Le PAM, les éléctions et l’article 5 de la loi sur les partis politiques, ou comment avoir juridiquement raison et politiquement tort

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Si vous croyez que le PAM de Fouad Ali el Himma – et la telenovela des dernières semaines autour de la transhumance des khobzistes attirés par l’odeur du makhzen – marque un changement qualitatif dans l’emprise du makhzen sur la scène politique marocaine, vous vous trompez lourdement: c’est le maintien au gouvernement en décembre dernier d’Abdelouahed Radi, premier secrétaire de l’USFP, qui est de très loin bien plus significatif. Lire la suite

La Kabylie, Bengurion Taghine les juifs marocains et Israël – ou comment donner une mauvaise réputation aux théories de la conspiration

Il y aurait de quoi écrire sur la sympathie de certains militants amazighs radicaux – guère représentatifs – pour Israël, sur la base du principe « l’ennemi de mon ennemi est mon ami » – n’est-ce pas, Ahmed Adghirni (1)? Mais là, ça devient franchement ridicule: un complot – dévoilé par le torchon algérien Ennahar – regroupant Ferhat Mehenni, fondateur du Mouvement pour l’autonomie de la Kabylie (MAK) – pour lequel je n’ai aucune sympathie, c’est une litote de le dire – la CIA, Israël, les juifs marocains et le judaïsme européen, sous l’ombre tutélaire de la France…

Comme je l’ai écrit chez Maghreb Politics Review, il ne manque que les chiites, Bob Ménard et Moulay Hicham…

Par ailleurs, toujours chez Maghreb Politics Review, le post le plus complet du web sur le psychodrame des parlementaires nomades du PAM de moul traktor, dû à alle.

(1) Cf Tel Quel n° 304 du 29/12/2007:

Adghirni. I love Israël

Le trublion amazigh a brisé le tabou de la normalisation avec Israël, en se rendant à Tel Aviv du 17 au 20 décembre. Ahmed Adghirni était invité par l’Organisation de la sécurité et de la coopération en Europe en tant que président du Parti démocratique amazigh marocain, une formation non reconnue par le ministère de l’Intérieur. Objet de l’invitation : un séminaire sur “La tolérance et l’antisémitisme”. Adghirni était d’ailleurs accompagné par un de ses camarades au sein de l’association d’amitié entre les juifs et les amazighs. “Nous avons assisté aux débats généraux et n’avons pas eu de contacts privés avec les Israéliens”, nous a déclaré le militant berbère.

« El Himma is relying on the three parties most known for lacking a clear message and being nothing more than a collection of pro-palace elites »

Tiré de l’Arab Reform Bulletin du Carnegie Endowment for International Peace – bulletin qui n’est pas trop ma tasse de thé – plus spécifiquement d’un article d’un chercheur – James Liddell – du Project on Middle East Democracy, un think-tank très mainstream de Washington tout dévoué à la « démocratisation » du Moyen-Orient par la bonne fée étatsunienne, cet article sur Fouad Ali el Himma et son PAM (programme alimentaire marocain Parti authenticité et modernité):

While it is too early to predict the PAM’s long-term impact on the dynamics of Moroccan politics, its initial maneuvers reveal a reinforcement of embedded elite structures rather than any sort of renewal or change. From the outset, El Himma aggressively pursued alliances with the Popular Movement (MP), Constitutional Union (UC), and National Rally of Independents (RNI). The PAM merged recently with RNI to form the largest coalition in Parliament—“Rally and Modernity”—and the MP and UC are expected to follow suit. El Himma is relying on the three parties most known for lacking a clear message and being nothing more than a collection of pro-palace elites. Representatives from these parties are primarily rural notables and urban elites who gain parliamentary seats due to their patronage networks. They have little to no contact with their constituents and typically move from party to party.

power and personality—and not formal institutions—remain the most effective means of accomplishing things in Morocco.

In his efforts to build support for the PAM, El Himma routinely invokes the discourse of modernity; time after time, however, he resorts to practices of clientelism that contradict such language.

The irony, of course, is that the PJD is—by any definition—the most modern political party in Morocco. It is the most internally democratic party, the only one with a constituent relations program, and the only one that draws votes based on the party’s message and not the candidates’ family names. While most representatives view parliament as an old boys’ club for renewing personal contacts, the PJD has enacted a parliamentary code of ethics to discipline its representatives. This requires them to draft amendments, propose new legislation, and ask oral questions. While many parliamentarians from other parties do not bother to show up most of the time, the PJD requires attendance at plenary and committee sessions.

Intéressant de relever que même un think-thank washingtonien, par définition plutôt prédisposé à voir d’un bon oeil une initiative d’un proche du palais – fidèle allié étatsunien – pour contrer l’islamisme politique et « moderniser » la vie politique, ne soit pas dupe de la modernité authentique. La lune de miel aura été courte.

Addendum: Je ne croyais pas si bien dire dans ma dernière phrase – il y a six mois, un autre chercheur – Andrew Ng – du même think-tank était d’un optimisme béat au sujet de l’aventure du programme alimentaire marocain Parti authenticité et modernité, comparant même – merci de contrôler votre vessie en lisant ce qui suit – moul traktor à Barack Obama (yes, they did!):

While little noted outside of Morocco, the emergence of the movement carries notable implications for reform in the kingdom. As with presidential candidate Barack Obama’s rhetoric of “post-partisan politics” in the United States, the movement begs the immediate question of what a broad-based call to transcend the current political system can actually amount to.

Ironically, the movement may well absorb some of the anger and alienation that expressed itself in the 37 percent voter turnout and alarmingly high rate of ballot spoilage in the 2007 elections. Himma’s castigation of national elites and parliament resonates with public opinion, while his association with the king actually works in the movement’s favor on balance by lending it credibility.

That the movement will simply renew the political system and not reform it is not necessarily a foregone conclusion, depending upon the movement’s vision for parliament. The more the MAD behaves like a royally-blessed association dismissive of parliament, the more it will reinforce the political status quo. The more, however, the movement builds up a grassroots network that puts the parliament to work and creates pressure among existing traditional political parties to step up—especially as it transitions from a movement into a political party—the less ironic its name will sound.

I’ve never heard anything funnier in the field of political satire since Tina Fey’s impersonification of Sarah Palin.

Mustapha Manouzi, secrétaire général du Forum vérité et justice: « L’armée doit ouvrir ses archives »

Entretien paru dans Le Journal hebdomadaire du 14 juin 2008 (p. 22), cet hebdo qui a décidé en 2008 de se passer de site Internet:

Mustapha Manouzi, secrétaire général du Forum vérité et justice: « L’armée doit ouvrir ses archives »
Par Hicham Houdaïfa

Cela fait longtemps que le Forum n’a pas organisé de caravanes. Fallait-il attendre la découverte des fosses communes pour entreprendre cette action?

Au Forum, nous avons un calendrier établi au préalable. D’ailleurs, nous avons des données sur les fosses communes dans tout le Nord du pays. Nador est une ville qui a été citée par les familles des victimes. Ces témoignages prouvent l’existence d’au moins deux fosses communes à Nador. Quand la fosse commune a été révélée, la décision a été prise par le Forum de manifester contre la manière avec laquelle l’Etat gère ce dossier des disparus. Et pour renforcer la dynamique de la vérité.

Qui a fait partie de cette caravane?

Des membres du Forum, des familles victimes de la disparition forcée et des militants des droits humains. Toutes les sections ont dépêché des représentants. L’Association marocaine des droits humains a également été du voyage.

On raconte que vous avez été boycotté par la société civile locale…

Au contraire, il y avait une présence massive du tissu associatif du Rif à l’exception d’une association culturelle amazigh. Leur argument, c’est que cette affaire relevait d’un caractère purement local.

Herzenni limite à seulement deux le nombre de fosses communes encore à découvrir…

L’Etat parle des découvertes, fruit du seul hasard. Cela veut tout simplement dire que nous pouvons tomber « par hasard’ sur d’autres fosses communes à côté de celles dont parle le président du CCDH. Nous serons donc obligés de faire confiance à ce hasard pour que les familles des disparus puissent un jour savoir ce qui est arrivé aux leurs. Les 66 cas de disparus dont le sort n’est pas encore connnu ont été kidnappés par des éléments de l’armée. C’est l’armée qui détient les clefs de ce dossier.

Le dossier des violations n’est donc pas clos…

Bien sûr que non. Puisque la condition de base, à savoir que toute la vérité soit révélée sur les années de plomb, n’a pas encore été remplie. L’Etat veut la réconciliation sans équité et sans vérité. Puis, il y a cette absence de stratégie dans le processus de réparation avec marginalisation du Forum, le représentant des victimes des violations graves de droits humains. Comble de l’ironie: les tanskiyates (coordinations de réparation) sont gérées par les autorités locales!

Et le CCDH dans tout ça?

Le CCDH et son président sont sortis de leur rôle. Le Conseil devient un porte-parole de l’Etat qui défend ses intérêts. Comment interpréter autrement des déclarations faites par Herzenni qui assure que la vérité a été entièrement révélée et que ce dossier sera clos à la fin de 2008.

Donc la mort du Forum

Au contraire, parlons plutôt de renaissance du Forum qui adoptera une nouvelle approche. Au départ, la mission du Forum était de limiter son action aux violations graves qui ont eu lieu entre 1956 et 1999. Lors de notre prochain congrès, on va étudier la possibilité de modifier les statuts et la plate-forme du Forum pour satisfaire les revendications des victimes des violations commises après 1999.

Des violations graves ont-elles encore lieu dans le Maroc d’aujourd’hui?

Graves ou pas graves, la question n’est pas là. Le Maroc pour se proclamer Etat de droit se doit d’abord de respecter ses engagements vis-à-vis d’une instance qu’il a lui-même créée. Ensuite, il doit mettre ses lois au niveau des lois internationales en vigueur. Tant que ces conditions ne sont pas remplies, le Forum se doit d’exister.

Malgré les critiques des ex-membres du Forum devenus des amis d’El Himma

Sans le Forum vérité et justice, ces personnes n’auraient jamais existé. Ils ont construit une carrière à partir du Forum. Ils ont négocié avec El Himma à partir du Forum. Je les considère comme de simples fonctionnaires de l’Etat qui sont largement rémunérés pour leur travail. Des maillons faibles des militants des droits de l’homme. Ils ne peuvent pas arrêter le cours de l’histoire.

Houcine Manouzi est votre cousin. Avec Ben Barka, il fait partie des dizaines de disparus dont le sort est encore inconnu…

L’affaire des disparus pourrait trouver sa solution si l’Etat le voulait bien. Mais le pouvoir ne trouve pas son intérêt à être transparent et continue à instrumentaliser ce dossier. Franchement, nous vivons dans un Etat qui manque de confiance.

Ciel, mon parti…

Moul traktor n’aura – bien évidemment – tenu ses promesses (?) sur le caractère non-partisan du Mouvement pour tous les démocrates. L’annonce de la création du parti survient après la formation d’un groupe parlementaire « Authenticité et modernité » à la Chambre des Conseillers.

Le Monde s’en fait l’écho, et lit dans le discours royal un adoubement indirect de ce nouveau parti par le Roi:

Pour le neuvième anniversaire de son arrivée au pouvoir, Mohammed VI a choisi la ville de Fès, première capitale de l’histoire du royaume, pour prononcer, mercredi 30 juillet, son traditionnel discours sur l’état du royaume.

De ce discours d’une demi-heure, on retiendra surtout l’appel lancé aux partis politiques pour qu’ils favorisent l’émergence de « partis forts, fédérés en pôles homogènes », afin de rendre la scène politique marocaine « plus rationnelle ».

L’allusion n’était sans doute pas neutre. Elle adoubait indirectement un tout nouveau parti, dont la naissance avait été annoncée la veille par la presse marocaine. Cette formation devrait être animée par un ami de collège du souverain, Fouad Ali El-Himma, 45 ans, qui fait la « une » des journaux depuis des mois.

La correspondante du Monde, Florence Beaugé, poursuit:

M. Himma et son parti constituent-ils une intrusion supplémentaire du Palais dans la vie politique marocaine ? Beaucoup en sont persuadés, à commencer par le PJD. « Cette formation sera un ramassis de gens qui veulent se faire une place au soleil. Mais El-Himma ne réussira pas à rassembler des gens d’horizons si différents. Cette ratatouille ne sera pas de bon goût », gronde Lahcen Daoudi, vice-secrétaire général du PJD.

Quoi qu’il en soit, la vie politique marocaine est plus atone que jamais. Le premier ministre, Abbas Al-Fassi, issu du vieux parti de l’Istiqlal, ne cache pas que sa feuille de route est « celle du Palais ». Quant à l’Union socialiste des forces populaires (USFP), en pleine guerre de succession, elle ne se remet pas de sa défaite de septembre 2007. Arrivée en cinquième position à l’issue de ce scrutin marqué par une très forte abstention, l’USFP n’a pas réussi, lors de son congrès en juin, à désigner son prochain premier secrétaire.

Dans ce contexte, le roi continue de régner et de gouverner, fort du concept forgé par le Palais de « monarchie exécutive ». Personne, dans la classe politique, n’ose l’interpeller. C’est la presse qui s’en charge, avec une grande liberté de ton. Les journaux francophones Tel Quel et Le Journal hebdomadaire, ou encore le quotidien arabophone Al-Jarida al-Oula, ne se privent pas de critiquer les longues absences du souverain – soit en vacances, soit en province pour inaugurer des écoles, des centres sociaux, ou des barrages -, les conseils des ministres qui ne se tiennent pas pendant six mois d’affilée, ou encore l’affairisme de certains conseillers du palais.

Jeudi 31 juillet, en fin de journée, a eu lieu à Fès la cérémonie annuelle de la Bey’a. Juché sur un étalon, au milieu de 3 000 notables encapuchonnés dans des djellabas blanches, courbés en deux et hurlant littéralement leur allégeance, Mohammed VI a présidé ce spectacle grandiose dont la seule finalité, selon l’éditorialiste et directeur de Tel Quel, Ahmed Benchemsi, est de rappeler « la suprématie absolue du Seigneur et l’obéissance de ses sujets ».

Enthousiasmant, non?

Fouad Ali el Himma, « un jeune qui a tout abandonné »

Quand les éditorialistes du Matin du Sahara et de L’Economiste font relâche, on peut compter sur la première comédienne du Royaume, Touria Jabrane, accessoirement ministre de la culture, qui éblouit les foules dans Tel Quel d’il y a une semaine:

Mais qui avait proposé votre nom au roi ?
Franchement, je n’en ai pas la moindre idée.

Ce ne serait pas, par hasard, Fouad Ali El Himma, l’ami que vous avez soutenu lors de sa campagne électorale ?
Durant les élections, j’ai soutenu toutes les forces vives qui voulaient travailler pour le pays. J’ai aussi apporté mon soutien à plusieurs candidats de l’USFP, comme Habib El Malki et Latifa Jbabdi. Je me suis aussi affichée avec Nabil Benabdellah et Fouad Ali El Himma. Cela dit, El Himma nous donne l’exemple. C’est un jeune qui avait tout : une grande responsabilité et le pouvoir. Mais il a tout abandonné pour servir une région longtemps marginalisée. J’ai fait des tournées dans les campagnes, je connais les Rhamna aussi bien que Casablanca. La population y vit dans la misère : des patelins sans eau, ni électricité, ni écoles. Rhamna est seulement à 70 kilomètres de Marrakech, mais elle en est à des années-lumière en termes de développement.