L’interdiction du voile dans les lycées français de l’étranger est sans base légale

Montrons patte blanche: je ne suis pas du tout hostile aux écoles étrangères – j’ai fait ma scolarité dans celles-ci, et mes enfants y font la leur. J’estime qu’elles peuvent être une bonne chose pour un pays, en tant que scolarité d’appoint, mais il est malsain d’en faire la colonne vertébrale de l’enseignement primaire, comme c’est le cas au Maroc. Si problème il y a, dans le cas spécifique des écoles françaises au Maroc, c’est surtout en raison des privilèges indus qui leur sont accordés par les autorités marocaines.

Un exemple récent, révélé par mamfakinch.com: « A cause de leur hijab deux étudiantes marocaines interdites de concours au Lycée Descartes« . Selon ce site d’information qui fait partie du mouvement du 20 février, deux étudiantes voilées, qui voulaient passer un concours d’entrée à HEC (une école de commerce française), se sont vues refuser l’entrée au lycée français Descartes de Rabat pour avoir porté un voile. Le lycée Descartes s’explique:

« Conformément aux lois françaises appliquées dans l’établissement, » nous explique Mme Meryem Kechoun, responsable de l’accueil au Lycée Descarte, »le port du voile islamique est interdit pour les élèves comme pour les enseignants ». »C’est le cas depuis Jules Ferry » poursuit Mme Kechoun qui précise que « il ne s’agit pas là d’un parti pris de la France vis à vis de la religion musulmane. Nous appliquons la même règle dans tous nos établissements a travers le monde. »

On notera que Mme Kechoun est quelque peu fâchée avec l’histoire de sa république, puisque l’interdiction du voile à l’école publique date plus de l’époque de Luc Ferry – dont la signature figure sous la loi d’interdiction du voile de 2004 – que de celle de Jules Ferry (mort en 1893), mais allons au fond des choses.

"Mon choix"

Le statut juridique du Lycée Descartes (cette remarque vaut pour tous les autres lycées français du Maroc que sont le lycée Lyautey de Casablanca, le lycée Régnault de Tanger, le Lycée Paul Valéry de Meknès et le lycée Victor Hugo de Marrakech), est double. Il est tout d’abord un lycée géré directement, en régie directe, par l’Etat français, et donc par l’ambassade de France au Maroc, et plus particulièrement « par le Service de Coopération et d’Action Culturelle (SCAC), chargé de l’Enseignement Français au Maroc« , mais il est également un établissement scolaire sur le sol marocain auquel s’applique la loi marocaine.

Précisons que les établissements scolaires en régie directe sont numériquement majoritaires – 23 sur 38 – parmi les établissements scolaires français au Maroc assurant un enseignement reconnu par le ministère français de l’éducation nationale. Le Code français de l’éducation régit – en droit français – le statut de ces établissements scolaires de l’étranger au titre V, livre IV, IIe partie de la partie législative de ce code ainsi qu’au titre V, livre IV de la partie réglementaire de ce code.

L’article L451-1 dispose ainsi de manière générale:

Des décrets en Conseil d’Etat fixent les conditions dans lesquelles les dispositions du présent code sont appliquées aux établissements scolaires français à l’étranger, compte tenu de leur situation particulière et des accords conclus avec des Etats étrangers.

L’article Article L452-3 régit le cas spécifique d’établissements scolaires en gestion directe tels le lycée Descartes, placés sous la tutelle de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger:

L’agence gère les établissements d’enseignement situés à l’étranger, dépendant du ministère des affaires étrangères ou du ministère de la coopération et placés en gestion directe, pour lesquels elle reçoit des crédits de l’Etat permettant de couvrir les engagements qu’il assume. La liste de ces établissements est établie par arrêté conjoint du ministre chargé des finances, du ministre chargé des affaires étrangères et du ministre chargé de la coopération.

Il faut se reporter à la partie réglementaire de ce code pour avoir plus de précisions sur le statut de ces écoles en régie directe. L’article R-454-1 énumère les dispositions du Code de l’éducation s’appliquant aux établissements scolaires français à l’étranger, mais il ne mentionne pas dans cette énumération le fameux article L-141-5-1 du Code de l’éducation, introduit par la loi n° 2004-228 du 15 mars 2004 encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics:

Dans les écoles, les collèges et les lycées publics, le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit.

Le règlement intérieur rappelle que la mise en oeuvre d’une procédure disciplinaire est précédée d’un dialogue avec l’élève.

Cette loi, adoptée en 2004, contenait une disposition en délimitant le champ d’application:

Article 2
I. – La présente loi est applicable :

1° Dans les îles Wallis et Futuna ;

2° Dans la collectivité départementale de Mayotte ;

3° En Nouvelle-Calédonie, dans les établissements publics d’enseignement du second degré relevant de la compétence de l’Etat en vertu du III de l’article 21 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie.

Il résulte donc de l’effet combiné de l’article R-454-1 du Code de l’éducation et de l’article 2 de la loi n° 2004-228 interdisant le voile dans les établissements scolaires publics que l’interdiction du port du voile dans les établissements scolaires français à l’étranger n’a pas de base législative ou réglementaire. Le statut juridique de la question du port de symboles religieux tels le voile dans ces écoles est régi par les principes généraux du droit français tels que dégagés par la jurisprudence administrative française avant l’interdiction législative de 2004, mais avec cette complication supplémentaire qu’il faut alors tenir compte également – en vertu de la loi française elle-même – du droit étranger, c’est-à-dire celui de l’Etat sur le territoire duquel se trouve ces écoles françaises de l’étranger.

Petite parenthèse: les deux étudiantes voilées en question ne sont pas inscrites au lycée Descartes, mais venaient simplement y passer un concours d’entrée aux classes préparatoires d’économie (prépas HEC) organisé dans l’enceinte du lycée. Il résulte du Code français de l’éducation que la préparation aux écoles (les classes préparatoires aux grandes écoles) est soumise aux dispositions régissant l’enseignement supérieur – cf. l’article L-612-3 alinéa 3:

La préparation aux écoles est assurée dans les classes préparatoires des lycées et dans les établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel, dans des conditions fixées par décret.

Cet article figure dans la troisième partie de la partie législative du Code de l’éducation, relative à l’enseignement supérieur. Il s’ensuit qu’en bonne logique juridique – mais existe-t-elle en pratique lorsqu’il s’agit du port du voile? – l’article L-141-5-1 ne devrait pas trouver à s’y appliquer, puisqu’il vise les « élèves« , terme applicable à l’enseignement primaire et secondaire, alors que le terme équivalent pour l’enseignement secondaire est « étudiant« . Mais le libellé de l’article L-141-5-1 peut porter à confusion, puisqu’il dispose  l’interdiction du voile dans les écoles, les collèges et lycées publics, sans établir de distinction explicite entre les élèves – des écoles, collèges et lycées – et les étudiants de classes préparatoires qui y passent les concours ou y suivent des enseignements. Rappelons cependant que comme montré précédemment, l’interdiction de l’article L-141-5-1 ne trouve pas à s’appliquer aux écoles françaises de l’étranger.

Revenons à la prise en compte du droit étranger, c’est-à-dire du droit du pays sur lequel se trouve établie une école française à l’étranger. Ceci découle du bon sens: la loi française ne saurait, en vertu du principe de l’égale souveraineté des Etats, régir uniquement ce qui se passe sur son territoire – la loi française dispose pour le territoire français, pas pour le territoire marocain. Les établissements scolaires français à l’étranger sont donc, en toute logique juridique, soumis au droit scolaire des Etats sur le territoire desquels ils sont implantés. Le législateur français le reconnaît lui-même de bon coeur, puisque l’article L-451-1 précité énonce que les textes réglementaires régissant ces établissements scolaires doivent tenir compte « de leur situation particulière et des accords conclus avec des Etats étrangers« .

Rappelons que contrairement à une légende tenace, en cours chez les non-juristes et même chez certains juristes qui – eux- sont inexcusables sur ce point, les locaux d’une ambassade ou mission diplomatique, y compris ceux d’un service géré directement par une ambassade comme le sont les écoles françaises de l’étranger, ne bénéficient d’aucune sorte d’extraterritorialité. En vertu de cette idée fausse, les locaux de missions diplomatiques feraient partie du territoire de l’Etat accréditaire – dans le cas du lycée Descartes, de la France – et non de celui de l’Etat hôte – en l’occurence, le Maroc. Cette théorie, principalement formulée dans la doctrine du droit international public, n’a plus cours depuis au moins le XIXe siècle. Par contre, ces locaux relevant d’une mission diplomatique bénéficient des privilèges et immunités reconnus par la coutume internationale et codifiés dans la Convention de Vienne de 1961 sur les relations diplomatiques.

Les missions diplomatiques à l’étranger, et ceux qui en dépendent, se doivent donc de respecter le droit du pays hôte, comme le confirme la Convention de Vienne:

Article 41
1. Sans préjudice de leurs privilèges et immunités, toutes les personnes qui bénéficient de ces privilèges et
immunités ont le devoir de respecter les lois et règlements de l’État accréditaire. Elles ont également le devoir de ne pas s’immiscer dans les affaires intérieures de cet État.
2. Toutes les affaires officielles traitées avec l’État accréditaire, confiées à la mission par l’État accréditant,
doivent être traitées avec le Ministère des affaires étrangères de l’État accréditaire ou par son intermédiaire, ou avec tel autre ministère dont il aura été convenu.
3. Les locaux de la mission ne seront pas utilisés d’une manière incompatible avec les fonctions de la
mission telles qu’elles sont énoncées dans la présente Convention, ou dans d’autres règles du droit international
général, ou dans les accords particuliers en vigueur entre l’État accréditant et l’État accréditaire.

Si le respect du droit du pays hôte est affirmé, les privilèges et immunités y posent certaines limites. Les immunités sont des immunités de juridiction mais principalement d’exécution: l’immunité d’exécution signifie principalement que les agents diplomatiques sont inviolables et ne peuvent faire l’objet d’aucune mesure de privation de liberté – ceci vaut en matière pénale (l’arrestation ou la détention), mais aussi en matière civile – l’exécution forcée n’est pas possible contre les biens ou la demeure d’un diplomate.

Article 29
La personne de l’agent diplomatique est inviolable. Il ne peut être soumis à aucune forme d’arrestation ou
de détention. L’État accréditaire le traite avec le respect qui lui est dû, et prend toutes mesures appropriées pour
empêcher toute atteinte à sa personne, sa liberté et sa dignité.

Article 30
1. La demeure privée de l’agent diplomatique jouit de la même inviolabilité et de la même protection que les
locaux de la mission.
2. Ses documents, sa correspondance et, sous réserve du paragraphe 3 de l’article 31, ses biens jouissent
également de l’inviolabilité.

La même immunité d’exécution vaut pour les locaux de la mission diplomatique:

Article 22
1. Les locaux de la mission sont inviolables. Il n’est pas permis aux agents de l’État accréditaire d’y pénétrer,
sauf avec le consentement du chef de la mission.
2. L’État accréditaire a l’obligation spéciale de prendre toutes mesures appropriées afin d’empêcher que les
locaux de la mission ne soient envahis ou endommagés, la paix de la mission troublée ou sa dignité amoindrie.
3. Les locaux de la mission, leur ameublement et les autres objets qui s’y trouvent, ainsi que les moyens de
transport de la mission, ne peuvent faire l’objet d’aucune perquisition, réquisition, saisie ou mesure d’exécution.

Avec ou sans voile, la cité est à tous!

L’immunité de juridiction implique qu’un agent diplomatique ne puisse faire l’objet d’un procès pénal et, dans certaines conditions, d’un procès civil:

Article 31
1. L’agent diplomatique jouit de l’immunité de la juridiction pénale de l’État accréditaire. Il jouit également de l’immunité de sa juridiction civile et administrative, sauf s’il s’agit:
a) D’une action réelle concernant un immeuble privé situé sur le territoire de l’État accréditaire, à moins que l’agent diplomatique ne le possède pour le compte de l’État accréditant aux fins de la mission;
b) D’une action concernant une succession, dans laquelle l’agent diplomatique figure comme exécuteur testamentaire, administrateur, héritier ou légataire, à titre privé et non pas au nom de l’État accréditant;
c) D’une action concernant une activité professionnelle ou commerciale, quelle qu’elle soit, exercée par l’agent diplomatique dans l’État accréditaire en dehors de ses fonctions officielles.
2. L’agent diplomatique n’est pas obligé de donner son témoignage.
3. Aucune mesure d’exécution ne peut être prise à l’égard de l’agent diplomatique, sauf dans les cas prévus aux alinéas a), b) et c) du paragraphe 1 du présent article, et pourvu que l’exécution puisse se faire sans qu’il soit porté atteinte à l’inviolabilité de sa personne ou de sa demeure.
4. L’immunité de juridiction d’un agent diplomatique dans l’État accréditaire ne saurait exempter cet agent de la juridiction de l’État accréditant.

Article 32
1. L’État accréditant peut renoncer à l’immunité de juridiction des agents diplomatiques et des personnes qui bénéficient de l’immunité en vertu de l’article 37.
2. La renonciation doit toujours être expresse.
3. Si un agent diplomatique ou une personne bénéficiant de l’immunité de juridiction en vertu de l’article 37 engage une procédure, il n’est plus recevable à invoquer l’immunité de juridiction à l’égard de toute demande reconventionnelle directement liée à la demande principale.
4. La renonciation à l’immunité de juridiction pour une action civile ou administrative n’est pas censée impliquer la renonciation à l’immunité quant aux mesures d’exécution du jugement, pour lesquelles une renonciation distincte est nécessaire.

Le lycée Descartes, géré directement par l’ambassade de France au Maroc, pourrait donc raisonnablement être considéré comme un local diplomatique où la force publique ou l’administration marocaine ne saurait pénétrer sans autorisation préalable du chef d’établissement, voire du chef de la mission diplomatique française au Maroc (immunité d’exécution).  La Convention de Vienne ne comporte pas de disposition explicite sur l’immunité de juridiction dont disposent les missions diplomatiques – surtout s’agissant d’établissements scolaires, qui ne font pas partie des missions normales d’une mission diplomatique. D’autre part, la tendance lourde en matière de droit des privilèges et immunités diplomatiques va vers le rétrécissement du domaine où cette immunité trouve à s’appliquer – même au Maroc, où j’ai eu connaissance de jugements judiciaires prononçant la saisie d’avoirs bancaires détenus par des missions diplomatiques dans le cadre de litiges contractuels. Aucune raison relative au respect de la souveraineté d’un Etat étranger ne s’impose au cas d’un établissement scolaire géré par cette mission en territoire étranger – gérer une école est une activité administrative ordinaire qui ne relève en rien des actes dits de gouvernement auxquels l’immunité de juridiction devrait s’appliquer avec rigueur. Rien n’empêcherait donc en droit de faire jouer le droit marocain à l’encontre du lycée Descartes.

Mais quel droit marocain? L’enseignement scolaire au Maroc est régi par un texte de base, le dahir n° 1-63-071 du 25 joumada II 1383 (13 novembre 1963) relatif à l’obligation de l’enseignement, mais il ne contient guère de précisions nous concernant. Il faut se reporter à la loi n° 06-00 formant statut de l’enseignement scolaire privé, dont l’article 31 prévoit qu’elle ne s’applique pas aux « établissements d’enseignement exerçant leur activité dans le cadre d’accords conclus entre le gouvernement du Royaume du Maroc et des gouvernements étrangers ou des organismes internationaux » – bref, la loi marocaine sur l’enseignement privé ne s’applique pas aux lycées français du Maroc, sauf que l’académie régionale, chargée du contrôle de l’enseignement public dans son ressort territorial, est également en charge de l’inspection du respect des clauses de ces accords internationaux (alinéa 2 de cet article 31).

Parenthèse: à titre de comparaison, le Code français de l’éducation contient plusieurs séries de dispositions relatives d’une part aux écoles publiques ou privées sous contrat avec l’éducation nationale (les sections internationales ou binationales de ces écoles) et d’autre part aux écoles privées hors contrat – c’est-à-dire sans financement public – lesquelles sont « entièrement libres dans le choix des méthodes, des programmes et des livres, sous réserve de respecter l’objet de l’instruction obligatoire tel que celui-ci est défini par les articles L. 131-1-1 et L. 131-10 » (article L-442-3). Ces écoles sont néanmoins soumises au régime de l’autorisation préalable (voir le livre IV, titre IV de la partie législative du Code de l’éducation). Les dispositions de la loi marocaine sont donc particulièrement légères et favorables aux établissements étrangers tel le lycée Descartes.

Revenons-en au droit marocain – qui ne contient de toute façon aucune disposition sur le port du voile dans les établissements scolaires au Maroc. On a donc vu qu’il renvoie aux accords internationaux s’agissant des établissements du type des lycées français. Pour les lycées français au Maroc, c’est la Convention de partenariat pour la coopération culturelle et le développement entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc de 2005. Le titre V de cette convention régit les établissements scolaires:

TITRE V: ÉTABLISSEMENTS D’ENSEIGNEMENT, DE FORMATION, INSTITUTIONS CULTURELLES ET CENTRES DE RECHERCHE

Article 23

Chacune des Parties favorisera sur son territoire, et sous réserve d’une autorisation préalable délivrée par le ministère de tutelle, l’établissement d’institutions culturelles, de centres de recherche et d’établissements scolaires de l’autre Partie, en renforçant le développement de la collaboration déjà existante en la matière.

Article 24

La présente Convention s’applique exclusivement aux établissements et institutions définis en annexes A et B faisant partie intégrante de la Convention.
Toute création ultérieure d’un établissement similaire ou ouverture d’annexes d’établissements existants fera l’objet d’un accord préalable sous forme d’échange de lettres entre les Parties, par voie diplomatique.

Article 25

La suppression d’un de ces établissements doit faire l’objet d’une déclaration préalable permettant au Gouvernement de l’Etat de résidence de formuler ses observations et ses suggestions afin de parvenir, dans toute la mesure du possible, à un accord sur les modalités de cette suppression.

Article 26

Les dispositions particulières relatives aux établissements d’enseignement, institutions culturelles et centres de recherche sont définies dans le premier et le second protocoles administratifs et financiers annexés à la présente Convention.

Le second protocole administratif et financier de cette convention contient également des dispositions pertinentes:

Chapitre 1er: Les établissements et institutions relevant du droit français
Article 7

Les établissements relevant du droit français sont placés sous l’autorité de l’Ambassade de France au Maroc.
Ces établissements disposent de la capacité à passer, sur le territoire du Royaume du Maroc, les actes juridiques nécessaires à leur fonctionnement dans le respect des lois et règlements en vigueur.

Article 8

L’activité de ces établissements peut se dérouler dans le cadre d’une coopération décentralisée au Maroc. A cette fin, ils peuvent établir des relations avec les départements ministériels et autres organismes publics, collectivités locales, sociétés, associations et personnes privées.

Article 9

L’activité de ces établissements comprend :
― L’enseignement tel que défini au chapitre 3 du présent Protocole ;
― L’organisation de conférences, colloques et autres rencontres, spectacles, concerts et expositions ;
― La participation à des manifestations culturelles et scientifiques ;
― La publication et la diffusion de programmes d’information, de catalogues et d’autres documents de caractère culturel, didactique, scientifique, quel qu’en soit le support matériel ;
― L’entretien d’une bibliothèque, d’une salle de lecture et d’une médiathèque permettant la consultation et le prêt de livres, journaux, revues, disques, cassettes, diapositives et autres documents de caractère culturel, didactique, scientifique et technique, quel qu’en soit le support matériel ;
― L’invitation et l’accueil de chercheurs, conférenciers et artistes ;
― L’information sur les questions culturelles, scientifiques et techniques françaises ;
― L’organisation de cours et d’ateliers pour l’étude de la langue française et de programmes de formation continue en matière linguistique, scientifique et artistique ;
― La conduite de programmes et d’actions de recherche,
et toute activité permettant au public marocain de mieux connaître la France et de développer une coopération entre les deux pays.

Article 10

Ces établissements peuvent organiser leurs activités à l’extérieur de leurs bâtiments et utiliser d’autres locaux pour mener des activités visées plus haut dans le texte.
L’Etat marocain permet l’accès sans entrave du public aux activités de ces établissements, qu’elles aient lieu dans leurs bâtiments ou dans d’autres locaux, et veille à ce que ces établissements puissent faire usage de tous les moyens disponibles pour informer le public de leurs activités.

Article 11

Ces établissements n’ont pas de but lucratif, ils ne peuvent conduire d’activités commerciales. Ne sont pas considérées comme telles, notamment :
― La perception de droits de scolarité et d’écolage ;
― La perception de droits d’entrée pour les manifestations qu’ils organisent et de droits d’inscription à des cours et à d’autres activités ;
― La vente de catalogues, affiches, programmes, livres, documents audiovisuels et matériel pédagogique, quel qu’en soit le support, et autres objets en relation directe avec les manifestations qu’ils organisent ;
― L’entretien d’une cafétéria pour leur public.

Article 12

Les études et travaux de construction ou de déménagement exécutés pour ces établissements sont dirigés, après délivrance du permis de construire et conformément aux règles d’urbanisme de l’Etat marocain, par l’Etat français qui fait appel aux entreprises de son choix.

Article 13

Le personnel de ces établissements peut être composé :
― D’agents publics français relevant du droit français. Ces agents sont soumis au régime français de sécurité sociale ;
― D’agents recrutés localement selon les dispositions du droit marocain.

On notera qu’aucune de ces dispositions conventionnelles n’interdit le port de symboles religieux par les élèves ou étudiants fréquentant ces établissements scolaires. Aucune disposition des textes marocains précités ne contient de telle disposition. Aucune disposition de la convention écarte la compétence des tribunaux marocains pour tout recours contre une décision de refus d’accès à un de ces établissements scolaires pour motif de port du hijab. Un tel recours devant le tribunal administratif de Rabat pourrait se fonder sur la Constitution de 2011, dont l’article 3 dispose que « l‘Islam est la religion de l’Etat, qui garantit à tous le libre exercice des cultes« . Citons également l’article 19:

L’homme et la femme jouissent, à égalité, des droits et libertés à caractère civil, politique, économique, social, culturel et environnemental, énoncés dans le présent titre et dans les autres dispositions de la Constitution, ainsi que dans les conventions et pactes internationaux dûment ratifiés par le Royaume et ce, dans le respect des dispositions de la Constitution, des constantes et des lois du Royaume.

Par ce biais, les traités internationaux ratifiés par le Maroc ont valeur constitutionnelle dans la mesure où ils accordent des « droits et libertés à caractère civil, politique, économique, social, culturel et environnemental » aux individus. C’est le cas du Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966, ratifié par le Maroc, dont l’article 18 s’applique au cas d’espèce:

Article 18

1. Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion; ce droit implique la liberté d’avoir ou d’adopter une religion ou une conviction de son choix, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction, individuellement ou en commun, tant en public qu’en privé, par le culte et l’accomplissement des rites, les pratiques et l’enseignement.

2. Nul ne subira de contrainte pouvant porter atteinte à sa liberté d’avoir ou d’adopter une religion ou une conviction de son choix.

3. La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l’objet que des seules restrictions prévues par la loi et qui sont nécessaires à la protection de la sécurité, de l’ordre et de la santé publique, ou de la morale ou des libertés et droits fondamentaux d’autrui.

4. Les Etats parties au présent Pacte s’engagent à respecter la liberté des parents et, le cas échéant, des tuteurs légaux de faire assurer l’éducation religieuse et morale de leurs enfants conformément à leurs propres convictions.

J’encourage vivement les organisations marocaines de défense des droits de l’homme d’aider les deux étudiantes voilées à porter leur affaire devant la justice marocaine. Si jamais celle-ci devait s’estimer incompétente, j’invite les parlementaires et le gouvernement à modifier la loi pour rétablir la souveraineté marocaine et faire respecter les libertés individuelles par les établissements scolaires étrangers au Maroc (et non, je n’oublie pas qu’il y a bien d’autres domaines dans lesquels ces libertés individuelles devraient être affermies au Maroc, y compris dans le domaine de la liberté religieuse dont il s’agit ici – notamment le droit des musulmans à renier leur foi ou celui des Marocaines musulmanes à épouser des non-Musulmans).

21 Réponses

  1. « et non, je n’oublie pas qu’il y a bien d’autres domaines dans lesquels ces libertés individuelles devraient être affermies au Maroc »

    On consolide ce qui existe. La liberte de conscience n’existe pas au Maroc.

  2. Comme tout le monde le sait, le Maroc permet aux chretiens de porter des croix dans les enceintes scolaires. Et meme les egoutoirs pour les pastafariens.

  3. J’avoue ne pas avoir lu tout l’article, mais merci d’avoir pris le temps de tout écrire 🙂 J’ai lu la partie où tu parlais de l’organisme gérant les missions Françaises et les rappels juridiques sur les droits individuels qui montre que la loi Française sur le voile est illégale à bien des égards.

    En espérant que Descartes changerons bientôt cette « politique » fantaisiste qu’ils croient pouvoir exécuter au Maroc.

  4. Je vois surtout que nous avons affaire à des « amateurs » juristes qui pour des considérations de politiques intérieures ne sont pas allés jusqu’au bout du problème. De nombreux domaines juridiques sont touchés par cet amateurisme.
    Par contre, si les candidates voilées (peu ou prou) partent en France faire leur HEC, seront-elles disposées à retirer leur voile par ordre de la loi ? A moins qu’il y ait une telle école au Maroc ?

  5. Salam alaykoum,
    Ne penses-tu pas que la clientèle de ce genre d’école, musulmane ou non, ne risquera pas d’assimiler l’accès aux voilées comme synonyme de dégradation qualitative de ces établissements ?
    N’habitant pas le Maroc, je ne connais pas le rapport avec le laicisme en générant dans l’enseignement mais il me semble qu’il ressemble plutôt à celui en vigueur en France.

    ps : il existe réellement un lycée Lyautey, c’e n’était pas une blague …

  6. Bravo aux deux commentateurs précédents, qui justifient une injustice par le fait que d’autres injustices existent !

    Vous êtes donc du type à dire: « Pas de mosquées en France tant qu’il n y a pas d’églises en Arabie Saoudite ! » 😀 ?
    (Sans rentrer dans les détails, on ne peut pas comparer voile et croix. La croix n’est pas considérée comme une obligation religieuse, le voile si.)

    Ne compliquez pas les choses 🙂 ces filles subissent déjà assez de discriminations comme ça, un lycée ne peut pas les écarter uniquement à partir de ce qu’ils portent.

  7. Bonjour,

    L’article de « mamfakinch » sur lequel vous vous basez n’est que pur mensonge ! Je l’ai déjà affirmé fermement sur ce site et attend de voir quelle réponse il me donnerons.
    En effet, j’ai personnellement passé mes concours en 2011 au Lycée Descartes donc nécessairement au même moment que les filles présentées dans cet article. A mes côtés, de NOMBREUSES FILLES VOILEES PASSAIENT LEUR CONCOURS également sans être inquiétées le moins du monde.

    Le port du voile est interdit pour les étudiants régulièrement inscrits dans un établissement de l’AEFE. Cela n’est en aucun cas interdit à quiconque voulant pénétrer dans l’établissement à un autre titre (visite, concours, examen, conférence…), j’en suis témoin et l’ai vu de mes propres yeux !

    Il faut faire votre travail journalistique de façon plus minutieuse est approfondie car il ne fait aucun doute que le voile n’est pas la raison pour laquelle ces filles n’ont pas été autorisées à accéder au Lycée Descartes. J’en veux pour preuve qu’une AMIE VOILEE à moi a passé ses concours en France normalement sans avoir à retirer son voile. Pourquoi est ce que cela aurait été différent ailleurs, a fortiori au MAROC, pays musulman ?!

    Cordialement.

  8. Analyse percutante et rigoureuse, comme d’habitude.

  9. @Othmane M. : Le proviseur du Lycée Descartes m’a lui même confirmé que le voile est interdit dans le lycée.

    Pas au concours, mais au lycée, si. Paradoxale ? Non. C’est peut être le moyen d’éliminer les voilées sans leur dire que c’est à cause de leur voile.

    Comme vous l’avez dit, les concours pour les grandes écoles (et l’enseignement général en lui même) ne pratiquent pas de discriminations de ce type, mais les classes prépas d’écoles publiques EN FRANCE elles interdisent le voile. Par contre comme l’a montré noter ami Ibn Kafka, ces restrictions discriminatoires ne s’appliquent pas aux missions Françaises à l’étranger.

    Quelqu’un m’a confirmé les informations relayées sur Mamfakinch 🙂 Merci de t

  10. Tout ça est bien beau et joliment défendu, mais au delà du principe du droit et des libertés individuelles dont celle là (port du hijab), et au delà des questions de souveraineté nationale.., la question que tout le monde devrait se poser est comment se fait-il que dans un pays indépendant depuis maintenant plus de 60 ans, des écoles étrangères qui se comptent sur le bout des doigts continuent de constituer l’unique gage d’un enseignement de qualité et d’un avenir assuré pour ceux et celles qui les fréquentent ?!!! en terme de pourcentage, ces écoles doivent à peine constituer 1% sinon moins sur l’ensemble des établissements d’enseignement publics et privés au Maroc !

    d’un côté, je trouve qu’il soit normal que les administrateurs de ces écoles  »d’élite » innondés de candidatures et de demandes de parents pour y inscrire leurs enfants (souvent avec le recours à de gros pistons ou notables locaux) puissent user de tous les moyens et recours qui leur sont accessibles afin de sélectionner et restreindre l’accès à leur écoles, l’interdiction du port du hijab n’étant à mon avis qu’un moyen parmis tant d’autres qu’ils peuvent invoquer ou utiliser pour défendre leurx choix !

    d’un autre côté, en tant que marocain Lambda cette réalité qui résume l’étendue de l’échec de mon pays à se réformer me donne plus envie de poursuivre le gouvernement, les administrateurs et autres escrocs associés à la faillite de l’enseignement plutôt que de poursuivre des intervenants étrangers qui sont de loin plus intègres et plus aptes à s’acquitter de leur mission d’enseignement…la preuve est qu’ils continuent de rendre service à ce pays plus qu’ils ne nuisent à qui que ce soit !

    quant au port du hijab en règle générale, je dois avouer que je commence très sérieusement à me questionner sur la légitimité de ce fléau que ce soit du point de vue purement religieux ou autre, vu le très mauvais usage qui en est fait et l’instrumentalisation de cette question par de pseudo musulmans dépassant aujourd’hui tout entendement ! et je ne parle même pas de ces porteuses de hijab dont le jeans hyper sérré et autres accoutrements vulgaires n’ont rien à envier aux danseuses du ventre et autres streapteaseuses qui à la limite le font pour gagner de l’argent tout en préservant leurs vie privées !

    d’ailleurs beaucoup de nos compatriotes (femmes et hommes) aujourd’hui le savent et l’admettent de plus en plus, le port du hijab chez la femme n’est le gage de plus rien du tout ! il n’est plus le sceau d’une quelconque piété, chasteté ou encore éducation ! et dans un pays comme le Maroc, ce n’est malheureusement plus qu’une récupération d’un label culturel et faux semblant religieux pratiquement réinventé à des fins idéologiques et politiques, et déstiné entre autre à passer sous silence l’échec de la société dite musulmane et maghrébine en particulier à se relever et se hisser au rang des sociétés démocratiques !

    en m’excusant auprès du peu de femmes qui le portent par conviction et dignement !

  11. corriger s’il vous plait : Stripteaseuses et non streapteaseuses 🙂

  12. C’est quand meme beaucoup de boucan pour un cas qui ne
    concerne que deux personnes. Alors que des millions de marocains et de marocaines sont discrimines au quotidien et de maniere autrement plus brutale.

  13. @HassanM: Quel est le pourcentage de filles voilées au Maroc? Très très très haut (même dans les classes moyennes-supérieures). Maintenant, prenez le nombre d’étudiantes ayant postulé pour Descartes (et peut être même aussi pour les autres missions, si elles appliquent ce règlement illégal et stupide).

    Rien que pour ce concours là, il y aurait au moins 5 filles concernées. Au moins ! (Les 2 filles dont il est question dans l’article ont été interviewées par Mamfakinch, mais le nombre exact est beaucoup plus important).

    Signe du destin, la loi interdisant le voile dans les écoles publiques en France a été votée suite à l’exclusion de deux filles voilées (illégalement), exclusion qui a malgré tout été tolérée par la justice, et s’en est suivi le processus qu’on connait jusqu’à l’aboutissement de cette loi liberticide.

    S’ils veulent créer des Ghettos pour voilées en France en interdisant leurs écoles à celles ci, et bien on en veux pas au Maroc 🙂 (et l’article d’Ibn Kafka montre que la loi est de notre côté).

  14. Y a t il un moyen de reagir ?
    Quel type d’action on pourra mener ?
    C’est une sujet qui me tiens a coeur, je suis un MRE qui étais harclé en france comme aujourduits tous les immigrés, et encore plus les pratiquants. et lorsque on rentre au maroc les enfants qui ne peuvent etre scolarisé que dans ce genre d’etablissment (pour une question de langue), subissent les memes abus. alors qu’en france les 4 etablissments musulmanes doivent se plier aux exigences de l’inspection academique au nom du principe de presence sur le sol francais.
    Ces etablissments francais ne doivent pas respecter le droit du pays hote comme le reclame chez eux ?
    Qu’elle administration pourra s’occuper de ce dossier ?
    Merci
    N.B 60% de l’effectif des ecoles francaises au maroc sont marocains

  15. je vais etre hors sujet mais toujours dans le meme debat , je compte aller au Maroc(Mohamedia) d’ici une année , mes filles auront 7 , 10 , 11ans , elles sont francophones et j’arrive pas à resoudre l’équation , ecole , voile , langue…….en effet je veux eviter la mission française sauf si le voile est autorisé , quel ecole privé pourrais accueuillir mes filles qui sont francophone et quelques bases d’arabe ?
    je me suis tourné vers une ecole privé billingue mais mes filles doivent maitriser l’arabe car CM1 , 6em c’est trop tard , donc si vous avez des pistes , des idées…….contacter moi sur mon mail .

    Fi amani Lah
    trading3@wanadoo.fr

    Redouane .

  16. […] ? Et ceci, pas dans un institut français, comme cela avait été le cas au mépris de la loi, au lycée Descartes, mais dans une école marocaine […]

  17. […] ? Et ceci, pas dans un institut français, comme cela avait été le cas au mépris de la loi, au lycée Descartes, mais dans une école marocaine […]

  18. je suis une étudiante a descartes et je pense que cette règle est légale car c est un établissement français et non marocain ou islamique. ci ce sont les règles on ne peut pas les changer meme si pour quelques uns cette loi n a aucun sens

  19. Si tu as lu le post tu auras compris que le droit français n’offre aucune base légale à cette interdiction, à supposer même que le droit français trouve à s’appliquer sur le territoire marocain postérieurement à l’indépendance du Maroc.

  20. Bonjour,
    Quelle tenue est neutre ? Comment peut-on définir la tenue laïque ?
    Ma grand-mère définissait les vêtements traditionnels marocains comme ceux des musulmans –lbass lamsalmin) et les autres dits modernes comme ceux des chrétiens ou les roumains (lbass nsara ou lbass roumi). Donc aucune tenue n’est laïque !

  21. A l’EMI (Ecole Mohammedia des ingénieurs), le voile est interdit. Donc lavant notre sale linge avant de parler des autres

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