Projet de loi anti-normalisation au Maroc – une proposition

J’avais été consulté en 2012 par un collectif BDS (boycott, désinvestissement, sanctions) au Maroc sur un projet de loi BDS, ou anti-normalisation, et voici ce que j’avais proposé. Je n’ai pas l’impression que ce projet ai recueilli l’accord du collectif, et ne sais pas très bien ce qui en ressorti. Mes lignes directrices étaient cependant les suivantes:

  • Il s’agissait de présenter un projet de loi sérieux et exhaustif – pas seulement deux ou trois articles punissant de manière drastique des activités mal définies, et sans tenir en compte les principes de proportionnalité et de dérogations légitimes qui font partie de tout projet de BDS sérieux;
  • Il s’agissait de rédiger un projet de loi neutre, c’est-à-dire ne visant pas nécessairement Israël, mais tout Etat violant de manière grave le droit international;
  • Sachant cependant qu’Israël serait visé en premier lieu, il s’agissait de préserver les intérêts légitimes des Marocains de confession juive, résidant ou non au Maroc, à maintenir des liens familiaux ou religieux avec soit leur famille ou des institutions religieuses, au Maroc ou ailleurs;
  • L’aspect pénal n’est pas le plus intéressant, car le mouvement BDS a fort justement identifié deux nerfs de la guerre – l’argent et la symbolique – l’argent, parce que cela frappe Israël au portefeuille, et le symbolique, parce que cela participe de manière très visible aux efforts pour dénoncer la normalisation d’un Etat qui viole de manière flagrante et répétée ses obligations internationales. Je ne propose que des peines de prison légère, de un à six mois, mais que pour ceux qui usent de manoeuvres frauduleuses pour contourner la loi. Ceux qui enfreignent les interdictions sans manoeuvres frauduleuses de ce type n’encourent que des peines pécuniaires.
  • Je n’ai pas cherché à incriminer l’apologie de crimes de guerre ou de violations graves du droit international humanitaire, car je suis dans une optique BDS plus que pénale;
  • C’est un projet. Je n’ai pas d’avis tranché sur certains points, et pourrais notamment envisager que les activités culturelles seraient exclues du cahmp d’application de la loi. Mais cette option n’a pas eu ma faveur, car les activités culturelles sont une partie importante du travail de conscientisation opéré par le BDS, et je me repose également sur le fait que le boycott du régime de l’apartheid sud-africain avait le boycott culturel et sportif comme éléments les plus spectaculaires et les plus couverts médiatiquement de son arsenal. Pour faire bref: le boycott culturel et sportif frappe le quidam moyen autrement plus fort que les autres formes de boycott, et permet une forme de mobilisation bien plus large pour la cause du BDS.

Bien sûr, j’entends d’ici les arguments contraires:

  • La loi au Maroc n’est qu’un bout de papier: probablement vrai, même si je crois que la réalité est plus complexe,mais alors il ne faut pas se contenter de commentaires sardoniques sur Twitter et de unlike sur Facebook pour changer cet état des choses;
  • Taza avant Gaza: ce sont souvent les mêmes qui ont mis Téhéran comme « location » sur Twitter lors de la contestation post-électorale en 2009, qui ont adopté des avatars birmans  lorsque la dernière campagne médiatisée sur ce pays fut lancée en France, ou qui trouvent « qu’il faut faire quelque chose en Libye/Iran/Syrie ».
  • C’est un projet de loi antisémite: STQWD Judith Butler a répondu mieux que personne ne pourrait le faire à l’accusation d’antisémitisme (et, au fait, elle est juive);
  • Ce projet de loi va trop loin ou n’intervient pas au bon moment: les mêmes sont généralement contre la résistance armée, contre le BDS (c’est jamais le bon moment) mais sinon c’est triste ce qui se passe en Palestine;
  • Pourquoi cette obsession avec Israël?: justement, ce projet de loi étant neutre quant aux pays pouvant être désignés, rien n’empêche de l’appliquer au gouvernement syrien, par exemple.

Je n’ai pas les textes des deux propositions de loi (les projets de loi émanent du gouvernement, les propositions des parlementaires) que plusieurs partis représentés au Parlement auraient présenté à la Chambre des représentants sur le rejet de la normalisation avec Israël, mais la presse semble se focaliser sur les aspects pénaux, qui ne sont pas les plus importants à mes yeux.

Lectures complémentaires:

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Loi instaurant un régime de sanctions contre les pays commettant des violations graves du droit international

Vu les articles 36, 71 et 154 de la Constitution ;

Vu la Charte des Nations-Unies ;

Vu les Conventions de Genève du 12 août 1949 ainsi que leurs Protocoles additionnels du 8 juin 1977;

Considérant les obligations découlant pour le Royaume du Maroc de son adhésion à l’Organisation des Nations-Unies et de sa ratification des Conventions de Genève relatives au droit de la guerre ainsi qu’à leurs protocoles additionnels ;

A décidé ce qui suit :

Article premier :

Sont interdites toutes relations commerciales et financières entre des personnes physiques et morales de nationalité marocaine, ou de nationalité étrangère mais établies au Maroc, et des personnes physiques et morales de nationalité de pays commettant des violations graves du droit international, ou de nationalité tierce mais établies dans ces pays.

Pour l’application de cette loi, il n’est fait aucune distinction entre personnes morales de droit public ou personnes morales de droit privé.

Par relations commerciales et financières, sont visées toutes transactions, contractuelles ou unilatérales, commerciales ou civiles, à titre onéreux ou gratuit, portant sur l’investissement, la mise à disposition de moyens financiers, la fourniture de produits, la prestation de services, la construction de biens immeubles ainsi que la cession ou l’exploitation de droits de propriété industriels ou intellectuels.

La qualification de « pays » dans le présent article n’implique pas la reconnaissance comme tel par le gouvernement du Royaume du Maroc.

La présente loi ne s’applique pas à la zone d’un pays ainsi désigné si elle est contrôlée par une autorité échappant au contrôle du gouvernement dirigeant le pays concerné, pour autant que cette autorité est officiellement reconnue par le gouvernement marocain.

Les personnes physiques de nationalité marocaine mais disposant également de la nationalité du pays litigieux sont considérées comme exclusivement marocaines pour l’application de la présente loi.

Article 2:

Par violation grave du droit international, sont visés les faits suivants :

  • Les crimes les plus graves visés aux articles 5 à 8 du Statut de Rome de la Cour pénale internationale du 17 juillet 1998;

  • Les violations des Conventions de Genève du 12 août 1949 et de leurs Protocoles additionnels du 8 juin 1977, et notamment celles visées aux articles 49 et 50 de la Iere Convention de Genève, aux articles 50 et 51 de la IIe Convention de Genève, aux articles 129 et 130 de la IIIe Convention de Genève, aux articles 146 et 147 de la IVe Convention de Genève et à l’article 85 du Ier Protocole additionnel;

  • Les violations graves ou répétées de résolutions du Conseil de Sécurité de l’Organisation des Nations-Unies ;

Article 3:

Peuvent être assimilées aux violations graves visées à l’article 2 celles constatées par des organisations internationales auxquelles adhère le Royaume du Maroc.

Les sanctions décidées par ces organisations internationales peuvent, si leur contenu s’y prête, être régies par la présente loi, sur désignation par un décret ou une loi conformément à l’article 17 du présent texte.

Article 4:

La présente loi ne fait pas obstacle aux relations familiales ou religieuses entre Marocains résidant au Maroc et personnes physiques ou morales de nationalité d’un pays désigné en vertu de la présente loi.

Le service compétent visé à l’article 20 peut accorder des dérogations aux interdictions énoncées par le décret ou la loi pris en application de la présente loi :

  • pour des motifs humanitaires ;

  • en faveur de personnes physiques résidant régulièrement au Maroc au jour de la date d’entrée en vigueur dudit décret ou de ladite loi.

Les dispositions de la présente loi doivent être appliquées et interprétées de manière à ne pas enfreindre les obligations internationales du Royaume du Maroc au titre des traités multilatéraux régulièrement ratifiés et publiés au Bulletin officiel.

Article 5:

Les soumissionnaires aux marchés publics de l’Etat, des collectivités locales et des établissements publics de toute nature, sont tenus de certifier ne pas être dans le cas de figure prohibé à l’article premier, que ce soit en raison de leur nationalité ou de l’origine des fournitures, services ou travaux proposés.

Toute déclaration négative entraîne la mise à l’écart de l’appel d’offres concerné. Toute déclaration mensongère entraîne l’annulation de plein droit du contrat de marché s’il a déjà été attribué, ainsi qu’une mise à l’écart, décidée par le pouvoir adjudicateur, de tout marché public à venir pour la durée de la désignation. Le pouvoir adjudicateur peut également infliger une sanction financière ne pouvant dépasser 10% de la valeur de l’offre soumise par l’entité coupable d’une déclaration mensongère, ou 5 millions de dirhams, selon le cas.

Il ne peut être dérogé à ces dispositions même dans le cas de marchés publics financés, en totalité ou en partie, par des bailleurs de fonds étrangers.

Les modalités pratiques de mises en œuvre de ces dispositions seront détaillées par décret devant intervenir dans un délai de six mois à compter de la publication au Bulletin officiel de la présente loi.

Article 6:

Un contrat ou une obligation conclus avec une personne physique ou morale tombant sous le coup d’une désignation en vertu de la présente loi est illicite au sens des articles 62 à 65 et 72 du Dahir du 12 septembre 1913 formant Code des obligations et des contrats, et ouvre droit aux actions qui y sont prévues. Pour les contrats ou obligations déjà conclues, le délai de prescription court à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi.

Article 7:

Les établissements de crédit demandant leur agrément conformément à l’article 27 du dahir n° 1-05-178 portant promulgation de la loi n° 34-03 relative aux établissements de crédit et organismes apparentés doivent certifier à cette occasion leur respect de la présente loi pour tout pays désigné conformément à ses dispositions. Toute déclaration négative entraîne le refus de ladite inscription. Toute déclaration mensongère entraîne l’application des sanctions prévues aux articles 62 et 133 de la loi précitée.

Les établissements de crédit précités ne peuvent effectuer de paiement, virement ou toute autre opération bancaire à destination d’une personne morale ou physique établie dans un pays désigné par la présente loi.

Article 8:

Les sociétés demandant leur inscription à la cote de la bourse des valeurs conformément aux articles 14, 14 bis, 14 ter et 15 du dahir portant loi n° 1-93-211 du 4 rebiaa II (21 septembre 1993) relatif à la bourse des valeurs doivent certifier à cette occasion leur respect de la présente loi pour tout pays désigné conformément à ses dispositions. Toute déclaration négative entraîne le refus de ladite inscription. Toute déclaration mensongère entraîne la radiation de plein droit, selon les modalités prévues par la loi précitée et sans préjudice des sanctions qui y sont prévues.

Les sociétés de bourse demandant leur agrément conformément à l’article 36 de la loi n° 1-93-211 doivent certifier à cette occasion leur respect de la présente loi pour tout pays désigné conformément à ses dispositions. Toute déclaration négative entraîne le refus dudit agrément. Toute déclaration mensongère entraîne la suspension de plein droit, selon les modalités prévues par la loi précitée et sans préjudice des sanctions qui y sont prévues.

Les organismes de placement collectif en valeurs mobilières demandant leur agrément en vertu du dahir portant loi n° 1-93-213 du 4 rebiaa II (21 septembre 1993) relatif aux organismes de placement collectif en valeurs mobilières doivent certifier à cette occasion leur respect de la présente loi pour tout pays désigné conformément à ses dispositions. Toute déclaration négative entraîne le refus dudit agrément. Toute déclaration mensongère entraîne de plein droit le retrait de l’agrément, selon les modalités prévues par la loi précitée et sans préjudice des sanctions qui y sont prévues.

Les personnes morales faisant appel public à l’épargne conformément au dahir portant loi n° 1-93-212 du 4 rebiaa II (21 septembre 1993) relatif au Conseil déontologique des valeurs mobilières (CDVM) et aux informations exigées des personnes morales faisant appel public à l’épargne doivent certifier, dans le document d’information prévu à l’article 13 de ladite loi, leur respect de la présente loi pour tout pays désigné conformément à ses dispositions. Toute déclaration négative entraîne le refus du visa du CDVM. Toute déclaration mensongère entraîne de plein droit du les sanctions prévues par la loi précitée.

Article 9:

Tout salarié ou fonctionnaire est délié de ses obligations en vertu de son contrat de travail ou de son statut dès lors qu’elles portent sur l’exécution d’une transaction visée par la présente loi avec un pays ayant été désigné en vertu de la présente loi.

Article 10:

Est interdite la participation de personnes physiques ou morales, ayant la nationalité d’un pays désigné à l’article premier, à toutes manifestations sportives, scientifiques, académiques ou culturelles ayant lieu au Maroc.

Le paragraphe précédent ne fait pas obstacle à la participation à ces manifestations de personnes physiques ou morales ayant la nationalité litigieuse, dès lors qu’elles ont pris publiquement ou formellement position contre les violations graves du droit international ayant entraîné les sanctions adoptées en vertu de la présente loi, ou que leur participation vise à témoigner sur ou dénoncer lesdites violations.

Le paragraphe premier du présent article ne fait pas obstacle à la tenue de manifestations sportives imposées par la participation du Maroc à des compétitions internationales, ou à la participation de personnes physiques ou morales marocaines à de telles manifestations sur le territoire d’un pays désigné en vertu de la présente loi.

Le paragraphe premier du présent article ne fait pas obstacle à la présence de personnes physiques ou morales marocaines aux manifestations visées à ce paragraphe se tenant en dehors du territoire marocain ou de celui du pays désigné en vertu de la présente loi.

Article 11 :

Il ne peut y avoir de liaison aérienne, maritime ou de transport routier ou ferroviaire directe entre le territoire marocain et le territoire d’un pays désigné en vertu de la présente loi. Les aéronefs ou navires battant pavillon marocain ne peuvent atterrir sur ou accoster en territoire d’un tel pays.,ni ceux battant celui d’un pays désigné en territoire marocain.

Des liaisons postales ou téléphoniques directes peuvent être maintenues, selon les modalités détaillées par décret devant intervenir dans un délai de six mois à compter de la publication au Bulletin officiel de la présente loi.

L’échange de données électroniques à titre gratuit n’est pas affecté par la présente loi.

Article 12:

Nulle personne physique ou morale de la nationalité d’un pays désigné en vertu de la présente loi ne peut être enregistrée en tant que propriétaire d’un navire ou d’un aéronef battant pavillon marocain, ou être associée, actionnaire ou gérant d’une personne morale demandant l’enregistrement d’un tel droit.

Article 13:

Nulle personne physique ou morale de la nationalité d’un pays désigné en vertu de la présente loi ne peut se voir accorder un agrément ou une licence en vue d’une activité économique quelconque sur le territoire marocain, ou être associée, actionnaire ou gérant d’une personne morale demandant l’acquisition d’un tel droit.

Article 14:

Nulle personne physique ou morale de la nationalité d’un pays désigné en vertu de la présente loi ne peut acquérir la propriété d’un bien immobilier situé en territoire marocain, ou être associée, actionnaire ou gérant d’une personne morale demandant l’acquisition d’un tel droit.

Article 15:

Nulle personne physique ou morale de la nationalité d’un pays désigné en vertu de la présente loi ne peut acquérir un droit de propriété industrielle régi par le dahir n° 1-00-19 du 9 kaada 1420 (15 février 2000) portant promulgation de la loi n° 17-97 relative à la protection de la propriété industrielle, ou être associée, actionnaire ou gérant d’une personne morale demandant l’acquisition d’un tel droit.

Article 16:

Nulle personne physique ou morale de la nationalité d’un pays désigné en vertu de la présente loi ne peut se voir accorder une licence en vertu du dahir n° 1-04-257 du 25 kaada 1425 (7 janvier 2005) portant promulgation de la loi n° 77-03 relative à la communication audiovisuelle, ou être associée, actionnaire ou gérant d’une personne morale demandant l’acquisition d’un tel droit.

Article 17 :

Les pays visés à l’article premier sont désignés soit :

  • Par décret du chef du gouvernement ;

  • Par une loi d’application;

  • Sur décision de justice.

Article 18:

Sur demande de la Chambre des représentants ou à sa propre initiative, le chef du gouvernement peut désigner un ou des pays ayant commis des violations graves du droit international.

Le décret peut limiter l’effet de la désignation à certaines des différentes catégories de transactions visées par la présente loi.

Article 19:

Pour le cas ou le chef du gouvernement ne donnerait pas suite à cette demande dans un délai de six mois, la Chambre des représentants peut présenter une proposition de loi, conformément à la Constitution.

Cette loi d’application peut limiter l’effet de la désignation à certaines des différentes catégories de transactions visées par la présente loi.

Article 20:

A défaut d’une désignation par le décret ou par la loi, celle-ci peut également avoir lieu sur décision de justice, à l’occasion d’une action judiciaire intentée contre la signature ou la mise en œuvre d’une des transactions visées par la présente loi, ou en demandant l’annulation.

Ne peut cependant être désigné un pays que la Chambre des représentants et le chef du gouvernement auraient nommément et publiquement refusé, par courrier officiel ou devant la Chambre des représentants, de désigner comme commettant les violations graves prévues à l’article premier.

Une telle désignation judiciaire n’est valable que pour la transaction litigieuse.

Sont réputés avoir intérêt à agir pour intenter une telle action judiciaire:

  • tout parti politique, syndicat ou association reconnue d’utilité publique ;

  • tout membre de la Chambre des représentants ;

  • tout contribuable s’agissant d’une transaction financée sur fonds publics ;

  • tout détenteur de parts sociales ou d’actions ou tout adhérent s’agissant d’une transaction menée par une personne morale de droit privé ;

  • tout membre du conseil d’administration s’agissant d’une transaction menée par un établissement public ;

  • tout soumissionnaire concurrent dans le cadre d’un marché public.

Le tribunal administratif de Rabat est seul compétent en la matière, sans préjudice des possibilités d’appel ou de cassation.

Article 21:

Il est mis fin à la désignation visée à l’article premier lorsque les violations en question ont cessé, par décret lorsqu’elle a été prononcée par décret, et par le vote d’une loi lorsqu‘elle a été prononcée par la loi. Lorsque la désignation a eu lieu par la voie judiciaire, un décret ou une loi peuvent y mettre fin.

Article 22:

Un service est institué au sein de la primature aux fins de surveiller l’application de la présente loi ainsi que les décrets ou lois pris pour son application, et de traiter les demandes de dérogation qui y sont prévues. Il élabore un rapport public sur son application et les infractions relevées présenté annuellement au Parlement, ainsi que sur les dérogations accordées en vertu de la présente loi.

Le tribunal administratif de Rabat est seul compétent pour tout recours contre les décisions administratives de mise en œuvre de la présente loi ainsi que les décrets ou lois pris pour son application, sans préjudice des possibilités d’appel ou de cassation.

Article 23:

Les personnes physiques ou morales d’un pays désigné en vertu des articles 16, 17 et 18 de la présente loi et qui tentent sciemment d’opérer une des transactions prohibées en vertu des articles 1, 5, 7, 8, 10, 11, 12, 13 ou 14 sont passibles d’une amende de 5.000 à 500.000 de dirhams, ainsi que, le cas échéant, de la confiscation des biens meubles ou immeubles ou des moyens financiers faisant l’objet de ladite transaction ou l’ayant facilitée.

Les personnes physiques ou morales de nationalité marocaine cu résidant au Maroc cse rendant oupables des faits visés au paragraphe précédent sont passibles d’une amende de 5.000 à 5.000.000 de dirhams, ainsi que, le cas échéant, de la confiscation des biens meubles ou immeubles ou des moyens financiers faisant l’objet de ladite transaction ou l’ayant facilitée.

Les personnes physiques, marocaines ou étrangères, usant de manœuvres frauduleuses ou dolosives, notamment l’utilisation de faux, fausses déclarations, prête-noms ou sociétés-écrans, en vue de contourner les prohibitions citées au premier paragraphe, encourent de un à six mois d’emprisonnement et une amende de 5.000 à 5.000.000 de dirhams ainsi que, le cas échéant, la confiscation des biens meubles ou immeubles ou des moyens financiers faisant l’objet de ladite transaction ou l’ayant facilitée. Les personnes morales coupables des mêmes faits encourent une amende de 5.000 à 5.000.000 dirhams ainsi que, le cas échéant, la confiscation des biens meubles ou immeubles ou des moyens financiers faisant l’objet de ladite transaction ou l’ayant facilitée.

Article 24:

La présente loi entre en vigueur au lendemain de sa publication au Bulletin officiel.

Sarkozy et Kadhafi: Le mensonge de Fillon sur l’immunité diplomatique de Bachir Saleh

Les lecteurs du Canard enchaîné ont pu lire depuis quelques semaines – avant même la publication par Médiapart de la lettre alléguée du chef des services d’espionnage libyens, Moussa Koussa, au directeur de cabinet de Mouammar Kadhafi, Bachir Saleh, lui donnant instruction de payer 50 millions d’euro à Nicolas Sarkozy – que Bachir Saleh se trouvait sur territoire français.

La lettre donc:

Il s’agit d’une note rédigée en arabe, datée du 10 décembre 2006 et signée de Moussa Koussa, ex-chef des services de renseignements extérieurs de la Libye, aujourd’hui en exil au Qatar. Adressée à Bachir Saleh, directeur du cabinet de M. Kadhafi, elle fait état d’un « accord de principe » pour « appuyer la campagne électorale du candidat aux élections présidentielles, M. Nicolas Sarkozy, pour un montant d’une valeur de 50 millions d’euros« .

« FAUX »

La note ne précise pas si cette somme astronomique – le plafond des dépenses de campagne était fixé à 18,3 millions d’euros pour chacun des candidats présents au second tour – a effectivement été versée. Elle aurait été rédigée à la suite d’une réunion organisée, le 6 octobre 2006 et associant côté libyen Abdallah Senoussi, beau-frère de Mouammar Kadhafi, et Bachir Saleh, côté français Brice Hortefeux, alors ministre délégué aux collectivités locales et l’homme d’affaires d’origine libanaise Ziad Takieddine. (Le Monde)

Les nouvelles autorités libyennes, jusque là proches de Sarkozy, ont affirmé n’avoir trouvé aucune trace de ce document dans les archives de l’ancien pouvoir (soit dit en passant, il n’est pas certain que lesdites archives aient été maintenues dans un état irréprochable depuis la chute de Kadhafi) – comme par hasard, et sans arrière-pensées – cette annonce a été faite le jour même où ces autorités ont officiellement demandé l’extradition de Bachir Saleh. A l’opposé, l’homme d’affaires franco-libanais Ziad Takieddine a affirmé reconnaître la signature de Moussa Koussa:

L’homme d’affaires franco-libanais Ziad Takieddine, mis en examen dans le volet financier du dossier Karachi, a dit reconnaître la signature de M. Koussa sur le document mais a admis qu’il n’avait « pas assisté à cette réunion« . (Nouvelobs.com)

Je n’ai jamais assisté en Libye à des discussions concernant le financement de la campagne de Sarkozy. Mais il y a peu de doute sur son authenticité. (Libération)

 

La prudence est de mise s’agissant du document publié par Mediapart, dont on ne connait pas la source – George Galloway, victime de prétendues révélations de documents irakiens censés prouver son inféodation vénale aux services de ce pays, en a fait payer le prix fort au Daily Telegraph. Il est néanmoins possible de tenter de s’assurer de sa véracité, mais seulement si les autorités libyennes collaborent:

Est-il possible de vérifier l’authenticité de la note publiée par Mediapart laissant entendre que l’ex-dictateur Muammar Kadhafi voulait « appuyer » – pour 50 millions d’euros – la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007 ? « Si ce versement a eu lieu, un reçu a été signé, assure à Match un ancien membre du premier cercle de Kadhafi. Chaque fois que le Guide ordonnait à son directeur de cabinet, Bachir Saleh, d’octroyer une “aide politique” à un chef d’Etat ami, surtout des dirigeants africains, un récépissé était signé par l’envoyé du bénéficiaire. Ensuite, Bachir Saleh remettait cette reconnaissance au chef comptable de Kadhafi. » (…)

Ces documents, s’ils existent, réapparaîtront-ils un jour ? « Les originaux ont été détruits lors des bombardements du palais de Bab al-Azizia, affirme l’ex-proche. Mais le chef comptable, Salim, aujourd’hui emprisonné par le nouveau régime, conservait des duplicatas. » Si la note présentée par Mediapart est conforme au graphisme des courriers officiels de la Jamahiriya libyenne, les fidèles de l’ex-dictateur sont plus sceptiques sur son contenu. « Ce genre de versement était décidé directement par Kadhafi, et Bachir Saleh n’avait pas besoin du feu vert de Moussa Koussa, le chef des services secrets », se souvient l’un d’eux, qui ajoute : « Avant sa chute, Kadhafi se vantait d’avoir financé la campagne de Sarkozy, mais il parlait de 20 millions d’euros, non de 50 millions. » (Paris Match)

Le directeur administratif du CNT libyen dément cependant les assertions du président Abdeljalil:

Toutefois, contacté par Mediapart mercredi, le directeur administratif du CNT, Othman Bensasi, a affirmé qu’il n’était pas au courant de cette dernière déclaration : « Je ne sais pas sur quelle base ou selon quelles preuves il affirme cela. En tant que président du CNT, je ne vois pas comment il a pu vérifier ce document. »  (…) Ce démenti de la part de Moustafa Abdeljalil n’est pas étonnant, dans la mesure où le CNT doit son actuel pouvoir à l’intervention décisive de la France et de l’OTANcontre Mouammar Kadhafi, qui s’apprêtait àla révolution libyenne en mars 2011. Quant à Moussa Koussa, en exil au Qatar, l’un des pays les plus actifs de la coalition anti-Kadhafi, et Bachir Saleh, actuellement réfugié en France, leur situation est suffisamment délicate pour qu’ils ne fassent pas de vagues. (Le Monde)

La plausibilité de ce financement a été mise en doute:

Les observateurs au fait des habitudes du régime Kadhafi font remarquer que les largesses du colonel, bien que courantes, se passaient de notes écrites et signées. Ils soulignent aussi que le montant évoqué (50 millions d’euros) n’est pas réaliste et largement au-dessus des « normes ». (Le Monde)

La venue de Bachir Saleh sur le territoire français aurait été faite, selon Le Canard enchaîné, sur la base du regroupement familial, dont on connaît la conception laxiste qu’en fait l’actuel gouvernement français:

Saleh est réfugié dans l’Hexagone au titre du regroupement familial, selon le ministre français de l’Intérieur, Claude Guéant, qui comme ses deux prédécesseurs en a pourtant durci les conditions. Selon le Canard Enchaîné, l’homme aurait été exfiltré de Libye par la France. Le voilà devenu, en quelques heures, un hôte encombrant. (RFI)

Sur quelle base ce regroupement? Apparemment, son épouse, la franco-libanaise Kafa Kachour Bachir, condamnée ce 25 avril à deux ans de prison avec sursis pour esclavage domestique (en fait, soumission à des conditions de travail et d’hébergement contraires à la dignité, cf. article 225-14 du Code pénal):

Kafa Kachour Bashir, une Franco-Libanaise de 56 ans qui vivait plusieurs mois par an en France, avait en outre été condamnée à verser une amende de 70000 euros, le 25 avril par le tribunal correctionnel de Bourg-en-Bresse.

Elle était poursuivie pour «soumission de personnes vulnérables à des conditions de travail ou d’hébergement incompatibles avec la dignité humaine», «travail dissimulé» et «aide au séjour irrégulier et emploi d’étrangers démunis de titre de travail», ses employés ne disposant pas de contrat de travail dans sa résidence secondaire située à Prévessin-Moëns (Ain).

Lors de l’audience, mi-mars, le procureur de la République avait requis cette peine de 2 ans de prison avec sursis et une amende de 50000 euros.

A la barre, les quatre Tanzaniens, deux soeurs quadragénaires et un couple de trentenaires, embauchés en Libye et qui étaient privés la plupart du temps de leurs passeports, avaient raconté leurs conditions de vie et de travail dans la luxueuse villa de Mme Bashir.

Ils avaient notamment décrit leurs repas constitués de restes, l’amplitude de leurs horaires, l’absence de congés, le tout pour des salaires quasi-nuls. Absente du tribunal, Mme Bashir contestait tous ces faits. (Le Progrès)

Lui-même a un profil humanitaire marqué:

Quant à Bachir Saleh, qui dirigeait le cabinet du « Guide » libyen, il était le responsable de tous les investissements officiels mais aussi des financements occultes en Afrique, notamment dans la bande sahélienne où Kadhafi a investi beaucoup d’argent, que ce soit dans l’immobilier, l’hôtellerie ou les terres agricoles, mais où il finançait aussi des groupes rebelles (JEM au Darfour), ainsi que des chefs d’Etat ou des dirigeants politiques (Compaoré au Burkina, Déby auTchad, etc.). (Le Monde)

On admirera l’humanisme du gouvernement français, dont on avait pas été coutumier, humanisme qui va jusqu’à fournir à ce paisible père de famille, époux d’une délinquante, une protection policière.

Ah, j’oubliais: Bachir Saleh a, sous le nom de Bachir Saleh Shrkawi, fait l’objet d’une notice rouge d’Interpol (son avocat français le confirme) sur la base d’un avis de recherche pour fraude émis par les nouvelles autorités libyennes. Mais peut-on décemment reprocher au gouvernement français de respecter scrupuleusement la présomption d’innocence, surtout vis-à-vis d’une personne susceptible de détenir des informations détaillées sur les allégations de financement libyen de la campagne électorale de Nicolas Sarkozy aux présidentielles de 2007? D’autant que l’intéressé dément fort opportunément les informations contenues dans la lettre publiée par Mediapart:

Bachir Saleh, ex-directeur de cabinet de Kadhafi, qui se trouve en France, selon son avocat Me Pierre Haïk, «émet au préalable les plus expresses réserves sur l’authenticité de la note publiée par Mediapart et opportunément présentée comme constituant la preuve d’un financement de la campagne 2007 de Nicolas Sarkozy».

«En toute hypothèse», Bachir Saleh «affirme n’avoir jamais été le destinataire d’un tel document et dément catégoriquement avoir participé à une réunion le 6 octobre 2006 au cours de laquelle un accord aurait été conclu en vue de déterminer les modalités d’un soutien financier à la campagne présidentielle de 2007 de Nicolas Sarkozy», selon sa déclaration transmise par Me Haïk.

«Ces allégations, à visée politicienne, sont dénuées de tout fondement», conclut le communiqué de Bachir Saleh. Le site Mediapart a publié samedi un document attribué à Moussa Koussa, ex-chef des services de renseignements extérieurs de la Libye, aujourd’hui en exil, affirmant que Tripoli avait accepté de financer pour «50 millions d’euros» la campagne de Nicolas Sarkozy en 2007. (Libération)

 

Le président français pourrait éventuellement être un témoin de moralité, ayant officiellement reçu Bachir Saleh à Paris en juillet 2011, en pleine révolution libyenne:

On est le 2 juillet 2011, quatre mois avant la mort de Kadhafi. L’intervention militaire en Libye s’enlise: les troupes du Conseil National de Transition (CNT) s’avèrent moins efficaces que prévues, et celles de Kadhafi résistent bien. L’Elysée cherche alors une porte de sortie sous la forme d’une négociation avec Kadhafi, qui conduirait à son départ du pouvoir et à la formation d’un gouvernement de transition incluant les rebelles et une partie du régime en place.

Selon les informations révélées dans « Kadhafi, mort ou vif », un documentaire d’Antoine Vitkine qui sera diffusé sur France5 le 8 mai à 20h35, des contacts sont alors noués entre les proches de Kadhafi et la France. Nicolas Sarkozy reçoit en personne Bachir Saleh, à l’Elysée le 2 juillet. Saleh est le directeur de cabinet du dictateur libyen et il est proche de la France. Par son intermédiaire, le président français propose à Kadhafi l’exil et la vie sauve, si ce dernier cesse le combat. Kadhafi ne donnera finalement pas suite à la proposition. (…) Selon les informations d’Antoine Vitkine, il aurait négocié son exil avec les Français juste avant la chute de Tripoli fin août 2011 et aurait été exfiltré. (Huffington Post)

 

Ses rencontres à Paris sont à l’avenant:

L’ancien conseiller de Kadhafi qui jouissait jusqu’au début de cette semaine du soutien discret des autorités françaises est aujourd’hui aux aguets. Hier, jour où le président Nicolas Sarkozy se déclarait prêt à le livrer à Interpol, il retrouvait au Ritz son ami Dominique de Villepin. Ce dernier était, comme souvent, accompagné de Alexandre Djhouri, homme d’affaires intermédiaire sur de gros contrats internationaux.  (…)

Quel hasard incroyable où les membres de ce trio auraient tellement de choses à se dire ! Ont-ils parlé de la position des autorités françaises vis-à-vis du mandat d’arrêt émis par Interpol contre Bashir Saleh ? Des allégations du site Mediapart sur le financement de la campagne de Sarkozy en 2007 ? Ou encore de la disparition de leur relation commune, Choukri Ghanem, l’ancien ministre du Pétrole libyen retrouvé mort noyé dimanche dernier dans le Danube à Vienne ? Que de sujets brûlants qu’il aurait été judicieux d’évoquer, au calme, par exemple, dans la suite qu’Alexandre Djhouri a l’habitude de réserver dans le palace parisien.

D’après nos informations, Bachir Saleh serait actuellement en train de faire la tournée des meilleurs avocats pénalistes de la place de Paris. Voilà bien la preuve que l’homme recherché par Interpol a l’intention de se défendre. (Paris Match)

 

Ce serait donc au président français que Bachir Saleh devrait sa fuite de Libye, et donc probablement sa survie (Sarkozy prétend cependant que Saleh serait venu avec l’accord du CNT de Mustapha Abdeljalil, ce que ce dernier dément). Il aurait été aidé par Alexandre Djouhri, « agent trouble du pouvoir » sarkozyste:

Il aurait même été épaulé par Alexandre Djouhri, homme d’affaires très proche de l’Elysée, pour rejoindre la France. (Libération)

Tant de solicitude de la part du gouvernement français émeut: un haut dignitaire en fuite d’un régime dictatorial, objet d’un avis de recherche international et époux d’une ressortissante française condamnée pour esclavage domestique, se voit donc accorder des preuves renouvelées de fraternité républicaine de la part d’un gouvernement dont le président aurait bénéficié des largesses.

Mais voilà que, dans une déclaration du premier ministre François Fillon ce 30 avril, une nouvelle justification du séjour sans éclat de Bachir Saleh en France: Bachir Saleh ne pourrait être arrêté par les autorités policières françaises en raison de son immunité diplomatique.

« Tout ça n’est pas exact. Vous dites qu’il est recherché par Interpol. Nous, nous n’avons aucune trace d’un mandat d’arrêt international à l’égard de M. Bachir Saleh. (…) J’imagine que le gouvernement français serait au courant. Deuxièmement, M. Bachir Saleh a un passeport diplomatique du Niger et à ce titre il est protégé par l’immunité diplomatique. (…) Si naturellement il y avait un mandat international contre lui, la France le mettrait à la disposition de la justice après un échange avec le Niger qui est nécessaire compte tenu de son statut diplomatique » (RTL)

Fillon ment, et je vais vous dire pourquoi – entretemps, Sarkozy a déclaré être disposé à extrader Saleh en Libye. Mais d’abord, le passeport diplomatique.

Le passeport diplomatique nigérien en question aurait été délivré à Bachir Saleh par les autorités nigériennes dans des conditions particulières:

Un haut responsable militaire nigérien, le colonel Djibou Tahirou, avait indiqué le 12 mars à Tripoli que le Niger avait, «sur le conseil et la pression d’un pays européen» non précisé, délivré un passeport à Bachir Saleh, avant de l’annuler. (Le Parisien)

Le Niger lui a délivré un passeport « sur le conseil et la pression d’un pays européen » avant de l’annuler, avait déclaré en mars un haut responsable militaire nigérien, le colonel Djibou Tahirou, à l’AFP en refusant de révéler le nom de ce pays européen. Le passeport « disait qu’il était un conseiller (politique) bien qu’il n’ait jamais été » conseiller du gouvernement du Niger, a souligné le responsable nigérien.

A Paris, le ministère de l’Intérieur n’a pu être joint pour confirmer cette présence en France de Bachir Saleh et son statut. (Nouvelobs.com)

De manière touchante, l’intéressé aurait lui-même renoncé à son passeport diplomatique nigérien (on notera par ailleurs que si Bachir Saleh est né au Niger, rien n’indique à ce stade qu’il n’ait la nationalité de ce pays):

« Non, Bachir Saleh n’est plus en possession d’un passeport nigérien« , a déclaré à l’AFP une source au sein du ministère. Quand cette « affaire » de passeport a commencé en mars « à faire grand bruit au Niger« , il « a décidé lui-même de restituer le passeport diplomatique qui lui avait été donné« . Le Premier ministre français François Fillon a assuré lundi que Bachir Saleh, qui vit en France et est recherché par Interpol pour fraude, disposait d’un « passeport diplomatique du Niger » et est donc « protégé par l’immunité diplomatique« . (Actuniger)

Mais tout cela n’est qu’écran de fumée pour journalistes naïfs. En effet, contrairement à une légende tenace, la simple possession d’un passeport diplomatique ne fait pas bénéficier à son titulaire de l’immunité diplomatique – l’inverse aussi est vrai, puisque une personne peut bénéficier de l’immunité diplomatique tout en ne disposant pas de passeport diplomatique:

Aucune règle internationale ne régit donc les conditions d’octroi du passeport diplomatique et aucune coutume non plus ne donne le bénéfice de l’immunité de juridiction ou d’exécution à la seule détention d’un tel passeport. Pourquoi alors tous ces fantasmes autour du passeport diplomatique qui protégerait son titulaire contre toute action judiciaire? S’agirait-il d’une chimère juridique ? Au regard du peu de textes qui existent en la matière et de la coutume nationale ou internationale, la réponse à cette question ne serait être qu’affirmative. (Marie-Caroline Caillet, « Le passeport diplomatique et les immunités: un fantasme juridique« )

De fait, dans de nombreux pays, notamment africains, les passeports diplomatiques sont délivrés à des personnes n’exercant aucune fonction diplomatique ou officielle – on ainsi vu le footballeur professionnel ivoirien Gervinho, qui joue à Lille, invoquer en 2010 un passeport diplomatique délivré par la Côte d’Ivoire à tous les joueurs de la sélection ivoirienne ayant participé à la Coupe du monde de 2006:

Gervinho, milieu offensif du LOSC, sera convoqué par la police afin d’être auditionné sur sa nouvelle conduite sans permis de jeudi à Lille (notre édition de samedi). L’international ivoirien de 22 ans ne bénéficie en effet pas d’une immunité liée au passeport diplomatique de Côte d’Ivoire présenté aux agents. C’est le résultat des vérifications de la police ce week-end auprès du ministère des Affaires étrangères, où il n’est pas accrédité comme diplomate : « Il n’a aucune protection particulière. C’est un résident comme un autre, il répondra de ses actes », note une source proche du dossier.
La police vérifie l’authenticité du document. A priori, il s’agit bien d’un passeport diplomatique délivré par l’État ivoirien : « Il est octroyé à tous les joueurs de l’équipe nationale. Le président (Laurent Gbagbo) l’a décidé après les qualifications pour la Coupe du monde 2006 », explique-t-on à la Fédération ivoirienne de football. L’objectif serait pratique, sans conférer les privilèges des diplomates : « C’est pour faciliter les déplacements. Les visas, c’est compliqué. Avec le passeport diplomatique, ça abrège les démarches. » (La Voix du Nord)

Mais il faut tout d’abord passer par les sources du droit diplomatique avant de poursuivre: historiquement, le droit régissant le statut des diplomates en pays étranger est issu de la coutume internationale élaborée par les Etats à travers les siècles. L’article 38 du statut de la Cour internationale de justice définit la coutume internationale comme la « preuve d’une pratique générale acceptée comme étant le droit« . La coutume internationale est contraignante pour tous les Etats, même en l’absence de traité. Les Etats ont cependant résolu de codifier la pratique en matière de droit diplomatique par l’adoption de la Convention de Vienne de 1961 sur les relations diplomatiques, la Convention de Vienne de 1963 sur les relations consulaires ainsi que par la Convention de New York de 1969 sur les missions spéciales, traités qui codifient et complètent ces règles coutumières.

On peut en gros, sur la base de la coutume et des traités, identifier trois catégories d’agents diplomatiques ou assimilés bénéficiant de l’immunité diplomatique (cette immunité est subdivisée en immunité de juridiction – un diplomate ou assimilé ne peut contre son gré être contraint de participer à une procédure judiciaire de l’Etat hôte – et immunité d’exécution – l’agent diplomatique ne peut être arrêté, détenu ou privé de liberté d’une autre façon, ni ses biens saisis):

  • les ministres des affaires étrangères ainsi que les chefs d’Etat et de gouvernement en déplacement à l’étranger, règle coutumière dégagée par la Cour internationale de justice dans l’arrêt du 14 février 2002 République démocratique du Congo c. Belgique;
  • les agents d’Etats étrangers en mission officielle reconnue comme telle par l’Etat hôte (c’est le cas par exemple des membres d’une délégation participant à une conférence internationale, une négociation ou une visite officielle dans l’Etat hôte), règle coutumière codifiée par la Convention de New York précitée, et illustrée notamment par la jurisprudence de la Cour de cassation française (arrêt de la Chambre criminelle du 9 avril 2008 dans l’affaire des disparus du Beach de Brazzaville);
  • les agents diplomatiques et consulaires étrangers dûment accrédités auprès de l’Etat hôte.

Le cas de Bachir Saleh ne peut donc relever que des deux derniers points – soit il est représentant officiel du Niger en mission officielle en France, soit il est agent diplomatique du Niger accrédité auprès du gouvernement français.

Dans le premier cas – Bachir Saleh en mission officielle en France pour le compte du du gouvernement de la République du Niger – les conditions suivantes devraient être remplies:

  • être porteur d’un ordre de mission officiel signé par l’autorité nigérienne compétente;
  • voir cette mission formellement reconnue comme telle par les autorités françaises compétentes;
  • en règle générale, avoir la nationalité de l’Etat d’envoi – cf. l’article 10 de la Convention de New York de 1969 – l’Etat hôte – la France – a le droit de refuser la reconnaissance de membre d’une mission spéciale à celui qui ne posséderait pas la nationalité du pays d’envoi – le Niger.

Dans le second cas – Bachir Saleh diplomate nigérien accrédité auprès des autorités françaises – la Convention de Vienne de 1961 s’applique, et les conditions suivantes devraient être remplies:

  • être affecté à une mission diplomatique du pays accréditant (le Niger);
  • notifier formellement les autorités du pays accréditaire (la France) de cette affectation;
  • obtenir le document d’identité – carte diplomatique – attestant la reconnaissance par l’Etat accréditaire (la France) du statut d’agent diplomatique;
  • en règle générale, avoir la nationalité de l’Etat accréditant (le Niger), l’Etat accréditaire (la France) ayant le droit de refuser la reconnaissance du statut d’agent diplomatique à celui qui ne la posséderait pas.

Une jurisprudence française relativement fournie, relative surtout à des pays africains, précise les modalités de mise en oeuvre de l’immunité, notamment pénale, pour les personnes couvertes par ces deux types d’immunité. L’immunité diplomatique est tout d’abord censée relever de l’intérêt de l’Etat dont dépendent les diplomates et non pas de l’intérêt personnel de ceux-ci (« le but desdits privilèges et immunités est non pas d’avantager des individus mais d’assurer l’accomplissement efficace des fonctions des missions diplomatiques en tant que représentants des États« , préambule de la Convention de Vienne de 1961). C’est donc à l’Etat accréditant (le Niger) et à ses agents d’invoquer l’immunité diplomatique.

Dans le cas de Bachir Saleh, rien de tel. Se contentant du passeport diplomatique nigérien qu’il a possédé, les autorités françaises n’ont pas entrepris de vérifier qu’il remplisse bien les conditions – évoquées plus haut – pour se voir effectivement reconnaître l’immunité diplomatique en France – vérifications d’autans plus simples qu’il aurait suffi de contactr le ministère des affaires. Ainsi par exemple, dans l’affaire des disparus du Beach de Brazzaville, un haut gradé congolais, soupçonné d’être l’auteur de disparitions forcées au Congo, avait pu être identifié par des victimes et arrêté. Lors de sa garde à vue, la police avait procédé aux vérifications de son statut diplomatique, contactant le Quai d’Orsay, qui avait pu obtenir de l’ambassadeur congolais à Paris un ordre de mission signé par le président congolais, et qui avait confirmé que l’intéressé était bien en mission officielle en France. Dans ces conditions, tant la Cour d’appel de Versailles que la Cour de cassation avaient reconnu que l’intéressé bénéficiait bel et bien d’un statut diplomatique à ce titre.

D’autres affaires montrent que le contrôle de la police et de la justice peut s’exercer contre des personnes se réclamant de l’immunité diplomatique – ainsi, dans ce cas d’un ambassadeur itinérant du Bénin mais de nationalité française, en disponibilité, ne figurant pas sur la liste du corps diplomatique accrédité à Paris établie par le Quai d’Orsay et évoquant un ordre de mission ne lui conférant aucune mission précise, la Cour de cassation (arrêt de la Chambre criminelle du 4 janvier 1990) n’a eu aucun mal à écarter l’immunité diplomatique.

Autre espèce, proche du cas actuel: un Français s’était vu délivrer un passeport diplomatique par la Guinée équatoriale, expiré au moment du jugement, postérieurement aux faits d’excroquerie pour lesquels il était poursuivi. Notant que l’intéressé n’avait jamais été accrédité par le gouvernement français, la Cour d’appel de Montpellier avait jugé qu’il ne pouvait invoquer l’immunité diplomatique (confirmé par la Cour de cassation, arrêt de la Chambre criminelle du 22 juin 2005).

Le passeport diplomatique accordé unilatéralement par le gouvernement du Niger à Bachir Saleh ne pouvait donc en rien lui conférer une immunité diplomatique, en l’absence soit d’un ordre de mission reconnu comme tel par le Quai d’orsay, soit d’une accréditation en bonne et due forme auprès du ministère des affaires étrangères, circonstances aisées à vérifier pour Fillon et les autorités policières à sa disposition.

Mais les mensonges de Fillon ne s’arrêtent pas là: en effet, si on en croit les déclarations de son propre ministre de l’intérieur, Bachir Saleh serait en France en vertu des dispositions du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile relatives au regroupement familial, sa charmante épouse (condamnée, je le rappelle, pour esclavage domestique) étant française. Or voici ce que dispose l’article L 111-4 de ce code:

A l’exception des dispositions du livre VII relatives à l’asile, les dispositions du présent code ne sont pas applicables aux agents diplomatiques et aux consuls de carrière.

Bref: de la même manière qu’on ne peut être vierge et enceinte, mort et vivant ou sec et mouillé à la fois, on ne peut avoir l’immunité diplomatique et entrer et résider sur le territoire français en vertu du regroupement familial.

On l’aura compris: Fillon ment. Mais pourquoi ment-il? Pourquoi ne pas s’être contenté de l’excuse – certes à peine plaidable vu la qualité des services de renseignement français – de ne pas avoir reconnu Bachir Saleh comme étant le Bashir al Shrkawi de l’avis de recherche d’Interpol? Pourquoi avoir affirmé ne rien pouvoir faire contre Bachir Saleh pour se déclarer prêt à l’extrader vers la Libye du CNT de Mostafa Abdeljalil le jour même où ce dernier a qualifié de peu crédible la lettre publiée par Mediapart et adressée à Bachir Saleh? On en saura sans doute plus après ce dimanche électoral, à la faveur du départ du président sortant.

Le Maroc et la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes

Suite à une discussion sur Twitter avec Houdac hier, j’ai vérifié: le Maroc n’a plus de réservation substantielle par rapport à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) de 1979. Ratifiée par le Maroc en 1993, ce fut cependant avec des déclarations et des réservations. En droit des traités, une déclaration n’a pas en théorie de valeur juridique, à en croire notamment le site des Nations-Unies sur le droit des traités:

8. Déclaration

Les États font parfois des « déclarations » pour indiquer la manière dont ils comprennent une question ou interprètent une disposition donnée. Contrairement aux réserves, les déclarations se bornent à préciser la position des États et n’ont pas pour objet d’écarter ou de modifier l’effet juridique du traité. Les déclarations sont faites habituellement au moment où un instrument est déposé ou au moment de la signature.

Si ces déclarations n’ont pas d’effet en droit international, elles peuvent en avoir devant les tribunaux nationaux: ceux-ci seront souvent amenés à interpréter le traité à la lumière des déclarations et des réserves émises par leur gouvernement au moment de sa ratification.

Le Maroc a fait deux déclarations lors de son accession au CEDAW:

Déclarations :

« 1. En ce qui concerne l’article 2 :

Le Gouvernement du Royaume du Maroc se déclare disposé à appliquer les dispositions de cet article à condition :

– qu’elles n’aient pas d’effet sur les dispositions constitutionnelles régissant les règles de succession au trône du Royaume du Maroc;
– qu’elles n’aillent pas à l’encontre des dispositions de la Charia Islamique, étant donné que certaines dispositions contenues dans le Code marocain du statut personnel qui donnent à la femme des droits qui diffèrent de ceux octroyés à l’époux, ne pourraient être transgressées ou abrogées du fait qu’elles sont fondamentalement issues de la Charia Islamique qui vise, entre autres, à réaliser l’équilibre entre les conjoints afin de préserver la consolidation des liens familiaux. »

2. En ce qui concerne le paragraphe 4 de l’article 15 :

Le Gouvernement du Royaume du Maroc déclare qu’il ne pourrait être lié par les dispositions de ce paragraphe, notamment celles qui concernent le droit de la femme de choisir sa résidence et son domicile, que dans la mesure où ces dispositions ne seraient pas contraires aux articles 34 et 36 du Code marocain du statut personnel.

Ces déclarations visaient – mis à part la réserve visant à préserver le droit de primogéniture mâle au trône royal – à préserver le Code du statut personnel de 1958 alors en vigueur, abrogé par le Code de la famille de 2004.

La déclaration vis-à-vis de l’article 2 est très vague et générale, d’autant qu’il s’agit là de l’article fondamental de la CEDAW puisqu’il exprime l’idée générale d’élimination de toute discrimination à l’encontre des femmes:

Article 2

Les Etats parties condamnent la discrimination à l’égard des femmes sous toutes ses formes, conviennent de poursuivre par tous les moyens appropriés et sans retard une politique tendant à éliminer la discrimination à l’égard des femmes et, à cette fin, s’engagent à :

a) Inscrire dans leur constitution nationale ou toute autre disposition législative appropriée le principe de l’égalité des hommes et des femmes, si ce n’est déjà fait, et à assurer par voie de législation ou par d’autres moyens appropriés, l’application effective dudit principe;

b) Adopter des mesures législatives et d’autres mesures appropriées assorties, y compris des sanctions en cas de besoin, interdisant toute discrimination à l’égard des femmes;

c) Instaurer une protection juridictionnelle des droits des femmes sur un pied d’égalité avec les hommes et garantir, par le truchement des tribunaux nationaux compétents et d’autres institutions publiques, la protection effective des femmes contre tout acte discriminatoire;

d) S’abstenir de tout acte ou pratique discriminatoire à l’égard des femmes et faire en sorte que les autorités publiques et les institutions publiques se conforment à cette obligation;

e) Prendre toutes mesures appropriées pour éliminer la discrimination pratiquée à l’égard des femmes par une personne, une organisation ou une entreprise quelconque;

f) Prendre toutes les mesures appropriées, y compris des dispositions législatives, pour modifier ou abroger toute loi, disposition réglementaire, coutume ou pratique qui constitue une discrimination à l’égard des femmes;

g) Abroger toutes les dispositions pénales qui constituent une discrimination à l’égard des femmes.

La déclaration relative à cet article vise un texte de loi désormais caduc. Il est regrettable que le Maroc aie voulu la préserver. Une alternative à l’abrogation pure et simple de cette déclaration aurait pu être – en y rajoutant la déclaration relative aux règles de dévolution du trône – une déclaration a minima du genre:

« Le gouvernement du Royaume du Maroc déclare considèrer que l’article 2 de la Convention ne fait pas obstacle ni aux règles en vigueur de succession au trône ni à l’application du Code de la famille tel que promulgué en 2004« .

L’autre déclaration vise l’article 15.4 de la CEDAW:

4. Les Etats parties reconnaissent à l’homme et à la femme les mêmes droits en ce qui concerne la législation relative au droit des personnes à circuler librement et à choisir leur résidence et leur domicile.

Cette déclaration n’a plus de raison d’être: le Code de la famille a désormais instauré le principe d’égalité entre les époux dans leur gestion de leur vie commune et familiale – le devoir d’obéissance de l’épouse vis-à-vis de l’époux a ainsi été aboli, y compris dans le choix du lieu de vie commune. Voici ainsi ce que disaient les anciens articles 34 et 36 du Code du statut personnel abrogé:

Article 34. Les droits et devoirs réciproques entre époux sont :

1° la cohabitation ;

2° les bons rapports, le respect et l’affection mutuels ainsi que la sauvegarde des intérêts moraux et matériels de la famille;

3° les droits de succession ;

4° les droits de la famille, tels que le rattachement aux époux des enfants nés du mariage et la création d’une parenté par alliance.

Article 36. Les droits du mari à l’égard de sa femme sont :

1° la fidélité ;

2° l’obéissance, conformément aux convenances ;

3° l’allaitement au sein, si possible, des enfants issus du mariage ;

4° la charge de veiller à la marche du foyer et à son organisation ;

5° la déférence envers les père, mère et proches parents du mari.

Ces articles ont été remplacés par l’article 51 du Code de la famille:

Article 51
Les droits et devoirs réciproques entre conjoints sont les suivants :
1) la cohabitation légale, qui implique les bons rapports conjugaux, la justice et l’égalité de traitement entre épouses, en cas de polygamie, la pureté et la fidélité mutuelles, la vertu et la préservation de l’honneur et de la lignée ;
2) le maintien de bons rapports de la vie commune, le respect, l’affection et la sollicitude mutuels ainsi que la préservation de l’intérêt de la famille ;
3) la prise en charge, par l’épouse conjointement avec l’époux de la responsabilité de la gestion des affaires du foyer et de la protection des enfants ;
4) la concertation dans les décisions relatives à la gestion des affaires de la famille, des enfants et de planning familial ;
5) le maintien par chaque conjoint de bons rapports avec les parents de l’autre et ses proches avec lesquels existe un empêchement au mariage, en les respectant, leur rendant visite et en les recevant dans les limites des convenances ;
6) le droit de chacun des époux d’hériter de l’autre.

La déclaration marocaine relative à l’article 15.4 de la CEDAW n’a donc plus aucune raison d’être, et il est regrettable qu’elle n’aie pas été retirée par le Maroc en 2011.

Car en 2011, soit l’année dernière, le 8 avril plus exactement, le gouvernement marocain a retiré deux réserves importantes qu’il avait émises en 1993:

Le 8 avril 2011, le Secrétaire général a reçu une notification du Royaume du Maroc l’informant qu’il a décidé de retiré les réserves au paragraphe 2 de l’article 9 et à l’article 16 de la Convention formulées lors de l’adhésion.

Les réserves au paragraphe 2 de l’article 9 et à l’article 16 se lisaient comme suit :

En ce qui concerne le paragraphe 2 de l’article 9 :

Le Gouvernement du Royaume du Maroc émet des réserves à l’égard de ce paragraphe, étant donné que le Code de la nationalité marocaine ne permet à l’enfant d’avoir la nationalité de la mère que s’il est né d’un père inconnu, quel que soit le lieu de la naissance, ou d’un père apatride, avec naissance au Maroc, et ce afin que le droit de nationalité soit garanti à tout enfant. De même, l’enfant né au Maroc d’une mère marocaine et d’un père étranger peut acquérir la nationalité de sa mère à condition qu’il déclare, dans les deux années précédant sa majorité, vouloir acquérir cette nationalité… à condition qu’il ait, au moment de la déclaration, une résidence habituelle et régulière au Maroc.

En ce qui concerne l’article 16 :

Le Gouvernement du Royaume du Maroc émet des réserves à l’égard des dispositions de cet article, notamment celles relatives à l’égalité de l’homme et de la femme en ce qui concerne les droits et responsabilités au cours du mariage et lors de sa dissolution, du fait qu’une égalité de ce genre est contraire à la Charia Islamique qui garantit à chacun des époux des droits et responsabilités dans un cadre d’équilibre et de complémentarité afin de préserver les liens sacrés du mariage.

En effet, les dispositions de la Charia Islamique obligent l’époux à fournir la dot, lors du mariage, et à entretenir sa famille, alors que l’épouse n’est pas obligée, en vertu de la loi, d’entretenir la famille.

De même, après la dissolution du mariage, l’époux est également obligé de payer la pension alimentaire. Par contre, l’épouse bénéficie, au cours du mariage ou après sa dissolution, d’une entière liberté d’administrer et de disposer de ces biens sans aucun contrôle du mari, ce dernier n’ayant aucun pouvoir sur les biens de son épouse.

Pour ces raisons, la Charia Islamique n’octroie le droit de divorce à la femme que sur intervention du juge.

Petit rappel: les réserves ont, contrairement aux déclarations, un effet juridique certain en droit international, et donc par ricochet en droit interne.

20. Réserve

Une « réserve » s’entend d’une déclaration faite par un État par laquelle il vise à exclure ou à modifier l’effet juridique de certaines dispositions du traité dans leur application à cet État. Une réserve permet à un État d’accepter un traité multilatéral dans son ensemble tout en lui donnant la possibilité de ne pas appliquer certaines dispositions auxquelles il ne veut pas se conformer. Des réserves peuvent être faites lors de la signature du traité, de sa ratification, de son acceptation, de son approbation ou au moment de l’adhésion. Les réserves ne doivent pas être incompatibles avec l’objet et le but du traité. En outre, un traité peut interdire les réserves ou n’autoriser que certaines réserves.

[Art. 2, par. 1, al. d) et art. 19 à 23, Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités]

La première réserve, concernant l’article 9.2 de la CEDAW, était devenue caduque depuis la réforme du Code de la nationalité de 2007 permettant enfin aux Marocaines de transmettre leur nationalité aux enfants issus d’un mariage avec un étranger. La seconde réserve était relative à l’article 16 de la CEDAW, qui impose l’égalité entre les époux dans le mariage, la vie de famille et le la dissolution du mariage:

Article 16

1. Les Etats parties prennent toutes les mesures nécessaires pour éliminer la discrimination à l’égard des femmes dans toutes les questions découlant du mariage et dans les rapports familiaux et, en particulier, assurer, sur la base de l’égalité de l’homme et de la femme :

a) Le même droit de contracter mariage;

b) Le même droit de choisir librement son conjoint et de ne contracter mariage que de son libre et plein consentement;

c) Les mêmes droits et les mêmes responsabilités au cours du mariage et lors de sa dissolution;

d) Les mêmes droits et les mêmes responsabilités en tant que parents, quel que soit leur état matrimonial, pour les questions se rapportant à leurs enfants; dans tous les cas, l’intérêt des enfants sera la considération primordiale;

e) Les mêmes droits de décider librement et en toute connaissance de cause du nombre et de l’espacement des naissances et d’avoir accès aux informations, à l’éducation et aux moyens nécessaires pour leur permettre d’exercer ces droits;

f) Les mêmes droits et responsabilités en matière de tutelle, de curatelle, de garde et d’adoption des enfants, ou d’institutions similaires, lorsque ces concepts existent dans la législation nationale; dans tous les cas, l’intérêt des enfants sera la considération primordiale;

g) Les mêmes droits personnels au mari et à la femme, y compris en ce qui concerne les choix du nom de familles d’une profession et d’une occupation;

h) Les mêmes droits à chacun des époux en matière de propriété, d’acquisition, de gestion, d’administration, de jouissance et de disposition des biens, tant à titre gratuit qu’à titre onéreux.

2. Les fiançailles et les mariages d’enfants n’auront pas d’effets juridiques et toutes les mesures nécessaires, y compris des dispositions législatives, seront prises afin de fixer un âge minimal pour le mariage et de rendre obligatoire l’inscription du mariage sur un registre officiel.

La levée de cette réserve est très significative: elle signifie notamment que l’article 16  de la CEDAW devient invocable par le justiciable marocain, notamment pour demander que soient écartés les dispositions du code de la famille qui n’y seraient pas conformes.

Ne demeure donc aujourd’hui qu’une seule réserve marocaine à la CEDAW, sans implication substantielle cependant puisqu’il s’agit simplement du refus de la compétence obligatoire de la Cour internationale de justice

Réserves :

       « 3. En ce qui concerne l’article 29 :

Le Gouvernement du Royaume du Maroc ne se considère pas lié par le paragraphe 1 de cet article qui dispose que tout différend entre deux ou plusieurs États concernant l’interprétation ou l’application de la Convention qui n’est pas réglé par voie de négociation, peut être soumis à l’arbitrage à la demande de l’un d’entre eux.
Le Gouvernement du Royaume du Maroc estime, en effet,que tout différend de cette nature ne peut être soumis à l’arbitrage qu’avec le consentement de toutes les parties au différends. »

Cette réserve ne vaudrait que pour différends éventuels entre le Maroc et un autre Etat partie à la CEDAW, un cas de figure très théorique.

Le syndicat suédois des dockers décide d’un blocus à l’encontre de cargaisons et navires israëliens

Armes de destruction massive à destination de Gaza

Certains se demandent comment réagir au bain de sang du Mavi Marmara ce lundi. Svenska hamnarbetarförbundet, le syndicat suédois des dockers, apporte un début de réponse: ce syndicat a décidé d’un blocus à l’encontre des navires et produits israëliens du 15à 00.00 heure au 24 juin à 24.00 heure. Le motif:

Skälet till blockaden är det exempellösa kriminella överfallet på den fredliga fartygskonvojen Ship to Gaza. Ett flertal fredsaktivister mördades av israeliska kommandosoldater och övriga deltagare internerades utan någon som helst grund.

Svenska Hamnarbetarförbundet, som stödjer Ship to Gaza, vill med åtgärden protestera mot staten Israels folkrättsliga övergrepp mot en konvoj med fredsaktivister och materiella förnödenheter till den p.g.a. en likaså folkrättslig blockad lidande befolkningen i Gaza.

Svenska Hamnarbetarförbundet kräver att de för övergreppet ansvariga ställs inför rätta, att folkrätten respekteras av staten Israel och att blockaden av Gaza omedelbart hävs.

Svenska Hamnarbetarförbundet vill uppmana andra fackförbund och övriga organisationer att ta liknande initiativ och uppmanar till en allmän blockad av israeliska varor till dess det palestinska folkets rättigheter tillgodosetts i allmänhet och i synnerhet att blockaden av Gaza hävts.

traduction: La raison du blocus est l’agression criminelle inqualifiable sur le convoi pacifique de navires Ship to Gaza. De nombreux activistes pacifistes ont été assassinés par des soldats commandos israëliens et les autres participants à l’action ont été internés sans raison.

La Fédération suédoise des dockers, qui soutient Ships to Gaza, veut par cette mesure protester contre la violation du droit international par Israël du fait de l’attaque contre un convoi de pacifistes apportant des produits de première nécessité à la population de Gaza, qui subit un blocus tout aussi contraire au droit international.

La Fédération suédoise des dockers exige que les responsables de cette agression soient traduits en justice, qu’Israël respecte le droit international et que le blocus de Gaza soit levé.

La Fédération suédoise des dockers appelle d’autres syndicats et d’autres organisations à prendre des initiatives similaires et appelle à un blocus général des produits israëliens jusqu’à ce que les droits du peuple palestinien soient respectés, et en particulier la levée du blocus de Gaza.

Le communiqué indique les personnes de contact pouvant être contactées par la presse.

Si vous avez des informations sur d’autres initiatives de ce type, émanant de syndicats ou d’autres associations, impliquant un blocus, un boycott, un désinvestissement ou des sanction à l’encontre d’Israël, merci de donner des indications dans les commentaires.

Pourquoi l’expulsion d’Aminatou Haïdar est illégale

"Ma'ak ya el khadra..."

Autant le dire tout de suite: l’expulsion d’Aminatou Haïdar est bien évidemment absolument illégale, en droit marocain comme en droit international. Autant j’exécre absolument le séparatisme et les séparatistes, autant il faut reconnaître qu’en l’espèce le gouvernement marocain a non seulement violé de manière flagrante les droits qu’il reconnaît à ses citoyens – de par les lois internes qu’il adopte et les conventions internationales qu’il ratifie – mais a de plus offert à une séparatiste surtout connue parmi les activistes des droits de l’homme une superbe tribune internationale, et surtout rendu la tâche infiniment plus difficile à un des gouvernements espagnols les plus favorables au Maroc depuis les années 90.

Il faut rappeler quelques faits élémentaires s’agissant du Sahara marocain: au Sahara règne depuis le 6 septembre 1991 un cessez-le-feu entre le Maroc et le Polisario, mettant fin à seize années de combats actifs. En droit international, un cessez-le-feu, tout comme un armistice, ne met pas fin à l’état de belligérence entre les parties – c’est normalement un accord de paix qui aura cet effet. L’absence de combats entre le Maroc et le Polisario depuis cette date, en dépit de violations mineures du cessez-le-feu de part et d’autre, n’a donc pas mis fin à l’état d’hostilité formel entre les deux parties. Il ne me paraît pas scandaleux dès lors que le Maroc poursuive pénalement des personnes activement liées à ce mouvement, comme les sept militants séparatistes arrêtés à Casablanca de retour d’une visite publique dans les camps du Polisario à Tindouf (par contre, je suis opposé à la comparution de civils devant des tribunaux militaires). S’agissant d’Aminatou Haïdar, ses liens formels avec le Polisario ne sont pas aussi publics, même s’il ne fait aucun doute qu’elle s’inscrit pleinement dans l’action politique du mouvement séparatiste. Elle se rend surtout à l’étranger où elle défend la cause séparatiste, notamment lors de la remise de prix des droits de l’homme qui lui ont été décernés (quatre entre 2006 et 2009).

Tel Quel a consacré un article retraçant son parcours, d’où il ressort qu’elle n’a pas toujours été séparatiste, ayant même milité au sein de l’OADP, ancêtre du PSU – elle est d’ailleurs native d’Akka, en territoire marocain incontesté, et je me demande si elle remplirait les conditions exigées par le Polisario pour participer à un hypothétique (Ali Salem Tamek et Mohamed Abdelaziz el Marrakchi sont d’ailleurs dans le même cas):

Une lycéenne ordinaire
Née dans la région de Tan Tan en 1967
, elle coule une existence paisible entre sa région natale et Laâyoune. Elle est donc au centre du conflit du Sahara et en suit, de très près, tous les développements. En 1987, Aminatou Haïdar, alors lycéenne, est arrêtée en marge d’une manifestation brutalement réprimée par le fameux gouverneur Saleh Zemrag. Elle est envoyée au tristement célèbre PC CMI, le QG des forces d’intervention rapide transformé, durant les années de plomb, en un centre de détention secrète. La jeune Aminatou, comme plusieurs autres centaines de Sahraouis, connaît alors les affres de la détention arbitraire et de l’humiliation au quotidien. Elle n’est finalement libérée qu’en 1991. Mais contrairement à ce qu’on pourrait penser, elle ne bascule pas immédiatement dans l’indépendantisme. A cette période, elle se rend fréquemment au siège sahraoui de l’OADP (ancêtre de l’actuel PSU) sans en être militante. “On travaillait ensemble pour tenter la réconciliation entre détenus politiques et Etat marocain”, raconte un militant de gauche, qui a fréquenté Haïdar à cette époque. En 1998, Aminatou, qui brille déjà par ses talents d’oratrice, se joint à d’autres militants ouvertement indépendantistes et fonde (officieusement) une structure qui les fédère. Mais pour autant, elle ne coupe pas le cordon avec le Maroc. Elle trouve même un emploi à la commune de Boujdour et obtient une indemnisation pour les atteintes subies lors de la détention arbitraire de 1987. “Il ne faut pas oublier qu’elle appartient à une tribu traditionnellement acquise à la cause marocaine. Même à Tindouf, plusieurs Izerguiyine ont été persécutés ou jetés en prison à cause de leurs positions nuancées”, affirme un membre du Corcas.
Ouverture démocratique aidant, Aminatou Haïdar gagne en visibilité, tout comme un certain Ali Salem Tamek ou Mohamed Moutawakel. Les médias internationaux commencent à s’intéresser à “cette dame courageuse qui défend la cause de son peuple” et lui collent assez vite des surnoms flatteurs (ou disproportionnés) comme la lionne indomptable ou la Ghandi sahraouie. “Même à cette période, Aminatou Haïdar vivait tranquillement chez elle, au centre de Laâyoune, en compagnie de ses deux filles. Le vrai tournant sera celui de mai 2005”, rapporte un de ses proches. Cette année-là, de violentes émeutes éclatent à Laâyoune. Les confrontations entre jeunes indépendantistes et forces de l’ordre sont quasi quotidiennes. Aminatou Haïdar est évidemment de la partie. Lors d’une manifestation, elle est brutalisée par les forces de police. Interpellée, elle sera même condamnée à sept mois de prison pour trouble à l’ordre public. Aminatou devient une icône, ses photos font le tour du monde. Une nouvelle carrière commence pour la jeune mère de famille sahraouie. A sa sortie de prison, elle est accueillie en héroïne et reçue avec les honneurs dans plusieurs capitales mondiales. A partir de cette date, Aminatou commence à collectionner les prix. L’Autriche, les Etats-Unis, l’Espagne et bien d’autres rendent hommage à cette nouvelle icône de l’indépendantisme sahraoui… et contribuent à renflouer son compte bancaire. Mais Haïdar (qui a même été nominée pour le prix Nobel) s’agite tellement qu’elle en devient incontrôlable. Même ses plus fervents supporters à Tindouf commencent à être gênés par son (hyper)activisme. De son côté, Aminatou ne cache plus sa haine pour le Maroc. Recevant un journaliste marocain chez elle en 2006, elle lui lance froidement : “Pour ta prochaine visite au Sahara, tu devras prendre un visa. Ton pays devra payer pour le préjudice subi par mon peuple”.

Rentrant au Maroc via les Iles Canaries après avoir remporté un prix des droits de l’homme, elle a délibérément cherché l’incident à l’aéroport de Laayoune le 14 novembre. N’ayant pas rempli la case nationalité et ayant indiqué le « Sahara occidental » comme son lieu de résidence, elle s’est vu confisquer son passeport marocain – obtenu en 2006 – après interrogatoire par la police sous la supervision du procureur du Roi de Laayoune. Les autorités policières marocains ont alors décidé de l’expulser vers les Îles Canaries, d’où provenait son vol. Les autorités policières espagnoles ont accepté qu’elle pénètre en territoire espagnol malgré l’absence de passeport, car Aminatou Haïdar est titulaire d’un titre de séjour espagnol. Lesdites autorités ne l’ont cependant pas autorisé à embarquer à nouveau pour le Maroc, justement en raison de l’absence d’un passeport (son titre de séjour ne constitue pas un titre de voyage et ne lui permet de quitter le territoire espagnol, en l’absence d’autre document assurant qu’elle serait acceptée dans le pays de destination). Aminatou Haïdar est en grève de la faim à l’aéroport de Lanzarote depuis le 14 novembre, réclamant que les autorités marocaines lui remettent son passeport marocain, où lui permettent de retourner au Maroc.

Je ne vais pas m’attarder principalement sur les aspects politiques et diplomatiques de l’affaire. Ce sont surtout les aspects juridiques qui m’intéressent, qui touchent principalement le droit à la nationalité et le droit de retourner dans son pays.

Chaque pays est souverain en matière d’octroi de la nationalité:

Il appartient au Liechtenstein comme à tout Etat souverain de régler par sa propre législation l’acquisition de sa nationalité ainsi que de conférer celle-ci par la naturalisation octroyée par ses propres organes conformément à cette législation. Il n’y a pas lieu de déterminer si le droit international apporte quelques limites à la liberté de ses décisions dans ce domaine. D’autre part, la nationalité a ses effets les plus immédiats, les plus étendus et, pour la plupart des personnes, ses seuls effets dans l’ordre juridique de l’Etat qui l’a conférée. La nationalité sert avant tout à déterminer que celui à qui elle est conférée jouit des droits et est tenus des obligations que la législation de cet Etat accorde ou impose à ses nationaux. Cela est implicitement contenu dans la notion plus large selon laquelle la nationalité rentre dans la compétence nationale de l’Etat. (arrêt de la Cour international de justice du 6 avril 1955 dans l’affaire Liechtenstein c. Guatemala (Nottebohm))

Les limitations à ce pouvoir souverain sont réduites:

Aux fins du présent avis, il suffit de remarquer qu’il se peut très bien que, dans une matière qui, comme celle de la nationalité, n’est pas, en principe, réglée par le droit international, la liberté de l’Etat de disposer à son gré soit néanmoins restreinte par des engagements qu’il aurait pris envers d’autres Etats. En ce cas, la compétence de l’Etat, exclusive en principe, se trouve limitée par des règles de droit international. (avis de la Cour permanente de justice internationale du 7 février 1923 dans l’affaire dite des décrets de nationalité promulgués en Tunisie et au Maroc)

Il y ainsi une Convention de 1961 sur la réduction des cas d’apatridie (c’est-à-dire d’absence de nationalité), mais elle n’a pas été ratifiée par le Maroc et ne lui est pas opposable – même si le droit marocain de la nationalité tend à éviter les cas d’apatridie. Le Pacte international des droits civils et politiques de 1966 contient des dispositions pertinentes à l’article 12:

Article 12 

1. Quiconque se trouve légalement sur le territoire d’un Etat a le droit d’y circuler librement et d’y choisir librement sa résidence.

2. Toute personne est libre de quitter n’importe quel pays, y compris le sien.

3. Les droits mentionnés ci-dessus ne peuvent être l’objet de restrictions que si celles-ci sont prévues par la loi, nécessaires pour protéger la sécurité nationale, l’ordre public, la santé ou la moralité publiques, ou les droits et libertés d’autrui, et compatibles avec les autres droits reconnus par le présent Pacte.

4. Nul ne peut être arbitrairement privé du droit d’entrer dans son propre pays.

C’est bien évidemment surtout le point 4 de l’article 12, qui est applicable en l’espèce, Aminatou Haïdar étant marocaine native du Maroc et titulaire d’un passeport marocaine.

La version officielle marocain veut qu’Aminatou Haïdar aurait « renoncé » à sa nationalité marocaine en laissant vierge la case « nationalité » que remplit chaque voyageur débarquant au Maroc, et en indiquant « Sahara occidental » au lieu de « Maroc » comme lieu de résidence.

Il va de soi que cette version est totalement dénuée du moindre fondement légal: le droit marocain de la nationalité est régi par le dahir n° 1-58-250 du 21 safar 1378 (6 septembre 1958) portant Code de la nationalité marocaine, qui contient des dispostions précises en matière de perte de la nationalité marocaine (contrairement au dicton selon lequel « la nationalité marocaine ne se perd ni ne s’acquiert« , la nationalité marocaine peut parfaitement s’acquérir et être perdue). Rappelons ici la règle universelle qui veut que la nationalité n’est pas à la disposition de l’individu, qui serait libre de l’acquérir ou de la perdre selon sa propre volonté, mais une prérogative souveraine de l’Etat, indispensable pour l’identification des individus et des droits dont ils disposent, et qui fait partie de l’état-civil des individus au même titre que la filiation, le genre ou le nom. Même si un individu souhaite changer de nationalité, l’intervention de l’Etat sera indispensable pour lui donner un effet, au-delà d’ une simple mention ou omission sur une fiche de débarquement d’un aéroport.

Trois modalités principales existent, selon le Code de la nationalité marocaine:

  1. Le retrait de l’acte de naturalisation (article 14 du Code), inapplicable en l’espèce, Aminatou Haïdar étant marocaine de naissance;
  2. La perte de la nationalité (articles 19 à 21 du Code): elle s’effectue sur demande de l’intéressé selon les formalités administratives précisées aux articles 25 à 29 du Code, dans les cinq cas précis énumérés à l’article 19, et doit pour devenir effective se solder par un décret du ministre de la justice publié au Bulletin officiel (article 29);
  3. La déchéance (articles 22 à 24): elle n’est possible qu’à l’encontre des Marocains naturalisés, cas inapplicable en l’espèce;

C’est donc la perte de la nationalité sur demande de l’intéressé qui se rapproche le plus du cas d’espèce. Nul besoin d’être agrégé de droit public pour se rendre compte que les conditions exigées par le Code sont très loin d’être remplies ici. Voici les étapes qui auraient du être réunies pour qu’Aminatou Haïdar puisse perdre sa nationalité marocaine sur sa propre demande:

  1. Aminatou Haïdar aurait tout d’abord dû se trouver dans un des cinq cas de figure évoqués à l’article 19: acquisition volontaire d’une nationalité étrangère (article 19 alinéa 1), perte de la nationalité par un Marocain ayant également une autre nationalité d’origine (article 19 alinéa 2), acquisition d’une nationalité étrangère par l’effet du mariage (article 19 alinéa 3), renoncement à la nationalité par un Marocain ayant acquis cette nationalité en tant qu’enfant mineur de naturalisé (article 19 alinéa 4) et enfin le cas du Marocain conservant un emploi public ou militaire auprès d’un Etat étranger au-delà d’un délai de six mois suivant l’injonction du gouvernement marocain de le quitter (article 19 alinéa 5). Rien n’indique qu’elle ait été dans un de ces cinq cas de figure au jour de son refoulement de son pays natal, le 14 novembre (l’offre de naturalisation espagnole par le gouvernement n’est pas pertinente, non seulement parce qu’elle a été refusée par l’intéressée mais aussi parce qu’elle est postérieure au refoulement d’Aminatou Haïdar).
  2. Ensuite, Aminatou Haïdar aurait dû déposer elle-même une demande en perte de la nationalité marocaine auprès du ministère de la justice (article 25 alinéa 1 du Code). Le fait de remplir une fiche de débarquement destinée à la police des frontières ne constitue bien évidemment en aucune façon une telle demande.
  3. Une telle demande aurait dû être accompagnée « des titres, pièces et documents de nature à: a) établir que la demande ou la déclaration satisfait aux conditions exigées par la loi; b) à permettre d’apprécier si la faveur sollicitée est justifiée du point de vue national » (article 25 alinéa 1 du Code), en échange d’un récepissé ou accusé de réception délivré par le ministère de la justice.
  4. En cas d’une acceptation de la demande de perte de la nationalité marocaine par le ministère de la justice, un décret en ce sens aurait dû être publié au Bulletin officiel du Royaume du Maroc.

Il est donc clair que ce qui est reproché à Aminatou Haïdar ne peut en aucun cas constituer une demande en perte de la nationalité marocaine telle que régie par le Code de la nationalité marocaine.

La question de la nationalité d’Aminatou Haïdar est donc réglée: née marocaine, elle demeure marocaine, la nationalité n’étant pas liée aux opinions politiques de l’intéressé. Au demeurant, on notera que son séparatisme ne l’a pas empêchée de demander un passeport marocain (pas plus qu’il ne l’a empêché d’être une employée municipale à Boujdour), sans compter le caractère assez original d’une grève de la faim menée par une séparatiste pour obtenir le passeport d’un Etat qu’elle considère comme puissance occupante. L’affaire Aminatou Haïdar n’est par ailleurs pas sans rappeler l’affaire Abraham Serfaty, expulsé du Maroc au lendemain de sa grâce en 1991 par le ministère de l’intérieur en tant que « brésilien », appréciation qui fût, à la honte de la justice marocaine, avalisée par la Cour suprême…

Demeure la question de son passeport marocain et de son retrait (rappelons que le passeport n’est qu’un mode de preuve de la nationalité, et ne se confond pas avec elle – une majorité de Marocains ne dispose ainsi pas de passeport). Dans le cadre juridique marocain, d’une affligeante indigence, on ne sera pas étonné qu’aucun texte législatif ou réglementaire ne réglemente à titre principal les conditions d’octroi et de retrait du passeport marocain. Pour autant que j’aie pu vérifier, seul un ordre résidentiel (!), dont la validité en 2009 est sujette à caution, semble régir cette question: il s’agit de l’ordre résidentiel du 8 janvier 1915 prescrivant la production d’un passeport pour toute personne débarquant ou pénétrant sur le territoire de la zone française de l’Empire Chérifien, dont l’article 3 dispose que « toute personne qui ne sera pas en mesure de présenter un passeport régulier ne pourra, en aucun cas, être autorisée à débarquer ou à pénétrer sur le territoire de la zone française« . La confiscation du passeport est rendue possible par le Code de procédure pénale – l’article 49 alinéa 14 du Code de procédure pénale prévoit ainsi la possibilité pour le procureur du Roi de confisquer le passeport d’un suspect et de l’interdire de quitter le territoire national pour crimes et délits punissables de plus de deux ans de prison – rien n’indique, dans les déclarations officielles marocaines, que cela ait été le cas ici. Sans doute y a-t-il d’autres dispositions éparses qui m’ont échappé. Donc, en l’absence de dispositions normatives précises ou publiques (le ministère de l’intérieur a bien évidemment adopté une ou plusieurs circulaires sur la délivrance des passeports ou l’interdiction de quitter le territoire national, mais elles sont de manière toute aussi évidente non publiques), pas de base légale pour le retrait de son passeport à Aminatou Haïdar.

Cerise sur le gâteau, non seulement Aminatou Haïdar a-t-elle été abusivement considérée comme ayant renoncé à sa nationalité marocaine, non seulement l’a-t-on ensuite arbitrairement privée de son passeport, mais elle a pour couronner le tout été expulsée de son pays et interdite d’y retourner. Or l’article 9 de la Constitution que l’Etat marocain s’est octroyée dit ceci:

ARTICLE 9: La Constitution garantit à tous les citoyens:;

– la liberté de circuler et de s’établir dans toutes les parties du Royaume

-la liberté d’opinion, la liberté d’expression sous toutes ses formes et la liberté de réunion;

– la liberté d’association et la liberté d’adhérer à toute organisation syndicale et politique de leur choix.

Il ne peut être apporté de limitation à l’exercice de ces libertés que par la loi.

On voit donc que la Constitution garantit au citoyen marocain, donc à Aminatou Haïdar, le droit de circuler et de s’établir dans toutes les parties du Royaume – et donc nécessairement le droit d’être admis en territoire marocain. A quoi il faut rajouter l’article 12.4 du PIDCP précité: « Nul ne peut être arbitrairement privé du droit d’entrer dans son propre pays« .

Comme on le voit, les autorités marocaines ont réussi un bel exploit, réussissant à ne respecter aucune des rares et chétives lois que l’Etat marocain se donne pour faire montre de respect des droits de l’homme. Bien sûr, dans un Etat de droit, ce que n’est évidemment pas le Maroc, une justice indépendante aurait tôt fait d’annuler ces décisions arbitraires et de faire condamner leurs auteur au pénal. Car dans un Etat de droit, même les traîtres en puissance que sont les séparatistes ont droit au respect de la loi, qui n’est pas là uniquement pour ceux dont les opinions plaisent au gouvernement voire même à une majorité de l’opinion publique, mais aussi pour ceux dont les opinions sont exécrées par le gouvernement ou l’opinion.

Cela signifie-t-il que le Maroc doit accepter que l’entreprise séparatiste se déploie sans entrave ni opposition? Certainement pas, et sur le fond je ne conteste en rien la nécessité pour le Maroc de passer à l’offensive – de manière intelligente – contre le séparatisme et les séparatistes, qu’ils soient au Maroc ou à l’étranger. Seulement, il faut combattre le séparatisme principalement sur le terrain politique, et s’il est concevable que des actions judiciaires à caractère répressif soient nécessaires, l’arbitraire doit être évité en tant que tel – et accessoirement parce que rien n’apporte tant d’eau au moulin séparatiste que l’arbitraire malhzénien dans toute sa splendeur. La loi marocaine devrait être révisée en conséquence, et incriminer explicitement le type d’agissements que l’on cherche à combattre – notamment les contacts directs avec le Polisario, avec lequel le Maroc est toujours légalement en état de belligérence, en dépit du cessez-le-feu de 1991. En matière de passeports marocains, un cadre légal est nécessaire, encadrant strictement le pouvoir de l’administration de les délivrer ou retirer – et afin d’éviter le spectacle effectivement désolant de séparatistes globe-trotters allant à l’étranger chier à jets continus sur le drapeau marocain tout en passant les frontières avec un passeport marocain, des mesures pourraient être prévues: exiger de tout demandeur de passeport marocain une attestation sur l’honneur de ce qu’il est bien marocain, ou prévoir le retrait du passeport marocain pour vérification du statut définitif à toute personne déclarant ne pas être marocaine dans des documents administratifs. Mais il faudrait pour cela que la question de l’intégrité territoriale soit traitée sérieusement, sans esprit courtisan ni propagande stérile, ce qui n’est hélas pas le cas aujourd’hui au Maroc.

Aminatou Haïdar est donc en grève de la faim contre une décision illégale et arbitraire. Les conséquences d’une issue fatale, si elles seraient sans aucun doute graves pour les relations maroco-espaagnoles, pourraient paradoxalement arranger tant le Maroc que le Polisario, du moins à court terme: on a cru comprendre que la publicité entourant Aminatou Haïdar n’était pas sans embêter des caciques moins médiatisés et photogéniques du Polisario – une issue fatale fournirait un martyr à la cause qui en manque depuis quelques temps, tout en donnant un prétexte à l’arrêt des pourparlers de pure forme avec le Maroc, voire à une escalade quittant le terrain politico-médiatique (j’en doute, ni le Polisario ni l’Algérie ni le Maroc ne pouvant supporter le coût diplomatique d’un déclenchement des hostilités sur le plan militaire). Pour le Maroc, cela signifierait que plus aucun séparatiste ne peut se croire à l’abri en comptant sur sa seule notoriété internationale – le discours royal du 6 novembre 2009 verrait sa première traduction concrète. Une éventuelle escalade de la part du Polisario, avec rupture des pourparlers, pourrait également permettre au Maroc de faire porter le chapeau aux séparatistes, et de faire un forcing pour une solution imposée par le Conseil de sécurité sur la base du plan d’autonomie – pas très plausible cependant. Le plus probable, indépendamment de l’issue de cette grève de la faim, est le statu quo, aucun des équilibres fondamentaux entre les acteurs principaux du conflit (Maroc, Algérie, France, Etats-Unis) n’étant substantiellement affecté par cette affaire.

Richard Falk, sur Al Jazeera: »C’est une guerre de légitimité, que les Palestiniens sont lentement en train de remporter »

Richard Falk, sur Al Jazeera, se prononce sur les crimes de guerre israëliens:

« La principale violations c’est le comportement d’Israël en tant que puissance occupante – le blocus sur l’alimentation et le carburant sont une violation grave de l’article 33 de la quatrième Convention de Genève, qui interdit les punitions collectives, ainsi que l’article 55. Dire qu’Israël n’est pas puissance occupante va à l’encontre du consensus international: Israël exerce un contrôle total sur terre, sur air et sur mer, et a exercé ce contrôle de manière très intense avec le blocus ».

Sur la session extraordinaire d’urgence de l’Assemblée générale afin d’examiner les mesures illégales prises par les autorités israéliennes à Jérusalem-Est occupée ainsi que dans le reste du Territoire palestinien occupé:

L’Assemblée générale peut saisir la CIJ d’une demande d’avis (1) sur les devoirs et obligations d’une puissance occupante dans une situation comme à Gaza. C’est une guerre de légitiimité, que les Palestiniens sont lentement en train de remporter, et qui est plus importante que la bataille militaire.

Sur le Conseil de sécurité:

« Le système de l’ONU a plusieurs composantes, dont certaines sont susceptibles de manipulations géopolitiques, comme le Conseil de sécurité en raison du droit de veto des 5 membres permanents. C’est une tragédie pour le peuple de Gaza que l’ONU ne peut pas faire appliquer le droit quand le droit s’applique au fort, mais seulement quand il s’applique au plus faible ».

(1) Cette démarche fût empruntée par l’Assemblée générale lorsqu’elle saisit la Cour internationale de justice d’une demande d’avis sur la légalité du mur dit de protection érigé par Israël sur les territoires occupés en 1967, avis rendu par la CIJ en 2004 et qui conclut à l’illégalité dudit mur.

Témoignages supplémentaires sur le ciblage des ambulanciers par l’armée israëlienne

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Les cas d’assassinats ou de tentatives d’assassinat -le terme est approprié car il ne s’agit pas là de cibles militiaires ou combattantes légitimes – d’ambulanciers et de personnel médical à Gaza semblent se répèter. Je vous ai déjà parlé hier du cas de Hassan al Attal, bléssé par balles alors qu’il tentait de récupérer un cadavre avec un collègue – des dizaines de balles furent tirées par l’armée israëlienne. Des détails sur ce cas sont donnés sur le blog gaziote Tales to tell:

“At 13.10 Jabalia Red Crescent got a call out to Zemmo, east of Jabalia refugee camp, very near where the Red Cresecent centre was that we had to evacuate the first night of the land incursion. Two medics, including Hassan, a driver, plus E and I went.

People on the street directed us ahead, saying it was a “shaheed” (dead) civilian further up the street that we had been called to. We continued on and located the body. The two medics got out and put the shaheed on the stretcher, but while covering the 5-6 metres to the van, 13 shots were fired in our direction. One hit the ambulance. One went all the way through Hassan’s upper thigh. The medics had to leave both shaheed and stretcher to get into the van, and shooting continued as the ambulance pulled away. One of the medics speculated the sniper may actually have been firing from the Jabalia Red Crescent centre.”

Sur le site de l’International Solidarity Movement, présent à Gaza et où un blog anglophone rend compte de la situation, on peut lire ceci sur le même « incident » (j’aime pas ce terme, car il ne s’agit pas d’un incident mais d’un crime):

Canadian and Spanish ISM activistst were present as it happened;

It was very clear that we were a medical team. Yet as two of our team, wearing bright red medic uniforms, went to pick up the body, they were fired upon 13 times by an Israeli sniper.” – Eva Bartlett (Canada) International Solidarity Movement.

The Israeli’s fired at the ambulance hitting it once. At least six medics have already been murdered while fulfilling there duties. How are the medics supposed to work? For every ten attempts the Red Crescent make to co-ordinate their humanitarian missions with the Israelis, only two are allowed. This means that the Israelis are refusing to allow 80 percent of medical missions to operate with any form of safety.” Alberto Arce (Spain) – International Solidarity Movement

At least six Palestinian medical personnel have been killed by Israeli attacks in the eight past days.

International Solidarity Movement activists are accompanying ambulances through out the Gaza strip. They are working with medical personnel during the Israeli Occupation Forces’ ground invasion into the Gaza strip.

On December 31st, medic Mohammed Abu Hassera was killed on the spot as his ambulance was shelled while trying to access the wounded. Dr Ihab Al Mathoon, who was also on the ambulance, died in hospital a few hours later. On the 4th January, Yaser Shbeir, Raf’at Al-A’kluk, Arafa Hani ‘Abdul Dayem and Anes Fadel Na’im were killed when Israeli shells targeted the ambulances they worked in.

Un grand merci à tous ces volontaires internationaux, et à Alberto Arce en particulier qui a filmé cette tentative d’assassinat – un entretien avec lui est disponible ici. Les chiffres donnés par l’International Solidarity Movement sur le nombre de personnel médical tué à Gaza depuis le début de la guerre sont cependant nettement inférieurs à celui révélé hier par des médécins palestiniens de Gaza s’exprimant sur Al Jazeera hier, et qui évoquaient vint-et-une victimes.

Outre la tentative d’assassinat rapportée hier, on dispose désormais de détails sur l’assassinat de l’infirmier-ambulancier Arafa Hani Abd al Dayem, 35 ans, tué par un obus israëlien le 4 janvier. Les détails de sa mort ont été rapportées par Eva Bartlett, militante canadienne membre du groupe Free Gaza Movement – dont certains membres sont présents sur le blog Moments of Gaza – sur l’indispensable site Electronic Intifada d’Ali Abunimah. La cérémonie d’enterrement d’Arafa a également été bombardée par l’armée israëlienne. Voici ce qu’en dit Eva Bartlett:

I will tell you how Arafa died
Eva Bartlett writing from the occupied Gaza Strip, Live from Palestine, Electronic Intifada 6 January 2009

5 January 2009

A good, kind, brave and very funny man was killed on 4 January as he loaded the body of a young civilian killed by the Israeli occupation forces into an ambulance. Emergency medical workers, Arafa Hani Abed al-Dayem (35), and Alaa Ossama Sarhan (21), answered the call to retrieve two friends: Thaer Abed Hammad (19), who was wounded, and his friend Ali (19), who was killed while fleeing shelling by Israeli tanks.

It was after 8:30am on Sunday and Thaer and Ali were in the Beit Lahia area, located in northwestern Gaza. The area is near the American school that had been bombed the day before, killing a 24-year-old civilian night watchman inside — tearing him apart and burning everything else that remained.

Squealing in pain, his right foot amputated and shrapnel lacerations across his back and body, Thaer Hammad explained how his friend Ali was killed. « We were crossing the street, leaving our houses, when the tank fired. There were many people leaving, not just us. » Hammad stops his testimony, again squealing with pain.

For the past two days, since the Israeli land invasion and heightened bombing campaign began, residents throughout Gaza have been fleeing their homes. Many who haven’t had the chance to flee were caught inside by the bombing and were buried alive, crushed under the rubble.

A doctor tells the rest of Thaer’s story: « After they were shelled, Thaer couldn’t walk. He called to Ali to carry him. » Ali had carried Thaer some distance when he was shot in the head by a bullet from an unseen soldier in the direction from which they fled. With Ali dead, Thaer injured, and people fleeing, the ambulance was called.

When Arafa and Alaa arrived, they managed to load Thaer into the ambulance. They were working on getting Ali’s body to the clearly-marked medical vehicle when the shell came. Already dead, Ali was decapitated by the shell fire. Arafa sustained severe wounds to his chest and stomach. At the hospital, the doctors worked on his mutilated body, but during heart surgery Arafa went into shock and died an hour later.

His funeral was hurriedly held, a procession, a burial, and the traditional mourning tent. The tent was shelled with mourners inside. Another medic tells me that Arafa’s brother called the news radio station on the phone and said: « We’re being shelled, someone come get us! »

A science teacher by profession, Arafa had volunteered as an emergency medic for eight years. He was delightful, warm, had a nice singing voice, and was not at all shy about being silly. I remember him stomping ridiculously around the now-vacated Palestine Red Crescent Society Offices in Jabaliya after Israeli soldiers took over the area, saying he was hungry, very hungry, and chomping down on the bread and cheese that we had for a meal.

I had the privilege of working one night with Arafa, when I witnessed his professionalism and his humanity. Osama, a fellow medic, explained that « He wanted to die like that, helping our people. » But it wasn’t a martyr complex, engineered by living with death, occupation, invasions, humiliation and injustice for so long, but rather a dedication to his work and to his people.

Quelques remarques:

1- Dans un cas, celui de Hassan el Attal, la volonté de tuer du personnel médical – clairement identifié et qui plus est en plein exercice de ramassage d’un cadavre – est patente. Dans l’autre, deux ambulanciers ont été visés par un tank alors qu’ils tentaient d’emporter un blessé et un cadavre. On notera que le mort avait été tué par une balle israëlienne alors qu’il tentait de porter un camarade blessé. Il ne s’agit donc pas de victimes accidentelles d’actes visant une cible militaire.

2- La question de l’applicabilité des Conventions de Genève ne devrait pas se poser. Si l’article l’article 2 commun à la Convention (I) de Genève pour l’amélioration du sort des blessés et des malades dans les forces armées en campagne et à la Convention (IV) de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre, toutes deux du 12 août 1949, semble limiter l’application de ce traité international aux seules parties contractantes (la Palestine n’en est pas une), la majeure partie des régles édictées par les quatre Conventions de Genève du 12 août 1949 est considérée comme faisant partie du droit coutumier international qui s’impose à tout Etat, partie aux conventions en question ou non, mais également aux parties non-étatiques à un conflit armé (le Hamas par exemple). Une étude menée en 2000 par des experts juridiques internationaux pour le compte de la Croix-Rouge a déterminé précisément quelles règles du droit international humanitaire pouvaient être considérées comme coutumières et donc applicables à tous, et a en effet conclu que la grande majorité des dispositions des Conventions de Genève font partie du droit international humanitaire coutumier, et sont donc applicables en tous endroits et invocables contre toute partie à un conflit armé (1). Parmi les règles que cette étude a constaté comme étant de nature coutumière en matière de conflits internationaux (2), figurent notamment:

« le principe de la distinction entre la population civile et les combattants ainsi qu’entre les biens de caractère civil et les objectifs militaires, l’interdiction des attaques sans discrimination, le principe de la proportionnalité dans l’attaque, l’obligation de prendre toutes les précautions pratiquement possibles dans l’attaque et contre les effets des attaques, l’obligation de respecter et de protéger le personnel sanitaire et religieux, les unités et les moyens de transport sanitaires, le personnel et le matériel de secours humanitaire et les journalistes civils, l’obligation de protéger les tâches médicales, l’interdiction des attaques contre les localités non défendues et les zones démilitarisées, l’obligation de faire quartier et de protéger l’ennemi hors de combat, l’interdiction de la famine, l’interdiction des attaques contre des biens indispensables à la survie de la population civile, l’interdiction d’utiliser indûment les emblèmes et de recourir à la perfidie, l’obligation de respecter les garanties fondamentales pour les personnes civiles et les personnes hors de combat, l’obligation d’élucider le sort des personnes disparues, et les mesures spécifiques de protection accordées aux femmes et aux enfants » (cf. Jean-Marie Henckaerts, conseiller juridique au sein de la Division juridique du Comité international de la Croix-Rouge et responsable du projet du CICR sur le droit international humanitaire coutumier, « Étude sur le droit international humanitaire coutumier. Une contribution à la compréhension et au respect du droit des conflits armés« , p.303)

3- Il n’est pas question ici de passer en revue les différents articles de des conventions précitées protégeant le personnel médical et sanitaire. Il suffit de constater que les attaques délibérées contre du personnel médical et sanitaire et contre des blessés, qu’ils soient combattants ou non, sont une violation patente du droit international humanitaire.

4- Il faut rappeler un point capital: les Conventions de Genève de 1949 obligent les Etats parties à ces conventions (194 à ce jour) à prendre toute mesure législative et judiciaire pour permettre la sanction d’individus, auteurs d’infractions graves à ces conventions. Il s’agit du fameux principe de compétence universelle, qui a tant fait couler d’encre depuis les affaires Pinochet et Sharon. Chaque Etat partie aux Conventions de genève a donc non seulement le droit mais le devoir de poursuivre les auteurs de ces infractions se trouvant sur leur territoire. Voici les articles pertinents, tirés ici de la quatrième Convention:

Article 146. – Les Hautes Parties contractantes s’engagent à prendre toute mesure législative nécessaire pour fixer les sanctions pénales adéquates à appliquer aux personnes ayant commis, ou donné l’ordre de commettre, l’une ou l’autre des infractions graves à la présente Convention définies à l’article suivant.

Chaque Partie contractante aura l’obligation de rechercher les personnes prévenues d’avoir commis, ou d’avoir ordonné de commettre, l’une ou l’autre de ces infractions graves, et elle devra les déférer à ses propres tribunaux, quelle que soit leur nationalité. Elle pourra aussi, si elle le préfère, et selon les conditions prévues par sa propre législation, les remettre pour jugement à une autre Partie contractante intéressée à la poursuite, pour autant que cette Partie contractante ait retenu contre lesdites personnes des charges suffisantes.

Chaque Partie contractante prendra les mesures nécessaires pour faire cesser les actes contraires aux dispositions de la présente Convention, autres que les infractions graves définies à l’article suivant.

En toutes circonstances, les inculpés bénéficieront de garanties de procédure et de libre défense qui ne seront pas inférieures à celles prévues par les articles 105 et suivants de la Convention de Genève relative au traitement des prisonniers de guerre du 12 août 1949.

Article 147. – Les infractions graves visées à l’article précédent sont celles qui comportent l’un ou l’autre des actes suivants, s’ils sont commis contre des personnes ou des biens protégés par la Convention : l’homicide intentionnel, la torture ou les traitements inhumains, y compris les expériences biologiques, le fait de causer intentionnellement de grandes souffrances ou de porter des atteintes graves à l’intégrité physique ou à la santé, la déportation ou le transfert illégaux, la détention illégale, le fait de contraindre une personne protégée à servir dans les forces armées de la Puissance ennemie, ou celui de la priver de son droit d’être jugée régulièrement et impartialement selon les prescriptions de la présente Convention, la prise d’otages, la destruction et l’appropriation de biens non justifiées par des nécessités militaires et exécutées sur une grande échelle de façon illicite et arbitraire.

Article 148. – Aucune Haute Partie contractante ne pourra s’exonérer elle-même, ni exonérer une autre Partie contractante, des responsabilités encourues par elle-même ou par une autre Partie contractante en raison des infractions prévues à l’article précédent.

S’agissant ici, dans les deux cas évoqués plus haut, d’infractions spécifiques et d’ampleur limitée, il n’est pas sûr que la responsabilité pénale des dirigeants politiques (Olmert, Livni et Barak) puisse être engagée. Celle des responsables militaires peut éventuellement l’être, notamment si aucune mesure préventive ou de sanction a posteriori n’a été prise, ce qui semble être le cas ici.

5- On peut lire ici et là que des demandes ou projets de saisine de la Cour pénale internationale (CPI) sont évoqués aux fins d’engager la responsabilité pénale des dirigeants politiques et militaires israëliens. Or la CPI est établie par un traité et n’est compétente que pour les crimes internationaux commis par un national d’un Etat partie au traité ou sur le territoire d’un de ces Etats. Or ni Israël (pas folle la guêpe) ni la Palestine ne sont parties au Statut de Rome portant création de la CPI. Une voie subsidiaire de saisine de la CPI existe, mais cela exige une décision du Conseil de sécurité de l’ONU (cf. article 13.b lu en liaison avec l’article 12.2 du Statut). No comment!

(1) Voir notamment ce qu’en dit Jean-Marie Henckaerts, conseiller juridique au sein de la Division juridique du Comité international de la Croix-Rouge et responsable du projet du CICR sur le droit international humanitaire coutumier, dans l’article « Étude sur le droit international humanitaire coutumier. Une contribution à la compréhension et au respect du droit des conflits armés« :

La grande majorité des dispositions des Conventions de Genève, y compris l’article 3 commun, sont considérées comme relevant du droit international coutumier. En outre, comme les Conventions de Genève comptent aujourd’hui 192 États parties, elles sont contraignantes en tant que droit conventionnel pour presque tous les États. Par conséquent, l’étude n’a pas porté sur la nature coutumière des dispositions des Conventions, mais plutôt sur des questions régies par des traités qui n’ont pas été universellement ratifiés, en particulier les Protocoles additionnels, la Convention de La Haye pour la protection des biens culturels et un certain nombre de conventions spécifiques régissant l’emploi des armes.

Il semble donc y avoir une présomption en faveur des dispositions des Conventions de Genève selon laquelle elles font partie du droit coutumier.

(2) Gaza ne faisant pas partie du territoire israëlien légalement reconnu, la guerre à Gaza doit être considérée comme un conflit international, même si l’Etat de Palestine n’est pas universellement reconnu – il n’est actuellement reconnu que par une minorité d’Etats, principalement en Afrique et en Asie, et n’est pas membre de plein droit de l’ONU.

Des snipers israëliens visent les ambulanciers palestiniens

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Al Jazeera montre le film d’une ambulance palestinienne, accompagnée de deux militants espagnol et canadien des droits de l’homme qui ont filmé la scène. Ils se rendent à un endroit où se trouve un blessé, qui est mort entretemps. Alors que deux infirmiers se dirigent vers le cadavre pour le ramener à la morgue, une dizaine de coups de feu claquent, venant de soldats israëliens. Une balle, atteignant le crâne du mort, ricochète et blesse un infirmier à la jambe – le tout filmé par les deux militants étrangers et retransmis sur Al Jazeera.

Selon un médecin gaziote, ving-cinq infirmiers, ambulanciers et para-médicaux ont été tués depuis le début de la guerre. Les bombardements reprennent après la « trève » de trois heures qu’Israël a annoncé pour la première fois en douze jours – en fait, cette trève ne vaut que pour Gaza City et pas pour le reste de a bande de Gaza, qui a continué à être bombardé. Il n’y a plus d’eau courante dans la majeure partie de Gaza. Les habitants boivent l’eau du bain. Des queues immenses se déroulent devant les boulangeries, exceptionnellement ouvertes durant ces derniers douze jours. Les boulangeries desservent des quartiers entiers, des habitants n’ont pu s’y rendre que chaque trois jours en raison de la distance et des bombardements.

Un autre exemple du traitement infligé aux équipes médicales palestiniennes, rapporté toujours sur Al Jazeera. Des immeubles au nord de la bande de Gaza, touchés par des bombardements israëliens il y a quatre jours, recueillaient sous leurs décombres morts et blessés. Des ambulances ont enfin pu s’y rendre aujourd’hui, à la faveur de la trève de trois heures, après autorisation finalement donnée (après quatre jours) par l’armée israëlienne. L’armée israëlienne refusé de laisser les ambulances parvenir jusqu’aux décombres. Elles ont dû s’arrêter à deux kilomètres. Morts et survivants ont du être portés à pied par les ambulanciers. Les Palestiniens meurent sous les décombres, et les sauveteurs sont empêchés de les aider.

Au Caire, un concert fût annulé le réveillon en solidarité avec Gaza. Au Maroc, «S.M. le Roi suit de très prés l’évolution dramatique dans la Bande de Gaza depuis le déclenchement par Israël des opérations militaires». Le grand mufti d’Arabie séoudite a déclaré que les manifestations en faveur de la Palestine détournaient les musulmans de l’accomplissement du rite.

Pendant ce temps, le Vénezuela de Hugo Chavez (ne dites pas du mal de lui en ma présence) a déclaré l’ambassadeur israëlien à Caracas, Shlomo Cohen, persona non grata et lui a donné 72 heures pour fermer l’ambassade israëlienne au Vénézuela – Hugo Chavez a qualifié la guerre contre Gaza d’holocauste (si c’est pour sous-entendre un génocide, il a tort, car ce qui se passe à Gaza, si ça constitue sans aucun doute des crimes de guerre et peut-être dans certains des crimes contre l’humanité, ne constitue pas un génocide selon la définition juridique en vigueur), demandant que Shimon Peres, idole des lecteurs du Nouvel Observateur et des éditorialistes de la presse officieuse marocaine et accessoirement président israëlien, soit traduit devant la Cour pénale internationale à La Haye (ce n’est hélas pas possible – Israël n’est pas partie au statut de Rome ayant fondé la CPI et l’autre alternative, la saisine de la CPI par le Conseil de sécurité de l’ONU, n’est évidemment pas réaliste). Nicolas Maduro, ministre des affaires étrangères vénézuélien, dit que les dirigeants israëliens, par respect pour ce qu’on vécu leurs ancêtres, devraient s’abstenir de commettre un nouvel « holocauste » à Gaza.

L’Equateur accuse quant à lui Israël de crimes contre l’humanité, par le biais de la commission des lois de son Parlement qui a adopté une résolution demandant une commission d’enquête internationale sur les crimes israëliens à Gaza et parlant de « terrorisme d’Etat« .

Sur Al Jazeera, le premier ministre malaisien, Abdallah Badawi, parle de crimes de guerre israëliens. Si le Conseil de sécurité est incapable de mettre fin au massacre, dit-il, il faudra que l’Assemblée générale de l’ONU se saisisse de l’affaire conformément à la résolution n° 377 « Unis pour la paix » de l’Assemblée générale, adoptée en 1950 à l’instigation des Etats-Unis pour permettre de donner un mandat onusien à l’intervention militaire étatsunienne en Corée cette année-là (rappelez-vous, l’URSS existait encore à l’époque, soutenait la Corée du Nord et son veto empêchait toute résolution du Conseil de sécurité telle que la souhaitait les Etats-Unis – cette résolution de l’Assemblée générale servait donc à contourner la paralysie du Conseil de sécurité).

La Turquie, dont l’armée a une relation stratégique avec Israël, n’est pas en reste. Des milliers de spectateurs chantant des slogans anti-israëliens – « Israël assassin« , « nous soutenons Gaza » – ont réussi à interrompre un match de basket entre une équipe turque et une équipe israëlienne – un spectateur a lancé une chaussure sur le terrain, en hommage au geste de Mountadher Zaïdi. De manière moins anecdotique, le premier ministre turc et homme fort du parti post-islamiste AKP, Reccep Tayyep Erdogan a déclaré qu' »Allah punira tôt ou tard ceux qui transgressent les droits des innocents« . Voici ce qu’en rapporte Al Jazeera:

Erdogan condemned Israel’s offensive as « savagery » on Tuesday and said it was a bid by the Israeli leadership to score points ahead of general elections in February.

Referring to the Israeli ministers of defence and foreign affairs, Erdogan said: « I am telling Ehud Barak and (Tzipi) Livni to forget about the elections, because history will judge them for the black stain they are leaving on humanity. »

Israel « has suffered much in history and should know best the sanctity of human life, especially that of women and children… and the importance of the culture of co-existence ».

Il a délibérément évité de visiter Israël lors de sa récente tournée moyen-orientale – mais les accords militaires ne sont pas menacés, montrant ainsi à quel point l’armée turque est un Etat dans l’Etat en Turquie. Israël a dénoncé les propos d’Erdogan comme inacceptables. Le très likudnik Jerusalem Post tire à boulets rouges sur Erdogan accusé d’avoir choisi le Hamas.

Clare Short, ancienne ministre de la coopération de Tony Blair, critique contre l’agression contre l’Irak mais qui commit l’erreur de rester au gouvernement deux mois après l’invasion, se rachète une virginité politique depuis lors en s’engageant contre le blocus de Gaza. Elle prend fermement la défense du Hamas, soulignant qu’ils sont au pouvoir de manière démocratique. Elle répète qu’Israël ignore absolument le droit international, pratique la purification ethnique et agit de manière monstrueuse. Elle rajoute que les USA, l’Union européenne et le Royaume-Uni refusent de défendre le droit international, surtout lorsqu’il s’agit d’Israël. Elle dit avoir honte de son gouvernement. Les fondements du droit international sont ébranlés, dit-elle, partout dans le monde, en raison de cette carence des Etats-Unis, de l’Union européenne et du Royaume-Uni.

Azzam Tamimi, auteur d’un livre de référence sur le Hamas, récuse la question que lui pose un interviewer su Al Jazeera selon laquelle le Hamas serait à blâmer pour les victimes civiles. « Qu’êtes vous censé faire lorsqu’on vous attaque dans votre foyer? Ne pas résister parce quelqu’un risquerait d’être tué?« . La discussion sur civils et non-civils est inacceptable. Il cite le cas des 150 policiers gaziotes massacrés lors des bombardements du premier jour de la guerre de Gaza. Un général israëlien en retraite, Yaakov Amidror, prend alors la défense du Fatah. Azzam Tamimi relève ce « détail » et répète que l’occupation est à la racine de tout ce qui se passe: depuis 1994, des négociations ont eu lieu, sans résultat, mais il y a des prisonniers et internés, des populations isolées, et tout cela a rendu impossible toute paix.

Le rabbin étatsunien Michael Lerner de Tikkun condamne l’attaque israëlienne: « la sécurité d’Israël ne peut venir de l’oppression du peuple Palestinien. La sécurité au XXIeme siècle viendra de la générosité, mais le paradigme dominant dans les médias israëliens et étatsuniens n’y incite pas« . Il veut voir imposer une solution apportant la sécurité à Israël et une solution juste pour les Palestiniens, avec des réparations pour les réfugiés palestiniens. Il comprend l’argument du Hamas selon lequel l’occupation qui dure depuis 42 ans est à la cause du problème. Il demande à Obama d’appeler à un cessez-le-feu maintenant. Il dit que la fin à l’occupation ne mettra pas fin au problème, la Palestine a besoin d’aide économique. Il raconte le clivage entre l’élite de la communauté juive étatsunienne et le juif moyen, pas forcément extrémiste sur la question palestinienne.

Saeed Taji Farouky, auteur du documentaire « Tunnel trade » sur les tunnels clandestins entre Gaza et l’Egypte. Il raconte les détails sur l’économie informelle liée à la construction de ces tunnels. Ils demandent du travail et de l’argent. La région est vaste, certains tunnels aboutissent dans des maisons individuelles. Les forces de sécurité égyptienne ne sont pas incorruptibles. Des gardes-frontières égyptiens sont enfin sympathisants de la cause palestinienne et agissent afin de permettre des biens alimentaires ou médicaux de braver l’embargo. Certains tunnels sont gérés par le Hamas, d’autres par des contrebandiers qui font entrer du fromage, des pièces de rechange, des médicaments voire même des personnes – ainsi une femme qui s’était vu refuser un visa pour entrer à Gaza a pu rejoindre sa famille de cette façon.

La blague de la journée: Dan Gillermann, ancien ambassadeur israëlien à Washington, déclare à Al Jazeera, en réponse aux accusations de crimes de guerre adressées contre Israël, qu' »Israël n’a jamais violé le droit international« . Autre blague: un général israëlien en retraite, Yaakov Amidror, reproche au Hamas de se retrancher dans des zones civiles, disant que c’est contraire à la loi islamique. C’est toujours amusant de voir ces wannabes – cheikh Amidror, I presume? Le général dit que le problème de l’ONU c’est d’avoir 52 Etats-membres musulmans.

The Arab Human Rights Index

Cela peut sembler comme une contradiction dans les termes, un peu comme ministère belge de la culture (1) ou suisse des pêches maritimes. Toujours est-il que le PNUD a développé une excellente base de données, en arabe et en anglais, sur les droits de l’homme dans les pays arabes – principalement du point de vue des traités des droits de l’homme ratifiés ainsi que des conventions de l’Organisation internationale du travail, des réserves à ces ratifications, des rapports officiels des différents organes des droits de l’homme de l’ONU et surtout d’une liste des principales organisations arabes des droits de l’homme.

Un instrument de référence indispensable en d’autres termes.

(1) Il n’y en a pas, d’ailleurs. Pas pour les raisons que vous croyez, mais simplement parce que la culture n’est pas une compétence fédérale mais plutôt des entités fédérées, les régions (Flandre, Wallonie, Bruxelles) et les communautés (Flandre, communauté française, et communauté germanophone).

Tout ce que vous voulez savoir sur le droit des femmes

Sur le site de l’université canadienne de Sherbrooke, au Québec, on trouve un site très complet contenant une base de données documentaires considérable sur les droits des femmes en droit international et en droit comparé, axé sur les pays francophones. On peut chercher par type de données – traités, lois nationales, jurisprudence nationale et internationale, doctrine et guides.

La base de données n’est pas exhaustive – la jurisprudence européenne ainsi que les pays maghrébins sont peu ou pas couverts – mais c’est un excellent point de départ.