“Do you think European countries think that they’re successful in their allocation of funds?”

Que ne faut-il pas dire et faire pour obtenir des financements?

orientalism-versus-occidentalism

S’agissant d’artistes ou d’ONG arabes, entre les revendications ou expressions qu’ils ressentent et celles que leurs financiers potentiels souhaiteraient les voir ressentir, la synthèse est parfois délicate, comme le souligne cet article de Mada Masr sur les travaux de la sociologue allemande Ilka Eickhof, et plus particulièrement une conférence donnée au Caire sous le titre « Hey big Spender: Cultural Politics and Foreign Cultural Institutions in Cairo« . Une artiste égyptienne ne s’intéressant pas à la politique en 2011, voilà une chose que ne concevaient pas les acheteurs potentiels, ou bailleurs de fonds d’expositions dans musées européens ou centres culturels étrangers au Caire – ainsi la street artist égyptienne Aya Tarek:

Let me tell you why. After the revolution – or the ‘Arab Spring’ – I didn’t care about politics, and I still don’t care about politics. I mean this in a direct sense; I have my political opinions, but it doesn’t show vividly in my work. The thing was that a market opened up after the revolution. Everyone was looking at Egypt. If you produced anything about the revolution [or] about politics, it would sell immediately – it would sell rapidly, in a scary way. A lot of artists, writers, journalists, and activists worked with politics and thrived on politics, even if [the works] were really poorly done or … naïve … it didn’t matter. As long as [they were] about a political situation, [they were] good.

This is my problem, generally, particularly with how the ‘West’ looks at us. I think it happened with Beirut after the Civil War, and [the same thing] happened with Iran. All the Iranian [directors] who make movies about oppression, women, and politics – [they] all sell well. I [have an] issue with this, because I want to be critiqued for my work, my artistic value – not the value I gain from being in a political situation or because something happened in my country, or because I’m Middle Eastern or a woman … or – oh God, imagine – a Middle Eastern woman! If I were from the West, then my art would be critiqued [for what it is]. But because I’m Egyptian, I find there is often this undercurrent, like, you are just so brave for making art in spite of all your suffering.

Des ONG de défense des droits de l’homme pourraient sans doute dire la même chose – au Maroc, ils sont sans doute peu à penser que l’abolition de la peine de mort est la priorité numéro 1 du point de vue des violations des droits de l’homme que vivent les Marocains, mais c’est sans doute plus facile à obtenir des financements pour une conférence sur ce thème que pour la défense des syndicalistes ou des salafistes.

Sinon j’ai apprécié ce passage:

However, it is not all bleak, as Eickhof pointed out to a room that was largely full of staff and associates of Western cultural institutions in Cairo.

Et là le bouquiniste déchira le livre en deux

J’étais chez un de mes bouquinistes favoris, bien que je n’aie jamais fait de grandes découvertes chez lui. Ce que j’apprécie chez lui, c’est une boutique grande, spacieuse et avec des livres bien rangés, ce qui est excessivement rare. Une rotation fréquente des titres et un mélange de titres récents et anciens – pas mal d’ouvrages des éditions Jean-Jacques Pauvert notamment – a plus que compensé que je n’y aie jamais trouvé d’objets rares, du genre de ce livre de propagande nazie en allemand destiné au Moyen-Orient et datant de 1943, tel ou tel livre rare sur le Maroc, ou déniché chez un bouquiniste cairote, ou une première édition de « De la démocratie en Amérique » de Tocqueville en suédois acheté pour 5€ chez le célèbre bouquiniste stockholmois Rönnells

Après y avoir passé plus d’une heure j’avais trouvé une demie-douzaine de titres. Déjà, dans le rayon histoire, j’avais découvert des titres en anglais sur l’histoire de la Seconde Guerre mondiale, aux titres intéressants, mais qui en les feuillettant s’étaient avérés êtres des ouvrages révisionnistes, dont certains édités par la célèbre maison d’édition révisionniste étatsunienne Institute for Historical Review. Je les avais reposés sur l’étagère. Arrivant au comptoir, je demandais au propriétaire de me donner un titre sur la Kristallnacht aperçu en vitrine. A peine l’avais-je ouvert que je voyais que le livre était également publié par l’Institute for Historical review.

Le bouquiniste étant occupé à recopier le titre des livres que j’avais pris, je lui remis le livre en disant que je n’étais pas intéressé et qu’il s’agissait d’un livre révisionniste. Il ne réagit que quelques secondes plus tard. « Hein, qu’avez-vous dit?« . « Ce livre est révisionniste, il est publié par une maison d’édition révisionniste« . Ni une, ni deux, le bouquiniste prend le livre, enlève le marque-page où était indiqué le prix et déchire le livre en deux avant de le jeter à la poubelle. Assez surpris, je lui dis qu’il n’était pas comptable de l’orientation politique des titres qu’il vendait. « Oui, ça ne me dérange pas qu’ils publient, mais je n’aime pas trop ça, je suis plutôt de l’autre côté de la barricade« , me répondit-il, en rajoutant: « J’ai eu des Degrelle [ancien leader rexiste belge, fasciste et collaborateur qui se battit sur le front de l’Est sous l’uniforme allemand avant d’échapper malheureusement à la justice belge à la Libération, continuant à vomir sa haine antisémite jusqu’à sa mort dans un exil en Espagne] mais c’étaient des ouvrages d’avant 1945, pas ceux d’après » – il est vrai qu’après 1945, la haine antisémite de Degrelle s’exprima plus violemment, au regard notamment de la réalité du génocide. Et la série des Céline qu’il avait ne contenait il est vrai aucun de ses répugnants pamphlets antisémites – et le mot n’est pas assez fort – crasseux de haine et de bêtise.

« Je suis plutôt de gauche, et j’ai même eu des clients se plaignant de trop voir Bakounine en vitrine« . « Oui, je comprends, et de toute façon qui sait aujourd’hui qui est Bakounine?« . « Mais aujourd’hui les lignes sont floues, et on ne distingue plus la droite de la gauche dans nos pays« . je fus un peu surpris – voire choqué par le principe même de déchirer un livre, quel qu’il fût – le bouquiniste, toujours assisté de sa femme, tous deux âgés de la cinquantaine, me semblant former un couple particulièrement bourgeois, par leur habillement, leur accent et leur conversation, et je ne m’attendais pas à une réaction aussi radicale de sa part. Mais je dois dire que je la trouvais sympathique et vivifiante. Je payais et m’en alla.

J’ai eu d’autres rencontres moins heureuses avec des bouquinistes. Celui – âgé – de Casablanca qui, m’ayant pris pour un Français, me dit, sans doute dans un zèle commercial (ce qui est pire encore qu’une opinion honnêtement exprimée), que « c’était mieux quand vous étiez là« . Nous fûmes tous deux embarassés quand je lui dis mon nom…

J’ai sinon eu une autre réncontre assez troublante avec un bouquiniste remarquablement bien pourvu en titres récents sur la Seconde Guerre mondiale. J’avais demandé s’il avait « Triumph des Willens » de Leni Riefenstahl, ainsi que, ayant aperçu des ouvrages d’Emmanuel Ratier, héritier d’extrême-droite de la tradition conspirationniste de Henry Coston, de son ouvrage sur le Betar, « Les guerriers d’Israël : enquête sur les milices sionistes« . Discutant d’Emmanuel Ratier je me rendis rapidement compte que nos opinions ne s’accordaient pas. Je gardais un profil bas, espérant pouvoir trouver auprès de lui cet ouvrage. Blond, lunettes rondes à monture d’acier, taille moyenne et look BCBG, un vague air de ressemblance avec Himmler, je perçus cependant qu’il avait compris que ses idées n’étaient pas les miennes. Il prit mon nom pour le cas où il trouverait ces deux titres, me proposa vaguement de passer à un autre local qu’il possédait dans le haut de la ville, et j’étais instinctivement persuadé qu’il n’en serait rien, bien que mon nom de famille puisse passer pour non-arabe. Et bien m’en prit puisque je découvris peu après qu’il s’agissait d’Alain Escada, leader de Belgique Chrétienté puis de Civitas, et ancien militant du Front National Belgique – rétrospectivement, il aurait fort bien campé un commerçant paisible en surface et organisateur clandestin de la « Rat Line » pro-nazie dans un film sur le réseau Odessa

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Pour en revenir à notre bouquiniste initial, je me suis demandé s’il aurait réagi de la même façon face à un des trois pamphlets antisémites de Céline. Sans doute pas, ne serait-ce qu’en raison de la valeur marchande de ces pamphlets, qu’on ne trouve guère à moins de 150€ sur le marché de l’occasion. Et pourtant, difficile de faire pire dans la haine et la folie racistes que ces ouvrages. Ayant acheté l’un d’entre eux sur eBay, par curiosité malsaine, j’ai été abasourdi par le concentré de haine raciste et antisémite (on ne dira pas assez que le racisme de Céline ne se cantonnait pas à l’antisémitisme, et que le mélange des genres raciste était fréquent – métèques nègres, orientaux, lévantins et juifs se mélangent allégrément en tant qu’objets de sa haine pathologique, et en contrepoint les « Blancs », la « race européenne » sont posés en victimes). Ce n’est pourtant pas faute d’y avoir été exposé, ayant beaucoup lu sur l’extrême-droite (française ou suédoise), sur la pensée coloniale (ah, les ouvrages ignobles des frères Jean & Jérôme Tharaud!), et ayant fréquenté les forums d’Internet où ce genre de prose se vomit à jets réguliers – mais la force monomaniaque et pathologique de ce qui tient lieu de prose à cette bonne vieille raclure de Céline est proprement insoutenable.

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Le pire, pour un écrivain de son talent et de son envergure, toujours invoqués pour excuser ses idées (le terme est malpropre – parlons plutôt d’opinions ou de haines), c’est que ses pamphlets sont proprement illisibles, même pas sauvés par le style ( les écrivains d’extrême-droite français, qu’il s’agisse de Marcel Aymé, Jacques Chardonne ou « les hussards« , sont souvent appréciés en dépit de leurs idées et en raison de leur style). De tels déchets littéraires peuvent-ils vraiment laisser intacte la réputation célinienne d’un auteur aux idées maudites mais au style salvateur? Pour ma part, c’est l’extraordinaire Victor Serge (ancien de la bande à Bonnot, de la Révolution russe, du Komintern, de la guerre civile espagnole – voir également ici) – ses « Mémoires d’un révolutionnaire » devraient être une lecture obligatoire – qui a le mieux résumé la question:

« Bagatelles pour un massacre reprend les mêmes motifs en près de quatre cents pages insurmontables, où les verbes et les substantifs dérivés du mot cul tiennent une place accablante de monotonie, en y ajoutant une obsession nouvelle, taraudante, hallucinante, abrutissante et par-dessus tout écoeurante: la haine du juif. Au fond l’antienne est vieille, tous ces bobards sont éculés, ces citations outrageusement fausses ont traîné dans des tas d’officines louches et pis que cela, ces renseignements sur la puissance de la juiverie et de la maçonnerie mondiale, sur les milliards versés à Lénine-Trotski en 1917, par la finance juive, pour faire la révolution russe, sur les origines juives de Lénine – etc, etc, toutes ces mornes sornettes, Céline les a ramassées dans les antiques poubelles de l’antisémitisme…

Rien de neuf ni d’original là-dedans, sinon la gageure d’en faire tant et tant de pages décousues, toutes les mêmes, par un procédé si monocorde que le plus sec des gens de plume pourrait fabriquer du Céline, à tant la page, après une heure d’apprentissage. Je mets le lecteur au défi de lire trente pages de ça, ligne à ligne, comme lire se doit un livre digne de ce nom. Et d’arriver jusqu’au bout de cette nuit-là, il ne saurait être question. »

(Victor Serge, tiré de l’article « Pogrome en 400 pages » publié dans « La Wallonie, n° 8-9, 8-9/1/1938, p. 10, reproduit dans « L’extermination des Juifs de Varsovie et autres textes sur l’antisémitisme« , Editions Joseph K, Paris, 2011, pp. 22-23).

Rien à rajouter!

Enfin un regard lucide sur Millenium de Stieg Larsson


J’ai lu comme tout le monde la trilogie Millenium, de l’auteur suédois Stieg Larsson. Contrairement à beaucoup, je n’ai pas été follement subjugué. Si j’ai lu la trilogie en quelques jours, c’est parce que c’est également ce que je fais avec les rares polars que je lis – ils se lisent vite, et je les lis en vacances. Le style n’a rien d’extraordinaire – on est loin de la prose célinienne d’un James Ellroy par exemple, les personnages ne sont guère crédibles (une Lisbeth Salander n’ayant pas fait le lycée, parlant couramment l’anglais, et se sortant d’un trou avec une balle dans la tête pour revenir tuer son père à la hache) et les intrigues contiennent des failles même si elles tiennent la route. Mon verdict donc: de bons romans policiers, sans plus. Rien à voir avec le duo suédois Maj Sjöwall & Per Wahlöo, ou le Suédois Leif G W Persson, ou encore James Ellroy, Ray Chandler, Georges Simenon, Patricia Highsmith, Dashiel Hammett ou mes favoris – Janwillem van de Wetering et Nicolas Freeling. Les livres sont captivants, mais c’est passager, et la platitude relative des personnages et des dialogues est une lacune – John Grisham est bien meilleur à cet égard.

Je préfère le journaliste Stieg Larsson – avant qu’il ne devienne célèbre à titre posthume, j’achetais régulièrement le magazine anti-raciste et anti-fasciste qu’il avait créé, Expo, et ai acheté et lu un de ses ouvrages sur l’extrême-droite suédoise, « Extremhögern » (« L’extrême-droite« ).

D’où ma satisfaction de voir que je ne suis pas le seul à avoir des réserves à l’égard de son style – « Man of Mystery
Why do people love Stieg Larsson’s novels?
« :

However much the book was revised, it should have been revised more. The opening may have been reworked, as Gedin says, but it still features an episode—somebody telling somebody else at length (twelve pages!) about a series of financial crimes peripheral to the main plot—that, by wide consensus, is staggeringly boring. (And, pace Gedin, it is preceded by a substantial description of a flower.) Elsewhere, there are blatant violations of logic and consistency. Loose ends dangle. There are vast dumps of unnecessary detail. When Lisbeth goes to IKEA, we get a list of every single thing she buys. (“Two Karlanda sofas with sand-colored upholstery, five Poäng armchairs, two round side tables of clear-lacquered birch, a Svansbo coffee table, and several Lack occasional tables,” and that’s just for the living room.) The jokes aren’t funny. The dialogue could not be worse. The phrasing and the vocabulary are consistently banal. (Here is Lisbeth, about to be raped: “Shit, she thought when he ripped off her T-shirt. She realized with terrifying clarity that she was out of her depth.”) I am basing these judgments on the English edition, but, if this text was the product of extensive editing, what must the unedited version have looked like? Maybe somebody will franchise this popular series—hire other writers to produce further volumes. This is not a bad idea. We’re not looking at Tolstoy here. The loss of Larsson’s style would not be a sacrifice.

Pour les films tirés de la trilogie, la version suédoise est très bonne, plus noire et captivante que les livres – l’actrice suédoise Noomi Rapace incarne parfaitement l’héroïne Lisbeth Salander. Pour une fois, on peut donc dire « attendez voir le film »…

Rétroactes:

Stieg Larsson, auteur de Millenium et agent du makhzen chauvin et compradore

Trouvailles rbaties

La pêche fût bonne l’autre jour, lors de mon passage auprès des bouquinistes rbatis (sauf Abdallah d’en face le lycée Hassan II, qui était fermé, et les bouquinistes de l’Agdal – le seul vraiment intéressant de ceux-là étant celui du centre commercial Kaïss).

Florilège:

Un classique celui-là, acheté chez l’assez désagréable bouquiniste Abdelmajid, sur une petite rue perpendiculaire à l’avenue Hassan II à deux pas de Bab el Hadd, chez qui je me suis promis de ne plus retourner. J’ai me semble-t-il tous les livres en français et publiés sous la période coloniale portant sur la condition des Marocains juifs. Heureux de tomber dessus.

Grosse déception ici: mon cas n’y figure pas.

J’en discutais avec Lahcen Daoudi, Betty Lachgar et Ahmed Benchemsi l’autre jour et nous étions unanimes: voilà l’homme qu’il nous faut au Maroc.

Encore un livre que le bureau central d’Annahj addimoqrati ne lira pas.

Un petit bouquin sympa à lire au bord de la piscine.

Si vous ne trouvez plus votre chemin à Rabat…

Je vous rassure: je l’ai acheté avant le début du ramadan…

Un des meilleurs artisans du Maroc

Quand on collectionne les livres, surtout anciens, le problème est souvent de les faire relier. On doit être prudent voire réticent si on collectionne les livres pour leur valeur marchande, dans une optique de revente: l’altération de la couverture d’origine, fût-elle abîmée, fait généralement chuter substantiellement la valeur du livre. Pour ma part, mes livres ne sont pas – tous – des pièces de collection valant des cents et des mille. Souvent, il s’agit soit de livre que je compte garder, soit de livres relativement récents (XXeme) qui ne sont de toute façon pas des exemplaires de bibliophilie, mais qui dont la reliure est soit défaite, soit salie, soit très fragile. Je choisis donc de les faire relier.

Au départ, sur la foi d’un oncle éditeur, mon choix s’était porté sur un relieur du quartier des Habous, à un tarif négocié de 60 dirhams par livre. J’ai très vite regretté ce choix: ayant sans doute accepté par pression de mon oncle, le relieur n’était pas satisfait par le prix, et le travail était bâclé. Car la reliure est un ensemble: il n’y a pas que la reliure à proprement parler (ou plutôt la demi-reliure dans mon cas, car la reliure en cuire ne porte généralement que sur le dos, le reste du livre étant cartonné) – le titre est à mes yeux au moins aussi important. Or ce relieur m’a fait voir toute la gamme: titres illisibles, baveux, irréguliers – sans compter les innombrables fautes fautes d’orthographe – je rappelle que le relieur a sous les yeux le titre du livre qu’il doit recopier en lettres dorées sur le dos de ce dernier. Quand je me plaignais, c’est comme si je lui avais demandé de se couper un membre: réticences, ou efforts bâclés de corriger une faute d’orthographe. Plusieurs fois il m’a dit « mais tu connais le titre toi, c’est le principal« . Puis il a augmenté le tarif initial – je m’étais opposé mais n’avais alors pas d’ancienne facture sous la main, de 60 à 70 dirhams par livre. J’ai accepté de mauvais coeur, puis ai fini par mettre la main sur une ancienne facture et suis venu la lui présenter pour qu’il se rende compte de son erreur. Rien du tout: il a dit que c’était sans importance, reniant là sa parole initiale – j’aurais accepté une augmentation de prix s’il m’avait expliqué qu’il ne couvrait pas ses coûts, et en échange d’une amélioration de la qualité. Mais là, il a simplement menti. C’est donc de gaîté de coeur que j’ai choisi de ne plus rien lui commander. Il fût d’ailleurs d’une rare impolitesse lorsque je viens récupérer ma dernière commande, confirmant mon impression qu’il y a des prostituées et des dealers de drogue plus dignes de confiance que lui.

C’est à Rabat que j’ai trouvé chaussure à mon pied. Via le très cultivé bouquiniste Abdallah, d’en face le lycée Hassan II au quartier Hassan, j’ai été mis en contact avec Doghmi, un des derniers maîtres relieurs de Rabat. Cher – entre 80 et 150 dirhams par reliure, selon la taille et le modèle – reliure ou demi-reliure – choisi, il ne m’a jamais déçu. La justesse du travail, la grande qualité du cuir, la netteté des couleurs, et surtout le soin extrême apporté aux titres, écrits en lettres nettes, sans bavure et sans faute, tout cela fait de son travail un art. Il m’a confié avoir relié des livres pour Chirac, et compte généralement sur les commandes institutionnelles – organismes publics ou privés faisant relier Bulletin Officiel, publications internes ou encore des beaux livres en guise de cadeau de fin d’année.

Son exploit: un livre de droit français du début XVIIIe que je lui avais confié, à la reliure disjointe, sans instructions particulières mis à part la couleur du cuir. Résultat: un véritable chef-d’oeuvre. Il avait pris la pièce de titre, au dos, et choisi pour les deux plats un matériau qui faisait d’origine. Bien sûr, il ne s’agissait pas d’une restauration et le livre ne passerait aucun examen d’expertise sérieux, mais l’effet d’époque est saisissant – et cela, il l’avait fait d’initiative.

Cette fois-ci, j’y suis allé pour faire relier quelques vieux livres. Au moment de payer, je dis bismillah et lui donne l’argent. Il m’a alors confié que c’était la première fois cette semaine qu’il entendait ça, et nous étions un jeudi. En plain mois d’août, les Européens de Rabat qui sont nombreux parmi ses clients rentrent chez eux, tandis que les Marocains – privés ou institutionnels – ont d’autres préoccupations en ce début de ramadan. Mais c’est aussi symptomatique d’un art qui se perd: les Marocains lisent peu, ce n’est pas une nouveauté, et le nombre de bibliophiles à Rabat se compte sur les doigts d’une ou deux mains. N’étaient-ce les clients institutionnels, Si Doghmi aurait depuis longtemps mis la clé sous la porte. C’est pour ça d’ailleurs qu’il ne se cantonne pas aux livres: agendas, cahiers, voire corbeilles et boîtes de kleenex (quelle déchéance, pas pour lui, mais ses clients…), sous-mains et autres maroquineries de bureau.

Vous trouverez la boutique de Si Doghmi rue Soussa, perpendiculaire à la rue Abou Inan au centre-ville (cf. ce plan), à deux pas de la wilaya. Allez-y faire relier un de vos livres avant qu’un des derniers vrais relieurs du Maroc ne disparaisse.

PS: Il y a d’autres relieurs corrects à Rabat, version low-cost, environ 40/60 dirhams par livre (mais la demi-reliure n’est alors pas en cuir, bien entendu). Demander à Abdallah le bouquiniste précité ou à Saïd, bouquiniste en face de la droguerie Amaïz avenue Hassan II, pas loin du cinéma Fayrouz.

PPS: Pour le plaisir, le site de l’Atelier monastique de reliure artisanale de l’Abbaye Saint Louis du Temple.

Le Maroc devrait passer à l’anglais

Je suis partiellement d’accord avec Saïd Bellari: l’anglais devrait être la deuxième langue du Maroc, après l’arabe:

While illiteracy has been recognized justly as an important factor in the lagging behind of the development of Moroccan society I wish to propose in this essay that another, perhaps far more important factor, is a much less acknowledged cause: « disliteracy ». While you will not be able to find this word in a regular English dictionary I think that it matters nonetheless.  The more so because it is especially prevalent amongst the educated elite. It means that they are speaking the wrong language in Morocco amongst themselves and with the rest of the world. Because of that we fail to go with the global flow and we isolate ourselves more and more from the development growth of other areas abroad like the one in South East Asia. Just to be clear from the onset: with this assertion I do not want to say that we should stop speaking Arabic in Morocco. Allah yastar! Not in the least, perhaps we should do that even more. With it I mean in fact that we should aim to fade out the French language as soon as possible. Simultaneously we should give the English language a fresh stimulus in all aspects of Moroccan society and let it take its place as a second language of Morocco. French should not even be 3rd or 4th language for that matter. This change from a francophone to an « Arab-Anglophone » country will introduce a second era of Istiqlal. It will unleash a sense of freedom of spirit in our Moroccan society that will erode historic brakes and obstacles settled in Moroccan collective mind. Let me explain further. (…)

While I am in the least propagating a severing of ties with France or its culture, it would be foolish indeed, I am merely asking Moroccans to count to 10, think again and again and ask themselves plainly why they would choose French as a second language in this 21st Century? France and its culture has become a niche society on Earth and following it as a Moroccan amounts to civilizational self-destruction. While it was understandably hard to make this massive cultural transition in the sixties or the seventies of the 20th Century, nothing ought to keep the Kingdom and its people from choosing their own future nowadays. And this counts especially for the second language that we are cultivating collectively in Morocco. So that is why I am proposing to kick out the French asap and welcome the English in our homes, of course secondly behind our treasured Arabic. There is also a powerful psychological reason behind this transition that will mean a world of difference on this grassroots level.

France and French are part of our history. And that is exactly all it should be. A part in our history that we did not choose voluntarily. A part also that cost our society a lot to shed definitely, if not  at least partially. For the remaining part, French as a Lingua Franca in Moroccan society, consciously, but even more unconsciously, still reminds us of being slaves, of being dependent, of being backward, of being unable and of being all the things that second rate people are, or better phrased: of being what racist people want you to think of yourselves, of being second rate: « I am less worthy, less able”. This mental complex deeply rooted in our collective mind would take generations to overcome otherwise. By audaciously and emphatically peeling French from our society, which was not of our own choosing, we heal ourselves collectively. And by replacing it of our own accord by English (as a logical alternative to better connect to world society and be better prepared for the future) we would heal ourselves even more! It would emanate a second grand wave of independence in Moroccan society. A true collective grass-roots wave that speaks ofwill-power, self-determination, self-expression and new trust, hope and optimism for the future. It is the collective people’s effort of riding the Laraki of Moroccan destiny while halting the constant watching in the rear mirror and start looking through the front window, to 2050 and beyond, in the sole interest of our children and grandchildren. (Moroccoboard, via GlobalVoices)

Je ne pense cependant pas que le français et l’espagnol devraient être éradiqués – leur utilité politique, diplomatique et commerciale nécessite une approche prudente. Mais j’estime comme Saïd Bellari que le maintien de la prédominance de la langue française au Maroc présente en 2010 plus d’inconvénients que d’avantages.

Je m’en tiens à mon domaine, le droit. Comme le savent les juristes marocains, la production doctrinale juridique au Maroc est pauvre – les principales influences doctrinales étrangères sont françaises (pour les juristes francophones) et égyptiennes (pour les arabophones). On trouve nombre de manuels de droit marocain, écrits dans les années 2000, incluant sans commentaires des références à la jurisprudence ou à la doctrine française, comme si le Maroc était un territoire d’outre-mer. La raison en est simple: outre la part importante du droit marocain adoptée sous le protectorat (1912-1956) puis avant l’arabisation de la procédure judicaire et la marocanisation de la magistrature (1965), le droit adopté depuis 1965 est en général le fruit d’un copier/coller plus ou moins habile de textes français plus ou moins récents. L’insuffisance des services juridiques ministériels, le manque de rigueur du secrétariat général du gouvernement, l’inexistence réelle du Parlement en tant que rédacteur de la loi, tous ces défauts se greffent à cette forme de débilité mentale propre au Maroc (et peut-être à d’autres ex-colonies françaises) selon laquelle l’étranger se résume à la France. Plusieurs fois, en discutant telle ou telle question juridique ou institutionnelle, je me suis heurté à l’objection « mais c’est comme ça qu’ils font à l’étranger« . « Comment ça, à l’étranger?« . « Oui, c’est comme ça qu’ils font en France« . Inutile de préciser que la France n’est qu’un modèle juridique parmi d’autres, d’ailleurs en perte de vitesse par rapport au modèle anglo-saxon (ce terme est impropre, le droit étatsunien et celui du Royaume-Uni étant assez distincts, mais passons sur cette facilité de langage), et que l’infantile suivisme marocain n’améliore en rien la qualité de la production législative ou doctrinale marocaine.

On pourrait bien sûr élargir le raisonnement à d’autres domaines – pour l’homme d’affaires marocain moyen, exporter, c’est vendre en France, par exemple. Pas besoin d’être un francophobe forcené pour se rendre compte du caractère stérile de cette fixation des élites marocaines pour la France et ce qui est français. Si écarter le français de sa position de langue dominante est nécessaire pour élargir l’esprit de nos cercles dirigeants, then so be it.

Cela donnerait donc arabe comme langue officielle, tamazight, tashelhit, tariffit (ou une langue amazighe standard) et hassania langues nationales (éventuellement l’hébreu si la communauté israélite le souhaite), et anglais première langue étrangère, avec mentions spéciales pour le français et l’espagnol (on pourrait conçevoir qu’une régionalisation réelle impliquerait la latitude pour certaines régions d’opter pour l’espagnol comme première langue étrangère). Ce serait le choix le plus rationnel – inutile de dire dès lors qu’il ne sera pas retenu.

Un film israëlien déprogrammé au profit du documentaire sur Rachel Corrie de Simone Bitton

Lu sur Rue89 – une conséquence directe du massacre du Mavi Marmara, sans doute:

Vendredi, Le Monde nous apprenait que le réseau de salles Utopia, qui a des salles à Avignon, Bordeaux, Montpellier ou Toulouse, a décidé de déprogrammer un film israélien, « A cinq heures de Paris », comédie dramatique sans contenu politique, qui devait sortir le 25 juin, et de programmer à la place « Rachel », le film de Simone Bitton. Etrange destin. (Rue89)

La réalisatrice de ce documentaire sur Rachel Corrie n’est autre que la cinéaste franco-marocaine Simone Bitton, engagée de longue date aux côtés du peuple palestinien. Elle a tenu un blog consacré à ce film sur Rue89 justement.

La traduction est un dur métier quand on n’aime pas le foot

En lisant un article – « Phénomène cacochyme » – de l’excellent revue Agone, consacré à l’écrivain allemand Ernst Jünger, je suis tombé sur une belle coquille de traduction que le traducteur eût pu éviter s’il s’intéressait plus au futebol, discipline dont on ne soulignera jamais assez les vertus intellectuelles.

Je cite:

Nous ne nous risquons pas à répondre à cette montagne de questions, encore moins à nous les poser. En revanche, l’anthroposophe de la culture Wolf von Homburg a eu le culot de prier Jünger en juin 1997 de coucher ses souvenirs de 1974 sur la Porte Sparwasser. Jünger lui a fait répondre par une lettre du 11 juillet 1997 de Langenenslingen-Wilflingen : « Ernst Jünger vous remercie de votre lettre. En ce qui concerne votre enquête auprès d’auteurs, Ernst Jünger n’a de sa longue vie jamais assisté à la moindre partie de football, ni ne s’est jamais occupé du jeu lui-même. Eu égard à la troisième question : il ne peut que regretter qu’on prête à des jeux nationaux des intentions politiques. Amicales salutations, par délégation, Georg Knapp. »

Peut-être est-ce là le secret d’une longue vie : pas de football. Et ne pas prêter d’intentions politiques. Et aussi quelqu’un pour descendre la poubelle et s’occuper de la correspondance.

En VO, la réponse d’Ernst Jünger donne ceci:

Ernst Jünger dankt für Ihren Brief. Was die Autoren-Umfrage betrifft, so hat Ernst Jünger in seinem langen Leben kein einziges Fußballspiel gesehen, noch sich mit dem Spiel selbst befaßt. Er kann es nur bedauern, daß Nationalspiele politischen Wertungen unterlegt werden. Mit freundlichen Grüßen, i. A. Georg Knapp

Pour ceux qui l’ignoreraient, dont le traducteur en cause, « das Sparwasser Tor » n’est pas un monument de Berlin mais plutôt le but légendaire du joueur est-allemand Jürgen Sparwasser marqué le 22 juin 1974 lors du match RDA-RFA 1-0 90 minutes de lutte des classes – lors de la Coupe de monde de 1974, qui se jouait justement en Allemagne de l’Ouest. Sur le mode de « où étiez-vous lorsque vous avez appris l’assassinat de JFK« , les Allemands de cette génération se posent la question « Wo waren Sie, als das Sparwasser-Tor fiel? » (« Où étiez-vous lors du but de Sparwasser?« ) – un livre éponyme est même sorti.

Traduttore, traditore…

Il manque quelque chose à la checklist d’Isabelle Adjani

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Un nouveau film vient de sortir, « La journée de la jupe« . Ca faisait longtemps, mais Isabelle Adjani y tient le rôle principal – une enseignante quinquagénaire en jupe et bottes noires qui prend en otage ses élèves, des indigènesjeunes de banlieue. En lisant l’entretien qu’elle a accordé au Nouvel Observateur, j’ai mentalement coché la checklist applicable à ce type de sujet en France:

1- La laïcité – Isabelle Adjani est « une bombe humaine de la laïcité » – on imagine que seule une préoccupation trop grande du politiquement correct tariqoramadaniste a empêché d’utiliser le terme kamikaze.

Quelles sont les questions que soulève ce film ?
Isabelle Adjani: Il y en a énormément: le problème de la laïcité, de la mixité à l’école, le problème du sexisme qui peut exister dans les établissements pluriethniques, qui est imposé par les garçons et subi par les filles. Le film tente de faire comprendre que ni l’alibi sociologique ni l’alibi religieux n’ont à franchir le seuil de la classe. (La République des Lettres)

Isabelle Adjani: (…) On est dans une société en train de se désencombrer du bling-bling et de tous les artifices, et qui retrouve des valeurs plus authentiques…

Quelles « valeurs » ?
D’abord, la valeur de la laïcité. La laïcité, les problèmes de mixité à l’école, le sexisme, le sort réservé aux classes pluriethniques. Est-ce cela qui dérange? (…)

Pour vous, la laïcité est-elle en danger en France ?
Elle est tout le temps en danger. Elle est sans arrêt provoquée, elle est challengée. En général par des arguments fallacieux. Mais c’est, en même temps, un sujet très compliqué. On m’avait demandé, il y a cinq ans, de pétitionner contre le port du voile à l’école, ce que j’ai tout de suite fait. C’était une évidence, mais l’évidence humaine n’est pas, elle, si évidente que ça. Certaines jeunes filles vivent une ambivalence très compliquée entre l’école et la maison. Quelques-unes ont dû quitter l’école, ou se sont retrouvées en porte-à-faux par rapport à leurs parents, donc culpabilisées.(Le Parisien)

2- L’antisémitisme: « la tragi-comédie de l’enseignante et de sa classe de z’y-va blasphématoires («Occupe-toi de ton cul, vieille grosse»), misogynes ou antisémites« .

C’est la première fois, aussi, où l’on voit sur le grand écran une dénonciation nette et claire de l’antisémitisme vulgaire d’une partie de cette jeunesse làun antisémitisme jamais dénoncé par le « politiquement correct ». (juif.org)

3- L’intégrisme islamique et le voile:

N. O. – La modernité, c’est la jupe ou le pantalon ?
I. Adjani. – Ce fut le pantalon, c’est devenu la jupe. On est loin des acquis féministes. On est dans la nécessité de revenir à une féminité vivable. Féminine égale pute, c’est quand même embêtant. C’était inimaginable avant le phénomène de l’intégrisme islamique. Il est étrange que le pantalon soit vécu comme un voile. (Arts et spectacles)

4- Il faut pas se voiler la face, les tabous c’est pas bien et le politiquement correct ne m’enlèvera pas la liberté de penser:

Isabelle Adjani: C’est d’abord le défi, le challenge d’un rôle fort d’actrice. Et aussi ce traitement non consensuel et politiquement incorrect du sujet. (La République des Lettres)

Jean-Paul Lilienfeld: A vouloir se voiler la face, on laisse le terrain libre à ceux qui font un état des lieux et qui apportent des solutions racistes. (Afrik.com)

On m’empêchera d’ailleurs pas de penser que la réflexion portée par ce film est d’un modernisme et d’une complexité échevélés:

Isabelle Adjani: Le film tente de faire comprendre que ni l’alibi sociologique ni l’alibi religieux n’ont à franchir le seuil de la classe. Il s’interroge aussi sur la façon de faire comprendre à des jeunes qui ne se sentent pas valorisés que l’enseignement, c’est d’accepter une structure qui peut les construire. Il faut apprendre et ensuite s’exprimer. C’est un peu sévère ce que je dis mais ce n’est ni idéaliste, ni angélique, ni démagogique. (La République des Lettres)

Outre les intéressés, Le Figaro Magazine et des militants laïques sont du même avis – ce film est iconoclaste:

Retenez ce nom : Jean-Paul Lilienfeld. Ce réalisateur de 47 ans vient de briser l’un des plus grands tabous français du demi-siècle écoulé. Avec La Journée de la jupe, il bat en brèche l’angélisme avec lequel le cinéma français évoquait jusqu’à maintenant l’enseignement dans les collèges ou lycées difficiles (Le Plus beau métier du monde, Entre les murs, etc.) Bien sûr, on y voyait quelques figures professorales exaspérées par la violence et l’agressivité – verbales, principalement – des adolescents. Mais tout cela restait plutôt, c’est le cas de le dire, bon enfant et l’on se quittait bons amis. (Figaro Magazine)

« La journée de la jupe », le film qui pulvérise l’islamiquement correct
« La journée de la jupe » dénonce tout ce que nous disons depuis bientôt deux ans sur Riposte Laïque. Tout y passe, en vrac et en boucle : les chiennes de garde qui démolissent la féminité au nom du féminisme, le pédagogisme décervelant à la Bégaudeau et à la Darcos, les insultes sexistes, une ministre de l’Education nationale peureuse et prête à sacrifier médiatiquement et physiquement la victime expiatoire, les filles obligées de s’habiller comme des sacs à patates, l’accusation d’« islamophobie », la peur d’émeutes urbaines, la victimisation des coupables et la culpabilisation des victimes, l’irrespect envers les adultes, l’antisémitisme islamique et le racisme anti-blancs, l’école républicaine transformée en garderie et en « fabrique de crétins », l’hyper-violence, l’arabisation et l’appauvrissement de la langue française, l’éclatement des familles, le racket, les mots faux-culs comme « quartier sensible » ou « contexte », les professeurs qui baissent le pavillon jusqu’à se faire complice des voyous ou à se servir du Coran en classe pour les apaiser, le multiculturalisme, l’échec de l’intégration (et ne parlons même plus d’assimilation), le communautarisme ethnique, le mépris des valeurs laïques, les viols collectifs, les superstitions religieuses, le machisme abruti, la manipulation de l’opinion publique, le proviseur qui ne pense qu’à étouffer les problèmes de son établissement et qui accuse la victime d’être à la fois « catho coincée » et trop laïque (ultra-laïciste, comme on dit chez Kintzler et Fourest), l’affinité entre les islamistes algériens et les « sauvageons » de nos banlieues, le commerçant chinois qui fuit la cité parce qu’il a été victime de multiples braquages, les menaces de représailles, l’influence affligeante des séries télé et des reality shows, etc.(le blog Action républicaine)

5- Les méchants mâles arabo-musulmans – « petits caïds de banlieue«  et les femmes victimes (en dehors des bougnoules et des négrosbanlieues, les relations hommes et femmes sont bien évidemment harmonieuses et paritaires): « une dénonciation virulente du traitement des jeunes femmes dans les banlieues« .

Isabelle Adjani: Les garçons sont tentés de soumettre les filles à leurs propres lois. C’est d’une violence inouïe. Les jambes doivent être voilées sous un pantalon. La poitrine pose moins de problèmes sans doute parce qu’elle renvoie à la maternité. Quelle régression! Nous sommes assis sur une poudrière. (La Dépêche)

Elle dénonce l’archaïsme et la violence de leur système de valeurs. Les garçons, forcément virils, seraient tous des « bêtes de sexe », mais les filles, pour être dignes et respectées, devraient rester vierges jusqu’au mariage. Aussi l’apprentissage sexuel des garçons passerait-il souvent par le viol collectif, réunion virile et rituel initiatique pour les petits mâles des cités. (Critikat.com)

6- Lors du tournage comme dans le film et dans la réalité, les rapports entre la prof/actrice évoluéefrançaise d’origine maghrébine et les jeunesindigènes sont empreints d’égalitarisme et de réciprocité:

Quelle était la relation entre Isabelle Adjani et les jeunes sur le plateau ?

Jean-Paul Lilienfeld: On s’était mis d’accord sur le fait qu’elle devait garder une certaine distance avec les jeunes sur le plateau. Le premier jour, elle leur a bien expliqué que ce n’était pas du snobisme, mais bien un moyen d’éviter de copiner et de devenir trop familier, ce qui aurait pu se ressentir dans le jeu. Ce fût une bonne chose, car je pense qu’il n’y aurait pas eu cette distance naturelle autrement. (Filmsactu.com)

Comment s’est passé le tournage ?
Isabelle Adjani: Très bien parce qu’il n’y avait pas de confusion. Je suis arrivée devant eux comme leur prof de français et eux mes élèves. Je n’ai pas cherché à leur raconter qui j’étais dans ce métier parce que je ne voulais pas les déconcentrer. Je ne voulais pas non plus faire copain-copain parce que je pensais qu’il nous fallait d’abord nous concentrer pour faire du bon travail. (La République des Lettres)

Isabelle Adjani: Beaucoup d’élèves de lycées de banlieue sont orphelins d’une autorité dont le principe même a été battu en brèche. Quand ce sont les élèves qui demandent à leur professeur du respect, c’est le monde à l’envers, non ? (Figaro Magazine)

7- La langue arabe, c’est pas bien, le couscous, c’est bon:

N. O.- Votre deuxième prénom est Yasmina…
I. Adjani. – «Isabelle», c’était fait pour ne pas attirer l’attention. Mon frère se prénomme Eric Akim. Mon père venait d’une Algérie française. Il parlait français mieux que vous. Il ne parlait jamais arabe devant nous. Sauf l’accent allemand de ma mère, tout était fait pour qu’on soit français, même si cela n’empêchait pas mon père de cuisiner des plats traditionnels ou d’évoquer Constantine. En revanche, quand il écrivait à sa famille, j’ai découvert que, dans ces lettres, j’étais «Yasmina», jamais «Isabelle». (Nouvel Observateur)

Et les chiites, Isabelle/Yasmina, ils sont où dans tout ça les chiites?

ADDENDUM: Je m’en voudrais d’accabler la seule Isabelle/Yasmina. Le réalisateur du film lui-même est honteusement silencieux sur la menace libertifère que représente l’arme nucléaire iranienne pour les enseignantes en jupe d’Ile de France. Il dénonce à juste titre l’islamo-fascisme qui déferle sur les « jeunes des quartiers » – les caïds:

« J’ai eu envie de parler du durcissement des positions, du recul des relations garçons-filles« , explique le cinéaste. « Quels que soient les choix politiques ou religieux de chacun, il existe des valeurs de base indiscutables et intransgressibles« , ajoute-t-il.

Il raconte une scène dans lesquelles un indigènevieux monsieur marocain, reconnaissant, lui a exprimé sa reconnaissance pour sa mission civilisatricecinématographique:

Le plus beau compliment qu’on m’ai fait, c’était à Saint-Denis, où nous avons tourné. La salle était composée à 99, 9% de personnes noires et arabes. A la fin de la projection, un vieux monsieur marocain de 80 ans m’a dit, les larmes aux yeux : « Merci de parler de nous normalement ».

Il ironise finement sur la peur irraisonnée de la pourtant très réelle violence islamo-fasciste:

Et puis, il y a la peur irraisonnée. L’un d’entre eux a justifié son refus en disant : « Je n’ai pas envie que ma maison saute. » Comme s’il allait encourir je ne sais quelle fatwa en distribuant La Journée de la jupe…

Il rappelle des vérités cachées que les tchékistes du politiquement correct islamo-gauchiste tentent d’étouffer par tous moyens – il faut faire ses devoirs et avoir de bonnes notes, et si on veut on peut:

Par ailleurs, Sonia Bergerac le dit, quand on Noir ou Arabe, ce n’est pas facile, mais si on est en plus ignorant…

Même Marianne, qui dénonce pourtant le pouvoir théocratique musulman au sein de l’industrie française du cinéma, n’ose aborder de front la vraie menace:

« Ca », c’est la banlieue, les ghettos scolaires, le racisme, la religion, le machisme. Ca c’est ce qui pourrait se passer dans un lycée le jour où un(e) prof pètera un câble. (…) Toujours mieux que de continuer à se voiler la face. Ainsi, après avoir vu le film, Xavier Darcos aurait dit : « Mais l’éducation nationale, ce n’est pas ça ! ». Certes, faute de pouvoir montrer la réalité, c’est un concentré de réalités qui s’affiche à l’écran. L’ignorer, c’est encore pire.

Ne soyons toutefois pas trop sévère. Comme je l’ai déjà souligné, nous avons affaire à un briseur de tabous – (c) Sébastien Fontenelle – évoquant des phénomènes dont nul auparavant n’avait jamais oser parler au sujet des bougnoules et des négrosbanlieues – voile, viol, islam, immigrés, misogynie, drogue, racisme:

Ici, c’est nettement plus noir. Lilienfeld nous confronte à des mômes paumés, violents, et pour certains, des violeurs irrécupérables. Plus fort, il évoque – dans ce film refusé par tous les producteurs de cinéma – l’islam, la misogynie, la drogue, le racisme, le viol… On est dans du lourd et, à chaque fois, Lilienfeld s’en sort avec beaucoup de justesse. Avec une économie de moyen, sans pathos, Lilienfeld décrit juste l’enfer quotidien de la banlieue (quand une maman d’élève déclare : « Pourquoi on nous met tous ensemble comme des animaux ? », tu as tout compris), où les filles ne peuvent plus porter de jupes sous peine de se faire traiter de putes, où certains profs démagos débattent du coran avec les élèves, où des mômes de 15 ans ne pensent qu’au business… Des sujets tabous que Lilienfeld dégueule sur l’écran et qui transforment son petit thriller prévisible en un vrai film politique (avec le port du pantalon en métaphore du voile), d’une force invraisemblable en cette période tiède et morne. (Bakchich)

Et quelle consécration que de voir le plus briseur des briseur de tabous, le commentateur sportif Alain Finkielkraut, qui aime à compter les joueurs noirs en équipe de France, déclarer avec enthousiasme que le film est un événement politique historique, constituant la première fois que le discours anti-raciste est dénudé, révèlant la misogynie et l’antisémitisme d’une civilisation (je n’ai pas réussi à déterminer s’il  parlait de Byzance ou des Etrusques).

Il y a bien quelques irréductibles de la dictature de la bienpensance pour y trouver à redire:

Le Monde: Le problème, c’est que tout y est tellement simplifié, tellement cousu de fil blanc, qu’on a l’impression que le réalisateur prend a priori son public pour une classe à éduquer.

Et encore:

Chronicart: Pas fin pour un sou, le film de Jean-Paul Lilienfeld voudrait se glisser dans l’espace informe et mou entre ces deux positions également indigentes, il n’y trouve qu’une friche stérile, entre coups de pied au cul des caïds et caresses sur la joue meurtrie des petites princesses des cités. Alternant lourdement les points de vue, il fait match nul. (…) on ne sort pas d’une ambiance Julie Lescaut cheap.

Des fanatiques persiflent:

Critikat: La Journée de la jupe est un film démagogique et verbeux : vous n’échapperez à aucun poncif sur les jeunes de banlieue ! Tous les problèmes des cités, emplissant régulièrement les émissions de reportages, sont présentés à la chaîne. Bienvenue à Thoiry, où chaque individu est réduit à un stéréotype à la psychologie minimale : le petit caïd séducteur et grande gueule, le timide mal dans sa peau, la fille au physique peu enviable, la blédarde [2] au grand cœur

Des enseignants endoctrinés radotent:

Faut-il pour autant, par ce film, choisir arme à la main, de « karchériser » certaines de nos salles de classes? Sans RIEN proposer d’autre que la dénonciation d’une catégorie, de la stigmatisation récurrente. (…) La Journée de la Jupe, par ses défauts nombreux, est un film dangereux. Il tend la main aux plus réactionnaires. D’ailleurs, ceux-là ont saisi la balle (de revolver?) au bond pour faire de ce film un anti Entre les Murs, pour eux l’horreur pédagogique absolue! Ils tiennent leur oeuvre maîtresse! Or, ce film, La Journée de la Jupe, avec cette affiche-choc montrant une enseignante faisant cours une arme à la main, ne fait qu’ajouter au malaise évident qui règne dans les salles des professeurs de ces étabissements. Il n’apporte AUCUNE solution INTELLIGENTE! Pourtant, la très grande majorité de nos collègues, ne cautionne en aucun cas la « prise d’otages », même symbolique, pour parvenir à enseigner. Il existe d’autres voies, d’autres chemins.

Qu’on les montre! Qu’on les mette en lumière! Et qu’on en finisse avec les gros sabots de la démagogie sécuritaire, le revolver remplaçant la volonté d’inventer!

Et encore ici:

On voit bien quel miel les adorateurs de l’autorité perdue, celle qui devait s’appliquer sans jamais se discuter, auront l’impression d’y trouver. On voit aussi comment les défenseurs de l’identité nationale en péril seront tentés d’en appeler au même sursaut que celui de cette enseignante bafouée par ses élèves. Cela, d’ailleurs, a commencé, et le film – ce qui pourrait injustement nuire à sa réputation – est salué dans la blogosphère d’extrême droite comme une gifle à « l’angélisme béat multi-culturel ».

Et enfin, pour clore, un véritable déferlement de démagogie politiquement correcte:

Les élèves, noirs et arabes pour l’essentiel mis à part un petit rouquin arrogant, la méprisent ouvertement, et se comportent – le mot est employé à plusieurs reprises – comme «des sauvages». (…) Le regard qu’elle porte sur ses élèves est d’une incroyable agressivité. Elle moque leur prétention sexuelle: «ça parle que de sauter les filles et ça a pas un préservatif en poche!». Elle ricane: «le fric, les journaux people, la Star Ac, y a que ça qui vous intéresse!». Enfin, dans une scène hallucinante, elle leur explique qu’ils ne doivent surtout pas se voir comme des victimes, car leurs difficultés sociales ne sont pas une excuse… «Ne faites pas ça! Ne vous prenez pas pour des victimes!», répète-t-elle les larmes aux yeux, alors qu’elle les retient tous prisonniers grâce à une arme à feu! (…) Quiconque s’oppose à Sonia et à sa prise d’otages est représenté comme un imbécile (le principal, alias Jackie Berroyer), un lâche de gauche (le prof qui se laisse tabasser par les jeunes sous prétexte qu’il comprend leur malaise) ou un psychopathe dangereux (Bechet, le policier du Raid joué par Yann Collette). (…)

Une ligne de partage est également tracée entre bons et méchants à l’intérieur même de la classe. Les bons, ce sont ceux qui, après avoir vu le pistolet, acceptent d’écouter Madame Bergerac. Le méchant, c’est Mouss qui, malgré la menace, ne change pas d’attitude. Quel culot! Les autres peuvent être dressés, mais pas Mouss. Il cumule toutes les tares : violent, gangster, macho, antisémite, complice d’un viol, et enfin balance… On nous demande clairement à nous, spectateurs, de comprendre la prof qui braque ses élèves, mais surtout pas cet ado dangereux, cause profonde de tous les problèmes de la classe. C’est la bonne vieille technique du bouc émissaire. Il existe certainement quelque part en France un ado comme Mouss, macho, antisémite et criminel. Là n’est pas la question. Mais si c’était ce cas extrême, ce personnage singulier, qui intéressait Jean-Paul Lilienfeld, il aurait dû nous raconter le face-à-face de deux individus spécifiques – Sonia et Mouss -, pas les transformer en symbole, en faire l’affrontement de l’école laïque et du sauvageon de banlieue. En chargeant le personnage de grand Black fou furieux de représenter le danger de la cité, le film tombe dans un racisme impardonnable. (…)

Entendant la prof parler arabe, une élève lui demande: «Madame, pourquoi vous nous l’avez pas dit?». Et Madame Bergerac de répondre : «Parce que je suis prof de français!»

Que signifie cette scène au juste, cette sympathie soudaine de l’élève, sa question qui laisse supposer qu’une telle révélation aurait tout changé? Ainsi, si la prof leur avait révélé qu’elle était arabe, les élèves l’auraient écoutée? Ils auraient bien travaillé à l’école, appris le vrai nom de Molière sans pistolet sur la tempe? On comprend à ce moment précis ce que le film — peut-être à son corps défendant — finit par dire. Que ce qui se joue dans nos écoles de ZEP, c’est le clash des civilisations. Le personnage le plus tourné en ridicule du film n’est-il pas le prof qui amène le Coran en cours? Comme si le vrai affrontement n’est pas entre profs et élèves mais entre laïques et musulmans. Il y a là une vision grossière et fausse d’une réalité sociale complexe, un regard qui exclut et qui divise, caché sous les oripeaux flatteurs du film citoyen. (Slate.fr)

Chapeau, Abdellah Taïa!

Abdellah Taïa, un des écrivains marocains francophones les plus en vogue – sans doute autant pour son oeuvre que pour son homosexualité affichée et assumée – vient de signer une tribune très forte dans El Pais. Le motif: invité à un festival de Cartagena en Espagne, il a été surpris d’apprendre que Nadia Yassine, l’égérie islamiste et républicaine d’Al adl wal ihsan, et Ali Lmrabet, journaliste emprisonné puis interdit d’exercer pour lèse-majesté, avaient été déprogrammés à la dernière minute.

Comme le relève le bougnolosophe, cette alliance de circonstance entre un homosexuel affiché et une islamiste est inédit au Maroc, alors qu’en Europe, la condition minoritaire partagée des homosexuels et des musulmans a amené ponctuellement à des rapprochements. Il faut dire qu’Abdellah Taïa frappe fort: il annule sa participation au festival – une responsable dudit festival aurait également démissionné en guise de protestation- et dénonce la censure – un geste appréciable quand on sait combien un écrivain en début de parcours dépend de ce type de festival. Et sa tribune, intitulée « Qui est Marocain?« , n’est pas vraiment un robinet d’eau tiède, contrairement à ce qui sort de la plume d’autres éminents écrivains et poètes marocains francophones:

Après les avoir initialement inclus dans le programme de sa prochaine édition, le prestigieux festival de Carthagena vient d’exclure Nadia Yassine, la fille du Cheikh Yassine (le leader du mouvement islamiste Al-Adala Wa Al-Ihssane), et le journaliste exilé en Espagne Ali Lmrabet. Ils ne participeront donc pas aux débats qui auront lieu à cette occasion autour du Maroc et de ses productions littéraires et intellectuelles. Suite à cette censure inacceptable et incompréhensible, Lola Lopez Mondéjar, l’organisatrice de ces débats, a démissionné du festival. Et c’est pour la soutenir dans cette décision et annoncer mon retrait du prochain festival de Carthagena que j’écris ce papier. (…)

Pour se défendre, le directeur de ce festival a déclaré la semaine dernière dans EL PAIS que moi, Abdellah Taïa, 35 ans, écrivain et premier Marocain à avoir assumé publiquement son homosexualité, je participerai à ce festival et je parlerai donc librement de tout, y compris de ma sexualité.

Qu’est-ce que cela veut-il bien dire ? Que l’homosexuel marocain est bienvenu en Espagne mais pas une femme appartenant à un mouvement islamiste, ni un journaliste qui a eu de gros ennuis avec les autorités marocaines ? Je ne peux pas accepter cela. Je ne peux pas me laisser récupérer de cette façon-là. Je ne veux pas qu’on me donne la parole au détriment d’autres Marocains. Quand j’ai parlé au Maroc de mon homosexualité, c’était une nécessité intérieure (et je n’ai eu besoin d’aucune autorisation, d’aucune bénédiction), c’était avant tout un combat pour accéder à l’individualité, mais pas seulement pour moi.

Ce qui nous manque cruellement au Maroc et nous empêche d’avancer, de nous libérer, ce sont, entre autres, les débats contradictoires. Réels. Pas fictifs, pour la façade, pour donner une fausse image de progrès et de modernité. Malgré le très bon travail de certains médias (TEL QUEL, LE JOURNAL HEBDO, les radios, etc.), ce genre de débat, quand il y en a un, ne touche malheureusement pas tous les Marocains. Et ce n’est pas la décision du festival de Carthagena qui va aider à changer la situation. Décision étrange d’ailleurs : Nadia Yassine et Ali Lmrabet s’expriment régulièrement dans les journaux marocains. Pourquoi les écarter alors ? Mystère. Sont-ils moins marocains que moi ? Moins « fashion » peut-être ?! Plus « dangereux » ? (…)

J’entendais souvent au Maroc des excommunications à propos de tel ou untel qui aurait soi-disant trahi le Maroc et ses idéaux. J’entendais ce genre de phrases : « Il n’est pas Marocain, lui. Il ne l’a jamais été. Il ne le sera jamais. » Aujourd’hui, on entende aussi, de plus en plus, ces autres phrases : « Il n’est pas musulman, un bon musulman, lui. » Un mécréant, alors ? Ces négations dangereuses, et qui détournent l’attention des vrais sujets, sont proférées aussi, malheureusement, par certains intellectuels et artistes. Ces négations n’aident pas le Marocain à se relever pour crier, pour exister.

En mai 2007, j’ai entendu ces mêmes jugements scandaleux à propos des deux frères qui ont commis à Casablanca un double attentat suicide. Après avoir erré presque deux jours dans les rues, ils se sont faits explosé non loin du consulat américain. Ils n’ont tué personne. Juste eux-mêmes. C’était le comble du désespoir dans lequel vit depuis trop longtemps la jeunesse marocaine. C’était un cri du coeur, des tripes. Un appel à la société marocaine. Il n’a pas été entendu. On estimait sans doute que ce n’était pas notre faute, ni notre responsabilité. Normal, ces deux frères n’étaient pas des Marocains. N’est-ce pas ?!

Qui l’est alors ?

Rien à rajouter.