Le Vlaams Belang invité en Israël: « Still, Israel is in a crucial struggle and can’t be choosy with allies now »

Suite à l’amicale pression de commentateurs qui trouvent que je ne parle pas assez de Palestine, je comptais vous rendre rapidement compte de l’invitation d’un député d’extrême-droite Ariyeh Eldad (il représente le parti révisionniste – au sens sioniste du termeMoledet à la Knesset), à l’idéologie proche d’un David Duke ou du bien-nommé Eugène Terre-Blanche, adressée au parti séparatiste et raciste belge (ou plutôt flamand) Vlaams Belang.

Background: le Vlaams Belang est le nouveau nom dont s’est affublé l’ancien Vlaams Blok après qu’un tribunal belge l’ait considéré comme étant anti-démocratique, et donc non-susceptible de recevoir le financement public dû à tous les partis belges représentés au parlement. Afin de pouvoir continuer à toucher le pactole – au passage, ce pactole leur est versé par un Etat dont ils souhaitent la disparition… – le Vlaams Blok se saborda et se reconstitua en Vlaams Belang. Les personnes sont les mêmes et le programme est en substance identique à l’ancien, fondé sur le triptyque indépéndance de la Flandre, xénophobie et islamophobie. Il faut savoir, pour être complet que l’un des fondateurs du Vlaams Blok était l’ancien SS Karel Dillen, resté fidèle à ses « idéaux » de jeunesse jusqu’à sa mort. De fait, l’ancienne génération du séparatisme flamand est marquée par la présence d’un nombre considérable d’anciens collaborateurs pro-nazis durant l’occupation allemande, favorable au nationalisme flamand même si le collaborateur belge le plus célèbre de la période fût le francophone Léon Degrelle. Et ce n’est pas peu dire que la politique du parti s’en ressent encore aujourd’hui

En l’occurence, le flirt entre les séparatistes racistes du Vlaams Belang n’est pas de fraîche date, et son leader actuel, Frank Vanhecke, se décritj’en ai déjà parlé – comme un des plus fermes défenseurs d’Israël. L’invitation en question, pour un sommet « anti-jihad » devant se tenir à Al Qods (Jérusalem), semble être entourée d’incertitude, puisque si le chef spirituel du Vlaams Belang, Filip Dewinter, confirme publiquement son existence, le secrétariat d’Ariyeh Eldad semble embarassé et ne confirme pas l’existence d’une telle invitation – mais l’intention y est:

Eldad said last month he would consider inviting Vlaams Belang to Jerusalem. « Theoretically, I would, » he said when queried. « On paper, Vlaams Belang is so pro-Jewish it should chair the conference, but we’re aware of its problematic aspects, » he added. « Still, Israel is in a crucial struggle and can’t be choosy with allies now. » Eldad said he organized the event due to take place on Sunday because of this urgency.

Effectivement, il ne faut pas faire la fine bouche pour s’allier avec un Filip Dewinter, qui a cependant fait une danse du ventre obstinée et sans ambiguïté:

Indeed, during recent years, Dewinter has made himself into Israel’s « No. 1 Belgian friend » and he is now interested in making an official visit. (…)

« I’m interested in visiting Israel, » Dewinter says in the interview. « First of all, from a geopolitical point of view. We in Western Europe should realize that our allies are not in the Arab or Muslim world, but rather in Israel. This is not just because we have a common civilization and values, but also to balance out the Islamic forces in the Middle East that are getting stronger. The State of Israel is a sort of outpost for our Western society, an outpost of democracy, of freedom of speech, of protecting common values within a hostile environment. You are surrounded by Islamic states, some of them fundamentalist, which are interested in only one thing: to throw the Jews into the sea.

« I also think that Islam is now the No. 1 enemy not only of Europe, but of the entire free world. After communism, the greatest threat to the West is radical fundamentalist Islam. There are already 25-30 million Muslims on Europe’s soil and this becomes a threat. It’s a real Trojan horse. Thus, I think that an alliance is needed between Western Europe and the State of Israel. I think we in Western Europe are too critical of Israel and we should support Israel in its struggle to survive. I think we should support Israel more than we do because its struggle is also very important for us. »

But Dewinter admits that he wants to visit Israel for other reasons. « It’s very important to me as leader of a right-wing national party [he rejects defining the party as « far right » – A.S.] to say that we respect the State of Israel and the Jews. To all of those who regard us as neo-Nazis, we say: `No, we want good relations with the Jews.’ We should distance ourselves from all of those individuals and groups with anti-Semitic tendencies and from Holocaust deniers. I have no connection with these things. Because I am a leader of a right-wing party, some of the Jewish leaders in Antwerp do not believe that I am sincere. They think that this is a pose, that I am doing this to avoid being regarded as a neo-Nazi and that I am afraid they will call me a fascist. I’m interested in visiting Israel to express my affinity, but also to prove that I’m sincere. »

On peut comprendre la perplexité d’observateurs peu au fait de la distinction entre antisionisme et antisémitisme: un parti fondé initialement par un Waffen SS, invité par un membre, juif qui plus est, de la Knesset, voilà de quoi surprendre. C’est oublier qu’aux yeux des gouvernements israëliens, être anti-sémite est un pêché mineur comparé au pêché majeur que constitue la critique de l’Etat d’Israël et de ses politiques, qualifiée d’anti-sionisme. Je ne mentionnerai même pas le cas de l’Arabie séoudite, allié objectif d’Israël au Moyen-Orient aujourd’hui, et dont l’approche du dialogue inter-religieux n’est sans doute pas près d’atteindre les standards posés par le Centre Wiesenthal ou l’Anti-Defamation League. 

En Italie, le post-fasciste Gianfranco Fini, leader d’Alleanza Nazionale, qui avait autrefois qualifié Benito Mussolini de plus grand personnage politique du XXe siècle avant de tourner casaque, a résolument pris un virage susceptible de faciliter sa « normalisation » politique en Italie et à l’étranger, aujourd’hui très largement acquise. Il faut dire qu’il avait fait des efforts louables pour montrer patte blanche, en déclarant récemment que le fait de brûler des drapeaux israëliens était plus grave que le meurtre d’une victime d’un gang néo-nazi, et pouvait se targuer d’avoir été reçu par Sharon. 

L’ancienne députée de son parti, et petite fille du Duce, Alessandra Mussolini, désormais membre du parti berlusconien Il Popolo della Libertà, qui avait dit au sujet de Fini qu’il ferait circoncire les membres de son parti afin de partir en pélérinage en Israël, avait également fini par voir la lumière:

« Not only Gianfranco Fini, but the entire world, including the Vatican and the pope, should beg forgiveness of Israel »

De même, le maire post-fasciste de Rome, Gianni Alemanno, qui décrit le fascisme et la République de Salo en des termes nostalgiques, a réussi a attiré une partie du vote juif romain en raison de son appui sans faille à Israël, et s’est acheté un certificat de virginité en visitant Auschwitz et surtout en déclarant que « défendre Israël c’est défendre l’Occident« .

En Grande-Bretagne, le British National Party, aux racines explicitement fascistes et antisémites, a tenté aussi récemment de redorer son blason en faisant profession de foi pro-israëlienne, notamment lors de la guerre du Liban d’août 2006. Et même l’antisémite chevronné qu’est Le Pen avait tenté de tromper son monde, en affirmant son soutien à Israël, pas plus tard qu’en 2002 (« Israel? An extraordinary challenge in the world history of a people that is trying to reconquer its homeland« ), et en se faisant publiquement adouber par Roger Cukierman, alors président du CRIF: « Le Pen’s triumph: a message to Muslims to keep quiet« .

En Roumanie, le leader du parti d’extrême-droite Romania Mare, Vadim Tudor, a lui aussi entamé un revirement exprès, après s’être fait une spécialité dans des déclarations anti-sémites (« I love Jesus Christ too much not to think every day about those who humiliated Him, those who stoned Him, those who crucified Him and those who hammered nails into Him. The Jews did this. The Jews of 2,000 years ago, the Jews of all times« ). Il a pris un conseiller politique israëlien proche de Likoud et a opéré une volte-face qui réconfortera les incurables optimistes, tout en gardant un arrière-goût très particulier:

What is there in the 2004 model Tudor? First of all, his almost mythic belief in the power of the Jews, the United States and Israel and their influence on the entire world and Romania in particular: « It is clear that no one can do anything in a state like Romania without American or Israeli advice, » he says. « I will relate to what these advisers say. I will appoint a prime minister who will be acceptable to the West, » he promises. « If needed, if I get a hint, if someone’s name is given to me – I will agree to him. Because then I will know that some of the problems that have to do with the international community will be solved immediately upon his appointment. »

The recognition of Israel’s power led him to retract his previous opposition to American involvement in the Persian Gulf. « Israel’s security played a role in the American strategy. You have to recognize this and be proud of this. Those who should fear are those who do not take into account this people, which was really chosen by God, » he affirms. « Look what happened to Hitler. His regime could have lasted for 100 years through an awesome military and propaganda machine. It lasted for only 12 years. God smote him very quickly because he bullied the wrong people. »

Cette tendance, selon laquelle des antisémites réels ou passés recoivent l’absolution en raison de leur soutien au gouvernement israëlien, a déjà été relevée par Arthur Neslen – « When an anti-semite is not an anti-semite« , qui souligne qu’Albert Einstein, Gandhi et Ehoud Olmert pouvaient être considérés comme anti-sémites en appliquant l’aberrante définition retenue par des experts du l’Agence européenne pour les droits fondamentaux (ex-EUMC), mais rejetés par la suite après la levée de boucliers – il était notamment apparu que la définition avait été basée sur une suggestion d’un lobbyiste pro-israëlien, Kenneth S. Stern. Et la presse israëlienne elle-même relève – « It’s no longer the Jews » – que l’extrême-droite européenne, en Autriche, en Italie et ailleurs, ne se nourrit plus tellement d’antisémitisme, mais plutôt de xénophobie – il faudrait y rajouter l’islamophobie – ce constat, qui est une évidence, s’impose également au think-tank pro-israëlien et néo-con Middle East Forum, fondé par l’islamophobe Daniel Pipes.

Mais comme le dit Ariyeh Eldad: you can’t be choosy with allies.

10 Réponses

  1. IK Salut,

    Les mouvements d’extrême droite européens, tous, sans exception n’ont jamais été antisionistes (en tous cas ils ne s’en sont jamais pris à Herzel, Ben Gourion , Golda Meir ou autres généraux ayant commis aux crimes qui ont terrorisé la population palestinienne (musulmane et chrétienne) qui compte actuellement des millions de réfugiés, mais judéophobes.

    Depuis une dizaine d’années et des poussières le nouveau « juif » de ces mouvements, avec un point d’interrogation pour le NPD allemand qui reste très proche de l’auteur du Mein kampf, c’est l’islam et plus particulièrement l’immigré musulman.

    Que ce soit à Antwerpen (Anvers et tu as raison de souligner la Flandre, parce qu’en Wallonie, l’islamophobie il n’existe à ma connaissance pas de mouvement néo-nazi), Amsterdam, Copenhagen, Vienne, Rome, etc… (Le problème ne se pose pas à Athènes et c’est historiquement intéressant), « l’étoile » de David a été remplacée par le « croissant » musulman .

    Ces mouvements sont pro-israéliens et nouveauté pro-sionistes.

    hors sujet mais quand même un peu « in sujet »: Si deux parallèles ne se rejoignent jamais, les extrêmes se rejoignent toujours.

  2. Amina: je n’irai pas jusqu’à dire que tous les mouvements d’extrême-droite européens ont tous toujours été antisionistes – le FPÖ est un exemple, je pourrais citer de mémoire la Nouvelle Droite française de Jean-Gilles Malliarakis qui était anti-américain et anti-israëlien, sans compter quelques groupuscules et individus ici et là. Et ceci, sans même traiter du cas Le Pen – on disait pour plaisanter auparavant qu’il y avait deux tendances idéologiques lourdes au FN, ceux qui détestent les juifs plus que les arabes (Le Pen) et ceux qui détestent les arabes plus que les juifs (Mégret).

    L’abandon programmatique de l’antisémitisme est sans doute le reflet des stratégies de normalisation de l’extrême-droite – être soupçonné d’antisémitisme équivaut à une mort politique instantanée. Un calcul payant, quand on voit que Dansk Folkeparti fait partie de la coalition gouvernementale au Danemark, sans compter la canonisation de Jörg Haider et Pim Fortuyn, et le blanchiment de Fini.

    Les extrêmes se rejoignent, tout comme les centres et tuttia quanti…

  3. A propos d’Einstein, c’est clairement établi d’après ses biographes qu’il n’a jamais soutenu la création de l’Etat d’Israël, et qu’il souhaitait plutôt que les Juifs s’installent en Palestine avec l’accord des Arabes. Mais bon, il n’a pas vraiment été contre après 48, il s’est même vu « proposer » le poste de président par David Ben Gourion, après le décès de Chaïm Weizmann, qu’il a décliné parcequ’il ne pourrait pas » assumer des actes qui seraient contraires à ses conviction pacifistes ». Il a donc probablement été contre les massacres des milices israéliennes, même si je n’ai pas connaissance d’une prise de position claire de sa part à ce sujet.

    Comme quoi les revues scientifiques sont aussi utiles pour la culture politique : c’est tiré d’un numéro spécial de Science&Vie sur Einstein.

  4. Le probleme qui fait un veritable danger de ces groupes nationalistes, c’est qu’ils se reconvertissent vers la haine ideologique. C’est a dire que ce n’est plus une histoire de race, mais plutot de culture et d’appartenance ideologique. Les Musulmans n’etant pas un groupe ethnique ou ethnoreligieux, il est donc plus facile de taper sur eux (surtout avec toutes ces crimes commis au nom de l’Islam). Et au final, tant qu’Israel restera un pays au fondements plus democratique que nos contrees, et que l’on n’aura pas de lobby influant a Washington, l’alliance de l’Occident avec les Sionistes tiendra la route pour encore longtemps.

  5. Rouge-vert-brun qu’ils disent ! Il s’agit encore d’une de ces inversions à la mode soviétique destinée à masquer la vérité à savoir que des pans entiers de l’extrême droite « occidentale » ont rallié l’axe américano-sioniste par anti-immigrationnisme, racisme, islamophobie etc.

  6. Spy Jones: il faisait partie du groupe autour de Judah Magnes, Martin Buber et Hannah Arendt, entre autres, à être anti- ou plutôt a-sionistes. Sigmund Freud était déjà mort en 48 mais était lui aussi réticent face au projet sioniste.

    En même temps, pour avoir lu quelques bouquins de l’historien anglais Michael Burleigh, spécialiste de l’Allemagne nazie, je me dis que l’esprit scientifique n’est rien face à l’idéologie et à l’environnement socio-politique.

    lixy: dire que les musulmans ne seraient pas un groupe ethnique est trop rapide. Ce dépend à mon sens des circonstances particulières de chaque société – des groupes religieux peuvent constituer des groupes ethniques (cf le cas des juifs), même si ce n’est pas toujours le cas. Et les musulmans – au sens sociologique du terme, donc pas forcément au sens religieux du terme – minoritaires en Europe aujourd’hui sont pas loin de constituer une minorité ethnique.

    Je ne dirais pas qu’Israël a des fondements plus démocratiques que les autres Etats du Moyen-Orient, car la colonisation et la dépossession n’ont rien de démocratique. Tout au plus peut-on reconnaître qu’il s’agit d’une démocratie ethnique, tout comme l’Afrique du Sud de l’apartheid était – très partiellement – démocratique pour la seule minorité blanche.

    le goujat: il ne faut pas être trop schématique – je ne crois pas à l’existence d’un grand complot, le rapporchement est plutôt le résultat des circonstances – l’extrême-droite était antisémite quand cela lui était profitable électoralement, elle devient islamophobe dans les mêmes conditions.

  7. @ IK
    Tout à fait d’accord avec ton approche : l’extrême droite change de « cible » au gré des périodes électorales !

    Par ailleurs, quel a été (et est toujours) le meilleure allié du sionisme : c’est l’antisémitisme tout simplement !

    Car plus il y aura d’antisémitisme dans le monde, et plus il y aura de  » juifs  » qui immigreront en Israël !

    Et il ne serait pas surprenant de voir le Mossad veiller…..à entretenir ce sentiment à travers le monde !

  8. […] Brenner, “Zionism in the Age of Dictators“, accessible en version intégrale ici). J’en ai déjà parlé: en Belgique, le Vlaams Belang, successeur du Vlaams Blok créé par un ancien SS flamand, se […]

  9. […] la fiction, et dans la lignée de mes précédents post sur le soutien de l’extrême-droite belge et scandinave à Israël je me suis rappelé, à la lecture d’un commentaire, d’une […]

Laisser un commentaire