Journalisme d’investigation à la marocaine – « Les hommes d’affaires : Mohamed Mounir Majidi, prestance et charme retenu »

Ce n’est pas une blague – cet article a bel et bien été publié dans un quotidien marocain (pour la photo, je ne suis pas sûr que ce soit la bonne, pas le temps de vérifier):

Les hommes d’affaires : Mohamed Mounir Majidi, prestance et charme retenu
Discrétion rime très bien avec Mohamed Mounir Majidi. Dans le milieu des affaires, il est l’incarnation du charisme, de la détermination et du charme retenu.

Du haut de ses 46 ans, beau, il l’est certainement. Marié et père de deux filles, M. Majidi a tous les atouts pour plaire. Secrétaire particulier du Souverain, il est également chargé de la gestion des affaires royales. Loin de toutes formes de mondanités, le peu de temps qui lui reste est consacré à sa vie de famille. M. Majidi préfère s’éloigner du monde des relations publiques et autres dîners mondains. Il a su rester pragmatique et rigoureux en affaires et devenir au fil du temps symbole d’une brillante génération de quadras technocrates. Formé au management à l’américaine, il est également un acteur clé de l’ouverture et de la modernité du Royaume. En effet, Mohamed Mounir Majidi est la cheville ouvrière du grand festival musical Mawazine de Rabat. Une casquette qu’il a portée avec brio. Mohamed Mounir Majidi a réussi à faire de cet événement une véritable vitrine de l’attractivité marocaine. Des stars mondiales ont accepté de fouler le podium de Mawazine, portant haut le drapeau marocain. En plus de la culture, il est un supporter assidu du FUS dont il est devenu le président en 2007. Mohamed Mounir Majidi est un exemple de modestie et d’efficience.

Gad el Maleh peut aller se rhabiller, la confrérie des compagnons de Gutenberg ouvre une section au Maroc

La stand-up comedy, ou l’humour politique, n’ont strictement aucune chance au Maroc, où l’Etat et ses affidés ont conservé le monopole du service public de la satire. J’ai ainsi pu lire dans mon quotidien préféré que la Confrérie des compagnons de Gutenberg avait créé une section au Maroc, événement historique lors de laquelle le ministre de la communication, l’haj Khalid Naciri, a été nommé docteur honoris causa de la confrérie.

J’ai vérifié, la date indique bien le 5 avril.

Bon, citons un peu Le Matin du Sahara et la MAP:

Promouvoir l’écriture, l’édition et la culture en général, hisser les liens de confraternité au plus haut niveau de l’amitié entre les membres et cultiver les liens de partage et de soutien, figurent parmi les objectifs assignés à cette association présidée par Mohamed Berrada, directeur général de Sapress.

Lors d’une cérémonie organisée à cette occasion en présence de Khalid Naciri, ministre de la Communication, porte parole du gouvernement, M. Berrada a exprimé sa satisfaction de la création au Maroc d’une section de la confrérie des compagnons de Gutenberg en jumelage avec celle existant en France.

Perso, je trouve particulièrement bien choisie la liste des personnalités marocaines distinguées par la Confrérie des compagnons de Gutenberg:

D’autres acteurs de la presse et de l’édition ont été également honorés à cette occasion. Il s’agit notamment de Mohamed Berrada, Abdelmouniim Dilami, P.-D.G. du groupe Eco-medias, Khalil Hachimi, directeur d’Aujourd’hui le Maroc et président de la Fédération marocaine des éditeurs de journaux, Abdellah Stouky, journaliste et écrivain, Abdou Moukite, imprimeur et expert en matériel d’imprimerie, Abdelkader Retnani, éditeur et président de l’Association marocaine des professionnels du livre, et Omar Jabri, imprimeur et éditeur.

On peut au moins se réjouir de la présence d’un rajaoui, Abdelkader Retnani, et souligner la contribution au folklore humoristique et à la défense de la langue française – un des objectifs de la confrérie – apportée par Khalil Hachimi Idrissi d’Aujourd’hui Le Maroc – quotidien qui se saisit à pleines mains des questions de société – et d’Abdelmounaïm Dilami – même si en lisant L’Economiste mes zygomatiques sont plus souvent stimulés à la lecture de Nadia Salah, mais c’est une question de goût et le goût ne se discute pas.

Pour donner aux béotiens que vous êtes une idée de l’importance de cette cérémonie, il suffit de préciser que l’information a été répercutée sur le site du ministère de la culture.

Ca n’a rien à voir mais il faut parfois meubler – voici ainsi ce qu’écrit sur la liberté de la presse au Maroc un torchon islamo-gauchiste inféodé à la junte d’Alger et aux caciques chiites de Téhéran, Le Monde:

De fait, depuis des mois, les désaccords n’ont cessé de grandir entre le pouvoir et les journalistes. Procès, amendes records, journaux saisis ou poussés à la fermeture, ont nourri la chronique de la crise. Le quotidien arabophone Akhbar Al-Yaoum reparaît sous un autre titre depuis trois mois, mais n’a jamais pu récupérer ses locaux toujours placés sous scellés ; le Journal hebdomadaire francophone, étranglé par ses dettes et confronté à la réduction drastique de ses recettes publicitaires, a dû mettre la clé sous la porte en février. Et le directeur d’Al-Michââl, Driss Chahtane, purge toujours, depuis cinq mois, une peine de prison pour avoir fait paraître des articles désobligeants sur le chef d’Etat algérien Abdelazziz Bouteflika, et la santé de Mohammed VI, malgré les appels répétés de son épouse, enceinte, au pardon royal.

« Est-ce que la presse insulte, diffame ? Oui, mais c’est à la justice de régler ça, or aucun procès ne respecte les conditions d’un procès équitable », souligne Khalid Jamaï, ancien journaliste, père d’Aboubakr Jamaï, l’un des fondateurs du Journal hebdomadaire. « Ces procès sont bidons », lâche Abderrahim Jamaï, avocat homonyme qui a souvent défendu la presse – sans jamais gagner un procès. « C’est difficile à croire, mais ça marche sans règles, soupire Ahmed Benchemsi, directeur de la publication de Tel Quel. Il faut savoir humer l’atmosphère. » Le magazine francophone, et sa version arabe Nichane, qui a déjà connu cinq procès, deux saisies, une interdiction, doit souvent composer avec les « lignes rouges ».

Ces propos haineux ne sont pas isolés – 55 medersas de formation de kamikazes islamo-fascistes de Peshawar à Sidi Moumen ont ainsi vomi leur haine contre le Marock:

Des associations arabes pour la liberté de la presse au Maroc: l’antidote au choc des civilisations

Trente et un membres de l’IFEX et 24 autres organisations condamnent l’offensive contre la liberté de la presse

(ANHRI/IFEX) – Le 23 octobre 2009 – Les organisations dénoncent les arrestations et le harcèlement incessants contre les journalistes et la presse indépendente:

Nous, soussignées, organisations de défense de la liberté de la presse et de la liberté d’expression, appelons le gouvernement marocain à cesser sa campagne contre la liberté de la presse, la plus violente qu’ait connu le Royaume depuis l’accession du souverain Mohamed VI au pouvoir en 1999.

Les trois derniers mois (août-octobre 2009) ont été marqués par une recrudescence de la campagne contre la liberté de la presse au Maroc. L’hebdomadaire indépendant francophone “Tel Quel” et sa version arabophone “Nichane” ont été interdits de publication, début août 2009, pour avoir publié un sondage sur la gouvernance de Mohamed VI, jugé outrageant pour le souverain et contraire aux bonnes mœurs.

Le 28 septembre 2008, le ministère marocain de l’Intérieur a fermé les locaux du quotidien indépendant arabophone “Akhbar Al Yaoum” sans décision de justice. Taoufik Bouachrine, directeur de la publication, et le caricaturiste Khaled Keddar ont été poursuivis en justice à la suite de la publication d’une caricature qui constitue, selon le ministère de l’Intérieur, “une atteinte au respect dû à un membre de la famille royale”.

Le 15 octobre 2009, le tribunal de première instance de Rabat a condamné Driss Chahtane, directeur de l’hebdomadaire arabophone “Al Michaal”, à un an de prison ferme pour avoir publié des articles évoquant la santé du Roi Mohamed VI. Driss Chahtane a été arrêté immédiatement après l’énoncé du verdit, sans attendre la procédure d’appel. Rachid Mahamid et Mustapha Hayrane, deux journalistes travaillant dans le même journal, se sont vus infliger des peines de trois mois de prison ferme et une amende de 5.000 dirhams (environs 655 $US) sans être arrêtés.

Dans une affaire séparée, mais pour les mêmes motifs, Ali Anouzla, directeur du quotidien arabophone “Al Jarida Al Oula”, et Bouchra Edaou, journaliste dans le même journal, seront traduits en justice, à Rabat, le 26 octobre 2009, pour publication de fausses informations concernant la santé du Souverain.

Ces procès qui ciblent, essentiellement, la presse indépendante, constituent une régression grave de la liberté de la presse au Maroc et risquent d’anéantir la petite marge de liberté qui existe encore dans ce Royaume. Ils constituent aussi une menace sérieuse pour la liberté de la presse dans le monde arabe, sachant que le Maroc représente un modèle pour les journalistes de la région.

L’emprisonnement des journalistes et l’interdiction des publications au Maroc constituent, faut-il le rappeler, une violation flagrante de l’article 19 (2) du pacte international relatif aux droits civils et politiques, ratifié par le gouvernement marocain.

Cet article énonce: “Toute personne a droit à la liberté d’expression; ce droit comprend la liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce, sans considération de frontières, sous une forme orale, écrite, imprimée ou artistique, ou par tout autre moyen de son choix”.

Nous dénonçons ces procès à caractère politique. Nous dénonçons le harcèlement incessant contre les journalistes qui accomplissent leur devoir professionnel en diffusant des informations que le gouvernement marocain juge comme étant un franchissement des lignes rouges, telles que la santé du Roi ou les affaires de corruption qui intéressent l’opinion publique.

Les organisations arabes et internationales de défense de la liberté de la presse et de la liberté d’expression, soussignées, expriment leur entière solidarité avec les journaux et les journalistes marocains victimes de ces poursuites judiciaires. Elles appellent le gouvernement marocain à mettre fin à cette campagne contre la liberté de la presse et à abolir les peines privatives de liberté dans les procès de presse. Elles appellent, également, le gouvernement marocain à lever l’embargo imposé au quotidien “Akhbar Al Yaoum” et à l’autoriser à reparaître.

Les organisations signataires:

Arabic Network for Human Rights Information

ARTICLE 19: Global Campaign for Free Expression

Adil Soz – International Foundation for Protection of Freedom of Speech

Arab Archives Institute

Association Mondiale des Journaux et des Éditeurs de Médias d’Information

Bahrain Center for Human Rights

Cairo Institute for Human Rights Studies

Canadian Journalists for Free Expression

Center for Media Studies & Peace Building

Centro de Reportes Informativos sobre Guatemala

Comité por la Libre Expresión

Ethiopian Freepress Journalists’ Association

Exiled Journalists Network

Freedom House

Greek Helsinki Monitor

Index on Censorship

Institute of Mass Information

International Press Institute

Le Comité pour la protection des journalistes

Maharat Foundation (Skills Foundation)

Media Institute of Southern Africa

Media Rights Agenda

Media Watch

Pacific Freedom Forum

Pacific Islands News Association

Pakistan Press Foundation

Palestinian Center for Development and Media Freedoms

Public Association “Journalists”

Reporters sans frontières

The Egyptian Organization For Human Rights

World Press Freedom Committee

Al-Karamah “Dignity” Foundation for Human Rights, Egypt

Andalus Institute for Tolerance and Anti-Violence Studies, Egypt

Arab Commission for Human Rights

Arab-European Forum for Human Rights

Arab Organization for Supporting the Civil Society and Human Rights

Arabic Program for Human Rights Activists, Egypt

Association for Freedom of Thought and Expression, Egypt

Awlad Alard Organization for Human Rights

Bahraini Association for Human Rights

Bahrain Youth Society for Human Rights

Damascus Center for Theoretical and Civil Rights Studies, Syria

Egyptian Association against Torture

Egyptian Center for Economic and Social Rights

Egyptian Initiative for Personal Rights

Euro-Arab Forum for Freedom of Expression

General Assembly for Human Rights Defenders in the Arab World, France

Hisham Mubarak Law Center, Egypt

Human Rights First Society, Saudi Arabia

Nadeem Center for Psychological Therapy and Rehabilitation of the Victims of Violence, Egypt

One World for Development and Sustainability of Civil Society

Palestinian Human Rights Foundation (Monitor)

Reporters without Rights

Voix Libre pour les Droits de l’homme, Switzerland

Yemeni Organization for the Defense of Democratic Rights and Freedom

Pour vous donner une idée définitive de la haine anti-marocaine qui suinte un peu partout, ces quelques communiqués et rapports d’un ramassis de plumitifs oisifs qui nous haïssent pour nos libertés, le Committee to Protect Journalists:

– « CPJ urges Morocco to halt politicized prosecutions » (15 mars 2010)

– « CPJ trip to Morocco reveals gap between rhetoric and reality » (3 mars 2010);

– « Attacks on the Press 2009: Morocco » (16 février 2010);

– « Morocco’s most critical publication faces closure » (29 janvier 2010)

Heureusement, il nous reste la Confrérie des compagnons de Gutenberg.

Sartre et la presse makhzénienne, ou les mains sales et la nausée

Pierre Desproges savait bien ce qu’il disait (je cite de mémoire): « Achetez Le Figaro et vous aurez deux oeuvres de Sartre pour le prix d’un journal: La Nausée et les Mains sales« . A son modeste niveau, avec ses faibles moyens, la presse officieuse marocaine tente de se hisser à la hauteur de sa consoeur française – même si la lecture de cette presse sur Internet nous évite les mains sales.

Dernière occasion en date de le constater, un éditorial d’Omar Dahbi d’Aujourd’hui le Maroc pour déclarer son enthousiasme de démocrate à l’idée d’arrêter et de poursuivre au pénal ceux qui militent en faveur du boycott des élections communales – en l’occurence, les militants d’Annahj adimoqrati dont je vous ai déjà entretenus. Pour rappel, entre le 8 et le 10 juin, plus d’une dizaine de militants d’Annahj adimoqrati, parti légal d’extrême-gauche successeur d’Ilal amam et dont les militants sont à la tête de l’AMDH, furent arrêtés par les forces de l’ordre à Casablanca, Rabat, Midelt, Guercif et Mohammedia – le secrétaire général du parti, Abdallah Harif fut même convoqué à un commissariat à Rabat où il fut interrogé quatre heures durant non sur telle ou telle action de son parti, mais sur le contenu politique de ses tracts et communiqués appelant au boycott.

Autant citer l’article en entier:

De l’incohérence

ABDELLAH-EL-HARRIF-1944

 Que peut-on trouver de démocratique à la campagne menée par les membres du parti d’Annahj Addimocrati pour inciter les citoyens à boycotter les élections communales ?
Des voix se sont élevées ces derniers jours pour protester, au nom de la démocratie, contre l’interpellation par la police judiciaire des camarades de Abdellah El Harrif au moment où ils distribuaient des tracts appelant au boycott des Communales.Toutefois, la protestation est aussi irrationnelle que la campagne elle-même. «Ce que El Harrif et ses camarades ont fait, entre dans le cadre de l’opération démocratique qui se base sur la liberté du choix. Et El Harrif et ses camarades ont choisi de boycotter les élections de vendredi. Et c’est leur droit comme il est du droit des partisans d’autres formations d’opter pour le choix de la participation», indique un éditorial d’Al Jarida Al Oula avant d’ajouter que «la vraie démocratie ne peut se normaliser que si l’on respecte les droits du citoyen à exprimer son opinion en toute liberté».Cette prise de position exprimée librement et dans le respect des règles de la démocratie est juste. Personne ne peut dire le contraire. Même le ministre de l’Intérieur, Chakib Benmoussa est, certainement, d’accord avec cette opinion. Le problème dans tout cela c’est que l’argument utilisé pour soutenir l’idée selon laquelle l’interpellation d’El Harrif et ses camarades serait anti-démocratique est faux. Car les dirigeants et les militants d’Annahj n’ont pas été interpellés à cause de leur choix. Ils sont libres de choisir de boycotter les élections. Mais, par contre, et la loi est claire là-dessus, il est interdit de mener campagne contre les élections (articles 90 du code électoral, 46 de la loi organique 31/97 relative à la Chambre des représentants) et de provoquer un attroupement non autorisé sur la voie publique ainsi que de distribuer des tracts conformément au Code pénal. Prendre une position est légitime, l’exprimer l’est aussi, mais sans enfreindre la loi.Pour ce qui est de la démocratie, il n’est pas cohérent d’invoquer les règles de la démocratie pour appeler à boycotter l’une de ses expressions les plus significatives : le vote.Quand on affirme militer pour l’instauration de la démocratie dans la société, on milite pour sensibiliser les gens à l’importance de l’acte électoral. On ne leur apprend pas à mépriser l’acte électoral. Comment peut-on exister en tant que parti grâce à un système démocratique et se diriger au nom de ce parti aux gens en leur disant : «ne votez pas !» ?  Comment peut-on invoquer les règles de la démocratie pour la renier ? De l’incohérence, tout simplement.
Le 12-06-2009 à 11:55
Par : Omar DAHBI

Résumons: Annahj adimoqrati et ses militants ont le droit de ne pas voter. Ils n’ont pas le droit de diffuser cette conviction publiquement. Et finalement, ils n’ont pas vraiment le droit de ne pas « sensibiliser les gens à l’importance de l’acte électoral » car alors ils renient la démocratie. J’espère ne pas avoir raté un épisode. Je ne sais pas si ces propos méritent qu’on s’y attarde trop, sinon pour relever la malhonnêteté du procédé: évoquer l’appel au boycott d’Annahj sans évoquer les raisons de ce boycott, fondées justement sur le caractère non-démocratique des institutions et de la constitution marocaines – Abdallah Harif les évoque dans une vidéo postée sur youtube: despotisme, pouvoir individuel absolu, constitution octroyée, impunité des auteurs de crimes d’Etat, mainmise accrue sur les secteurs politique, économique, culturel et religieux interdisant toute véritable alternance au pouvoir, etc. On peut partager ou contester son analyse (je me situe pour ma part un peu entre ces deux positions), mais la moindre des choses serait d’évoquer ses arguments quand on polémique contre lui.

Par contre, lorsque l’éditorialiste tente de se lancer dans un raisonnement juridique, ça mérite quelques commentaires. Citons le passage en question:

la loi est claire là-dessus, il est interdit de mener campagne contre les élections (articles 90 du code électoral, 46 de la loi organique 31/97 relative à la Chambre des représentants) et de provoquer un attroupement non autorisé sur la voie publique ainsi que de distribuer des tracts conformément au Code pénal. Prendre une position est légitime, l’exprimer l’est aussi, mais sans enfreindre la loi.

Comme je l’avais expliqué dans un précédent billet, l’article 90 du Code électoral n’est pas clair, bien au contraire: le texte même de cette disposition n’interdit que l’incitation à l’abstention si elle est fondée sur des « fausses nouvelles, bruits calomnieux ou autres manoeuvres frauduleuses« . Comme je l’avais indiqué, ce sont là des termes vagues susceptibles d’être instrumentalisés tant par le ministère de l’intérieur que par les magistrats, afin d’attindre non seulement des manoeuvres frauduleuses mais également des opinions politiques qui auraient le malheur de déplaire aux autorités.

Il est parfaitement justifié de vouloir sanctionner ceux qui, par des fausses nouvelles ou autres manoeuvres frauduleuses, tenteraient de détourner des électeurs du vote. Une des manoeuvres les plus courantes est par exemple de faire croire à un groupe d’électeurs susceptibles de voter pour un adversaire que les opérations de vote sont annulées ou reportées, ou de donner des horaires d’ouverture et des emplacements erronés s’agissant des bureaux de vote. Dans un Etat qui s’affirme démocratique, ce sont de telles actions qui mériteraient la censure du juge répressif, et pas des notions fourre-tout visant à réprimer toute pensée sortant des lignes rouges définies par le makhzen. Car s’il s’agit de réprimer les injures ou les imputations diffamatoires, le droit commun du Code de la presse (les articles 44 à 51bis notamment) devrait suffire.

La référence à la loi organique n°31-97 relative à la Chambre des représentants est particulièrement stupide, puisque cette loi n’a vocation à s’appliquer qu’aux élections à la Chambre des Représentants. S’agissant de la référence à un attroupement, l’éditorialiste visait sans doute plutôt la participation à une manifestation non autorisée (article 14 du dahir n° 1-58-377 du 15 novembre 1958  (3 joumada I 1378) relatif aux rassemblements publics) qu’à un attroupement à proprement parler, même si la distinction entre les deux est assez obscure. Il faut surtout souligner le caractère contraignant que ce dahir pose pour la tenue de manifestations sur la voie publique: déclaration préalable, « signée par trois personnes domiciliées dans la préfecture ou province où la réunion devra avoir lieu et [qui] indiquera les noms, qualités et adresses des signataires ainsi qu’une copie certifiée conforme de chaque carte d’identité nationale » – et le problème récurrent du refus de délivrer le récepissé de dépôt de la déclaration, classique également en matière de dépôt de demandes de constitution d’association. Enfin, la référence au Code pénal semble faire référence à l’article 608 10°) :

Sont punis de la détention d’un à quinze jours et d’une amende de 20 à 200 dirhams ou de l’une de ces deux peines seulement :
(…)
10° Ceux qui embarrassent la voie publique, en y dé posant ou y laissant sans nécessité des matériaux ou des choses quelconques qui empêchent ou diminuent la liberté ou la sûreté de passage.

« Diminuer la liberté de passage » – si votre tour de taille est trop grand, et que vous vous promenez ailleurs que sur les larges avenues de Racine ou Souissi, vous êtes donc justiciable de l’article 608 10°)…