué, d’après le rapport de HRW de 2011, «à connaître des violations généralisées des droits de l’homme». (Le Matin du Sahara)

Un encombrant souci d’exhaustivité m’oblige néanmoins à citer le rapport 2011 de Human Rights Watch s’agissant du Maroc:

In 2010 human rights conditions in Morocco and Western Sahara were mixed, and in some aspects, decidedly poor. The government used repressive legislation and complaisant courts to punish and imprison peaceful opponents, especially those who violated taboos and laws against criticizing the king and the monarchy, questioning Morocco’s claim over Western Sahara, or « denigrating » Islam.

L’Union européenne consulte la société civile marocaine sur… le Maroc

La Délégation de l’Union européenne au Maroc consulte la société civile marocaine sur le Plan d’action UE/Maroc. Ne vous emballez pas tout de suite: on ne vous demande pas votre avis sur les visas Schengen, les finances publiques grecques ou la politique commerciale de l’UE, mais plutôt sur les réformes que l’UE souhaiterait voir effectuées au Maroc. Qu’est ce que le Plan d’action? Voilà comment ce document est présenté par l’UE (petite précision, ce document est approuvé par le gouvernement marocain): 

[Le] Plan d’action UE/Maroc (…) est un document d’orientation de coopération économique et politique s’articulant autour des domaines suivants :

  • Dialogue politique et stratégique de haut niveau,
  • Coopération économique sectorielle et marché intérieur,
  • Questions commerciales, douanières et agricoles,
  • Transport, énergie, environnement,
  • Développement social, migration, justice et sécurité
  • Contact entre les populations

On retrouve des domaines tels que la réforme de la justice, l’administration pénitentiaire, la lutte anti-corruption ou les droits de l’homme, mais avec des actions souvent définies de manière à laisser au-dehors des thèmes qui pourraient fâcher un peu trop le gouvernement marocain. A titre d’exemple, les actions à court et moyen terme prévues sous le titre « démocratie et droits de l’homme » sont les suivantes:

Démocratie et Etat de droit
(1) Consolider les instances administratives chargées de veiller au renforcement de la pratique
démocratique et de l’Etat de droit
Court terme
– Echange d’expériences et d’expertises dans le contexte de l’évolution du cadre réglementaire afférent aux partis politiques.
– Renforcer les capacités de l’Administration, notamment à travers l’appui à la mise en oeuvre de la loi sur l’obligation et la motivation des décisions administratives émanant des administrations publiques, des collectivités locales et des établissements publics
– Poursuivre les efforts de décentralisation et oeuvrer à l’amélioration des compétences des collectivités locales à travers un appui à la nouvelle Charte sur l’Aménagement du Territoire Moyen terme
– Veiller à la mise en oeuvre de la réforme des collectivités locales

Je vous avais prévenu: ce document est adopté avec l’accord du gouvernement marocain…

Toujours est-il que l’Union européenne souhaite mettre à jour ce document, et souhaite recueillir – avouez que c’est touchant – l’avis de la société civile marocaine:

Consultation de la Société civile Pour la mise à jour du Plan d’Action Union européenne-Maroc Dans le cadre de la Politique européenne de voisinage

OBJECTIF :

L’actuel Plan d’Action conclu entre Union européenne (UE) et le Maroc dans le cadre de la Politique européenne de voisinage en juillet 2005, arrive à son échéance en 2010.
Le Royaume du Maroc et l’UE élaboreront en 2010 un nouveau Plan d’Action afin de définir pour une période de 4 à 5 ans les objectifs de réformes au Maroc qu’entend appuyer l’UE afin de permettre un rapprochement entre les partenaires sur base de valeurs partagées.
Ce nouveau Plan d’Action visera à mettre à jour les objectifs encore à réaliser de l’ancien Plan d’action et d’intégrer les nouvelles ambitions ouvertes par le document conjoint sur le Statut avancé agréé en 2008. Le nouveau Plan d’Action sera ainsi une feuille de route opérationnelle pour le Statut Avancé.
Afin de recueillir les contributions de la société civile sur ce que devraient être les priorités du nouveau Plan d’Action UE-Maroc, la Délégation de l’Union européenne au Maroc lance un exercice de consultation par internet. Le document de l’actuel Plan d’Action ainsi que la feuille de route du Statut Avancé, en annexe serviront de référence pour cette consultation.

COMMENT PARTICIPER ?

Les acteurs de la société civile sont invités à transmettre leurs contributions au plus tard le 04 juin 2010.

La taille des contributions ne devraient pas dépasser 1 page par champ d’intervention et devraient être articulées sur les points suivants :

Recommandations sur les objectifs (sur base des 85 objectifs de l’actuel PA et du document sur le Statut avancé);
Propositions de résultats/indicateurs opérationnels à atteindre sur la période de 4-5 ans (maximum 5 indicateurs pas objectif);
Eventuellement suggestion de sources d’évaluation des engagements pris dans le PA.

Afin de permettre une bonne analyse des recommandations, nous vous invitons à respecter les règles suivantes :

Identifier votre organisation et son champ d’intervention ;
Articuler clairement votre intervention autour des 3 points cités ci-dessus ;
Etre synthétique et concis.

OU ENVOYER VOTRE CONTRIBUTION ?
Vos contributions doivent être envoyées à l’adresse électronique suivante : delegation-morocco-PIN2011-13@ec.europa.eu

Faute d’être consultés par le gouvernement marocain, profitez au moins de l’occasion qui vous est fournie par l’Union européenne… Je suis personnellement d’avis que la partie du plan d’action relative aux sujets sensibles précités pourrait être plus pertinente et percutante (parcourez à titre d’information le rapport de suivi 2010 du plan d’action élaboré par l’Union européenne, qui lui n’a vraiment rien d’un brûlot subversif), avis aux représentants d’ONG, d’associations professionnelles, de partis politiques ou de syndicats donc…

Pour être tenus informés de l’actualité – institutionnelle et officielle, pas de nihilisme subversif ici bien évidemment- de l’Union européenne au Maroc – il faudrait citer les 2,4 millions d’euros de subventions alloués aux droits de l’homme au Maroc en 2010 – la page Facebook de la Délégation de l’Union européenne au Maroc est à recommander.

Pour les 2,4 millions d’euros de subventions pour des projets droits de l’homme au Maroc, c’est ici, et vous devez vous dépêchés – votre dossier doit être envoyé le 23 mai au plus tard et concerner un projet d’une valeur entre 50.000 et 300.000 euros, la subvention couvrant 95% du coût total si vous êtes une ONG, fondation ou université marocaine. Parmi les 5 thèmes retenus:

Les actions éligibles au financement devront répondre aux priorités thématiques suivantes :

  1. Promotion de la liberté d’expression y compris la liberté des media et renforcement de la responsabilité et déontologie professionnelle des journalistes.
  2. Promotion des bonnes pratiques parlementaires par les représentants des différents partis politiques (parlementaires et élus locaux et régionaux) et par le personnel parlementaire, à travers l’acquisition de connaissances, de compétences et de techniques relatives à la pratique et à l’organisation parlementaire.
  3. Prévention et lutte contre la corruption.
  4. Promotion des mesures pour l’abolition de la peine de mort.
  5. Promotion de la ratification du Statut de Rome de la Cour Pénale Internationale.

Avis aux amateurs, n’est-ce pas Mounir?

A royaume de la Ligue arabe, le Maroc est roi

Je ne le répéterai jamais assez: on n’est jamais déçu à la lecture de la Map. Pas plus tard que tout à l’heure, je suis tombé sur cette dépêche, immortalisant une page glorieuse du combat des martyrs Abdelkrim el Khattabi, Mohamed Zerktouni, Mehdi Ben Barka, Omar Benjelloun, Saïda Menebhi et Abdellatif Zeroual pour l’avénement de la démocratie, des libertés publiques et de l’Etat de droit au Maroc:

Le conseil de la Ligue arabe adopte une proposition marocaine visant la promotion de la culture des droits de l’Homme
Le Caire – Le Conseil de la Ligue arabe a adopté, mercredi au Caire, un projet de plan arabe pour la promotion de la culture des droits de l’Homme, proposé par le Maroc.

L’adoption de ce projet de plan lors de la clôture des travaux de la 133ème session ordinaire du Conseil de la Ligue arabe avec la participation du ministre des Affaires étrangères et de la coopération, M. Taieb Fassi Fihri, intervient suite à une proposition présentée par le Maroc au secrétariat général de la Ligue arabe, au comité permanent et au Conseil de la Ligue arabe.

Ce plan, élaboré sur la base d’une approche participative impliquant plusieurs experts et représentants des pays arabes membres du comité permanent et de la commission spécialisée de la Ligue arabe chargée des droits de l’Homme, a vu le jour grâce au soutien du bureau régional arabe du haut commissariat aux droits de l’Homme, à travers un atelier organisé les 16 et 17 décembre dernier à Rabat.

Ce plan, qui traduit les grands pas franchis par le Royaume en matière de promotion des droits humains et leur consécration au plan régional, constitue une plateforme arabe commune pour contribuer à la promotion de la culture des droits de l’Homme et en faire une « pratique quotidienne » dans la région.Selon ses dispositions, le plan, qui sera lancé l’année prochaine après son adoption par la réunion au sommet du Conseil de la Ligue arabe, se décline en plusieurs points concernant le cadre général, la vision, les objectifs, les principes, les champs d’intervention, la méthodologie du travail et le programme exécutif. Cette proposition s’assigne comme objectifs la sensibilisation de la société et la vulgarisation des mesures visant la protection des droits de l’Homme, ainsi que la détermination des dispositions juridiques et les priorités de l’action arabe commune en la matière.

Le projet qui s’étale sur la période 2011/15 vise aussi à encourager les pays à respecter leurs engagements vis-à-vis des normes internationales et régionales dans le domaine des droits humains et faire face aux obstacles dressés dans ce sens tels que la pauvreté, la famine, l’analphabétisme, les conflits armés et l’endettement.

Pour réaliser ces objectifs, le plan préconise le renforcement des structures de la culture des droits de l’Homme et la traduction dans les faits la volonté politique des pays membres, ainsi que l’amélioration du rendement des pouvoirs judiciaire, législatif et exécutif et l’encouragement de l’action des Organisations de la société civile.

Il vise également la dynamisation de la culture des droits de l’Homme dans tous les domaines, le renforcement des efforts arabes en matière de consolidation et de préservation des droits humains, la mise en place des indices de respect de Droits de l’Homme tels qu’ils sont reconnus universellement. Le plan insiste de même sur la nécessité de l’adaptation des législations nationales aux conventions internationales en la matière et à la levée des réserves sur les chartes adoptées, la diffusion de la culture des droits de l’Homme.

Le Maroc est représenté par une délégation comprenant aussi MM. Mohamed Azeroual, ambassadeur-inspecteur général au ministère des Affaires étrangères et de la Coopération, Mohamed Faraj Doukkali, ambassadeur du Maroc au Caire, représentant permanent du Royaume auprès de la Ligue arabe, Ahmed Rachid Khattabi, du cabinet du ministre des Affaires étrangères et de la Coopération et Saïd Hadi, chargé de la Ligue arabe à l’ambassade du Maroc au Caire.

La satire devient un métier impossible.

Un petit conseil tunisien à Khalid Naciri: la Cour pénale internationale n’est pas seulement faite pour Florence Beaugé, mais aussi pour Jean-Pierre Tuquoi

La liberté d’expression marche de concert au Maroc et en Tunisie, dont les gouvernements se voient contraints de donner des leçons de déontologie aux fieffés journalistes étrangers, et notamment ceux du journal subversif marxiste-léniniste « Le Monde« .

En Tunisie, l’avance de ce pays sur le Maroc ne se manifeste pas seulement en matière de naturalisation de footballeurs brésiliens, mais également dans la dénonciation d’odieux complots ourdis par des ennemis de la Nation, Le Monde en l’occurence. Et c’est par un conseil amical à la démocratie makhzénienne que nos frères tunisiens s’efforcent de parachever l’édification du Maghreb uni: Khalid Naciri, réveille-toi, la Cour pénale internationale n’est pas seulement faite pour Florence Beaugé mais aussi pour Jean-Pierre Tuquoi, Ignacio Cembrero, Ali Lmrabet voire plus si affinités.

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"Après Jean-Pierre Tuquoi devant la Cour pénale internationale, ce sera le tour de Roger Lemerre, Dos Santos et Clayton"

Petite précision pour les lecteurs marocains: le Jean-Pierre Tuquoi tunisien s’appelle Florence Beaugé, également journaliste au Monde. Tous deux ont la haine et la rancoeur chevillés au corps, aigris et aveuglément lancés dans une entreprise de déstabilisation des deux nations soeurs, en dépit des réalités les mieux établies – le développement économique et social patent du Maroc, et le Changement démocratique en Tunisie.

Au Maroc, on le sait, Jean-Pierre Tuquoi est fourré dans tous les complots visant à dénigrer le Maroc et ses constantes civilisationnelles, avec ses comparses Ignacio Cembrero, Boubker Jamaï, Moulay Hicham, Bob Ménard et Mahmoud Ahmedinejad. C’est ainsi qu’il s’est récemment attelé à offenser l’identité et la souveraineté marocaines dans ce qu’elles ont de plus sacré:

La martingale hasardeuse du roi du Maroc à Macao
LE MONDE | 31.10.09 | 13h38 • Mis à jour le 31.10.09 | 13h38
Article paru dans l’édition du 01.11.09

« Il s’agissait d’une faute professionnelle et nous nous sommes retirés. » C’est ainsi que, dans un entretien à l’AFP, Hassan Bouhemou, le directeur général de Siger (« roi« , en grec), le holding qui regroupe les intérêts financiers du roi du Maroc, Mohammed VI, s’est efforcé, mercredi 28 octobre, de mettre un point final à une ténébreuse affaire financière à Macao, l’ancienne colonie portugaise rétrocédée à la Chine.

L’affaire a été révélée, mardi, par le South China Morning Post. Le quotidien de Hongkong expliquait que le souverain marocain faisait partie de la poignée d’investisseurs privés victimes d’un placement malencontreux dans Macau Legend, un groupe présent dans le jeu, l’immobilier et les transports.

Sollicités par la banque Merrill Lynch, des gestionnaires travaillant pour Siger – mais aussi des fonds spéculatifs et quelques personnes fortunées du vieux continent – avaient apporté, en 2006, près de 400 millions de dollars (270 millions d’euros) à Macau Legend, à la recherche d’argent frais pour financer un projet immobilier, Fishermen Wharf, de parc d’attractions avec casino et ensemble résidentiel.

Fisherman Wharf devait être introduit dans la foulée à la Bourse de Hongkong à un cours tel que ceux qui avaient accepté de prêter de l’argent à la maison mère en échange d’actions de la filiale, souscrites « à prix d’ami », pouvaient espérer réaliser très vite un bénéfice substantiel.

« CHARTE ÉTHIQUE »

Les choses n’ont pas évolué comme prévu. Victime de la crise internationale et de prévisions de fréquentation trop optimistes, le programme Fisherman Wharf avec son casino Babylone a été un échec et, du coup, l’introduction en Bourse de la société a sans cesse été repoussée. Quant à la maison mère, elle aussi malmenée par la crise, elle a pâti en sus de désaccords entre l’un des cofondateurs de Macau Legend, Stanley Ho, un homme d’affaires âgé et malade, et des membres de sa famille.

Des réunions ont eu lieu au printemps pour restructurer la dette. Macau Legend a promis de verser à ses créanciers 100 millions de dollars après avoir, dans un premier temps, offert le double. Mais aucune somme n’a été versée à ce jour.

Dans un communiqué publié mardi au Maroc, Siger explique qu’après avoir constaté qu’« une infrastructure de jeux de hasard » figurait dans les investissements de la holding royale, elle avait fait part, « en décembre 2008 », de « son intention de se retirer de cet investissement » au nom de sa « charte éthique ». Mais, dans le communiqué, rien n’indique que la demande a été suivie d’effet.
Jean-Pierre Tuquoi

Non content d’attaquer la Nation marocaine dans son identité institutionnelle, Tuquoi a par la même occasion profité pour heurter les Marocains dans leurs sentiments religieux -sous-entendre que le Commandeur des croyants puisse investir dans un casino! – voire même familiaux, tant est fort l’attachement filial de tout Marocain pour son Souverain. Bien évidemment, le lecteur assidu de L’Economiste sait désormais que ces rumeurs nauséabondes sont dénuées de tout fondement:

Siger retiré depuis un an de Macau
L’Economiste 29 octobre 2009

· Il s’agissait d’une petite participation indirecte…

· … supprimée pour cause de contradiction avec la déontologie de la holding

· Les investissements à l’étranger à nouveau en débats

L’Afp a rectifié hier (1) l’information donnée sur la foi d’un journal chinois: le Souverain ne fait pas partie d’un groupe d’investisseurs victimes d’un investissement malheureux à Macau. Macau est un territoire spécial de la Chine, en face de Hongkong de l’autre côté du delta de la rivière des Perles. Ex-colonie portugaise, cette ville est connue dans l’histoire pour son économie… «interlope», dominée par le jeu, envers qui les cultures asiatiques n’ont pas les mêmes préventions que les religions monothéistes.

En 2007, le chiffre d’affaires des jeux de Macau, pour la première fois, a dépassé celui de la vedette mondiale, Las Vegas. Récupérée par la Chine populaire en 1999, elle a conservé un statut politique et économique spécial par rapport au reste du pays, comme Hongkong. L’économie reste très libre et dynamique, avec un PIB par tête de plus de 39.000 dollars (soit presque 20 fois celui du Maroc), intégrant néanmoins un accroissement des inégalités. Ce qui a déterminé des manifestations l’année dernière, pour la première fois depuis la récupération chinoise. Macau a donc conservé dominante son économique du jeu, avec tous les problèmes de mafia et corruption que cela peut drainer.

Un endroit «chaud»

«Ce n’est vraiment pas l’endroit où nous voulions voir des investissements de la holding royale marocaine, Siger, aussi petits et indirects fussent-ils», indique Hassan Bouhemou, administrateur-directeur général de Siger. «Dès que nous avons vu les relevés d’opérations, nous nous sommes retirés car cela était contraire à la charte d’éthique de Siger; c’était en décembre 2008, il y aura un an le mois prochain», ajoute-t-il.
En fait, c’est une histoire qui commence courant 2007, où Siger place de l’argent dans un fonds qui offre des placements en Asie. Entre autres opérations, ce fonds (et non pas Siger) investit 4 millions de dollars (environ 38 millions de DH) dans un programme immobilier et hôtelier asiatique. Ce programme se monte à 400 millions de dollars et comporte entre autres, un hôtel à Macau, hôtel avec des salles de jeux. Ce qui était donc interdit par la charte d’éthique de Siger, d’où le retrait, un an à peine après le début de l’opération.
Pour la partie marocaine, l’histoire s’arrête là, même si auprès de Siger, on est encore assez fâché contre le fonds mandataire, qui a outrepassé la règle posée. Bouhemou dément que Siger ait engagé des poursuites contre ce fonds du fait de mauvaises affaires.
Les spécialistes des marchés financiers sont unanimes sur deux points: avec un fonds comme mandataire, qui noie les participations de chaque membre au milieu des autres, il est impossible de savoir où vont les investissements avant le compte rendu qui est fait une ou deux fois par an: pas d’autre choix que de faire confiance au gérant.

Deux points en avant

Le deuxième point est plus intéressant dans la mesure où il relance une question oubliée: la possibilité pour les Marocains, personnes morales, voire les personnes physiques, d’investir à l’étranger. En dépit d’une déclaration du Premier ministre lui-même, dans nos colonnes (www.leconomiste.com du 2 mars 2009), les mentalités vis-à-vis des investissements à l’étranger restent rigides, rigidités d’ailleurs renforcées depuis la crise. Et ce en dépit de la montée au créneau d’une partie des milieux économiques, pour montrer les avantages à l’heure de la globalisation, d’une libéralisation des investissements, pour le développement des affaires avec le Maroc.

N. S.

Mais il faut croire que la haine, la hargne et le persiflage, au mépris de toutes les règles déontologiques d’une presse morale et responsable, aveuglent Le Monde et autres « néocolonialistes mal déguisés« , lequel, non content de s’en prendre au Maroc du progrès et des réformes, s’attaque avec une violence inouïe à la Tunisie du Changement, qui a, « sous le signe de la réflexion, de la globalité et de l’animation » et dans la « fidélité au Symbole de la fidélité« , renouvelé de manière éclatante sa confiance au Sauveur de la Nation, comme ce pays en a d’ailleurs l’habitude:

Des présidentielles en forme de plébiscite
Depuis l’indépendance (1956), une caractéristique des élections présidentielles est que le vainqueur l’a toujours emporté avec plus de 90 % des suffrages exprimés. Habib Bourguiba a obtenu 99,67 % en 1959 ; 99,78 % en 1964 ; 99,75 % en 1969 et 99,85 % en 1974. De 1975 à 1987, ce fut « la présidence à vie » de Bourguiba. Son successeur, le président Ben Ali, a suivi la même voie. Arrivé au pouvoir en 1987, il a recueilli 99,27 % des suffrages en 1989 ; 99,91 % en 1994 ; 99,44 % en 1999. Mais « seulement » 94,48 % des suffrages en 2004.

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"Ne vous inquiétez pas, votre argent est bien là"

Voici la liste de ses articles publiés dans Le Monde durant le mois d’octobre, dont les titres suintent la haine et la hargne:
– « « L’opposition instrumentalise les droits de l’homme », selon le gouvernement tunisien » (Le Monde, 8 octobre)
– « A Tunis, le quotidien d’un couple d’opposants » (Le Monde, 8 octobre)
– « En Tunisie, « il y a ceux qui profitent du système et ceux qui enragent d’en être exclus » » (Le Monde, 22 octobre)
– « En Tunisie, une réussite économique mal partagée » (Le Monde, 23 octobre)
– « Le parcours fulgurant de Sakhr El-Materi, gendre du président tunisien Ben Ali » (Le Monde, 24 octobre)

C’est dans l’article du 22 octobre que Florence Beaugé a écrit les phrases suivantes:

Pourtant, l’impopularité de cet homme de 73 ans est frappante. Des trois pays du Maghreb, le régime tunisien est sans doute celui qui est le plus mal aimé de sa population. Même en Algérie, le pouvoir n’a pas droit à un tel mépris… (…)

Mais un autre sujet domine toutes les conversations et alimente la frustration générale : la main-mise de « la famille » sur le pays. Comme le dit Rachid, « après un petit verre – car le vin ça dégage tout ! -, on vous avouera la vérité : on en a marre ! ». Marre, précise-t-il, des frères, des gendres, des neveux, des Trabelsi, Chiboub, Ben Ali, El-Materi, « de tout ce clan familial qui ne cesse de grossir et de s’accaparer les richesses du pays ». (…)

Voilà longtemps, en tout cas, que le chef de l’Etat a compris que ses partenaires européens se contenteraient d’une démocratie en trompe-l’oeil en Tunisie. « Les droits de l’homme ? Après vingt-deux ans de bénalisme, la jeunesse s’en fiche ! A la limite, elle nous donne tort de continuer à mener cecombat. Elle estime que nous sommes bien bêtes de ne pas profiter du système « , se désole la sociologue Khadija Chérif, membre de l’Association tunisienne des femmes démocrates (ATFD), découragée comme beaucoup d’autres de sa génération. « Les étudiants sont totalement dépolitisés. Pour eux, la réussite passe par l’argent, non par l’effort ou les études », confirme l’universitaire Larbi Chouikha.

Résignés, indifférents, mais par-dessus tout tenaillés par la peur, les Tunisiens attendent. Quoi ? Ils ne le savent pas très bien. Que « la mort », « un coup d’Etat « , voire « un attentat », disent-ils un peu gênés, presque honteux, viennent les délivrer de cette soumission à un régime qui leur pèse, mais pas au point de se révolter. Grâce à la chaîne d’information qatarie Al-Jazira – « notre oxygène », disent-ils -, ils n’ignorent rien de ce qui se passe chez eux, en dépit du muselage de la presse nationale. « Tout a une fin », disent-ils de temps à autre, comme pour se rassurer.

Comme les meilleures plumes de La Presse ou du Temps, que Die Zeit, El Pais et The Independent envient à la Tunisie, vous y aurez reconnu « Incitation à la haine, à la mort et à l’attentat contre la Tunisie« :

Sur la Une du “Monde”: Incitation à la haine, à la mort et à l’attentat contre la Tunisie
Du temps de son fondateur Beuve Mery, le journal Le Monde s’est taillé une dimension internationale grâce à son sérieux, la fiabilité de ses informations et le sens de la mesure qui prévaut dans ses commentaires.

L’information est sacrée, le commentaire est libre” disait Beuve Mery. Un commentaire libre est un commentaire responsable et mesuré.

Or, à la faveur d’un incroyable retour des choses, Le Monde ouvre ses colonnes et de surcroît la première page à un tract dans les règles, distillé au vitriol par une “pseudo-journaliste” répondant au nom de Florence Beaugé. Elle appelle les Tunisiens à se révolter. Elle appelle à la haine. Elle appelle surtout à la violence et à la mort.

D’où tient-elle que le régime “pèse sur les Tunisiens”? D’où tient-elle que “les Tunisiens ne sont pas contents”? Quand les appels au terrorisme sont alignés en première page du quotidien le plus prestigieux de France, et qu’ils soient publiés dans le pays des Droits de l’Homme et de la Déclaration de 1789, voilà qui donne à réfléchir.

N’en déplaise à notre chère Madame Florence Beaugé, les Tunisiens vivent dans la stabilité et la sécurité grâce à la perspicacité du Régime du Président Ben Ali. Les Tunisiens protestent énergiquement contre les poisons de l’outrance et l’extrémisme d’où qu’il vienne. Car c’est encore grâce au régime avant-gardiste tunisien que toute la région s’est stabilisée et a recouvré paix et quiétude. Les Tunisiens, toutes tendances confondues, s’élèvent à l’unisson contre ces manipulations malsaines. Et qui plus est dévoilent ce côté morbide, épidermique et à la limite futile dans ce genre d’articles.

A quoi ressemble-t-il? A quelle typologie journalistique correspond cet article ? Est-ce la vocation d’un reporter que de verser dans des réquisitoires passionnels, alimentés par des rumeurs indécentes, et nourries par des traîtres qui errent comme des âmes en peine dans d’obscurs salons français ?

S’est-elle posé cette question : pourquoi six millions de touristes affluent-ils sur la Tunisie ? Pourquoi les Français apprécient-ils le pays du Jasmin?

Ce qu’elle feint d’ignorer, c’est que beaucoup de Français s’expatrient chez nous, acquièrent des propriétés et vivent en toute quiétude parmi nous.

De toute évidence, Madame “Florence la terreur”, celle qui incite au terrorisme alors que le combat de toutes les nations se concentre justement contre l’extrémisme, a la vocation d’un poseur de bombes.

Femme psychotique, hystérique, elle est bonne pour la psychanalyse.

Ce qui est sûr, c’est que les Tunisiens sont jaloux de leurs acquis, de leur stabilité, de leur sécurité et de leur bien-être.

Il fait bon vivre en Tunisie. Et les Tunisiens sont solidaires. Et ils ne sont guère disposés à écouter les “conseils” maculés de sang d’une femme maléfique, et par-dessus le marché idiote.

Raté, Madame “Florence La Terreur”

Raouf KHALSI (Le Temps)

Sous le prétexte futile et fallacieux que la Jean-Pierre Tuquoi tunisienne, Florence Beaugé, ait donc fort justement été expulsée de Tunisie, ce qui constitue « un événement statistiquement non significatif » (La Presse), Le Monde et ses complices de RSF – « avidement obstinés à faire feu de tout bois pour déstabiliser un pays qui réussit » – ont dénoncé bien mal à propos un acte de souveraineté, révélant par là-même leur appartenance au « microcosme journalistique parisien qui croit, en atterrissant en Tunisie, qu’il débarque aux Dom-Tom (Domaines d’outre-mer-Territoires d’outre-mer, territoires sous administration française) » (La Presse). Dans le ton haineux et fielleux empreint d’arrogance coloniale qu’affectionne Le Monde, le quotidien de référence, qui a depuis sombré dans la « délinquance journalistique » (Le Temps), a prétendu s’en offusquer:

A en croire la presse tunisienne de ces derniers jours, Le Monde ouvre ses colonnes à une « pseudo-journaliste », « Florence la terreur », « psychotique, hystérique », qui plus est « maléfique » « et par-dessus le marché idiote« , pour couvrir l’actualité en Tunisie… A l’occasion de l’élection présidentielle tunisienne – qui a vu, dimanche 25 octobre, le président Zine El-Abidine Ben Ali reconduit sans surprise à la tête de l’Etat, pour un cinquième mandat consécutif, avec un taux officiel de presque 90 % des voix -, les journaux gouvernementaux tunisiens se déchaînent avec une rare violence contre l’envoyée spéciale du Monde, Florence Beaugé, expulsée de Tunisie mercredi 21 octobre, après une nuit passée sur un siège de l’aéroport de Tunis-Carthage. Pour justifier leur geste, les autorités tunisiennes ont évoqué « une malveillance patente à l’égard de la Tunisie et des partis pris systématiquement hostiles ».

Car il faut savoir que Florence Beaugé a de ce fait « lancé des appels à peine voilés au meurtre« , et un journaliste venduavisé d’Afrique-Asie fait un parallèle qui s’impose effectivement:

La justice internationale, qui a condamné il y a six ans, deux responsables de la tristement célèbre Radio rwandaise « radio Télévision Mille Collines » pour incitation au génocide de 1994, devra‑t‑elle se pencher sérieusement sur le cas de la journaliste française Florence Beaugé du quotidien français Le Monde ? (Le Temps)

Je trouve pour ma part ce journaliste trop prudent face à tant d’ignominie: ne faudrait-il pas créer, ainsi qu’il fût fait au lendemain de l’assassinat de Rafiq Hariri, un tribunal spécial international pour juger les calomniateurs étrangers, les « terroristes de la plume » qui tels Florence Beaugé se gaussent du Changement tunisien et de son incarnation humaine, le général-président Zine el Abidine Ben Ali?

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Florence Beaugé, bientôt à La Haye?

Comme le constate lucidement et avec retenue un observateur local:

N’en déplaise aux rentiers des droits de l’Homme qui gagnent leur vie sans travailler, aux roquets payés pour exécuter de mauvais desseins et de basses besognes et qui aboient pour un rien, aux autres journalistes haineux, telle Florence Beaugé, qui n’ont de cesse de déverser leur lot de mensonges et de contre-vérités sur notre pays, la Tunisie a tracé son chemin. Et c’est avec ses hommes et ses femmes, ses jeunes et ses enfants qu’elle saura relever les défis. (Le Temps)

Jugez-en: la dame Beaugé a jugé bon de persévérer dans ses machinations diaboliques par le biais d’une tribune libre publiée dans Le Monde après son expulsion de Tunisie, « La France discréditée par son soutien au régime Ben Ali« , dont voici quelques extraits suintant la haine. Tout comme Al Qaïda en veut aux Etats-Unis pour leurs libertés, dame Beaugé semble en vouloir à la Tunisie pour sa démocratie:

Nul besoin d’épiloguer longuement sur les résultats des élections présidentielle et législatives tunisiennes du 25 octobre. En s’accordant un score inférieur à 90 % des voix – officiellement de 89,62 % -, le président Ben Ali a cherché à éviter les sarcasmes que lui avaient valus les scores à la soviétique des précédents scrutins (99 % et 95 % des suffrages).

On ne répétera jamais assez à quel point le « pluralisme » politique mis en avant par le palais de Carthage à l’intention de l’étranger est une mascarade. Le chef de l’Etat tunisien choisit soigneusement ses opposants. Il dessine lui-même la carte politique de la Tunisie, sur laquelle le parti au pouvoir, le Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), doit garder l’absolue mainmise par le biais d’un clientélisme et d’un maillage policier difficilement imaginables. (…)

Il faut cesser de se laisser prendre au langage du palais de Carthage, selon lequel la Tunisie de Ben Ali est « une démocratie émergente et perfectible ». Un argumentaire soigneusement mis au point à Tunis, où l’on sait que ce ton bonasse, faussement modeste, a toutes les chances de séduire les visiteurs occidentaux.

Si elle est performante en matière économique – mais pas autant qu’elle le pourrait, compte tenu de l’inhibition des entrepreneurs face au comportement prédateur des proches du pouvoir -, la Tunisie de Ben Ali ne progresse en rien sur la voie de la démocratie, et n’en a nulle intention. Quiconque émet une voix discordante est systématiquement combattu, et voit sa vie rendue infernale par une série de représailles dont on n’a pas idée en France : Agressions physiques graves ; filatures collantes ; courriers électroniques détournés ; domiciles assiégés ; asphyxie alimentaire, suite aux interdits professionnels ; campagnes de presse diffamatoires, et souvent même obscènes quand il s’agit de femmes. Et cela, en toute impunité

(…) « Etat de droit », « démocratie », « multipartisme » et « transparence » font partie du vocabulaire préféré du régime tunisien. On ne peut exclure que le président Ben Ali, qui commence donc un cinquième mandat après vingt-deux ans de pouvoir sans partage, finisse par croire à ces mots totalement vides de sens dans son propre pays. Mais les capitales européennes, elles, ne peuvent pas être dupes. Elles savent bien que l’espace des libertés ne grandit pas en Tunisie, contrairement à ce qu’affirmait M. Sarkozy lors de sa visite officielle à Tunis, en avril 2008.

Las, les « fantasmes apocalyptiques » de Florence Beaugé (Le Temps) se heurtent à la riante réalité tunisienne, qui, sans atteindre les rives rêveuses de la béatitude scandinave, parvient néanmoins à faire taire tous les esprits chagrins:

La vérité pourtant c’est ce nombre impressionnant de Tunisiens et Tunisiennes, jeunes et vieux, de tout âge qui l’entourent par milliers, parfois par dizaines de milliers, qui l’accueillent à chacun de ses déplacements, qui emplissent les espaces où se tiennent les meetings, du nord au sud, d’est ou ouest du pays.

A part quelques pays de Scandinavie, où voit-on de nos jours (après le 11 septembre) un Président en exercice qui se déplace au volant de sa voiture ? Qui fréquente en famille les restaurants en ville et qui dîne au milieu des clients en toute quiétude et simplicité ?

Il se rend dans les coins et recoins du pays parmi les gens de toute condition qui l’entourent chaleureusement qui l’embrassent et l’applaudissent. Un stade de football de près de 60.000 spectateurs qui l’ovationne debout pendant de longues minutes.

Toutes ces scènes, toutes ces images sont transmises par les télévisions tunisiennes et étrangères dont certaines filmées au cours de visites à l’étranger. Cela Florence n’a pas dû le voir.

La centrale syndicale, toutes les organisations professionnelles, les milliers d’associations et d’organismes de tous bords de toutes tendances, les partis politiques, les représentant de catégories socio-professionnelles, les associations sportives, tous appellent à voter pour le Président Ben Ali. Tous apprécient ce qu’il a réalisé pour son pays, tous sont reconnaissants et impressionnés par les succès dans tous les domaines. (La Presse)

Et puis la majorité a toujours raison, fût-elle composée de touristes étrangers:

A l’évidence, les 7 millions de touristes qui visitent la Tunisie chaque année ne seront pas d’accord avec B.B., puisque ces mêmes touristes reviennent les années suivantes. (La Presse)

Mais paraît-il qu’il y aurait des néocolonialistes opportunistes et haineux infiltrés parmi ces sept millions:

Ma curiosité interpelle mes interlocuteurs, qui craignent d’être écoutés, épiés par un indic’ et se méfient de moi : « vous êtes journaliste ? ». Un touriste ordinaire ne pourrait donc pas s’intéresser à la politique du pays qu’il visite ? Il y a des airs de monarchie chérifienne dans cette Tunisie, où l’on peut parler de tout, sauf du roi. Pardon, du Président. (« Tu t’es vu en Tunisie, all inclusive ?« , Bakchich Info, 7 novembre 2009)

Encore une néo-colonialiste à traîner devant la Cour pénale internationale…

Lecture complémentaire sur Le Monde au Maroc: « Le Monde traqué« , Le Journal (31 octobre 2009).

A lire, sur la Tunisie:
– « Tunisia: Military Courts that Sentenced Islamist Leaders Violated Basic Fair-Trial Norms« , Human Rights Watch (1992);
– « Tunisie: Le cercle de la repression s’élargit« , rapport d’Amnesty International (1997);
– « Tunisie : “des violations caractérisées, graves et systématiques”« , rapport de la FIDH (1998);
– « Tunisie: Les défenseurs des droits humains pris pour cible« , rapport d’Amnesty International (1998);
– « Silence, on réprime« , rapport de Reporters sans Frontières (RSF) (1999);
– « Tunisia: Attacks of the Press 1992-1999« , rapport du Committee to Protect Journalists (1999);
– « The Administration of Justice in Tunisia: Torture, Trumped-up Charges and a Tainted Trial« , HRW (2000);
– « Tunisia: a Lawsuit Against the Human Rights League, an Assault on All Rights Activists« , HRW (2001);
– « Joint report on the continuing deterioration of the human rights situation in Tunisia« , Amnesty International et al. (2001);
– « Violence against women in Tunisia 2002« , rapport de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT) (2002);
– « Childrens’ rights in Tunisia 2002« , rapport de l’OMCT (2002);
– « Tunisie : Procès contre l’ordre des avocats« , rapport de la FIDH (2003);
– « TUNISIE. Le cycle de l’injustice« , rapport d’Amnesty International (2003);
– « Tunisie : La situation des droits de l’Homme en Tunisie – Note 2003« , rapport de la FIDH (2003);
– « Human Rights Watch Alert: Human Rights Lawyers and Associations under Siege in Tunisia« , HRW (2003);
– « Tunisie : Procès de MM. JALEL et Néjib ZOGHLAMI / BEN BRIK« , rapport de la FIDH (2004);
– « Tunisia: Repression and Harassment of Human Rights Defenders and Organizations« , HRW (2004);
– « Long-Term Solitary Confinement of Political Prisoners« , HRW (2004);
– « Tunisia: Freedom of Expression under Siege« , International Freedom of Expression Exchange (IFEX) (2005);
– « Tunisia: Crushing the Person, Crushing a Movement« , HRW (2005);
– « « Vous n’avez aucun droit ici, mais vous êtes les bienvenus en Tunisie »« , rapport de RSF (2005);
– « Libraries and Censorship in Tunisia« , rapport sur la censure dans les bibliothèques tunisiennes de l’International Federation of Library Associations and Institutions (2005);
– « Freedom of Expression in Tunisia: The Siege Intensifies« , rapport d’IFEX (2005);
– « False Freedom: Online Censorship in Tunisia« , rapport de HRW (2005);
– « Tunisia: Human rights abuses in the run up to the World Summit on Information Society« , Amnesty International (2005);
– « Tunisie : La Tunisie et le Sommet mondial de la société d’information – Chronologie d’événements : avril – novembre 2005« , rapport de la FIDH (2005);
– « TUNISIE. Atteintes aux droits humains à la veille du Sommet mondial sur la société de l’information« , rapport d’Amnesty International (2005);
– « Night in Tunisia« , rapport du Committee to Protect Journalists (CPJ) (2005);
– « La Tunisie et le sommet mondial de la société de l’information« , rapport de l’OMCT et de la FIDH (2005);
– « Deception and Lies: Freedom of Expression Still Under Siege 6 Months After WSIS« , rapport d’IFEX (2006);
– « Freedom of Expression in Tunisia: The Siege Holds« , rapport d’IFEX (2007);
– « Note sur l’état des libertés en Tunisie 2007« , rapport de la FIDH (2007);
– « Ill-Fated Homecomings: A Tunisian Case Study of Guantanamo Repatriations« , HRW (2007)
– « Le CPJ conclut une mission d’enquête en Tunisie en appellant à la libération du journaliste Slim Boukhdhir« , rapport du CPJ (2008);
– « Mise en œuvre du Pacte relatif aux droits civils et politiques – mars 2008 – LA SITUATION DES DROITS DE L’HOMME EN TUNISIE« , rapport de l’OMCT (2008);
– « La Tunisie: l’oppresseur souriant« , rapport du CPJ (2008);
– « Tunisie. Au nom de la sécurité. Atteintes aux droits humains en Tunisie« , rapport d’Amnesty International (2008);
– « Tunisie : Rapport du CRLDHT et de l’ALTT: La torture en Tunisie et la loi anti-terroriste du 10 décembre 2003. Faits et témoignages pour que cesse l’impunité« , rapport de l’Association de lutte contre la torture en Tunisie (ALTT) et du Comité pour le respect des libertés et des droits de l’homme en Tunisie (CRLDHT) (2008);
– « « Tunisie, le courage d’informer »: Reporters sans frontières à la rencontre de journalistes sous haute surveillance« , rapport de RSF (2009);
– « Tunisie. Les violations des droits humains se poursuivent au nom de la sécurité« , rapport d’Amnesty International (2009);
– « Tunisie. Derrière le « miracle économique » tunisien : les inégalités et la criminalisation de l’opposition. Le droit de ne pas subir de discrimination est un droit fondamental« , rapport d’Amnesty International (2009);
– « Une campagne impossible pour les médias d’opposition« , rapport de RSF (2009);
– « Tunisie : Les élections présidentielles et législatives, l’environnement de la campagne électorale« , rapport de la FIDH (2009)

(1) Note d’Ibn Kafka: je n’en ai retrouvé aucune trace sur Internet, mais simplement d’un compte-rendu par Reuters du communiqué de presse de SIGER.

Création d’un collectif marocain contre la torture

Plusieurs ONG marocaines se sont liguées pour former un collectif national contre la torture au Maroc:

Maroc:un « Comité contre la torture » créé
AFP 26/06/2009 | Mise à jour : 17:45
Onze ONG de défense des droits de l’Homme au Maroc ont annoncé hier la création d’un Comité marocain contre la torture à l’occasion de la Journée internationale de soutien aux victimes de la torture.Les onze organisations ont, au cours d’une conférence de presse, également lancé un appel au roi du Maroc Mohammed VI pour que soit fermé le centre de détention de Témara, à une vingtaine de km au sud de Rabat, soupçonné d’être un lieu de torture et d’exactions.

Les ONG ont aussi demandé à l’Etat marocain de bannir l’enlèvement et séquestration de personnes.Elles ont en outre demandé au gouvernement marocain de ratifier le protocole facultatif annexe à la convention de lutte contre la torture et le statut de la Cour pénale internationale (CPI).

L’AMDH (Association marocaine des droits de l’Homme), le FMVJ (Forum marocain Vérité et Justice), l’Association justice, le CMDH (Centre marocain des droits de l’Homme), Amnesty Maroc, l’Association de réhabilitation des victimes de la torture figurent parmi les ONG signataires de cette charte. Dans son rapport pour l’année 2008, l’AMDH a signalé de nombreux cas de torture et de pratiques humiliantes à l’encontre des prisonniers au Maroc.

On compte également l’Observatoire marocain des prisons, l’Association Adala (Justice), l’Ordre des avocats du Maroc et la Ligue marocaine de défense des droits de l’homme (somnolente et d’obédience istiqlalienne) parmi les fondateurs de ce comité.

Al Bayane précise que ce Comité marocain contre la torture préparera un plan d’action national de lutte contre ce phénomène que le Maroc connaît trop bien.

Tel Quel interviewe Mohammed Sebbar, avocat et président du Forum Vérité et Justice et un des fondateurs du Comité, qui précise que le Comité accompagnera les victimes sur le plan judiciaire (bravo!) et publiera un rapport annuel sur la torture au Maroc:

Mohamed Sebbar. “La torture, encore”
Tel Quel n°380, 6 juillet 2009
A l’occasion de la Journée internationale de soutien aux victimes de la torture, le 25 juin, onze ONG ont annoncé la création d’un Comité marocain contre la torture. Explications de Mohamed Sebbar, président du Forum vérité et justice (FVJ).

Le FVJ fait partie des ONG de droits de l’homme à l’origine de la création du Comité marocain contre la torture. De quoi s’agit-il au juste ?
C’est une entité qui coordonnera l’action de différentes associations (Amnesty Maroc, AMDH, Adala, CMDH, etc.). Car, aujourd’hui, aucune association ne planche spécifiquement sur la question de la torture. A cet effet, un Observatoire de la torture au Maroc devrait voir le jour au mois de décembre 2009.

A quoi servira cet observatoire ?
Il devra produire des rapports annuels sur la torture au Maroc, parce qu’aujourd’hui il est difficile de déterminer l’ampleur du phénomène. L’Observatoire devra aussi accompagner les victimes sur le volet psychologique et juridique.

Quel bilan faites-vous des 10 ans de règne de Mohammed VI au niveau des droits de l’homme ?
Le Maroc de Mohammed VI fait parfois un pas en avant, souvent deux pas en arrière. Moralité, il y a quelques avancées, c’est indéniable, mais pas véritablement de rupture. Dans l’appel que nous avons lancé au roi, nous réclamons aussi que la lumière soit faite sur les exactions du passé. Aujourd’hui, il existe une loi censée punir les tortionnaires, mais pour l’instant, le texte n’est pas appliqué. Il est temps que cela change.
Propos recueillis par Youssef Ziraoui

Fait surprenant: l’OMDH n’est pas donnée comme faisant partie de ce collectif – mais ce serait, selon Al Bayane, dans l’attente d’une décision en ce sens de son conseil national. J’espère que c’est simplement une question de forme, car je ne peux imaginer que quiconque puisse avoir des réticences à éradiquer la torture…

A lire:
– « Le retour de la torture« , Le Journal hebdomadaire (2009)
– un mémorandum de The Association for the Prevention of Torture, « La criminalisation de la torture au Maroc: Commentaires et recommandations » (2008)
– « Torture. A-t-on vraiment tourné la page ?« , Tel Quel n° 280 (2007)
– « Torture : «le Maroc a fait des progrès mais…»« , entretien avec Mohamed Sektaoui, SG d’Amnesty International section marocaine (2006)
– « L’impunité au Maroc: entretien avec Fouad Abdelmoumni« , Confluences-Méditerranée (2004);
– « Observations et recommandations relatives au rapport gouvernemental du Maroc en vertu de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants« , rapport conjoint de l’OMDH et de la FIDH présenté devant le Comité contre la torture de l’ONU (2003);
– « LA VIOLENCE ÉTATIQUE AU MAROC: UN RAPPORT ALTERNATIF AU TROISIÈME RAPPORT GOUVERNEMENTAL PRÉSENTÉ AU COMITÉ CONTRE LA TORTURE« , rapport de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), l’Association démocratique des femmes du Maroc (ADFM), l’Observatoire marocain des prisons (OMP) et de l’Association Bayti (2003)

L’AMDH sur Facebook

L’AMDH, après un site web qui ne semble pas être utilisé de manière optimale et quelques tentatives avec des blogs thématiques, comme celui appelant à la libération (obtenue après un an de mobilisation) des dix prisonniers d’opinion du premier mai 2007, a désormais sa page officielle sur Facebook. Les mises à jour, en français et en arabe, sont fréquentes, et on y trouve notamment les coordonnées des personnes de contact de l’AMDH, ainsi que photos et liens. Et ils ont déjà 975 membres – bravo!

J’espère sincèrement qu’ils poursuivront sur leur lancée. Un blog avec mises à jour fréquentes et des liens, voire un compte Twitter pour des mobilisations rapides seraient également utiles.

Pour être complet, l’OMDH, qui a un site web, ne semble pas officiellement présente sur Facebook – un groupe s’intitulant « reseau jeune omdh », ouvert aux seuls membres de l’organisation de jeunesse de l’OMDH, est présent. Mounir, quelque chose est-il prévu sur ce front?

Quant au Forum Vérité et Justice (FVJ) et au Centre marocain des droits de l’homme (CMDH), ils ne jugent pas une présence sur le web utile à leurs activités, en cet an de grâce deux mil neuf.

Rapport de Human Rights Watch sur le Sahara

C’est ici, ça fait 216 pages (dont 60 d’annexes – et notamment un « jugement » rendu par un « tribunal » du Polisario à Tindouf concernant l’affranchissement d’un esclave, cf. pp. 210-211) et ça couvre tant le Sahara marocain que les camps de Tindouf. Je n’ai lu que le résumé en français pour l’instant: rien de bien révolutionnaire. Des violations des droits de l’homme ont, quelle surprise, lieu au Sahara, le gouvernement marocain avançant pour sa défense qu’il n’y a pas plus de violations des droits de l’homme au Sahara que dans le reste du territoire marocain, un argument – comment dire – assez réaliste, même s’il étonne dans la bouche d’un gouvernement: « vous battez votre femme? » « oh, vous savez, pas beaucoup plus que mes enfants« … HRW n’est pas convaincue par cette explication, mais ne la rejette pas catégoriquement non plus.

Ce qui est étonnant, à moins que cela m’ai échappé, c’est à quel point HRW évoque les violations des droits de l’homme qui ont lieu à Tindouf, en Algérie et sous contrôle du Polisario, etde quelle manière très ferme HRW souligne la responsabilité du gouvernement algérien pour ce qui se passe à Tindouf.

Le conflit du Sahara est un conflit qui ne connaît guère plus, depuis la finalisation du mur, de victoires ou de défaites éclatantes, y compris sur le plan diplomatique. La démission d’un fonctionnaire de l’ONU ou le changement de position du Malawi ou du Burundi font figure de victoires retentissantes. Dans ce contexte, le fait que les violations des droits de l’homme dans les camps du Polisario soient présentés, par une ONG aussi crédible et reconnue que HRW, de manière équivalente à celles qui sont imputées aux autorités marocaines peut être considéré comme une demie-victoire – le gouvernement marocain est un habitué aux chapeaux noirs des méchants des films de western dans les rapports des ONG étrangères, il a désormais le plaisir de porter un chapeau gris, ou plutôt de voir le Polisario chercher en vain son chapeau blanc, envolé dans les dunes de Tindouf.

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