Une liste où Casablanca ne figure pas, et c’est tant mieux

La criminalité, ou plutôt la délinquance, est en nette augmentation à Casablanca, même si les chiffres officiels ne sont pas publics. Mais il faut bien reconnaître que Casablanca – et le Maroc – est loin d’égaler les records en la mtière. Prenons les statistiques sur les homicides volontaires – je viens de trouver sur un site mexicain une étude (pdf) sur le top 50 des villes où il y a eu le plus d’homicides volontaires en 2011. C’est bien simple: sur ces 50 villes, 45 sont sur le continent américain (dont 4 aux Etats-Unis), 4 en Afrique du Sud et 1 en Irak (Mossoul). Le classement se fait en fonction du taux d’homicides volontaires par 100.000 habitants. La ville la plus meurtrière du monde est San Pedro Sula au Honduras, avec un taux de 158,87 homicides pour cent mille habitants. C’est bien évidemment la calamiteuse guerre contre la drogue en Amérique latine qui est à l’origine de cette hécatombe.

A titre de comparaison, le taux d’homicide volontaire pour cent mille habitants était en 2009 de 0,99 pour la Suède et de 1,37 pour le Maroc.

La comparaison des statistiques n’est pas toujours fiable, en raison des différences légales de définition et de l’existence de différentes catégories d’homicide – pour prendre des exemples évidents, l’infanticide ou l’euthanasie ne sont pas toujours inclus dans ces chiffres. Au Maroc, par exemple, le droit pénal d’inspiration française reconnaît ainsi l’existence de deux types d’homicide volontaire, le meurtre et l’assassinat. Ces réserves étant admises, le taux d’homicide volontaire est en général un des meilleurs indicateurs d’un niveau général de la criminalité: en effet, de très nombreux crimes (notion prise ici dans une acceptation englobant, dans un contexte juridique marocain, tant les crimes que les délits et les contraventions) ne sont pas rapportés à la police – il est ainsi exceptionnel au Maroc de porter plainte contre un pick-pocket ou en cas d’agression simple n’ayant pas entraîné d’effusion de sang. Et ne parlons même pas des infractions relatives aux moeurs – viol et attentat à la pudeur – où les victimes répugnent souvent, même en Europe occidentale, à porter plainte, rendant ainsi la comparaison des statistiques officielles internationales particulièrement bancale – si l’Australie, le Canada et la Suède sont dans le top 10 des pays en termes de taux de viol par 100.000 habitants, ça traduit sans doute plus la plus grande inclinaison des victimes de viol dans ces pays à porter plainte en raison d’un meilleur accueil par les autorités policières et judiciaires et l’existence d’un tabou social sans doute moindre qu’ailleurs.

Cette difficulté statistique de collecte d’information fiable peut, en matière d’homicides volontaires, être limitée par le recours aux chiffres émanant des autorités sanitaires – elles relèvent en général la cause de mortalité, et on peut présumer que le corps de la très grande majorité des victimes d’homicide est généralement trouvé et enterré selon les procédures légales. Mais même dans ce cas, on signale souvent un écart entre les chiffres d’homicide volontaire résultant des statistiques policières ou judiciaires, et celles issues des statistiques de mortalité tenues par les autorités sanitaires. Une étude réalisée pour le compte de l’ONU, « International statistics on crime and justice« ,  relève ce problème en matière d’homicides (voir diagramme page 11) – le Maroc y est en bas de tableau parmi les pays africains figurant dans l’étude, au même niveau que la Tunisie et l’Egypte, mais avec un taux d’homicide volontaire allant du simple au double selon que la source statistique est judiciaire ou sanitaire.

On notera d’ailleurs avec intérêt que hormis situation de guerre civile (Soudan, Irak, Yémen) ou assimilé (Algérie), les taux d’homicide volontaire des pays arabes sont très bas (la Mauritanie fait exception, mais son taux est du même niveau que celui des autres pays sahéliens), du niveau de ceux d’Europe occidentale, en dépit de niveaux de pauvreté et une population bien plus jeune (le taux de criminalité est bien plus élevé dans le segment jeune de la population, pour des raison évidentes). C’est sans doute lié à un contrôle social plus élevé et une plus faible consommation d’alcool, mais il y a là une étude sociologique intéressante à faire…

« Allah n’y est pour rien » appliqué au Maroc

Lorsqu’il avait à peine 25 ans, en 1976, Emmanuel Todd avait prévu, dan « La chute finale« , la chute de l’Union soviétique en se fiant aux statistiques démographiques de l’époque, constatant notamment hausse du taux de suicide et de celui de la mortalité infantile pour estimer la société soviètique condamnée à un déclin irrémediable. Un peu plus tard (et je passe sur son passionnant « L’invention de l’Europe« , dans lequel il lie systèmes familiaux dans les différents pays d’Europe et systèmes politiques et économiques), en 2002, dans « Après l’empire« , il prédit la décomposition du système américain en se fondant encore une fois sur des indicateurs démographiques. Tout récemment, avec le démographe franco-libanais Youssef Courbage, il écrit « Le rendez-vous des civilisations« , dans lequel les deux auteurs réfutent, encore une fois sur la base des indicateurs démographiques convergents entre le monde arabe et les pays occidentaux, tout conflit dit de civilisations, insistant dans leur analyse plus sur les facteurs sociologiques (démographiques plus précisément) plus que sur les facteurs idéologiques privilégiée par l’opinion commune et les fast-thinkers qui la produisent. Pour clore le tout, il a prédit la fin de l’euro, indiquant que l’année 2011 serait intéressante de ce point de vue. Bref, je regrette qu’il ne soit pas mon conseiller financier.

Il a accordé au site d’informations générales @rrêt sur image de Daniel Schneidermann un entretien consacré au printemps arabe, et notamment donc les révolutions tunisienne et égyptienne, entretien dont en est sorti un livre que je viens d’acheter. Il y est – notamment -question du Maroc:

@si: Pour tester vos capacités de prophète, on va vous interroger sur quelques pays dans lesquels les mouvements révolutionnaires n’ont pas pris, pour l’instant, l’ampleur qu’ils ont prise en Tunisie ou en Egypte, en commençant par le Maghreb d’expression française, c’est-à-dire l’Algérie et le Maroc. Là comment voyez vous les choses?

Emmanuel Todd: En Algérie et au Maroc, les taux de fécondité sont un peu plus élevés, ils sont à 2,3 ou 2,4… L’Algérie doit être à peu près aussi alphabétisée que la Tunisie, le Maroc, un peu moins. Mais, dans tous ces cas, il y a une communauté de niveau de développement qui tient au rapport avec la France. Parlons-en! La grande obsession des gens qui nous bassinent avec des débats sur l’islam en France, c’est d’expliquer que les équilibres internes de la société française sont menacés par l’islam, etc. La réalité, pour les historiens, c’est que la France n’est mlenacée de rien du tout. Elle est toute-puissante , parce que elle est très en avance technologiquement. Et la réalité, c’est aussi que l’influence de la civilisation française est énorme au Maghreb, et que l’impact culturel français y est considérable.

@si: Historiquement, cela ne fait pas de doute. Mais encore aujourd’hui, selon vous?

Emmanuel Todd: Historiquement, il y a eu conquête puis décolonisation, mais finalement le contrôle effectif politique français de pays comme le Maroc et la Tunisie a été de très courte durée. En revanche, une sorte de lien a été établi, qui a amené, après la décolonisation, à l’émergence de sociétés de plus en plus bilingues, en tout cas au niveau des classes moyennes, avec des allers-retours incessants d’individus des deux côtés de la Méditerranée…

@si: Vous voulez parler de l’immigration et du retour des immigrés dans leur pays d’origine, pour les vacances ou pour s’y retirer?

Emmanuel Todd: Oui, une sorte de noria, de proximité. La langue française a créé une sorte de communauté culturelle entre deux mondes très différents sur le plan anthropologique. Et ça a créé un Maghreb qui a une position tout à fait particulière dans le monde arabe. Le Maghreb, Tunisie mise à part, était plutôt en retard sur le plan de l’alphabétisation, c’est la périphérie du monde arabe. Les pays les plus avancés en terme d’alphabétisation, ce sont la Syrie ou la Jordanie, ou encore la Palestine avant qu’elle ne soit foutue en l’air par l’occupation. Mais, malgré ce retard d’alphabétisation, l’impact de la France a mené à une énorme avance démographique. Si l’on met de côté le cas du Liban, tout à fait spécifique, les pays arabes qui sont les premiers passés au-dessous de la barre des trois enfants par femme (seuil critique dans une société patrilinéaire, parce qu’il signifie que beaucoup de gens renoncent alors à avoir des garçons), eh bien ces pays sont dans la partie du monde arabe qui est en relation culturelle avec la France.

@si: A quelle époque s’est produite cette baisse atypique de la fécondité?

Emmanuel Todd: Dans les années récentes: à partir de 1965 pour la Tunisie, 1975 pour le Maroc, 1985 pour l’Algérie.

@si: C’est-à-dire après la décolonisation?

Emmanuel Todd: Absolument. Au moment où tout le monde pensait que c’était fini, ça ne faisait que commencer entre la France et le Maghreb. Et puis ça va continuer, et à une échelle accélérée.

@si: Ces liens avec la France sont donc un facteur commun aux trois pays du Maghreb. Mais qu’est-ce qui sépare ces trois pays?

Emmanuel Todd: L’Algérie a une histoire beaucoup plus complexe et beaucoup plus difficile. D’abord, il y a eu l’épisode de la crise islamiste, qui avait un rapport avec la montée des taux d’alphabétisation et une baisse brutale de la fécondité. Très souvent, ce qui se produit n’est pas du tout une évolution harmonieuse, c’est une phénomène de crise. dans le cas de l’Algérie, la crise a été très précoce, très violente, très inutile et très mal gérée.

@si: Quel est le rapport entre la crise islamiste, la fécondité et l’alphabétisation?

Emmanuel Todd: Il ne faut pas avoir une vision irénique de la transition. Pour le moment, ça ne s’est pas passé trop mal en Tunisie et en Egypte, mais la Libye montre que les transitions ne sont pas toujours paisibles. Je parlais tout à l’heure des sociétés où les fils savent lire, pas les pères, où la sexualité est modifiée, etc. Ce sont des sociétés, certes en marche vers le progrès, où l’efficicacité économique va être plus grande, où tout est possible, mais des sociétés perturbées et qui perdent très souvent les pédales, où il y a de la violence, et donc où se produisent des phénomènes classiques que j’appelle crises de transition. Il est très, très rare qu’une société traverse cette phase de transition sans dommages. La Révolution française, vue d’aujourd’hui, est merveilleuse, mais, si l’on additionne les massacres de Vendée, et les guerres révolutionnaires, on arrive tout de même à un million de morts.

Alors l’Algérie existe, bien sûr, c’est une nation, mais une nation récente et qui à mon avis a été fondée par la guerre d’indépendance. Il n’y a pas grand-chose, en fait: il y a des villes, qui souvent ont été fondées par les Français, c’est uen société un peu amorphe, on dirait anomique. Il y avait une sorte de fragilité intrinsèque, qui explique cette violence, ce dérapage. On peut tout à fait imaginer que l’Algérie, avec le bon exemple tunisien, reparte vers une démocratisation plus paisible… Mais, bon, on ne sait pas.

Le Maroc, c’est autre chose: le Maroc a une vraie histoire, il suffit de s’y promener, le pays est rempli de monuments historiques, de villes impériales. Il y a une monarchie, et l’évolution qu’on peut souhaiter – je vais décevoir les partisans de la table rase – compte tenu du caractère inéluctable de la démocratisation, c’est l’évolution vers une monarchie constitutionnelle. Le Maroc est très en retard en terme de taux d’alphabétisation. Si ceux qui gouvernent le Maroc acceptent l’idée d’une évolution vers la démocratisation et la monarchie constitutionnelle, les choses se passeront bien. S’ils n’acceptent pas, elles se passeront moins bien. Mais… elles se passeront.

On peut saluer cette démystification de l’évolution politique, sociale ou historique du monde arabe en général et maghrébin en particulier. Lire cet entretien procure ainsi ce même sentiment que la lecture de « La force de l’obéissance » de Béatrice Hibou, consacré aux assises socio-économiques de la dictature totalitaire de Zine el Abidine Benali et sans qu’on y retrouve jamais mention de « hadiths », « taqiya », « jihad » ou autre « hudud ». Contrairement à une vision idéaliste de l’histoire, qui vire facilement vers l’idéologie, les faits et plus précisément les structures sociales et leurs évolutions sur le long terme sont privilégiées. Plutôt que de souligner les différences avec une histoire idéalisée et idéologique de ce concept idéologique qu’est « l’Occident« , cette vision souligne les traits communs de l’histoire humaine, déterminés plus par les faits que par les idées (ce qui ne signifie pas que les idées ou l’idéologie soient sans importance). Certes, l’analyse de Todd n’est pas exempte reproches: outre une vision téléologique de l’histoire, qui n’est pas évidente, et une croyance au progrès inéluctable de l’humanité, certains raccourcis anecdotiques font tiquer – si le Maroc a une histoire, ce constat aurait été mieux soutenu par des arguments autres que l’existence de monuments historiques (le Maroc n’en a pas le monopole, même dans la région maghrébine) ou de villes dénomées « cités impériales » (l’histoire du Maroc est antérieure à ces cités-là).

Mais globalement, même si le pronostic de Todd relativement au Maroc est sujet à discussion, voilà comme un courant d’air salvateur, balayant les débris et épaves de l’opinion commune des fast-thinkers, et  les scories orientalistes et néo-orientalistes d’une opinion que nombre d’indigènes reprennent à leur compte…

« Lorsque je commençais mon enquête sur le tourisme au Sahara marocain, je n’imaginais pas être prise à témoin d’échanges sexuels »

Lorsque je commençais mon enquête sur le tourisme au Sahara marocain, je n’imaginais pas être prise à témoin d’échanges sexuels. Pourtant, dès ma première randonnée, il apparut que trois femmes eurent une liaison avec chacun des trois guides qui encadraient le groupe. Plusieurs des circuits auxquels je devais participer par la suite virent ces échanges se répéter. (Corinne Cauvin Verner, 2009)

Un article intéressant – « Du tourisme culturel au tourisme sexuel. Les logiques du désir d’enchantement » – de l’ethnologue française Corinne Cauvin Verner, auteure d’une thèse intitulée « Au désert. Jeux de miroirs et acculturation. Anthropologie d’une situation touristique dans le Sud marocain« , article paru dans Cahiers d’études africaines (2009, nos 193/194) trouvé via la base de données CAIRN. Extraits:

Guides et chameliers ne distinguent pourtant pas le touriste de masse du touriste culturel, pas plus qu’ils ne conçoivent de différence entre un touriste et un voyageur. Cela étant, ils ne considèrent pas que tous les touristes sont équivalents. Ils se moquent par exemple volontiers du touriste « FRAM » dont ils détournent le sigle en devise : « Faut Rien Acheter au Maroc. » Ils préfèrent les touristes individuels voyageant à la carte, sans programme défini, dont ils estiment pouvoir tirer toutes sortes d’avantages. Selon leurs témoignages, le « meilleur » des touristes est âgé de moins de quarante ans, il voyage seul ou avec un groupe d’amis, il exerce une profession libérale, idéalement dans la presse car s’en trouveront garanties des conversations animées et une bonne publicité en Europe, il aime faire la fête, c’est-à-dire qu’il voyage avec des bouteilles d’alcool et du haschich, et il est enfin une femme, disposée aux aventures amoureuses.

Le déroulement même des randonnées est susceptible d’être décrit comme un rite de passage : la « séparation » se ferait au départ du circuit lorsque les touristes se délestent d’une partie de leurs encombrants bagages et qu’ils se travestissent en revêtant chèche et sarouel. L’« initiation » se réaliserait tout au long du parcours, avec un point d’acmé dans les grandes dunes où la caravane fait halte une demi-journée et une nuit. La « réintégration » aurait lieu au retour en France, accompagnée d’hypothétiques prises de conscience et d’effets de nostalgie. Pourtant, malgré la petite efficacité rituelle de ce programme, un nombre significatif de touristes expriment une insatisfaction au cours de leur séjour. Ils sont déçus, pour des raisons qui tiennent à une série de paradoxes : comment authentifier des Bédouins devenus des « nomades de profession » ? Comment se singulariser dans le cadre d’une expérience collective ? Comment vivre une aventure tout en respectant un programme ?

Bien qu’ils aient souhaité s’initier à la vie nomade, les touristes restent oisifs. Au fil des péripéties du circuit (inconfort, fatigue, mélancolie), leurs intentions initiales se délitent. Lorsque le guide leur propose d’aller chercher du bois, les uns déclarent être trop fatigués, les autres qu’il ne s’en trouve plus à des kilomètres à la ronde. Ils n’aident pas à éplucher les légumes et se lassent assez vite de décharger les dromadaires ou d’aider à la mise en place des campements. Un peu comme s’ils séjournaient à l’hôtel, ils attendent d’être servis et leur guide ne manque pas de finir par leur adresser la remarque grinçante « alors, ça va l’Hôtel mille étoiles ? ».

Les touristes ne cherchent pas à dissimuler que le guide est leur amant. Tout au contraire, elles semblent en éprouver une certaine fierté : une intimité se construit, qui crée un état de « permanence euphorique » et transcende la situation touristique par un équivalent de rite d’agrégation faisant défaut aux interactions habituelles. L’idéalisation romantique du Sahara et des « Hommes bleus » trouve là un point d’ancrage : l’échange sexuel permet de dénier tout à la fois la réalité économique de la relation et l’aspect
ludique de l’expérience. Il détourne le rapport marchand en rapport interculturel (Winkin 1999). À une touriste devenue l’amie d’un guide, l’équipe des accompagnateurs réserve en effet des attentions particulières. À la fin
du circuit, ou à l’occasion d’un prochain voyage, l’étrangère est invitée à séjourner au domicile familial de son amant, où les soeurs et les tantes s’amuseront à la vêtir à la mode sahraouie, à dessiner au henné sur ses mains, à l’emmener en visite au sanctuaire. Selon les cas, les partenaires se reverront, à Zagora où la touriste s’efforcera de venir plusieurs fois par an, ou en Europe où le guide voyagera s’il réussit à obtenir un visa. Dans ces conditions, l’échange sexuel avec un guide tient-il de l’accident ou de la norme ? Il satisfait tout à la fois un désir d’exotisme, d’aventure, de romantisme, et de revalorisation du statut. Mais s’y profile également une métaphore de conquête qui, en raison de l’aspect économique de la situation, se trouve nourrie d’hostilité et d’agressivité. Les touristes ont dépensé de l’argent pour accéder à l’authenticité d’un monde. En couchant avec un guide, ne produisent-elles pas l’équivalence d’une relation de prostitution ?

Islam, le triste tropisme de Claude Lévi-Strauss

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Claude Lévi-Strauss est mort à l’âge de cent ans. Cet ethnologue, figure éminente du structuralisme très en vogue il y a quelques décennies, est unanimement vu comme un des derniers « grands » penseurs français (on peut présumer que Foucault, Bourdieu et Derrida sont les plus récents à l’avoir précédé dans cette lignée). Il a, comme de coutume, été unanimement loué à sa mort.

Son livre le plus connu auprès des profanes fût sans doute « Tristes tropiques » (1955). La lecture de quelques pages confirme que la perfection n’est pas de ce monde:

C’était surtout l’Islam dont la présence me tourmentait (…). Déjà l’Islam me déconcertait par une attitude envers l’histoire contradictoire à la nôtre et contradictoire en elle-même: le souci de fonder une tradition s’accompagnait d’un appétit destructeur de toutes les traditions antérieures. (…)

Dans les Hindous, je contemplais notre exotique image, renvoyée par ces frères indo-européens évolués sous un autre climat, au contact de civilisations différentes, mais dont les tentations intimes sont tellement identiques aux nôtres qu’à certaines périodes, comme l’époque 19000, elles remontent chez nous aussi en surface.

Rien de semblable à Agra, où règnent d’autres ombres: celles de la Perse médiévale, de l’Arabie savante, sous une forme que beaucoup jugent conventionnelle. Pourtant, je défie tout visiteur ayant encore gardé un peu de fraîcheur d’âme de ne pas se sentir bouleversé en franchissant, en même temps que l’enceinte du Taj, les distances et les âges, accédant de plain-pied à l’univers des Mille et une Nuits (…).

Pourquoi l’art musulman s’effondre-t-il si complètement dès qu’il cesse d’être à son apogée? Il passe sans transition du palais au bazar. N’est-ce pas une conséquence de la répudiation des images? L’artiste, privé de tout contact avec le réel, perpétue une convention tellement exsangue qu’elle ne peut être rajeunie ni fécondée. Elle est soutenue par l’or, ou elle s’écroule. (…)

Si l’on excepte les forts, les musulmans n’ont construit dans l’Inde que des temples et des tombes. Mais les forts étaient des palais habités, tandis que les tombes et les temples sont des palais inoccupés. On éprouve, ici encore, la difficulté pour l’Islam de penser la solitude. Pour lui, la vie est d’abord communauté, et le mort s’installe toujours dans le cadre d’une communauté, dépourvue de participants. (…)

N’est-ce pas l’image de la civilisation musulmane qui associe les raffinements les plus rares – palais de pierres précieuses, fontaines d’eau de rose, mets recouverts de feuilles d’or, tabac à fumer mêlé de perles pilées – servant de couverture à la rusticité des moeurs et à la bigoterie qui imprègne la pensée morale et religieuse? 

Sur le plan esthétique, le puritanisme islamique, renonçant à abolir la sensualité, s’est contenté de la réduire à ses formes mineures: parfums, dentelles, broderies et jardins. Sur le plan moral, on se heurte à la même équivoque d’une tolérance affichée en dépit d’un prosélytisme dont le caractère compulsif est évident. En fait, le contact des non-musulmans les angoisse. Leur genre de vie provincial se perpétue sous la menace d’autres genres de vie, plus libres et plus souples que le leur, et qui risquent de l’altérer par la seule contiguïté.

Plutôt que de parler de tolérance, il vaudrait mieux dire que cette tolérance, dans la mesure où elle existe, est une perpétuelle victoire sur eux-mêmes. En la préconisant, le Prophète les a placés dans une situation de crise permanente, qui résulte de la contradiction entre la portée universelle de la révélation et de la pluralité des fois religieuses. Il y a là une situation paradoxale au sens « pavlovien », génératrice d’anxiété d’une part et de complaisance en soi-même de l’autre, puisqu’on se croit capable, grâce à l’Islam, de surmonter un pareil conflit. En vain d’ailleurs: comme le remarquait un jour devant moi un philosophe indien, les musulmans tirent vanité de ce qu’ils professent la valeur universelle de grand principes – liberté, égalité, tolérance – et ils révoquent le crédit à quoi ils prétendent en affirmant du même jet qu’ils sont les seuls à les pratiquer.

Un jour à Karachi, je me trouvais en compagnie de Sages musulmans, universitaires ou religieux. A les entendre la supériorité de leur système, j’étais frappé de constater avec quelle insistance ils revenaient à un seul argument: sa simplicité. (…) Tout l’Islam semble être, en effet, une méthode pour développer dans l’esprit des croyants des conflits insurmontables, quitte à les sauver par la suite en leur proposant des solutions d’une très grande (mais trop grande) simplicité. D’une main on les précipite, de l’autre on les retient au bord de l’abîme. Vous inquiétez-vous de la vertu de vos épouses ou de vos filles pendant que vous êtes en campagne? Rien de plus simple, voilez-les et cloîtrez-les. C’est ainsi qu’on en arrive au burkah moderne, semblable à un appareil orthopédique (…).

Chez les Musulmans, manger avec les doigts devient un système: nul ne saisit l’os de la viande pour en ronger la chair. De la seule main utilisable (la gauche étant impure, parce que réservée aux ablutions intimes) on pétrit, on arrache les lambeaux et quand on a soif, la main graisseuse empoigne le verre. En observant ces manières de table qui valent bien les autres, mais qui du point de vue occidental, semblent faire ostentation de sans-gêne, on se demande jusqu’à quel point la coutume, plutôt que vestige archaïque, ne résulte pas d’une réforme voulue par le Prophète – « ne faites pas comme les autres peuples, qui mangent avec un couteau » – inspiré par le même souci, inconscient sans doute, d’infantilisation systématique, d’imposition homosexuelle de la communauté par la promiscuité qui ressort des rituels de propreté après le repas, quand tout le monde se lave les mains, se gargarise, éructe et crache dans la même cuvette, mettant en commun, dans une indifférence terriblement autiste, la même peur de l’impureté associée au même exhibitionnisme. (…)

[S]i un corps de garde pouvait être religieux, l’Islam paraîtrait sa religion idéale: stricte observance du règlement (prières cinq fois par jour, chacune exigeant cinquante génuflexions [sic]); revues de détail et soins de propreté (les ablutions rituelles); promiscuité masculine dans la vie spirituelle comme dans l’accomplissement des fonctions religieuses; et pas de femmes.

Ces anxieux sont aussi des hommes d’action; pris entre des sentiments incompatibles, ils compensent l’infériorité qu’ils ressentent par des formes traditionnelles de sublimations qu’on associe depuis toujours à l’âme arabe: jalousie, fierté, héroïsme. Mais cette volonté d’être entre soi, cet esprit de clocher allié à un déracinement chronique (…) qui sont à l’origine de la formation du Pakistan (…). C’est un fait social actuel, et qui doit être interprété comme tel: drame de conscience collectif qui a contraint des millions d’individus à un choix irrévocable (…) pour rester entre musulmans, et parce que qu’ils ne se sentent à l’aise qu’entre musulmans.

Grande religion qui se fonde moins sur l’évidence d’une révélation que sur l’impuissance à nouer des liens au-dehors. En face de la bienveillance universelle du bouddhisme, du désir chrétien de dialogue, l’intolérance musulmane adopte une forme insconsciente chez ceux qui s’en rendent coupables; car s’ils ne cherchent pas toujours, de façon brutale, à amener autrui à partager leur vérité, ils sont pourtant (et c’est plus grave) incapables de supporter l’existence d’autrui comme autrui. Le seul moyen pour eux de se mettre à l’abri du doute et de l’humiliation consiste dans une « néantisation » d’autrui, considéré comme témoin d’une autre foi et d’une autre conduite. La fraternité islamique est la converse d’une exclusive contre les infidèles qui ne peut pas s’avouer, puisque, en se reconnaissant comme telle, elle équivaudrait à les reconnaître eux-mêmes comme existants.

(…) Ce malaise ressenti au voisinage de l’Islam, je n’en connais que trop les raisons: je retrouve en lui l’univers d’où je viens; l’Islam, c’est l’Occident de l’Orient. Plus précisément encore, il m’a fallu rencontrer l’Islam pour mesurer le péril qui menace aujourd’hui la pensée française. Je pardonne mal au premier de me présenter notre image, de m’obliger à constater combien la France est en train de devenir musulmane. (…) Si, pourtant, une France de quarante-cinq millions d’habitants s’ouvrait largement sur la base de l’égalité des droits, pour admettre vingt-cinq millions de citoyens musulmans, même en grande proportion illettrés, elle n’entreprendrait pas une démarche plus audacieuse que celle à quoi l’Amérique dut de ne pas rester une petite province du monde anglo-saxon. (…) [I]ls firent et gagnèrent un pari dont l’enjeu est aussi grave que celui que nous refusons de risquer.

Le pourrons-nous jamais? En s’ajoutant, deux forces régressives voient-elles leur direction s’inverser? (…) [I]ci, à Taxila, dans ces monastères bouddhistes que l’influence grecque a fait bourgeonner de statues, je suis confronté à cette chance fugitive qu’eut notre Ancien Monde de rester un; la scission n’est pas encore accomplie. Un autre destin est possible, celui, précisément, que l’Islam interdit en dressant sa barrière entre un Occident et un Orient qui, sans lui, n’auraient peut-être pas perdu leur attachement au sol commun où ils plongent leurs racines. (…)

[C]’est l’autre malheur de la conscience occidentale que le christianisme (…) soit apparu « avant la lettre » – trop tôt (…): terme moyen d’une série destinée par sa logique interne, par la géorgaphie et l’histoire, à se développer dorénavant dans le sens de l’Islam; puisque ce dernier – les musulmans triomphent sur ce point – représente la forme la plus évoluée de la pensée religieuse sans pour autant être la meilleure; je dirais même en étant pour cette raison la plus inquiétante des trois [bouddhisme, christianisme et islam]. (…)

Aujourd’hui, c’est par-dessus l’Islam que je contemple l’Inde; mais celle de Bouddha, avant Mahomet qui, pour moi européen et parce que européen, se dresse entre notre réflexion et des doctrines qui en sont les plus proches comme le rustique empêcheur d’une ronde où les mains prédestinées à se joindre, de l’Orient et de l’Occident ont été par lui désunies. Quelle erreur allais-je commettre, à la suite de ces musulmans qui se proclament chrétiens et occidentaux et placent à leur Orient la frontière entre les deux mondes! (…) L’évolution rationnelle est à l’inverse de celle de l’histoire: l’Islam a coupé en deux un monde plus civilisé. Ce qui lui paraît actuel relève d’une époque révolue, il vit dans un décalage millénaire. Il a su accomplir une oeuvre révolutionnaire; mais comme celle-ci s’appliquait à une fraction attardée de l’humanité, en ensemençant le réel il a stérilisé le virtuel: il a déterminé un progrès qui est l’envers d’un projet. (Tristes tropiques, Presses Pocket, Paris, 2007, pp. 475-490)

La corruption au Maroc – évaluation de Global Integrity (2008)

Via Twitter je suis tombé sur l’appréciation de la situation marocaine en matière de corruption, effectuée par The Global Integrity en 2008. Comme le souligne AfriNomad, les commentaires et références obtenus en cliquant sur chaque score sont très intéressants mais appellent parfois des commentaires supplémentaires. On notera que l’appréciation globale sur l’intégrité financière et juridique au Maroc est très sévère: score de 48 sur 100, appréciation « très faible« . Le score sur le cadre légal proprement dit est de 58/100, mais comme le sait chaque Marocain, les lois marocaines ne sont guère appliquées et la mise en oeuvre obtient donc un score très bas de 35/100. L’autocratisme du système constitutionnel marocain explique pour une bonne partie la fible note marocaine: pas d’accès public à l’information (3 sur 100!), supervision des élections (0 sur 100, en raison de l’absence d’un organe de surveillance indépendant de l’exécutif), la faculté de demander des comptes au pouvoir exécutif (8 sur 100) – tandis que le sinistre de la justice marocaine est patent: les jugements en matière pénale ne sont pas conformes au droit positif (25 sur 100), exécution des décisions de justice (25 sur 100) et indépendance de la mgistrature (38 sur 100).

Globalement – mais il faut absolument souligner que Global Integrity n’avait pas évalué plus de 46 pays en 2008 (le Maroc sera cependant évalué de nouveau en 2010), presque tous du Tiers-monde – le Maroc est en queue de peloton et n’a que quatre pays plus faibles que lui – le Cambodge, le Yémen, l’Angola et la Somalie. Ce doit être encore le fruit d’un complot nihiliste ourdi par les ennemis du Maroc – Jean-Pierre Tuquoi, Bob Ménard, Moulay Hicham, Ali Lmrabet, Alger, Tindouf, Boubker Jamaï, ou encore Téhéran? A vous de juger.

The Global Integrity Report (report.globalintegrity.org)
Morocco 2008 Assessment

Morocco: Integrity Indicators Scorecard

Overall Score: 48 (+/- 0.31) – Very Weak

Category I Civil Society, Public Information and Media 39 Very Weak
I-1 Civil Society Organizations 60 Weak
I-2 Media 56 Very Weak
I-3 Public Access to Information 3 Very Weak

Category II Elections 48 Very Weak
II-1 Voting & Citizen Participation 72 Moderate
II-2 Election Integrity 21 Very Weak
II-3 Political Financing 51 Very Weak

Category III Government Accountability 26 Very Weak
III-1 Executive Accountability 8 Very Weak
III-2 Legislative Accountability 45 Very Weak
III-3 Judicial Accountability 36 Very Weak
III-4 Budget Processes 17 Very Weak

Category IV Administration and Civil Service 45 Very Weak
IV-1 Civil Service Regulations 46 Very Weak
IV-2 Whistle-blowing Measures 0 Very Weak
IV-3 Procurement 69 Weak
IV-4 Privatization 63 Weak

Category V Oversight and Regulation 69 Weak
V-1 National Ombudsman 74 Moderate
V-2 Supreme Audit Institution 84 Strong
V-3 Taxes and Customs 79 Moderate
V-4 State-Owned Enterprises 55 Very Weak
V-5 Business Licensing and Regulation 54 Very Weak

Category VI Anti-Corruption and Rule of Law 60 Very Weak
VI-1 Anti-Corruption Law 100 Very Strong
VI-2 Anti-Corruption Agency 46 Very Weak
VI-3 Rule of Law 50 Very Weak
VI-4 Law Enforcement 44 Very Weak

L’étude semble plus précise que le fameux index de perception de la corruption de Transparency International, pourtant très utile, et où le Maroc était 80eme sur 180 pays évalués en 2008.

Pour en savoir plus sur la corruption au Maroc ou en général, voir les liens suivants:
– le site de Transparency Maroc;
– l’excellent site norvégien (en anglais) U4 anti-corruption resource center, une découverte récente (merci Twitter!) et qui me semble incontournable;
– l’assez riche mais très désordonné blog de l’ONG Instance nationale de protection des biens publics au Maroc;

Les antécédents des prostituées

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Je viens de lire ceci, dans un livre déniché tantôt chez un bouquiniste:

En résumé, il semble ressortir de cette étude que les causes ayant amené les femmes à la prostitution sont extrêmement diverses. Elles comprennent la faiblesse mentale et physique, les traits de caractère, les foyers malheureux et brisés, la mauvaise éducation, la négligence dont elles ont été victimes dans leur enfanceet leur adolescence, les mauvaises conditions de travail, les bas salaires, les emplois monotones et peu intéressants, le chômage, le brusque besoin d’argent, les charges qu’entraîne l’obligation d’entretenir des enfants et autres personnes, et l’influence des prostituées et des entremetteurs.

Il va de soi, cependant, qu’en un certain sens, ces causes sont d’ordre secondaire puisqu’elles n’entrent en jeu que lorsqu’il existe une demande de prostituées. Dès lors que cette demande existe, elles correspondent en tout cas à assurer l’offre correspondante; à défaut, elles continueraient sans doute d’agir, mais leurs résultats seraient manifestement différents. Les causes primaires seront toujours, nécessairement, la demande de prostituées – quelle que soit son origine – et l’acceptation, par l’opinion publique, de la prostitution, faits qui, l’un et l’autre, sont subordonnés à la philosophie et à la morale courantes, aux coutumes, aux traditions, à l’éducation et à la structure de la société. La prostitution n’est donc pas un phénomène isolé, non plus qu’elle n’est causée par la stupidité, la pauvreté, la paresse ou le vice d’un petit nombre de femmes. Bien au contraire, on l’a justement décrite comme étant « si subtilement et profondément enracinée qu’elle ne peut être sensible qu’à des influences exerçant leurs effets sur tous nos modes de pensée et de sentiment et sur toutes nos coutumes sociales » (1). Lorsqu’on étudie les faits exposés dans le présent rapport, il ne faut jamais perdre de vue les causes fondamentales de la prostitution.

(1) Havelock Ellis, « The task of social hygiene », Constable, London, p. 303

De qui sont ces lignes? Judith Butler, dans l’introduction à son rapport sur la prostitution commandé par le ministère suédois de la justice avant l’adoption en 1998 de la loi criminalisant l’achat des services des prostitué-e-s (l’offre de ces services n’est pas punissable quant à elle) (1)? Pierre Bourdieu, dans La domination masculine? Michel Foucault dans l’Histoire de la sexualité? Marcela Iacub, dans sa récente tribune dans Libération?

Du tout. C’est un extrait (pp. 76-77) d’un rapport n° C.218.M.120.1938.IV intitulé « Enquête sur les mesures de relèvement des prostituées (première partie): les antécédents des prostituées » de la Commission consultative sociale de la Société des Nations paru à Genève en 1938 – les auteurs du rapport ne sont pas identifiés. On s’imagine toujours que notre époque est la plus moderne et avancée, mais voilà des propos vieux de 71 ans d’une très grande fraîcheur: le problème de la prostitution n’est pas à chercher du côté des prostituées, mais des clients. Ce n’est pas un problème de vices quelconques du côté de la prostituée, mais un problème structurel de normes et d’acceptation sociales de l’achat des services des prostituées par les clients hommes. On n’est pas dans la supply-side economics, mais dans la demand-driven sociology. Le problème n’est pas à chercher auprès des prostituées italiennes et de l’Est venues donner l’illusion de sa virilité à Berlusconi, mais auprès de Berlusconi lui-même.

(1) En vertu du chapitre 6 article 11 du Code pénal suédois (Brottsbalken), est puni d’amende ou de six mois de prison quiconque se procure des relations sexuelles temporaires contre compensation financière, la punition étant encourue même si le paiement émane d’un tiers. Il est intéressant de noter qu’un des arguments utilisés par les défenseurs de Berlusconi pour excuser ses frasques pathétiques est qu’il n’aurait pas payé les prostituées de sa poche.

Texte intégral de l’entretien avec Abdallah Laroui (Economia octobre 2008)

Voici la version intégrale de l’entretien avec Abdallah Laroui réalisé pour le compte de la revue Economia (numéo octobre 2008/janvier 2009) par Driss Ksikes et Fadma Aït Mous. Abdallah Laroui est le type d’intellectuel que l’on respecte même si on ne partage pas ses opinions – qu’on pourrait qualifier de libérales au sens européen du terme, du moins sur le plan politique et religieux – sur l’enseignement payant, par exemple, ou sur le hijab, où ses propos pourraient être tenus par n’importe quel chauffeur de taxi parisien. Globalement, c’est un historien-philosophe qui ne semble guère aux prises avec la sociologie, ou avec la critique post-moderne de l’idéologie des Lumières. Les sciences humaines s’arrêtent à Max Weber, semble-t-il.

Mais il suffit de lire l’extrait suivant pour se réconcilier avec le bonhomme:

Le recul des institutions au Maroc aujourd’hui, je l’appelerai plutôt recul des espérances institutionnelles. J’ai toujours exprimé le souhait de voir le pays se diriger, lentement mais sûrement, vers un régime de monarchie véritablement constitutionnelle et parlementaire, où le Roi règne, guide, conseille, influe, mais ne se mêle pas dans la direction des affaires courantes, même pas par le biais de l’action caritative, car celle-ci laisse croire qu’il dispose d’un trésor inépuisable. Tout cela pour sauvegarder son autorité morale. Il doit avoir tous les moyens pour être et rester le Roi du Maroc et des Marocains. Mais ceci est mon souhait: il ne compte pour rien.

Vous trouverez quelques textes de et sur Laroui dans mes liens del.icio.us.

Voici le document:
entretien-abdallah-laroui-revue-economia-20081

Site web consacré au sociologue marocain Paul Pascon


J’ai déjà cité, à quelques reprises, le célèbre sociologue marocain Paul Pascon. Je viens de découvrir, avec beaucoup de retard, l’existence d’un petit site qui lui est consacré, avec quelques liens intéressants. Créé par Jamal Hossaini-Hilali, on y trouve notamment une biographie complète.

Parmi les autres liens intéressants, un article qui lui a été consacré par Tel Quel.

Quelques trop rares articles de Paul Pascon sont disponibles sur le web. On peut citer notamment « Le commerce de la maison d’Ilîgh d’après le registre comptable de Husayn b. Hachem (Tazerwalt, 1850-1875)« . J’ai quelques textes moi-même, notamment des articles de Lamalif, et si je pouvais avoir de l’aide avec la numérisation, je serais disposé à les publier ici. Avis aux informaticiens parmi vous!